Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1454

 

DATE :

15 novembre 2021

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

     Me Chantal Donaldson

                              Présidente

     M. Christian Fortin         

                               Membre

                                   Mme Audrey Lacroix                                               Membre

______________________________________________________________________

 

Syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

                     Plaignant

c.

 

Annie-Kim Malo, conseillère en sécurité financière et conseillère en assurance et rentes collectives (numéro de certificat 226024)

 

                    Intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION

[1]           À la demande du syndic de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « syndic »), le comité a rendu séance tenante, conformément à l’article 142 du Code des professions, l’ordonnance suivante :

Non-divulgation, non-diffusion, et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier les noms et prénoms des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

APERÇU      

[2]  Le syndic reproche à l’intimée, Mme Annie-Kim Malo, de ne pas avoir correctement rempli deux (2) formulaires de préavis de remplacement relatifs à deux (2) contrats d’assurance existants détenus par un couple de consommateurs. De plus, cette dernière n’aurait pas agi en conseillère consciencieuse en faisant signer une lettre d’annulation d’un des contrats d’assurance existants avant l’entrée en vigueur du nouveau contrat d’assurance, causant ainsi un découvert d’assurance pour l’un des deux consommateurs.

[3]           La plainte déposée comprend trois (3) chefs d’infraction et est ainsi libellée :

 

la plainte

1.    À Baie-Comeau, le ou vers le 10 janvier 2020, l'intimée n'a pas correctement rempli le formulaire de préavis de remplacement d'un contrat d'assurance de personnes N0 du préavis : xxxxRJ8, notamment pour les motifs suivants :

a)    Partie 1 – Renseignements généraux (page 4 de 8) - omission de cocher pour le contrat proposé payable au : 1er décès.

b)    Partie 1 – Renseignements généraux (page 4 de 8), Commentaires – omission de préciser pour le contrat actuel que le montant de la protection de 250 000 $ est pour chacun des assurés.

contrevenant ainsi aux articles 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

2.    À Baie-Comeau, le ou vers le 10 janvier 2020, l'intimée n'a pas correctement rempli le formulaire de préavis de remplacement d'un contrat d'assurance de personnes N0 du préavis : xxxxxxx986, notamment pour les motifs suivants :

a)  Partie 1 – Renseignements généraux (page 4 de 8) - omission de préciser pour le contrat actuel que la période d’indemnisation est jusqu’à l’âge de 65.

b)  Partie 1 – Renseignements généraux (page 4 de 8), Commentaires – omission de préciser pour le contrat actuel que le délai de carence est de 0 jour en cas d’une hospitalisation d’au moins de 18 heures et d’une chirurgie d’un jour.

c)  À la Partie 2 – Motifs du remplacement # 2.6 (page 7 de 8) :

         « Aucune exonération de primes » est erronée pour le contrat actuel et pour le contrat proposé.

         Omission de préciser pour le contrat actuel l’avenant prolongation de la période de profession habituelle à 65 ans.

contrevenant ainsi aux articles 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

3.    À Baie-Comeau, le ou vers le 29 janvier 2020, l’intimée n’a pas agi en conseillère consciencieuse en faisant signer à C.P. la lettre d’annulation du contrat d’assurance N0 xxxxx693, avant l’entrée en vigueur du contrat d’assurance N0 xxx,xxxx934, causant ainsi un découvert d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

Se rendant ainsi passible d’une ou plusieurs des sanctions prescrites par les articles 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et du Code des professions.

QUESTIONS EN LITIGE

1.    Mme Malo a-t-elle rempli les formulaires de remplacement adéquatement?

2.    L’annulation d’un contrat d’assurance de personnes avant l’entrée en vigueur du contrat de remplacement constitue-t-elle un manquement déontologique?

ANALYSE

1. Mme Malo a-t-elle rempli les formulaires de remplacement adéquatement?

[4]  Concernant les chefs d’infraction 1 et 2, de ne pas avoir correctement rempli les 2 formulaires de préavis de remplacement, le syndic invoque la contravention aux articles 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. Lesquels édictent ce qui suit :

22. Lorsque la souscription d’un contrat d’assurance est susceptible d’entraîner la résiliation, l’annulation ou la réduction des bénéfices d’un autre contrat d’assurance, le représentant doit:

(…)

 

2° remplir, avant ou en même temps que la proposition d’assurance, le formulaire prescrit à l’Annexe I, si le preneur ou l’assuré a avantage à remplacer son contrat par un autre;

 

3° expliquer le contenu du formulaire au preneur en faisant la comparaison des caractéristiques des contrats en vigueur par rapport à ceux proposés et la description des avantages et désavantages du remplacement;

 

(…)

16. Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des déclarations ou des représentations incomplètes, fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur.

[5]  Les obligations imposées au représentant en matière de préavis de remplacement de police s’ajoutent et complètent l’analyse obligatoire des besoins du client, lorsque le client dispose déjà d’une couverture en vertu de contrats d’assurance existants et que le nouveau contrat est susceptible d’entraîner la résiliation d’un contrat actuel. Ainsi dans ces cas, le représentant se doit de procéder à une étape supplémentaire d’analyse afin de s’assurer qu’il existe bel et bien un avantage à remplacer son contrat par un autre.

[6]  Il appert de ces articles que lors de la souscription d’un nouveau contrat d’assurance, lequel est susceptible d’entraîner la résiliation d’un autre contrat d’assurance, le formulaire prescrit de remplacement doit être rempli de façon complète et le représentant doit expliquer la comparaison des caractéristiques du contrat en vigueur par rapport à celui proposé en remplacement. Ce travail doit être effectué de façon minutieuse, sans représentations incomplètes, fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur le consommateur afin que ce dernier puisse prendre une décision éclairée quant au changement de police proposé.

[7]           Le libellé des chefs d’infraction 1 et 2 est détaillé et précis quant aux manquements reprochés à Mme Malo.

[8]           Cette dernière a admis avoir omis de préciser sur le formulaire que le montant de protection de la police proposée était payable au 1er décès uniquement alors que le montant de protection de 250 000 $ de l’assurance existante couvrait le décès de chacun des deux preneurs.

[9]           De plus, elle a admis qu’elle n’avait pas inscrit la totalité de l’information quant à la période d’indemnisation du second contrat existant et quant au délai de carence. Également, elle a inscrit une information inexacte en ce qui a trait aux deux contrats ainsi qu’une omission quant à l’avenant de prolongation.

[10]        Afin de bien conseiller ses clients et de s’assurer que ces derniers prennent des décisions éclairées, le représentant doit avoir complété les documents conformément à l’ensemble de ses obligations.

[11]        Mme Malo a reconnu les faits sous-jacents au soutien des deux (2) premiers chefs d’infraction et le comité a conclu qu’elle n’a pas rempli les formulaires de remplacement adéquatement commettant ainsi une faute déontologique.

2.L’annulation d’un contrat d’assurance de personnes avant l’entrée en vigueur du contrat de remplacement constitue-t-elle un manquement déontologique?

[12]        Concernant le troisième chef d’infraction, de ne pas avoir agi en conseillère consciencieuse en faisant signer la lettre d’annulation du contrat d’assurance existant, avant l’entrée en vigueur du nouveau contrat, causant un découvert d’assurance, le syndic invoque la contravention aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. Lesquels édictent ce qui suit :

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

15. Avant de renseigner ou de faire une recommandation à son client ou à tout client éventuel, le représentant doit chercher à avoir une connaissance complète des faits.

 

[13]        Afin de protéger valablement les bénéfices économiques de leurs clients, le représentant ne peut pas créer de découvert d’assurance lorsqu’il procède à l’annulation d’une police d’assurance-vie pour la remplacer par une autre.

[14]        Il est admis et la preuve démontre que la lettre de résiliation fut transmise et traitée par l’assureur existant sans que le contrat de remplacement ne soit mis en vigueur, Mme Malo n’avait pas reçu confirmation de l’acceptation du contrat proposé avant la résiliation de la police no xxxxxx693.

[15]        N’agit pas avec compétence et professionnalisme, le représentant qui crée un découvert d’assurance en annulant une police d’assurance existante avant la mise en vigueur du nouveau contrat. Il s’agit plutôt d’un accomplissement déraisonnable de ses démarches.

[16]        Un conseiller consciencieux n’agirait pas de la sorte. L’annulation d’un contrat d’assurance de personnes avant l’entrée en vigueur du contrat de remplacement constitue effectivement un manquement déontologique.

[17]        Mme Malo a donc reconnu les faits sous-jacents au soutien des trois (3) chefs d’infractions reprochées et elle a enregistré un plaidoyer de culpabilité à tous les chefs de la plainte disciplinaire de façon libre et volontaire et elle en comprend la portée.

[18]        Le comité a accepté le plaidoyer de culpabilité de Mme Malo et la déclaré coupable séance tenante d’avoir contrevenu aux deux (2) dispositions mentionnées aux chefs d’infraction 1 et 2 ainsi qu’aux trois (3) dispositions mentionnées au chef d’infraction 3.

[19]        Toutefois, en vertu du principe interdisant les condamnations multiples[1], le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 22 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers pour les chefs d’infractions 1 et 2 ainsi que la suspension conditionnelle des procédures quant aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière pour le chef d’infraction 3.

[20]        Les parties, par l’entremise de leurs avocats, ont déposé une recommandation commune quant à la sanction. Elles recommandent une réprimande pour les chefs d’infraction 1 et 2, et l’imposition d’une amende de 2 000 $ pour le chef d’infraction 3, en plus de la condamnation de Mme Malo au paiement des déboursés.

[21]        Rappelons que le Comité de discipline n’est pas lié par les recommandations communes sur sanction qui lui sont présentées. Cependant, elles ne peuvent être écartées à moins de démontrer qu’elles sont susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elles sont contraires à l’intérêt public[2].

LA SANCTION

[22]        Mme Malo n’avait que très peu d’expérience au moment des infractions. Cette dernière n’a pas d’antécédents disciplinaires. Elle a ressenti beaucoup de remords et de regrets lorsqu’elle fut mise au courant de la situation. Elle a reconnu rapidement son erreur et elle a collaboré à l’enquête du syndic et reconnu les faits qui lui sont reprochés. Elle n’a eu aucune intention malveillante ou malhonnête.

[23]        Les infractions sont interreliées et ont été commises à l’égard de deux consommateurs formant un couple.

[24]        Depuis la tenue de l’enquête, elle a suivi une formation sur les préavis de remplacement donnée par son directeur de succursale, à sa demande. Son directeur a également créé une présentation de type PowerPoint sur les préavis de remplacement à laquelle elle se réfère au besoin.

[25]        De plus, elle a livré volontairement un témoignage devant l’ensemble de ses collègues pour raconter son histoire entourant la plainte et les conscientiser à bien lire chaque document et de ne jamais hésiter à adresser leurs questions en cas de doute.

[26]        Mme Malo est dans une situation financière précaire notamment en raison des difficultés de faire du développement de sa clientèle durant le confinement et la pandémie, mais également parce qu’elle est en congé de maternité.

[27]        La recommandation commune est juste et raisonnable, en parité avec la jurisprudence du comité existant pour ce genre d’infraction et respecte le principe de la globalité des sanctions et tient compte des facteurs atténuants du présent cas.

CONCLUSION

[28]        Le Comité imposera les sanctions suivantes à Mme Malo :

-       Sous les chefs 1 et 2: Une réprimande pour chacun des chefs;

[29]        Sous le chef 3 : Une amende de 2 000 $ et accordera à cette dernière un délai de six mois pour le paiement de ladite amende;

[30]        Finalement, le comité condamnera, Mme Malo, au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

réitère la déclaration de culpabilité de Mme Malo prononcée à l’audience relativement aux chefs 1 et 2 d’infraction de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

ORDONNE suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10)

réitère la déclaration de culpabilité de Mme Malo prononcée à l‘audience relativement au chef 3 d’infraction de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des articles 16 la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 15 Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

IMPOSE à Mme Malo une réprimande pour chacun des chefs d’infraction 1 et 2;

CONDAMNE Mme Malo au paiement d’une amende de 2 000 $ sous le chef d’infraction 3 de la plainte disciplinaire;

ACCORDE à cette dernière un délai de six mois pour le paiement de ladite amende;

CONDAMNE Mme Malo au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à cette dernière par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), soit par courrier électronique ;

 

 

(S) Me Chantal Donaldson

_________________________________

Me Chantal Donaldson,

Présidente du comité de discipline

 

(S) M. Christian Fortin

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M. Christian Fortin

Membre du comité de discipline

 

(S) Mme Audrey Lacroix

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Mme Audrey Lacroix

Membre du comité de discipline

 

 

Me Vincent Grenier-Fontaine

CDNP Avocats

Procureurs du plaignant

 

Me Marie-Pierre Doucette

Ad Litem Avocats S.E.N.C.R.L.

Procureure de l’intimée

 

Date d’audience :

8 avril 2021

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]    Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 RCS 729.

[2] R. c. Anthony-Cook ,2016 CSC 43

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