Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1467

 

DATE :

13 septembre 2021

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Lysane Cree

Présidente

M. Gaétan Tremblay, Pl. Fin.

M. Felice Torre, A.V.A. Pl. Fin.

Membre

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

 

BLAISE BRASSARD-GAGNON (numéro de certificat 167169)

 

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs impliqués dans la plainte disciplinaire ainsi que toute information permettant de les identifier, incluant les pièces P-2, P-4, P-5, P-9 et P-10.

Toutefois, il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]          La plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 26 janvier 2021 est libellée comme suit :

LA PLAINTE

À Chute-aux-Outardes et ailleurs au Québec, en juillet 2015, l’intimé a emprunté de ses clients N.H. et L.M.H. une somme de 20 000 $, se plaçant ainsi en situation de conflit d’intérêts, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]          L’intimé, qui était non-représenté a enregistré un plaidoyer de culpabilité, en début d’audience, sous le seul chef d’infraction ci-haut décrit.

[3]          Le comité s’est assuré que l’intimé comprenait bien le sens de son plaidoyer, qu’il plaidait coupable d’une façon libre et volontaire et qu’en se faisant, il reconnaissait que les gestes reprochés constituaient des infractions déontologiques et qu’une sanction lui serait imposée par le comité.

[4]          Me Sylvie Poirier, pour la partie plaignante, a présenté un résumé des faits au comité ainsi que la recommandation quant à la sanction à être ordonnée à l’intimé. L’intimé a confirmé son accord avec la recommandation sur sanction présentée.

APERÇU

[5]          L’intimé détenait un certificat en assurance de personnes pendant la période pertinente au chef d’infraction et avait 10 ans d’expérience à ce moment.

[6]          Une relation professionnelle existait entre l’intimé et ses clients NH et LMH car l’intimé avait complété une proposition d’assurance avec eux le 2 avril 2015[1].

[7]          Le 20 juillet 2015, l’intimé, NH et LMH ont signé un contrat de prêt, par lequel NH et LMH prêtent une somme de 20,000 $ à l’intimé avec remboursement par paiement mensuel sur une période de 4 ans et un intérêt maximal de 10,000 $.[2]

[8]          Par admission de l’intimé et preuve documentaire, un seul paiement de 1000 $ a été fait par l’intimé en juin 2018 pour rembourser le prêt de 20,000 $.

[9]          Ce prêt n’a toujours pas été remboursé par l’intimé, car il dit ne pas encore être libéré de sa faillite.

[10]       L’intimé n’est plus membre de la Chambre de la sécurité financière depuis 2018.

[11]       L’intimé a témoigné avoir repris le travail dans un autre domaine, à temps plein, dans les semaines précédant l’audience et il pense être libéré de sa faillite bientôt.

[12]       Une plainte a été portée à l’Autorité des Marchés Financier par LMH et NH concernant le prêt de 20,000 $ qu’ils ont fait à l’intimé et qui n’a pas été remboursé.

[13]       Le 23 juin 2020, une demande de réclamation a été déposée par LMH au Fonds d’indemnisation des services financiers pour une somme de 41, 000 $ pour le prêt de 20,000 $ qui a été fait à l’intimé.

RECOMMANDATIONS COMMUNES SUR SANCTION

ANALYSE ET MOTIFS

[14]        L’intimé s’est placé en conflit d’intérêts lorsqu’il a emprunté une somme de 20,000 $ de ses clients NH et LMH, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[15]       Les recommandations communes des parties quant à la sanction à imposer à l’intimé sont une radiation temporaire de 3 à 5 ans, à la discrétion du comité. La procureure du syndic allègue que dans le présent cas, il serait approprié de décider vers le bas de la fourchette. Elle soumet aussi que cette sanction et juste et raisonnable dans les circonstances et atteint l’objectif de la protection du public et la dissuasion nécessaire. L’intimé n’est pas très âgé, il commence à se sortir d’une période très difficile et il démontre une volonté de rectifier son erreur de parcours.

[16]       Elle recommande aussi la publication d’un avis de la décision au moment de sa réinscription et le paiement de déboursés par l’intimé.

[17]       Les facteurs aggravants retenus par le comité sont les suivants:

         La gravité objective de l’infraction;

         L’existence d’un préjudice pour le client s’il ne peut récupérer la somme totale du prêt;

         La présence d’un antécédent disciplinaire;

         L’intimé avait aussi reçu des mises en garde du syndic pour des infractions de nature différente;

         Il avait 10 ans d’expérience au moment de l’infraction;

         Il y a possibilité de récidive dans le cas où il aurait d’autres difficultés financières;

[18]       Les facteurs atténuants retenus par le comité sont les suivants :

         La collaboration de l’intimé à l’enquête;

         L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité;

         La reconnaissance par l’intimé des faits à la première occasion;

         L’intimé n’a pas tenté de cacher ses gestes et la preuve ne démontre pas de malveillance; il comprend plutôt le caractère répréhensible de ses gestes et assume les conséquences;

         L’intimé est toujours en faillite depuis 2019, mais il démontre la volonté de rembourser LHM et NH dès qu’il pourra.

         L’intimé a une condition médicale difficile et jusqu’à récemment, il est dans une situation financière précaire.

[19]        La jurisprudence déposée à l’appui de la sanction recommandée établit une fourchette de radiation temporaire entre 2 à 5 ans, avec une majorité des décisions imposant une période de radiation de 5 ans[3].

[20]        La jurisprudence démontre qu’une radiation temporaire de 5 ans est imposée lorsque la somme empruntée est importante, incluant des sommes de 20,000 $ et le prêt n’a pas été remboursée au moment de la décision du comité et ceci, même dans des cas ou l’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires.

[21]        Dans Ferland[4], le comité avait imposé une radiation temporaire de 2 ans à une intimée qui n’avait pas d’antécédents disciplinaires et qui avait remboursé dans sa totalité l’emprunt fait à son client en plus d’avoir versé les intérêts convenus.

[22]        Dans Lévesque, un intimé qui n’avait pas d’antécédents disciplinaires, n’avait pas d’intention malveillante lorsqu’il a emprunté une somme d’argent de ses clients et avait remboursé approximativement 50% de l’emprunt, s’est vu imposer par le comité une radiation temporaire de 3 ans.[5] Le comité considérait que compte tenu de la situation financière de l’intimé, incluant une déclaration de faillite, qu’il était peu probable que l’intimé puisse rembourser la balance de l’emprunt.

[23]        Par contre, des gestes échelonnés sur une longue période de temps et incluant l’appropriation de fond, plutôt qu’un emprunt à un client, peuvent résulter en une radiation permanente. Tel était le cas dans Moore[6] ou le comité a imposé une radiation temporaire de 5 ans pour les chefs 2 et 4 pour s’être placé en conflit d’intérêts (emprunt des sommes d’argent d’un client), mais une radiation permanente pour les chefs d’infraction 1, 3 et 5 (appropriation de fonds) totalisant environ 400,000 $.

[24]        Dans le présent cas, il y a un seul chef d’infraction pour l’emprunt d’une somme d’argent d’un seul couple de clients. Néanmoins, l’infraction est d’une objectivité grave indéniable allant au cœur de la profession. L’intimé s’est placé en conflit d’intérêts et a fait défaut de conserver son indépendance lorsqu’il a emprunté une somme de 20,000 $ de ses clients.

[25]        Le comité doit aussi tenir compte que l’intimé a reçu trois mises en garde du syndic pour d’autres types d’infraction en plus d’un antécédent disciplinaire où le comité lui a imposé une radiation temporaire de deux mois.

[26]        À ce jour, l’intimé a remboursé seulement 1,000 $ à ses clients. L’intimé a démontré la bonne volonté de vouloir repayer la balance à ses clients une fois qu’il sera libéré de la faillite, mais il y a une possibilité que les clients attendent longtemps avant que l’intimé soit remis dans un bon état financier et il reste toujours un risque qu’il ne puisse pas les rembourser du tout.

[27]       Après considération de l’ensemble du dossier, et en considérant tant les éléments objectifs que subjectifs présentés, ainsi que les facteurs atténuants et aggravants, le comité est d’avis que la recommandation commune sur sanction pour une période de radiation temporaire entre 3 à 5 ans est en lien avec la gravité significative de l’infraction reprochée, n’est pas contraire à l’intérêt public, ne déconsidère pas l’administration de la justice et est respectueuse des principes de dissuasion et de protection du public[7].

[28]       De ce fait, le comité va imposer à l’intimé une période de radiation temporaire de 5 ans, celle-ci se situant dans la fourchette des décisions antérieurement rendues relativement à des infractions de même nature commises dans des circonstances semblables à celles du présent dossier.

 

[29]       Tenant compte que l’intimé s’est vu imposé une autre période de radiation temporaire de deux mois en vertu de la décision du comité du 11 février 2019[8], la présente période de radiation sera purgée de façon concurrente à cette dernière.

 

 PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience pour le seul chef d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 5 ans, qui sera exécutoire qu’au moment où l’intimé reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers, ou toute autorité compétente, émettra un certificat en son nom;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions;

ORDONNE à la secrétaire du comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

 

 

(S) Me Lysane Cree

____________________________

Me Lysane Cree

Présidente du comité de discipline

 

(S) M. Gaétan Tremblay

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M. Gaétan Tremblay, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) M. Felice Torre

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M. Felice Torre, A.V.A. Pl. Fin

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Sylvie Poirier

CDNP Avocats

Procureurs de la partie plaignante

 

 

M. Blaise Brassard-Gagnon, non représenté

La partie intimée

 

 

 

 

Date d’audience :

14 mai 2021

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Pièce P-2.

[2] Pièces P-3 à P-5.1.

[3] CSF c. Ettie, 2017 QCCDCSF 33; CSF c. Dupuis, 2019 QCCDCSF 14; CSF c. Nelson, 2020 QCCDCSF

39; CSF c. Langlais, 2017 QCCDCSF 37; CSF c. Montour, 2015 QCCDCSF 67; CSF c. Robillard, 2017

QCCDCSF 12.

[4] CSF c. Ferland, 2020 QCCDCSF 25.

[5] CSF c. Lévesque, 2017 QCCDCSF 84.

[6] CSF c. Moore, 2016 QCCDCSF 12.

[7] R. c. Anthony-Cook, [2016] 2 R.C.S. 204.

[8] CSF c. Brassard-Gagnon, 2019 QCCDCSF 10.

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