Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1417

 

DATE :

25 janvier 2021

________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Madeleine Lemieux

Présidente

 

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

________________________________________________________________

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

 

MICHEL VADNAIS, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 133675 et numéro de BDNI 1643951)

 

Partie intimée

________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés, ainsi que de toute information pouvant les identifier, de même que des pièces P-2, P-3, P-7, P-9, P-12 et P-13, étant entendu que cette ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]       L’intimé fait l’objet d’une plainte disciplinaire déposée contre lui par le syndic de la Chambre de la sécurité financière.  Cette plainte comportait huit chefs d’accusation.

[2]       La plainte a été modifiée par le syndic pour ne garder qu’une seule assise juridique par chef d’accusation et pour regrouper sous un seul chef, ce qui faisait à l’origine l’objet de trois chefs d’accusation.

[3]       La plainte se lit comme suit :

LA PLAINTE MODIFIÉE

1.         À Joliette et ailleurs au Québec, entre les mois de janvier 2015 et d’avril 2016, alors qu’il agissait à titre de représentant de M.P., l’intimé a fait défaut d’éviter de se placer en situations de conflit d’intérêts réelles ou potentielles en participant à la préparation d’une procuration reçue devant notaire le 10 septembre 2015, lui octroyant les pouvoirs suivants :

 

« Effectuer seul tout placement que mon mandataire jugera à propos, sans être astreint au respect des dispositions des articles 1339 et suivants du Code civil du Québec concernant les placements présumés sûrs ou de quelque autre loi.

 

Nonobstant toute autre disposition contraire des présentes ou de la loi, notamment, les articles 1310 et 1311 du Code civil du Québec, j’autorise expressément Michel Vadnais à investir les fonds dont il a l’administration dans ses propres véhicules de placement, dans ceux de ses affiliés, dans toute entité avec laquelle il a un lien de dépendance au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, le tout, sans nécessité de dénoncer pareille situation. »

 

En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

2.         À Joliette et ailleurs au Québec, entre les mois de janvier 2015 et juillet 2016, alors qu’il agissait à titre de représentant de L.C., l’intimé a fait défaut d’éviter de se placer en situations de conflit d’intérêts réelles ou potentielles en participant à la préparation d’une procuration reçue devant notaire le 10 septembre 2015, les pouvoirs suivants :

 

« Effectuer seul tout placement que mon mandataire jugera à propos, sans être astreint au respect des dispositions des articles 1339 et suivants du Code civil du Québec concernant les placements présumés sûrs ou de quelque autre loi.

 

Nonobstant toute autre disposition contraire des présentes ou de la loi, notamment, les articles 1310 et 1311 du Code civil du Québec, j’autorise expressément Michel Vadnais à investir les fonds dont il a l’administration dans ses propres véhicules de placement, dans ceux de ses affiliés, dans toute entité avec laquelle il a un lien de dépendance au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, le tout, sans nécessité de dénoncer pareille situation. »;

 

En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

3.         À Joliette et ailleurs au Québec, entre les mois d’octobre 2014 et décembre 2018, l’intimé a fait défaut d’éviter de se placer en situations de conflit d’intérêts réelles ou potentielles alors qu’il agissait simultanément à titre de représentant pour M.P. et L.C., contrevenant ainsi à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

4.         À Joliette et ailleurs au Québec, entre les mois d’avril 2017 et de juin 2018, en agissant à titre d’intervenant dans le cadre d’une procédure intitulée « Intervention volontaire conservatoire » dans le dossier de la Cour supérieure portant le numéro 705-14-[…], l’intimé a fait défaut d’éviter de se placer en situations de conflit d’intérêts réelles ou potentielles et/ou n’a pas agi avec professionnalisme, contrevenant ainsi à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

5.         À Joliette, le ou vers le 10 avril 2017, dans le cadre d’une procédure intitulée « Intervention volontaire conservatoire » dans le dossier de la Cour supérieure portant le numéro 705-14-[…], l’intimé a fait la déclaration assermentée suivante alors que cette déclaration était fausse ou trompeuse :

 

« Par. 47. L’intervenant n’a jamais eu connaissance du mandat du 10 septembre 2015 (annexe 6 de la pièce P-5) et n’a pas participé à sa préparation ou à sa signature. »

 

Contrevenant ainsi à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

6.         À Joliette, à Montréal ou ailleurs au Québec, entre mars 2017 et janvier 2020, dans le cadre d’enquêtes du syndic le concernant, a fait des déclarations fausses ou trompeuses, à savoir :

i)          Qu’il n’a eu connaissance que son client M.P. lui ait confié un mandat ou une procuration que le ou vers le 3 avril 2017;

ii)         Qu’il n’avait pas pris connaissance du document intitulé « mandat de protection » consenti devant un notaire en date du 24 novembre 2014, dans lequel sa cliente L.C. le nomme, subsidiairement, mandataire aux biens;

iii)        Qu’il n’avait pas pris connaissance des testaments de ses clients L.C. et M.P.

Contrevenant ainsi à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

7.         (…)

 

8.         (…) »

[4]       L’intimé est représenté par avocat; il a plaidé coupable sur chacun des chefs de la plainte modifiée.

[5]       Le comité l’a donc déclaré coupable séance tenante et a procédé à l’audition sur sanction, laquelle a fait l’objet d’une recommandation commune.

LE CONTEXTE ET LES FAITS

[6]       Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits dont il ressort que l’intimé a noué avec ses clients M.P. et L.C. une relation particulière qui est allée bien au-delà de la relation usuelle entre un professionnel et ses clients.

[7]       Ce faisant, l’intimé s’est placé en conflit d’intérêts et a posé des gestes contraires à ses obligations déontologiques.

[8]       L'intimé agit à titre de conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective; il est à son compte depuis le 23 novembre 1995.

[9]       L'intimé n'a aucun antécédent disciplinaire bien qu'il ait fait l'objet de trois enquêtes de la part du bureau du syndic entre 2003 et 2012 et qu’il ait reçu une mise en garde en 2011.

[10]    L'intimé connaît M.P. depuis 1995. Il a rencontré L.C. qui est la conjointe de M.P. une ou deux années plus tard et celle‑ci est aussi devenue sa cliente. Il s’est occupé de la gestion de leurs actifs.

[11]    Au fil du temps, au-delà de la relation professionnelle, une relation personnelle étroite s'est développée entre l'intimé et ses clients. À titre d’exemple, c’est l’intimé qui a amené M.P., à plusieurs reprises, à des rendez-vous médicaux et qui s’est occupé d’acquitter le paiement de plusieurs factures du couple.

[12]    L'intimé était très souvent consulté par M.P. et L.C. pour la gestion courante de leurs affaires. Selon l'intimé, L.C. le considérait presque comme son fils.

[13]    L’intimé n'a pas été rémunéré pour les déplacements qu'il a effectués pour M.P. et L.C. La seule rémunération qu’il a reçue provenait des services professionnels financiers qu'il leur a rendus.

[14]    Aux cours des années 2015 et 2016, M.P. et L.C. ont subi plusieurs déménagements contre leur gré, ce qui aurait envenimé la relation avec les enfants de M.P.  La relation entre M.P. et ses enfants était compliquée.

[15]    Les tensions se sont notamment envenimées à la suite de la vente de la maison dont M.P. était propriétaire en avril 2015.

[16]    À la demande de M.P., l'intimé était présent lors de la signature de l’acte de vente chez le notaire. C'est d’ailleurs l'intimé qui a rédigé les chèques de remise aux enfants de M.P. de leur part suite à cette vente de la maison.

[17]    Pour tenter d'apaiser les relations entre M.P., L.C. et les enfants de M.P., l'intimé a convoqué une réunion à l'Hôtel Château Joliette en mai 2015. Les enfants de M.P. étaient présents à cette rencontre, accompagnés de leur avocat, et d’une personne de l'Office des aînés.

[18]    Au cours de l'année 2015, M.P. a informé l'intimé qu'il envisageait de modifier son testament. L'intimé a discuté avec M.P. de ses intentions et il a tenté de le convaincre de ne pas déshériter ses enfants.

[19]    Après la vente de la maison et la remise de l'argent à ses enfants, il était clair que M.P. ne désirait plus que ses enfants reçoivent de lui une quelconque somme d'argent à son décès.

[20]    L'intimé a discuté avec M.P. du contenu de son testament, des impacts fiscaux et des différents legs qu'il souhaitait faire à des œuvres de charité.

[21]    Les discussions tournaient autour du fait que L.C. hériterait en première position, que des legs seraient ensuite faits à des organismes de charité et que, par la suite, les enfants hériteraient du reliquat.

[22]    Ces discussions avec M.P. ont eu lieu à l'été 2015 hors la présence de L.C., compte tenu des relations plus que difficiles qu'elle entretenait avec les enfants de son époux.

[23]    Dans le cadre de la relation qui unissait l'intimé à M.P. et L.C., l'intimé a eu accès à des informations privilégiées à leur égard et a été placé au cœur de querelles conjugales et familiales qu'il tentait de régler.

[24]    Le rôle que l'intimé a pu jouer auprès de M.P. et de L.C. débordait du rôle de planificateur financier; l'intimé s'est beaucoup investi auprès d'eux, en dépit de ses obligations déontologiques.

[25]    Ainsi, en novembre 2014, L.C. signe un testament notarié dans lequel elle nomme l'intimé à titre de liquidateur en troisième position. La même journée, L.C. signe un mandat de protection dans lequel elle nomme l'intimé mandataire aux biens en troisième position.

[26]    Au mois de janvier 2015, à la demande de L.C. et de M.P., l’intimé contacte Me Mariève Gagnon, notaire, pour obtenir son avis quant à la possibilité de rédiger une procuration relative aux biens de M.P. et de L.C.

[27]    La signature d'une telle procuration avait été discutée à plusieurs reprises dans les années précédentes. L'intimé voulait savoir quelle pouvait être la marge de manœuvre qui pouvait lui être confiée pour la gérance des placements financiers de M.P. et L.C. L'intimé voulait aussi savoir si cette nomination le plaçait en contravention avec son code de déontologie.

[28]    En janvier 2015, la notaire Gagnon l’informe qu'il est possible de rédiger une procuration spécifique si on précise que cela ne relève pas de ses services professionnels, mais plutôt de sa connaissance personnelle.

[29]    À la suite de ce courriel, plusieurs échanges et conversations téléphoniques ont eu lieu avec Me Gagnon dans le but de définir l'étendue des pouvoirs qui seraient confiés à l'intimé.

[30]    C’est dans ce contexte que le 10 septembre 2015, M.P. et L.C. ont signé deux procurations en faveur de l'intimé devant la notaire Gagnon.

[31]    Ces procurations accordaient à l'intimé les pouvoirs suivants à titre de mandataire :

« Effectuer seul tout placement que mon mandataire jugera à propos, sans être astreint au respect des dispositions des articles 1339 et suivants du Code civil du Québec concernant les placements présumés sûrs ou de quelque autre loi.

Nonobstant toute autre disposition contraire des présentes ou de la loi, notamment, les articles 1310 et 1311 du Code civil du Québec, j'autorise expressément Michel Vadnais à investir les fonds dont il a l'administration dans ses propres véhicules de placement, dans ceux de ses affiliés, dans toute entité avec laquelle il a un lien de dépendance au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, le tout, sans nécessité de dénoncer pareille situation. »

[32]    L'intimé reconnait que le fait de devenir leur mandataire avait effectivement été discuté avec les deux clients, mais que le libellé d'une telle clause n'avait pas été abordé, c’est ce qui fait l’objet des chefs 1 et 2 de la plainte.

[33]    Même si ces procurations n’ont jamais été utilisées par l’intimé, elles l’ont placé en situation de conflit d’intérêts.

[34]    En septembre 2015, l'intimé a fait parvenir à Me Mariève Gagnon un document médical certifiant de l'aptitude de M.P. à faire un testament notarié.

[35]    Le fait que L.C. serait l'héritière de M.P. avait déjà été discuté par l’intimé avec la notaire. L'intimé a accepté d'être nommé coliquidateur de la succession invoquant sa connaissance de l'historique financier de ses clients.

[36]    C'est le 19 octobre 2015 que M.P. signe un testament notarié rédigé par
Me Gagnon, dans lequel l'intimé est nommé coliquidateur. L’intimé renoncera à exercer cette charge de coliquidateur au moment du décès de M.P.

[37]    L'intimé était présent en décembre 2015 lorsque la notaire a reçu la signature d'un mandat de protection donnée par L.C.

[38]    Au cours de l'année 2016, l'intimé a aussi été impliqué dans l’élaboration d'un projet de codicille au testament de M.P. et d'une procuration générale de L.C.

[39]    Ainsi, en 2016, le notaire Dubé-Richard transmettait à l'intimé plusieurs documents, dont le projet de codicille de M.P. et la procuration de L.C. Dans cette procuration, l'intimé a été désigné mandataire aux biens de L.C.

[40]    Le 17 octobre 2016, L.C. signe un testament dans lequel l'intimé est nommé coliquidateur de sa succession.

[41]    Le 29 décembre 2018, L.C. est décédée; l'intimé a refusé d'assumer cette charge de coliquidateur de la succession malgré sa nomination à ce titre dans ce dernier testament de L.C.

[42]    Tous ces faits illustrent jusqu’à quel point l’intimé était impliqué dans la vie de ses clients M.P. et L.C. malgré ses fonctions de représentants auprès d’eux.

[43]    L’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière impose sans équivoque le devoir au représentant d’éviter de se placer dans une situation de conflit d’intérêts :

18. Le représentant doit, dans l’exercice de ses activités, sauvegarder en tout temps son indépendance et éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts.

[44]    L’intimé ne pouvait pas accepter d’être nommé mandataire dans des termes aussi vastes pour des personnes alors qu’au même moment il agissait comme représentant. Il ne pouvait pas non plus accepter d’être nommé coliquidateur de la succession de ces personnes à plus forte raison dans un contexte de querelles familiales. Ce contexte de conflit l’empêchait aussi d’agir à la fois pour M.P. et L.C. ce qui fait l’objet du chef d’accusation 3 de la plainte.

[45]     Au cours de l'année 2017, l'un des fils de M.P. s’est adressé à la Cour supérieure pour obtenir l’homologation d'un mandat d'inaptitude et, subsidiairement, l'ouverture d'un régime de protection à une personne majeure concernant son père, M.P.

[46]    L.C., également partie à la procédure, était alors représentée par avocat et contestait la demande du fils de M.P.

[47]    L.C. demandait à être nommée administratrice aux biens et à la personne de M.P. et elle a demandé à l'intimé d'intervenir dans la procédure et qu'il soit représenté par le même avocat qu’elle.

[48]    Cette intervention avait pour but de demander le retrait d'un rapport d'évaluation psychosociale de M.P. effectuée par un travailleur social et déposée au dossier de la Cour, de faire rejeter la demande d'homologation du mandat demandée par le fils de M.P. et de demander que l'intimé soit nommé subsidiairement à titre de curateur à la personne et aux biens de M.P.

[49]    Cette intervention dans le dossier judiciaire qui oppose des membres de la famille de ses clients fait l’objet du chef d’accusation 4 de la plainte, l’intimé s’étant placé en conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts.

[50]    Dans cette intervention au dossier de la Cour supérieure, l'intimé a soutenu sous serment qu'il n'avait jamais eu connaissance du mandat confié par M.P. en date du 10 septembre 2015 et qu'il n'avait pas participé ni à sa signature ni à sa préparation, alors que cette déclaration était manifestement fausse. Ceci fait l’objet du chef d’accusation 5 de la plainte.

[51]    En réponse à cette intervention, le fils de M.P. a contesté les conclusions visant à nommer L.C. administratrice aux biens et à la personne de M.P. et la conclusion subsidiaire visant à nommer l’intimé.

[52]    C'est finalement la curatelle publique qui a pris en charge M.P. et l'intimé n'a donc pas été nommé curateur à sa personne et à ses biens. Toutefois, conformément aux volontés exprimées par M.P., l'intimé a été mandaté pour agir à titre de représentant selon les instructions du Curateur public.

[53]    Le 17 août 2017, L.C., par l'intermédiaire de son avocat, fait parvenir une mise en demeure aux enfants de M.P., pour qu'ils cessent de s'introduire dans son appartement sans son consentement.

[54]    De même, en date du 28 juin 2018, une seconde mise en demeure est adressée au procureur des enfants de M.P., les enjoignant de ne plus entrer en contact avec L.C. et de cesser de s'introduire dans son logement.

[55]    Le nom de l'intimé apparaît en objet sur chacune de ces mises en demeure.

[56]    Le 2 mars 2017, dans le cadre d'une première enquête ouverte par le syndic à l'encontre de l'intimé, lors d'une entrevue téléphonique, ce dernier a soutenu ne pas avoir eu connaissance de la procuration de M.P. datée du 10 septembre 2015.

[57]    En l'absence d'éléments de preuve permettant d'établir la connaissance de l'intimé quant à un tel mandat ou procuration, cette enquête a été fermée sans suite.

[58]    Une seconde demande d'enquête a été formulée en 2018; dans le cadre de cette seconde enquête, l'intimé a réitéré les mêmes propos dans une lettre datée du 22 août 2019 que son avocat a transmise à un enquêteur de la CSF; il indique qu'il n'a pris connaissance du mandat de procuration signé par M.P. au mois de septembre 2015, que le ou vers le 3 avril 2017.

[59]    L'intimé reconnait que cette affirmation était fausse ou trompeuse.

[60]    Enfin, en date du 13 janvier 2020, lors d'une rencontre à la CSF en présence du syndic, l'intimé a tenu des affirmations qu'il savait fausses ou trompeuses, quant à sa méconnaissance du mandat de protection consenti par L.C. en novembre 2014 et quant aux différents testaments que M.P. et L.C. ont pu passer devant notaire au cours des années 2015 et 2016.

[61]    L'ensemble de ces fausses affirmations que l'intimé a faites ont entravé le travail du syndic de la Chambre de la sécurité financière dans sa recherche de la vérité et dans sa mission de protection du public ce qui contrevient à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ce qui fait l’objet du chef d’accusation 6 de la plainte.

LA SANCTION

[62]    La sanction vise non pas à punir le professionnel, mais bien à assurer la protection du public. La sanction doit de plus décourager la récidive et être un exemple pour les autres membres de la profession.

[63]    Sur les chefs 1, 2 et 4, les parties recommandent au comité l’imposition d’une amende de 2 000 $ pour chacun des chefs.

[64]    Sur le chef 3, les parties recommandent une radiation de deux semaines.

[65]    Sur le chef 5, les parties recommandent l’imposition d’une amende de
4 000 $.

[66]    Pour ce qui est du chef 6, les parties recommandent une radiation d’une période d’un mois.

[67]    Les amendes recommandées totalisent donc la somme de 10 000 $ et les parties recommandent que les périodes de radiation soient consécutives.

[68]    Lorsqu’il y a des recommandations communes de sanction et que les parties sont représentées par avocat, le comité doit se demander si de telles recommandations sont déraisonnables au point de déconsidérer l’administration de la justice ou sont contraires à l’ordre public.

[69]    Le comité est d’avis que tel n’est pas le cas et que les facteurs objectifs et subjectifs de même que les circonstances aggravantes et atténuantes ont été bel et bien soupesés par les parties et que la sanction se situe à l’intérieur des paramètres dégagés par la jurisprudence.

[70]    Le comité retient les facteurs suivants :

               Les manquements reprochés sont relativement graves et se situent au cœur de la profession;

               Les nombreuses années de pratique de l’intimé;

               La durée des infractions qui se sont échelonnées sur quelques années;

               L’âge et la vulnérabilité des consommateurs et le contexte de querelle familiale.

[71]    Le comité retient comme facteurs atténuants la reconnaissance des faits par l’intimé, l’absence d’intention malveillante ou frauduleuse et l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé.

[72]    De façon générale, les périodes de radiation imposées au professionnel sont concurrentes et non pas consécutives. Il en va autrement quand les infractions n’ont aucun lien entre elles et qu’il s’agit d’infractions complètement différentes ce qui est le cas dans le présent dossier[1]. L’infraction reprochée sous le chef 3 porte sur le conflit d’intérêts alors que le chef 6 porte sur l’entrave au travail du syndic.

[73]    Le comité imposera donc les sanctions recommandées par les parties.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous les chefs d’accusation 1, 2, 3 et 4

DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

Sous le chef d’accusation 5

DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1);

Sous le chef d’accusation 6

DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ET STATUANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation 1

ORDONNE le paiement d’une amende de 2 000 $;

Sous le chef d’accusation 2

ORDONNE le paiement d’une amende de 2 000 $;

Sous le chef d’accusation 3

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux semaines;

Sous le chef d’accusation 4

ORDONNE le paiement d’une amende de 2 000 $;

Sous le chef d’accusation 5

ORDONNE le paiement d’une amende de 4 000 $;

Sous le chef d’accusation 6

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois;

ORDONNE que les périodes de radiation temporaire soient purgées de façon consécutive;

ORDONNE à la secrétaire du comité de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156 (7) du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. 26).

 

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

_______________________________

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Shirtaz Dhanji

                                                                      

M. SHIRTAZ DHANJI, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Felice Torre

                                                                      

M. FELICE TORRE, A.V.A., Pl. Fin.

                                                                  Membre du comité de discipline

 

 

Me Claude Leduc

Me Lucie Vallade

MERCIER LEDUC S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me François Marseille

RATELLE, RATELLE & ASSOCIÉS S.E.N.C.R.L.

Procureurs de l’intimé

 

 

 

Date d’audience : 25 novembre 2020

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Tan c. Lebel, 2010 QCCA 667.

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