Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1422

 

DATE :

8 février 2021

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Madeleine Lemieux

Présidente

 

Mme Mona Hanne, Pl. Fin.

Membre

 

M. Ndangbany Mabolia, Pl. Fin.

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

 

CHRISTINE DORVAL, conseillère en sécurité financière et représentante de courtier en épargne collective (numéro de certificat 151724 et numéro de BDNI 1570401)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés, ainsi que de toute information pouvant les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]       Le syndic reproche à l’intimée de ne pas avoir cherché à avoir une connaissance complète des faits lorsqu’elle a recommandé à R.M. de procéder au rachat d’une police d’assurance; il lui reproche également d’avoir faussement attesté avoir été témoin de la signature de ses clients et finalement, d’avoir manqué de compétence et de professionnalisme en signant comme témoin sans avoir complété une proposition d’assurance.

[2]       L’intimée a plaidé coupable aux trois chefs d’accusation de la plainte.

[3]       Les parties ont présenté au comité des recommandations conjointes quant aux sanctions pour les chefs d’accusation 1 et 2.  L’intimée conteste la sanction demandée par le syndic quant au chef d’accusation 3.

[4]       Le comité doit décider si les sanctions qui font l’objet d’une recommandation commune déconsidèrent l’administration de la justice. Il doit de plus décider de la sanction appropriée pour le chef d’accusation 3.

LA PLAINTE

[5]       La plainte disciplinaire déposée contre l’intimée est comme suit :

1.         Dans la province du Québec, vers les mois de septembre et octobre 2008, l’intimée n’a pas cherché à voir une connaissance complète des faits lorsqu’elle a recommandé à R.M. de procéder au rachat total de la police 00-3610639-5 contrevenant ainsi à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

2.         Dans la province de Québec, vers le mois d’octobre 2008, l’intimée a faussement attesté avoir été témoin des signatures de R.M. et C.W. sur un formulaire de « Rachat » et sur un « Formulaire de signature – autorisation médicale », contrevenant ainsi à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

3.         Dans la province de Québec, vers les mois de septembre et octobre 2018, l’intimée n’a pas agi avec compétence et professionnalisme en transmettant à R.M. et C.W. un « Formulaire de signatures » et un formulaire de « Rachat » pour obtenir leurs signatures, qu’elle avait signé au préalable à titre de témoin et alors qu’elle n’avait pas complété la proposition électronique d’assurance qui s’y rapportait, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[6]       L’intimée, représentée par avocat, a plaidé coupable sur chacun des chefs d’accusation de la plainte.  Le comité l’a donc déclarée coupable séance tenante et a procédé à l’audition sur sanction.

LES FAITS

[7]       Le consommateur R.M., sa conjointe et son fils détiennent des polices d’assurance‑vie auprès d’Industrielle Alliance depuis 1998.

[8]       Il s’agit d’une police d’assurance-vie temporaire dont le capital est de 150 000 $ pour le père et de 100 000 $ pour la mère.  Le fils, quant à lui, détient une police d’assurance-vie permanente dont le capital est de 10 000 $ majoré de 2 500 $ pendant les dix premières années.

[9]       En juillet 2008, R.M. reçoit un avis à l’effet qu’au moins une des polices vient à échéance et que la prime sera modifiée.

[10]    R.M. s’était déjà présenté au bureau d’Industrielle Alliance à Québec en indiquant qu’il voulait changer de représentant pour faire affaire avec quelqu’un qui était plus près de sa résidence. C’est le bureau où travaille l’intimée et où elle était et est encore directrice des ventes.

[11]    R.M. contacte le bureau d’Industrielle Alliance où travaille l’intimée après avoir reçu cet avis de renouvellement malgré le fait qu’il habite désormais à Sept-Îles.

[12]    L’intimée procède à l’analyse des besoins financiers, mais elle n’a pas les contrats d’assurance que R.M. et sa famille détiennent.

[13]    Il n’est jamais question de l’assurance-vie de l’enfant malgré le fait que les trois protections soient sur la même police.

[14]    L’intimée prépare une proposition d’assurance que R.M. accepte; or, cette proposition ne prévoit rien quant à l’enfant de sorte que cette police n’a pas été renouvelée.

[15]    C’est l’objet du premier chef d’accusation, soit de ne pas avoir eu une connaissance complète des faits.

[16]    Quand vient le temps de signer la documentation requise pour la nouvelle police d’assurance, l’intimée envoie la documentation à R.M., déjà signée par elle à titre de témoin.

[17]    C’est l’objet du deuxième chef d’accusation : l’intimée a faussement attesté avoir été témoin de la signature de ses clients.

[18]    Quand ces polices viennent à échéance dix ans plus tard en 2018, le consommateur habite toujours à Sept-Îles et il continue de faire affaire avec l’intimée dont le bureau est dans la ville de Québec.

[19]    L’intimée procède à l’analyse de ses besoins financiers et prépare une proposition d’assurance.

[20]    Normalement, la signature de documents se fait lors d’une rencontre, mais à cause de la distance entre Québec et Sept-Îles et parce qu’elle connait bien les clients, elle décide que tout se fera par la poste.

[21]    À nouveau, l’intimée envoie des documents qu’elle a signés avant que les assurés ne les signent et sans avoir complété la proposition électronique d’assurance s’y rapportant.

[22]    L’intimée explique qu’elle a procédé ainsi parce qu’après avoir complété la proposition, elle a appris de R.M. qu’il était fumeur et que la proposition qu’elle avait complétée ne tenait plus.

[23]    Faute d’avoir l’ensemble de la documentation, l’intimée relate qu’elle ne peut imprimer la proposition ce qui la force à attendre les signatures.

LES SANCTIONS

[24]    Les parties recommandent au comité l’imposition d’une amende de 5 000 $ sur le chef d’accusation 1 et d’une amende de 3 000 $ sur le chef d’accusation 2.

[25]    La sanction vise non pas à punir le professionnel, mais à assurer la protection du public. La sanction doit dissuader la récidive et être un exemple pour les autres représentants.

[26]    La sanction doit tenir compte des particularités de chaque cas dont le contexte et les facteurs aggravants ou atténuants propres au dossier.

[27]    Lorsque les sanctions font l’objet d’une suggestion commune que des avocats expérimentés ont négociées entre autres, le comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence des suggestions; il doit y donner suite, sauf s’il les considère, contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice[1].

[28]     Sur le chef d’accusation 1 de la plainte, on reproche à l’intimée de ne pas avoir cherché à avoir une connaissance complète des faits.  Cette situation s’est produite parce que l’intimée a accepté de traiter une demande de renouvellement de police d’assurance sans avoir le dossier complet en main.

[29]    Il en est résulté l’annulation de la couverture d’assurance de l’enfant pendant dix ans.

[30]    Le comité a entendu le témoignage de l’intimée qui a exprimé des regrets sincères pour cet événement; elle a avoué ne pas s’expliquer qu’un pareil oubli ait pu se produire.

[31]    Le geste aurait pu avoir de graves conséquences, mais il n’y en a pas eu.  L’assureur a en effet accepté de remettre la police en vigueur contre un paiement d’une partie des primes.

[32]    Le geste a une gravité relative et le représentant a des devoirs importants en matière de connaissance des faits pour conseiller adéquatement les consommateurs et leur fournir les services qu’ils requièrent.

[33]    Le comité retient que l’intimée a reconnu les faits, qu’elle n’avait aucune intention malicieuse, qu’elle n’a pas retiré d’avantages et qu’elle n’a pas d’antécédent disciplinaire.

[34]    Pour ce qui est du chef d’accusation 2 de la plainte, le comité retient les mêmes facteurs atténuants tout en soulignant l’importance pour le représentant de ne jamais apposer sa signature pour attester qu’il est témoin de la signature du consommateur alors que ce n’est pas le cas.

[35]    Les sanctions convenues se situent par ailleurs à l’intérieur de la fourchette des sanctions imposées pour des infractions similaires[2]. Le comité imposera donc les sanctions suggérées par les parties sur les chefs d’accusation 1 et 2.

[36]    Pour ce qui est du chef d’accusation 3, le syndic recommande une radiation d’un mois.  L’intimée recommande une amende de 5 000 $ accompagnée d’un engagement à suivre une formation professionnelle appropriée dans l’année suivant la date de la décision.

[37]    Pour le syndic, la sanction doit être plus sévère parce que l’intimée était directrice des ventes au moment des événements et qu’elle l’est encore.

[38]    Ce poste lui impose des responsabilités plus grandes, notamment en ce qui a trait à la formation des stagiaires.

[39]    La répétition en 2018 de ce qui s’était fait en 2008 dénote pour le syndic le peu de souci de l’intimée envers la conformité et envers le respect des normes.

[40]    Au soutien de sa recommandation, le syndic invoque des précédents qui tous ont imposé des sanctions sévères pour des signatures de documents en blanc.

[41]    De l’avis du comité, ces précédents doivent être distingués.

[42]    Dans Chammakhi[3], les documents signés en blanc ont été complétés avec de fausses informations et il en est résulté des préjudices pour les consommateurs.

[43]    Dans David[4], on retrouve plusieurs facteurs aggravants qu’on ne retrouve pas dans le présent dossier : le très grand nombre de documents signés en blanc et le nombre de consommateurs impliqués.

[44]    Dans Couture[5], là encore, c’est un très grand nombre de documents qui ont été signés en blanc et un grand nombre de consommateurs sont impliqués.

[45]    Le comité retient plutôt l’ensemble des facteurs atténuants déjà retenus pour les chefs d’accusation 1 et 2.

[46]    Le procureur de l’intimée insiste avec raison sur le fait qu’il n’y a aucune intention frauduleuse ou malicieuse, qu’il s’agit d’un acte isolé, expliqué à défaut d’être excusé par la distance entre le domicile du consommateur et le bureau de l’intimée et le refus du consommateur de faire affaire avec la succursale dans la ville où il habite.

[47]    Le comité retient surtout la mise en place par l’intimée et son employeur de procédures adéquates pour les transactions à distance avec des outils informatiques qui font que le risque de récidive est absent.

[48]    Pour toutes ces raisons, le comité imposera sur le chef d’accusation 3 une amende de 5 000 $ accompagnée d’une formation appropriée.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous le chef d’accusation 1

DÉCLARE l’intimée coupable d’avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

Sous le chef d’accusation 2

DÉCLARE l’intimée coupable d’avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

Sous le chef d’accusation 3

DÉCLARE l’intimée coupable d’avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

Sous le chef d’accusation 1

IMPOSE le paiement d’une amende de 5 000 $;

Sous le chef d’accusation 2

IMPOSE le paiement d’une amende de 3 000 $;

Sous le chef d’accusation 3

IMPOSE le paiement d’une amende de 5 000 $;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

RECOMMANDE au conseil d’administration de la Chambre de la sécurité financière d’imposer à l’intimée de suivre à ses frais la formation « Cas vécus et déontologie en assurance de personnes (14465L2FR) », ou son équivalent, l’intimée devant produire au conseil d’administration une attestation à l’effet qu’elle a suivi le cours avec succès dans les douze mois de la date de la présente décision, le défaut de s’y conformer résultant à la suspension de son droit d’exercice par l’autorité compétente jusqu’à la production d’une telle attestation.

 

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

_______________________________

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

(S) Mona Hanne

                                                                      

Mme MONA HANNE, Pl. Fin.

Membre du Comité de discipline

 

(S) Ndangbany Mabolia

                                                                      

M. NDANGBANY MABOLIA, Pl. Fin.

Membre du Comité de discipline

 

Me Sylvie Poirier

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

AD LITEM AVOCATS, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 5 novembre 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1]     R. c. AnthonyCook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.

[2]     Chambre de la sécurité financière c. Avoine, 2018 QCCDCSF 49 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Kendall, 2017 CanLII 66027 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Thibodeau, 2017 CanLII 89546 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Fortin, 2017 QCCDCSF 63 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Latreille, 2013 CanLII 43427 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Powers, 2019 QCCDCSF 16 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Poulin, 2018 QCCDCSF 68 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Bendezu, 2017 QCCDCSF 49 (CanLII).

[3]     Chambre de la sécurité financière c. Chammakhi, 2020 QCCDCSF 29 (CanLII).

[4]     Chambre de la sécurité financière c. David, 2020 QCCDCSF 43 (CanLII).

[5]     Chambre de la sécurité financière c. Couture, 2019 QCCDCSF 3 (CanLII).

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