Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1401

 

DATE :

29 novembre 2021

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Antonio Tiberio

Membre

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

 

DONALD DROUIN, conseiller en sécurité financière et en assurance collective de personnes (numéro de certificat 110726 et numéro de BDNI 1551441)

 

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des noms et prénoms des consommateurs impliqués dans la plainte, ainsi que de toute information permettant de les identifier. Il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’informations prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]          Le 20 août 2021[1], le comité de discipline a déclaré l’intimé coupable de ne pas avoir répondu de façon complète et sans délai aux demandes du syndic entre les
17 octobre et 7 novembre 2019.  Ainsi, l’intimé a contrevenu à l’infraction
d’entrave décrite à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (CDCSF).

[2]          Le 26 octobre 2021, les parties sont convoquées à une audience sur sanction.

[3]          À cette audience, les parties ont présenté la recommandation commune sur sanction suivante:

         la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 3 500 $ ainsi que des déboursés.  

[4]          Au soutien de celle-ci, elles ont soumis plusieurs décisions rendues sur des infractions d’entrave[2]. Ces décisions concluent au paiement d’une amende ou d’une période de radiation temporaire.

QUESTION EN LITIGE

En présence d’une recommandation commune, le comité doit déterminer si celle-ci déconsidère l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[5]          Même si une radiation est la sanction habituellement ordonnée en matière d’entrave, les parties soutiennent que, dans certaines circonstances, une amende constitue aussi une sanction appropriée.

[6]          Aux fins de cette recommandation, elles indiquent avoir tenu compte des éléments circonscrits par le Tribunal des professions (TP) dans l’affaire Serra rendue en matière d’entrave[3].  

[7]          Après avoir identifié les facteurs objectifs et subjectifs, tant aggravants qu’atténuants du présent dossier, elles concluent qu’une amende s’avère la sanction appropriée et demande au comité de donner suite à leur recommandation conjointe.  

ANALYSE ET MOTIFS

[8]           Dans Serra le TP réitère que la collaboration du professionnel à l’enquête est essentielle au bon déroulement du processus disciplinaire et à la protection du public de sorte que la gravité objective de l’infraction découlant de son défaut ne fait pas de doute.

[9]          Par ailleurs, aux fins de la détermination de la sanction en cette matière, il souligne certaines balises.

[10]       Parmi celles-ci, mentionnons l’importance pour le professionnel de continuer d’exercer sa profession et la prise en compte de sa personnalité pour l’individualisation de la sanction. Il faut aussi considérer la durée de l’infraction et le moment où elle a pris fin, son impact sur l’enquête et si des tiers en ont été affectés [4].

[11]       L’intimé a fait défaut de répondre au syndic ce qui a retardé l’enquête sans toutefois la rendre impossible. Quant à la durée de l’entrave, elle est d’une vingtaine de jours, alors que dans Serra il s’agissait d’un mois.

[12]       En outre, le défaut de l’intimé de répondre pendant ce délai n’a pas compromis l’enquête. L’intimé a finalement fourni les informations relatives aux manquements allégués initialement par le syndic qui a été en mesure de terminer l’enquête. En outre, il a conclu qu’il n’y avait pas matière à déposer une plainte pour lesdits dossiers.

[13]       Ainsi, l’impact du défaut de l’intimé sur l’enquête s’est avéré moindre et aucun tiers n’en a été affecté.  

[14]       En comparant les sanctions rendues sur des infractions semblables, le délai de l’infraction est ici plutôt court comparativement à une année dans Aoui[5], où une radiation d’un mois a été ordonnée.

[15]        Il en est de même des différentes décisions soumises par les parties où des radiations de courte durée, équivalant à un mois, ont été ordonnées, comme dans l’affaire Auclair[6], même si le défaut de cet intimé a entraîné un retard important dans l’enquête.

[16]        Quant à l’affaire Touchette[7], les faits sont plus graves. Cet intimé a refusé de fournir ses dossiers clients et n’a offert aucune collaboration. Il a cependant exprimé des regrets sincères. La recommandation conjointe des parties pour une radiation d’un mois a été retenue par le comité.

[17]        Dans Taillon[8], l’intimé a fait défaut de répondre au syndic, en plus de façonner un faux document pour l’induire en erreur. Le comité a retenu la recommandation des parties pour une radiation temporaire de deux mois.

[18]        En ce qui concerne la décision Hébert-Croteau[9], cet ingénieur a fourni un témoignage incomplet ou mensonger au cours de l’enquête du syndic qui lui reproche d’avoir tenté d’entraver son travail. Le paiement d’une amende de 5 500 $ a été ordonnée pour donner suite à la recommandation conjointe des parties.

[19]        Bien que l’infraction d’entrave soit d’une gravité objective évidente, le comité estime que les gestes commis par l’intimé sont d’une gravité moindre que ceux rapportés dans les décisions mentionnées et pour lesquels des radiations ont été ordonnées.

[20]        Néanmoins, comme souligné dans la décision sur culpabilité « (…) un intimé ne peut se disculper en se contentant de déléguer à un avocat le soin de faire suivre les informations et documents demandés par les enquêteurs du bureau du syndic. Il est bien établi que cette délégation à un tiers ne peut atténuer sa responsabilité, et ce, même s’il s’agit d’un avocat » [10].

[21]       Parmi les facteurs objectifs et subjectifs, tant aggravants qu’atténuants, mentionnés par les parties, le comité retient notamment :

a)     La courte durée de l’infraction;

b)     Le fait que l’intimé a finalement fourni au syndic les informations demandées de sorte que l’enquête a pu être complétée;

c)      L’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé au cours d’une carrière de
25 ans;

d)     L’absence d’intention malhonnête ou malveillante.

[22]        En ce qui concerne la présence d’un risque de récidive, renvoyant à la décision sur culpabilité où le comité constate que l’intimé semble banaliser son geste[11], la plaignante est d’avis que ce risque, bien que faible, subsiste.

[23]        L’intimé rétorque que les processus disciplinaires qu’il a vécus avec l’Autorité des Marchés financiers (AMF) et la CSF se sont avérés des plus dissuasifs de sorte que le risque de récidive est faible voire nul. En outre, il s’agit d’un événement isolé au cours de sa longue carrière et aucun préjudice n’en a résulté pour l’enquête.

[24]        Le comité a confiance que l’intimé a saisi la leçon et qu’il saura éviter de répéter une telle infraction.

[25]        La sanction suggérée respecte les objectifs de la protection du public, la dissuasion du professionnel à récidiver, ainsi que l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession ainsi que son droit d’exercer sa profession.

[26]        Conformément aux principes émis en droit criminel par la Cour d’appel du Québec[12] et par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook[13], il a été établi en droit disciplinaire[14] également que le comité doit accepter la recommandation des parties, à moins qu’il détermine que celle-ci déconsidère l’administration de la justice ou soit contraire à l’intérêt public.

[27]        En fonction des faits propres à la présente affaire et des facteurs tant aggravants qu’atténuants, la suggestion du paiement d’une amende par l’intimé n’est pas une sanction de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

[28]       Par conséquent, l’intimé sera condamné, sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte, au paiement d’une amende de 3 500 $ ainsi qu’à celui des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 500 $ sous l’unique chef d’infraction de la plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25).

 

 

 

(S) Me Janine Kean

__________________________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) M. Antonio Tiberio

__________________________________

M. Antonio Tiberio

Membre du comité de discipline

 

 

(S) M. Bruno Therrien

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M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Karoline Khelfa

CDNP AVOCATS

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Florence Morin

LACOURSIÈRE AVOCATS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 26 octobre 2021

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


ANNEXE

AUTORITÉS DES PARTIES

 

A) AUTORITÉS DE LA PLAIGNANTE

 

1.    Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), Arrêt rendu le 15 avril 2003;

2.    CSF c. Auclair, 2017 QCCDCSF 6, Décision sur culpabilité rendue le 6 février 2017; Décision sur sanction rendue le 17 août 2017;

3.    CSF c. Touchette, 2017 QCCDCSF 87, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 27 décembre 2017;

4.    CSF c. Taillon, 2018 QCCDCSF 3, Décision sur culpabilité et sanction rendue le 26 janvier 2018;

5.    CSF c. Aoui, 2020 QCCDCSF 35, Décision sur culpabilité rendue le 22 juillet 2020; Décision sur sanction rendue le 13 octobre 2020;

6.    CSF c. Desgens, 2006 CanLII 59871 (QC CDCSF), Décision sur culpabilité et sanction rendue le 29 septembre 2006;

7.    Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 1, jugement rendu le 11 janvier 2021.

 

 

B) AUTORITÉS DE L’INTIMÉ

 

1.     Syndic de l’Ordre des ingénieurs du Québec c. Hébert-Croteau, 2019 CanLIl 144892 (QC CDOIQ), Décision sur culpabilité et sanction le 23 décembre 2019;

2.     CSF c. Bégin, 2011 CanLII 99460 (QC CDCSF), Décision sur culpabilité et sanction rendue le 31 mars 2011;

3.     Chambre de l’assurance de dommages c. Lemieux, 2020 CanLlI 76070 (QC CDCHAD), Décision sur culpabilité et sanction rendue le 10 août 2020.

 

 



[1] CSF c Donald Drouin, CD00-1401, décision rendue le 20 août 2021.

[2] Autorités des parties en Annexe.

[3] Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 1, jugement rendu le 11 janvier 2021.

[4] Serra, préc., paragr. 113-114 et 116-121.

[5] Annexe, Autorités de la plaignante.

[6] Annexe, Autorités de la plaignante.

[7] Annexe, Autorités de la plaignante.

[8] Annexe, Autorités de la plaignante.

[9] Annexe, Autorités de l’intimé.

[10] Drouin, préc. note 1, par. 60.

[11] Drouin préc note 1, par 37.

[12] Douglas c. Sa Majesté la Reine, [2002] CanLII 32492 (QCCA).

[13] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[14] Médecins (Ordre professionnel des) c. Legault, 2016 CanLII 91699 (QC CDCM), décision sur culpabilité et sanction du 16 décembre 2016; CSF c. Charbonneau-Desjardins, CD00-1186, décision sur culpabilité et sanction du 26 janvier 2017.

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