Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1138 et CD00-1208

 

DATE :

23 décembre 2020

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre

 

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

 

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

MOHTAZ BILLAH ALILAT, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 183639, BDNI 2425091)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des nom et prénom de la consommatrice visée par les plaintes, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de l’identifier. Il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]          Le 10 décembre 2020, le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni pour procéder par visioconférence à l'audience sur sanction à la suite de sa décision sur culpabilité rendue contre l’intimé le 26 août 2020.

[2]          En ce qui concerne la plainte CD00-1138, après avoir été acquitté sous les deux premiers chefs d’accusation de celle-ci, l’intimé a été déclaré coupable :  

a)   Sous le chef 4 pour ne pas avoir fourni à sa cliente des informations complètes ou susceptibles de l’induire en erreur notamment quant aux garanties des contrats de fonds distincts qu’il lui a fait souscrire,

b)    Sous les chefs 5 et 6 en ce qui a trait à la convenance de ces fonds distincts eu égard notamment aux objectifs et horizon de placement de sa cliente,

c)    Sous le chef 7, pour avoir complété après coup les sections relatives aux numéros de fonds et option de frais de ces fonds sans aviser cette dernière, bien que conformes aux échanges tenus avec elle.

[3]           Précisons que le troisième chef de cette première plainte a été retiré par la plaignante dès le début de l’audience sur culpabilité.

[4]          Quant à la plainte CD00-1208, l’intimé été déclaré coupable sous l’unique chef d’infraction de celle-ci pour avoir contrefait ou permis à un tiers de contrefaire la signature de sa cliente sur un « Plan de retraite », à la suite de son plaidoyer de culpabilité.

[5]          Me Julie Piché représentait la partie plaignante alors que Me René Vallerand, l’intimé. 

[6]          Dans un premier temps, Me Piché a demandé de renouveler l’ordonnance rendue lors de la culpabilité en vertu de l’article 142 du Code des professions. Le comité a donné suite à sa demande en rendant cette ordonnance selon toutefois le libellé rapporté au début de la présente décision.

 

LA PREUVE

[7]          La seule preuve supplémentaire produite sur sanction est la fiche d’individu de l’intimé (SP-1), à jour le 7 décembre 2020, qui indique que ce dernier détient un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes.

RECOMMANDATIONS COMMUNES

[8]          Ensuite, les parties ont recommandé conjointement les sanctions suivantes :

a)    Pour la plainte CD00-1138, le paiement d'une amende de 2 000 $ sous le chef 4 et des réprimandes sous chacun des chefs 5 et 6, considérant que les fautes commises sous ces deux derniers sont intimement liées au chef précédent, l’intimé ne possédant pas les connaissances adéquates sur le produit proposé.

Pour le chef 7, une réprimande est également suggérée compte tenu des faits entourant cette faute et retenus par le comité.

b)    Quant au seul chef de la plainte CD00-1208, comme démontré par les décisions soumises, avant la décision rendue dans l’affaire Brazeau[1] par la Cour du Québec ayant conclu à une période de radiation, la sanction retenue par le comité de discipline de la CSF pour ce type d’infraction était le paiement d’une amende. Insistant sur le côté particulier de cette affaire et des nombreux éléments soumis, notamment par cette infraction l’intimé ne recherchait aucun bénéfice ou avantage, les parties se sont dites d’avis que tenant également compte de la globalité des sanctions, le paiement d’une amende de 5 000 $ constituait une sanction appropriée en l’espèce.

[9]          Des principaux éléments propres à cette affaire, les parties ont mentionné :  

a)    Les délais de 10 ans écoulés depuis les infractions commises et ceux encourus depuis le dépôt des plaintes qui remonte à juillet 2015 et octobre 2016 respectivement;

b)    L’enregistrement par l’intimé de plaidoyers de culpabilité sous trois des cinq chefs pour lesquels il a été déclaré coupable.

c)    L’acquittement de l’intimé sur deux des huit chefs portés contre lui et le retrait d’un autre par la plaignante.

d)    Un seul événement et une seule consommatrice impliquée;

e)    La situation financière difficile de l’intimé;

f)     La globalité des sanctions étant donné les frais et déboursés importants à encourir par l’intimé dont les frais d’expertises encourus de part et d’autre, ces experts ayant également témoigné.  

g)    Les facteurs relatifs à l’intimé dont l’absence d’antécédent disciplinaire ou d’autres plaintes portées contre lui, son âge, celui-ci ayant maintenant 41 ans, alors qu’il avait à peine un an d’expérience au moment des événements et en était à sa première expérience en souscription de contrat de fonds distincts.

h)    Le fait que ces infractions ont été commises en raison d’un manque de connaissances relatif aux garanties offertes par ces fonds distincts jumelé à son manque d’expérience, plutôt que par mauvaise foi ou avec intention malhonnête;

i)     L’absence d’avantage pour l’intimé qui avait renoncé à ses frais sur le placement de 15 000 $ et n’ayant touché que 1 500 $ sur le placement de 50 000 $;  

j)     La présence de regrets;  

k)    L’absence de préjudice pour la consommatrice. D’une part, à sa demande, sa police d’assurance vie pour laquelle elle avait obtenu un congé de primes a été remise en état et la police d’assurance maladies grave annulée. Quant à sa réclamation de l’entièreté des rendements que son placement de 50 000 $ avait générés, en dépit d’avoir procédé à son rachat avant l’échéance de la cédule prévue au contrat, une entente à l'amiable est intervenue avec la compagnie d’assurance en juin 2015;  

[10]       Me Piché a ensuite passé en revue une série de décisions[2] démontrant que, dans des affaires de même nature, les sanctions recommandées étaient appropriées, en considérant les faits propres à la présente affaire et de tous les facteurs soulevés.

[11]       Enfin, les parties ont recommandé la condamnation de l’intimé au paiement des frais et déboursés, desquels devront être retranchés les frais d’expertise en écriture et tous autres frais liés à l’assignation de l’expert concerné par cette expertise qui n’a pas été déposée en preuve, mais dans une proportion de 5/8 pour tenir compte du nombre de chefs pour lesquels il a été reconnu coupable.

[12]       Me Vallerand a confirmé que les représentations de Me Piché étaient conformes à leurs discussions et a demandé d’accorder à l’intimé un délai de 18 mois pour le paiement desdites amendes qui totalisent 7 000 $ ainsi que des frais et déboursés tel qu’exposé.

[13]       Ce délai a été augmenté à 24 mois après discussion avec les parties. Me Piché a déclaré n’avoir pas d’objection à formuler quant à cette demande de délai pourvu que les versements soient consécutifs et égaux sous peine de déchéance du bénéfice du terme.

ANALYSE ET MOTIFS

[14]        Les parties ont fait part des principales considérations les ayant menés à leurs recommandations conjointes. Le comité est en présence de deux procureurs d’expérience. Il n’a aucun doute que leurs recommandations sont le fruit d’une étude et de discussions sérieuses considérant tous les éléments pertinents pour la détermination des sanctions en l’espèce.

[15]        Il est indéniable que les infractions commises sont objectivement graves et portent atteinte à la profession. Elles se situent au cœur de l’activité du représentant.

[16]        Les infractions des chefs 4, 5 et 6 de la plainte CD00-1138 sont intimement liées et découlent d’un manque de connaissance du produit par l’intimé. Or, le représentant se doit de bien connaître le produit qu’il propose à son client ainsi que ses caractéristiques, sinon il risque de l’induire en erreur et lui faire des recommandations ne convenant pas, notamment à ses objectifs et horizon de placement comme en l’espèce.

[17]        Quant à l’infraction du chef 7, les faits retenus par le comité entourant sa commission écartent toute intention malveillante de la part de l’intimé et laissent plutôt croire être le fait d’un jeune représentant de peu d’expérience qui a agi à la hâte, négligeant ainsi d’en informer sa cliente.

[18]        Le comité retient tous les éléments et facteurs tant aggravants qu’atténuants objectifs et subjectifs que les parties ont fait valoir au soutien de leurs recommandations comme rapporté plus avant dans la présente décision. Mentionnons entre autres l’absence d’intention malveillante de l’intimé, son peu d’expérience au moment des faits, le délai de dix ans écoulés depuis les événements, l’absence d’antécédent disciplinaire et d’autres plaintes contre l’intimé, l’enregistrement par ce dernier de plaidoyers de culpabilité à l’égard de trois des chefs d’infractions portés contre lui, la présence d’un seul événement et d’une seule consommatrice, l’absence de préjudice pour celle-ci et de recherche par l’intimé de bénéfice au moyen de ces infractions, sa situation financière difficile.

[19]        Le comité convient aussi avec les parties que ce dossier présente des particularités devant être tenues en compte pour la détermination des sanctions.

[20]        Ainsi, notamment en ce qui concerne la plainte CD00-1208, bien que différente des sanctions de radiation habituellement ordonnées depuis la décision Brazeau[3] pour ce type d’infraction, le comité estime que le paiement d’une amende de 5 000 $ se justifie. D’une part, par ce geste, l’intimé ne recherchait aucun bénéfice ou avantage pour lui-même et d’autre part, cette sanction tient compte entre autres du principe de la globalité des sanctions, l’intimé ayant à défrayer des frais et déboursés importants alors qu’il vit une situation financière difficile aggravée en ce temps de pandémie.

[21]        Par conséquent, dans les circonstances, après révision des faits propres à ce dossier, de tous les éléments qui lui ont été présentés et de l’ensemble des circonstances entourant cette affaire, le comité est d’avis que ces sanctions participent à la protection du public, respectent les principes de dissuasion et d’exemplarité tout en préservant le droit pour l’intimé de gagner sa vie en exerçant sa profession[4].

[22]        Le comité est également d’avis que ces recommandations conjointes ne sont ni contraires à l’intérêt public ni susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice[5].

[23]       Par conséquent, le comité imposera à l’intimé les sanctions recommandées par les parties décrites plus avant et le condamnera au paiement des 5/8 des frais et déboursés desquels devront être retranchés les frais d’expertise en écriture et tous autres frais liés à l’assignation de l’expert concerné par cette expertise.

[24]       Le comité accordera à l’intimé un délai de 24 mois pour le paiement des amendes et des déboursés par versements consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du terme.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE, telle que rendue séance tenante, l’ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et non-publication des nom et prénom de la consommatrice visée par les plaintes, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de l’identifier. Il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’informations prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

PLAINTE CD00-1138

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ sous le quatrième chef d’accusation;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous chacun des chefs d’accusation 5, 6 et 7;

 

PLAINTE CD00-1208

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous l’unique chef d’accusation de cette plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement des 5/8 de l’ensemble des frais et déboursés desquels devront être retranchés les frais d’expertise en écriture et tous autres frais liés à l’assignation de l’expert concerné par cette expertise, et ce, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

ACCORDE à l’intimé un délai de vingt-quatre mois pour le paiement des amendes totalisant 7 000 $ et des déboursés, par versements consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du terme;

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, à savoir par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Janine Kean

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Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Serge Lafrenière

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M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Sylvain Jutras

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M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché  

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 10 décembre 2020

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Brazeau c. CSF; 2006 QCCQ 11715

[2]     Chambre de la sécurité financière (CSF) c. Daigle, 2015 QCCDCSF 41; CSF c. Djebbari, 2015 QCCDCSF 53; CSF c. Girard, 2003 CanLII 57164 (QC CDCSF); CSF c. Millot, 2003 CanLII 57182 (QC CDCSF); CSF c. Doyon, 2007 CanLII 31463 (QC CDCSF).

[3] Voir note 1.

[4] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37 à 39.

[5] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 

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