Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1138 et CD00-1208

 

DATE :

26 août 2020

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre

 

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

MOHTAZ BILLAH ALILAT, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 183639, BDNI 2425091)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

  • Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des nom et prénom de la consommatrice visée par les plaintes, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de l’identifier.

[1]           À la demande des parties, ces plaintes, portées contre Mohtaz Billah Alilat (Alilat) les 27 juillet 2015 et 20 octobre 2016 respectivement, ont été réunies.

[2]          Me Julie Piché[1] représentait la plaignante et Me Sonia Paradis, l’intimé Alilat. 

[3]          Faute de pouvoir relever son fardeau de preuve quant au troisième chef d’accusation contenu à la plainte CD00-1138, Me Piché a demandé son retrait.

[4]          De consentement avec sa consœur, elle a amendé le septième chef d’accusation de cette même plainte.

[5]          Ces demandes ont été accueillies. Par conséquent, les plaintes dont le comité est saisi sont maintenant les suivantes :

LA PLAINTE AMENDÉE CD00-1138

1.         À Montréal, le ou vers le 24 septembre 2010, l’intimé a donné à C.C. des informations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur quant aux conséquences de la «Demande relative à l’utilisation des fonds – Congé de prime» de sa police d’assurance vie […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.         À Montréal, le ou vers le 24 septembre 2010, l’intimé a recommandé à C.C. de demander un congé de prime de sa police d’assurance vie no […] et de souscrire à la police d’assurance contre les maladies graves no […], ce qui ne correspondait pas à ses besoins financiers et d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

3.         Retiré;

4.         À Montréal, le ou vers le 4 octobre 2010, l’intimé a donné à C.C. des informations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur alors qu’il lui a fait souscrire, au nom de la société C.C. & A. inc., aux contrats de fonds distincts nos […] et […] notamment quant aux garanties et aux frais applicables, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

5.         À Montréal, le ou vers le 4 octobre 2010, l’intimé a fait souscrire C.C., au nom de la société C.C. & A. inc., au contrat de fonds distincts no […] d’un montant de 15 000 $, ce qui ne correspondait pas notamment à son profil, à sa situation personnelle et financière ainsi qu’à ses objectifs et horizon de placement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 15, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

6.         À Montréal, le ou vers le 4 octobre 2010, l’intimé a fait souscrire C.C., au nom de la société C.C. & A. inc., au contrat de fonds distincts no […] d’un montant de 50 000 $, ce qui ne correspondait pas notamment à son profil, à sa situation personnelle et financière ainsi qu’à ses objectifs et horizon de placement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 15, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

7.         À Montréal, le ou vers le 6 octobre 2010, l’intimé a modifié les sections « Numéro du Fonds» et «Option avec frais d’acquisition» de la proposition de fonds distincts […] sans en informer C.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).  

LA PLAINTE CD00-1208

1.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 21 octobre 2010, l’intimé a contrefait ou a permis à un tiers de contrefaire la signature de C.C. sur un « Plan de retraite », contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[6]          Le 27 mars 2018, Me Paradis a cessé d’occuper pour Alilat. Bien que dûment invité à se constituer un nouveau procureur par lettre de Me Piché, le
9 avril 2018, ce dernier n’y a pas donné suite.

[7]          Lors de l’instruction, le comité a commandé les notes sténographiques de certains témoignages. Celles-ci lui sont parvenues le ou vers le
11 avril 2018, date à laquelle le délibéré a commencé.

PLAIDOYERS DE CULPABILITÉ

[8]           D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité sous chacun des chefs d’accusation 5 et 7 de la plainte CD00-1138.

[9]           En cours d’instruction, il a enregistré ce plaidoyer sous l’unique chef d’accusation de la plainte CD00-1208.

[10]        Après l’enregistrement de chacun de ces plaidoyers de culpabilité et après s’être assuré que l’intimé comprenait que, par ces plaidoyers, il reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques, le comité a donné acte à leur enregistrement.

LA PREUVE

[11]        Me Piché a déposé sa preuve documentaire[2] et a fait entendre la consommatrice C.C., ainsi que monsieur Martin Dupras (M. Dupras), à titre d’expert.

[12]        Me Paradis a déposé ses pièces[3] et a fait témoigner son client, de même que son expert, monsieur Jean Turcotte (M. Turcotte).

LES FAITS

[13]        Au moment des gestes reprochés, Alilat détient un certificat qui l’autorise à agir à titre de représentant en assurance de personnes pour le cabinet London Life compagnie d’assurance vie (London Life). À partir de 2014, il s’est joint à d’autres cabinets et est ensuite devenu représentant autonome jusqu’en janvier 2017. Il était aussi inscrit comme représentant de courtier pour un courtier en épargne collective pour le compte de Quadrus.

[14]        Les parties déposent, le 3 octobre 2017, les admissions suivantes[4]:

a)    Dépôt de consentement de l’attestation de pratique de l’intimé du 1er mars 2016;

b)    Il n’y a eu aucune commission versée à la suite de la souscription du fonds distinct au montant de 15 000 $;

c)    Une commission de 1 250 $ et un boni de 250 $ ont été versés à la suite de la souscription du fonds distinct de 50 000 $;

d)    Il n’y a pas eu de commission à la suite de la souscription de l’assurance pour la maladie grave (AMG) en raison de son annulation;

e)    La date sur les pages 86, 545 (P-12), 553 et 104 (P-13) devrait être le 4 octobre 2010 et non le 4 janvier 2010, l’intimé ayant admis cette inversion de date;

f)     Les documents I-4 (P-12) et I-9[5] (P-13) de la divulgation sont les propositions telles que reçues par la compagnie d’assurance le 6 octobre 2010;

g)    L’intimé est celui qui a inscrit la date du 21 octobre 2010 sur le document « Plan de retraite » (P-21) (chef de CD00-1208).  

[15]        En 2010, C.C. était âgée de 55 ans. Elle est célibataire, n’a pas d’enfants et vit seule. Elle exerçait à son compte comme syndique de faillite et était préretraitée. Ses revenus annuels qu’elle évalue entre 30 et 36 K $ lui sont versés sous forme de dividendes. Elle a ainsi peu d’impôt à payer.

[16]        C.C. a cessé de prendre de nouveaux clients en septembre 2008. Elle a également vendu son achalandage dont la majorité de ses dossiers un an avant la crise financière de 2008. En 2010, elle est à 90-95 % retraitée, il lui reste environ quatre ou cinq dossiers et en septembre de la même année, lors de sa rencontre avec l’intimé, il lui restait environ deux dossiers.

[17]        Comme son permis se renouvelait en décembre 2010, vers la mi-décembre 2010, elle a vendu son dernier dossier.

[18]        En septembre 2010, C.C. a reçu un appel téléphonique de l’intimé. Elle ne le connaissait pas. Il voulait lui fixer une rencontre, laquelle a eu lieu au bureau de ce dernier, le 24 septembre 2010 à 15h.

[19]        C.C. détenait une assurance vie auprès de London Life souscrite le 3 août 1985 soit depuis plus de 25 ans (P-2) avec une prime mensuelle d’environ 35 $.

[20]        C.C. savait que cette police avait une valeur de rachat recevant le relevé annuel de London Life. Au 15 novembre 2009, la valeur de rachat était de
17 869,96 $ et au 15 novembre 2010, celle-ci était de 19 301,21 $ (P-3).

[21]        Selon C.C., la rencontre du 24 septembre 2010 a duré environ une heure et demie. Le but de cette rencontre était pour elle de connaître la bonne nouvelle qu’il lui avait annoncée au téléphone.

[22]        L’intimé lui a proposé de prendre l’équivalent de sa prime d’assurance vie pour une AMG de 16 000 $.

[23]        Elle décrit sa tolérance aux risques comme plus élevée que celle de la moyenne des gens de son âge à la retraite. En cours d’audience, des relevés démontrent des actifs beaucoup plus importants que ce qu’elle a fourni à l’intimé (P-27).  

[24]        Alilat arrive au Canada en 2001. Il détient une équivalence pour études collégiales qu’il a dû parfaire aux fins d’obtenir un diplôme d’études collégiales (DEC). Ensuite, il entreprend des études à l’université pour compléter des certificats visant l’obtention d’un baccalauréat (bac) en planification financière. Toutefois, en raison de son travail, il les suspend. Il accomplit différentes tâches pour la Banque Royale, de l’entrée de données, en passant par le service à la clientèle et caissier. Il y a travaillé cinq à six ans. Il poursuit son parcours avec la Banque de Montréal (BMO) et en 2009, il se joint à la Financière Liberté 55 (London Life). 

[25]        À partir du 30 octobre 2009, après avoir complété un stage de six mois, il commence comme conseiller en sécurité financière auprès de London Life.

[26]        À ses débuts, il doit faire du démarchage pour se constituer une clientèle. C’est à peine s’il a un client par mois et parfois même aucun. Toutefois, London Life lui délègue quelques dossiers à la fois, appelés dossiers orphelins, c’est-à-dire sans conseiller, pour un total d’environ 120.

[27]        À l’été 2010, il hérite du dossier de C.C. London Life lui transmet pour seul document une fiche, intitulée - Données sur la police - Assurance vie (DI-8), mais pas la police de C.C.

[28]        Cette fiche indique le produit détenu par C.C., en l’occurrence une police d’assurance vie, la date de souscription en 1985, le nom de l’assuré, sa date de naissance, le nom du bénéficiaire, son lien de parenté avec l’assuré, la prime mensuelle, et la valeur de rachat.

[29]        Le 6 septembre 2010, Alilat contacte C.C. et l’invite à revoir avec lui son dossier d’assurance. C.C. lui demande de la rappeler le 20 septembre à 10h. À cette dernière date, elle se dit disponible pour une rencontre le 24 septembre à 15h.

[30]        Le 24 septembre 2010, C.C. et Alilat se rencontrent pour la première fois.

[31]        Alilat ne se rappelle pas s’il avait déjà vendu une AMG avant celle de septembre 2010 en l’espèce. Quant aux ouvertures de compte pour C.C. dans des fonds distincts, c’était une première pour lui.

[32]        Ils discutent de l’opportunité de souscrire à une AMG. Alilat explique à C.C. que le congé de prime de l’assurance vie servirait à en payer la prime qui s’avère légèrement inférieure à celle versée pour sa police d’assurance vie. Pour ce faire, il demandera un congé de primes de l’assurance vie et ainsi l’AMG sera payée à même la valeur de rachat de la police d’assurance vie, sans paiement additionnel.

[33]        C.C. signe à cette première rencontre la « Demande relative à l’utilisation des fonds – Congé de primes de la police d’assurance vie » (P-6) acceptée par l’assureur le 27 septembre 2010 (P-7) et la proposition pour une AMG de 16 000 $ (P-10).

[34]        À cette même première rencontre, C.C. informe qu’elle a de l’argent à investir. Ils abordent les placements dans des fonds distincts ainsi que les garanties afférentes. C.C. remplit elle-même le document « Investir pour atteindre vos objectifs » de Financière Liberté 55 pour déterminer son profil d’investisseur (P-11). Alilat lui montre les fonds disponibles en fonction du résultat du profil. Cette rencontre dure environ deux heures.

[35]        Elle indique avoir dans sa compagnie un coussin de 65 000 $ placé dans un Certificat de dépôt garanti (CPG) dans le cas où la Bourse s’écroule.

[36]        C.C. dit réfléchir aux fonds distincts. Elle le rappelle pour lui dire qu’elle veut investir dans ces fonds.

[37]        Ils se rencontrent à cette fin le 4 octobre 2010 et deux comptes pour des fonds distincts sont ouverts, un premier pour 15 000 $ et un deuxième pour
50 000 $.

 

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[38]        Les procureures ont toutes deux plaidé que le sort de la plainte CD00-1138 dépendait notamment de la crédibilité que le comité accorderait à la version des faits de la consommatrice et à celle de l’intimé, celles-ci étant contradictoires sur plusieurs éléments qui entourent les gestes reprochés.

[39]        Par conséquent, elles ont fait valoir chacune leurs arguments à l’appui de la version de l’un ou de l’autre combiné à ceux quant à chacun des chefs d’infraction sur lesquels l’intimé a plaidé non coupable.

[40]        Me Piché a déposé une seule décision, celle rendue par le comité de la Chambre de la sécurité financière (CSF) dans l’affaire Wang[6] signalant les similitudes avec le cas en l’espèce notamment en ce qui concerne les profils d’investisseurs.

[41]        Me Paradis a fait de même en référant à son cahier d’autorités[7] portant sur la signature d’un document sans le lire, le fardeau de la preuve exigé en droit disciplinaire, la compréhension d’un produit et le produit le plus approprié.

 

ANALYSE ET MOTIFS

FARDEAU DE LA PREUVE

[42]        La plaignante a le fardeau de prouver par prépondérance des probabilités, de façon claire et convaincante, la commission des infractions qu’elle reproche à l’intimé. Pour s’en acquitter, il ne suffit donc pas « que sa théorie [de la syndique] soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerte par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le Comité la retient et écarte celle de l’intimé parce que non digne de foi. Si le comité ne sait qui croire, il doit rejeter la plainte […] »[8].

[43]        Plus récemment, la Cour d’appel du Québec a précisé le fardeau de preuve requis en droit disciplinaire comme suit :

« [63] Dans la présente affaire, le débat autour du fardeau de la preuve en matière disciplinaire semble être une question de sémantique.

[…]

[66]    Il est bien établi que le fardeau de preuve en matière criminelle ne s’applique pas en matière civile[43]. Il est tout aussi clair qu’il n’existe pas de fardeau intermédiaire entre la preuve prépondérante et la preuve hors de tout doute raisonnable, peu importe le  sérieux  de l’affaire. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, a explicitement rejeté les approches préconisant une norme de preuve variable selon la gravité des allégations ou de leurs conséquences[44].

[67]    Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. […].

[68]    Comme le rappelle la Cour suprême,  [a]ussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités [45]. »[9]

(références omises et nos soulignés)

 

LA CRÉDIBILITÉ

[44]        Le comité dans l’affaire Ste-Marie[10], soumise par l’intimé, a notamment rapporté les propos que tenaient la Cour d’appel fédérale ainsi que la Cour suprême du Canada au sujet de la crédibilité des témoins :  

« [39] L’évaluation de la crédibilité des témoins doit être soigneusement effectuée par le comité.  Les tribunaux ont énoncé certains critères à cet égard.

[40] La Cour d’appel fédérale écrivait ce qui suit dans Trojan Technologies, Inc. c. Suntec Environmental Inc., 2004 CAF 140, 239 D.L.R. (4th) 536 autorisation d’appel rejetée [2004] 3 R.C.S. xiii :

On trouve une analyse utile du concept de crédibilité dans les motifs prononcés (C.A.C.-B.), aux pages 356 et 357

[TRADUCTION] Si l'acceptation de la crédibilité d'un témoin par un juge de première instance dépendait uniquement de son opinion quant à l'apparence de sincérité de chaque personne qui se présente à la barre des témoins, on se retrouverait avec un résultat purement arbitraire, et l'administration de la justice dépendrait des talents d'acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l'apparence de sincérité n'est qu'un des éléments qui entre en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'apprécier la crédibilité d'un témoin. Les possibilités qu'avait le témoin d'être au courant des faits, sa capacité d'observation, son jugement, sa mémoire, son aptitude à décrire avec précision ce qu'il a vu et entendu contribuent, de concert avec d'autres facteurs, à créer ce qu'on appelle la crédibilité (voir l'arrêt Raymond c. Bosanquet, (1919), 50 D.L.R. 560, à la page 566, 59 R.C.S. 452, à la page 460, 17 O.W.N. 295. Par son attitude, un témoin peut créer une impression très défavorable quant à sa sincérité, alors que les circonstances permettent de conclure de façon indubitable qu'il dit la vérité. Je ne songe pas ici aux cas somme toute assez peu fréquents où l'on surprend le témoin en train de dire un mensonge maladroit.

 

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu'il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l'espèce. Disons, pour résumer, que le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu'une personne éclairée et douée de sens pratique peut d'emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances. Ce n'est qu'ainsi que le tribunal peut évaluer de façon satisfaisante la déposition des témoins expérimentés, confiants et vifs d'esprit tout autant que le témoignage des personnes habiles qui manient avec facilité les demi-vérités et qui ont acquis une solide expérience dans l'art de combiner les exagérations habiles avec la suppression partielle de la vérité. Là encore, une personne peut témoigner de ce qu'elle croit sincèrement être la vérité tout en étant honnêtement dans l'erreur. Le juge du fond qui dit : « Je crois cette personne parce que j'estime qu'elle dit la vérité» tire en fait une conclusion après avoir examiné seulement la moitié du problème. Le juge qui agit ainsi s'expose en réalité à faire fausse route.

 

Le juge du fond doit aller plus loin et se demander si les dires du témoin qu'il croit sont compatibles avec la prépondérance des probabilités dans l'affaire en cause et, pour que son avis puisse imposer le respect, le juge doit également motiver sa conclusion. La loi n'attribue pas au juge du fond la capacité de sonder comme par magie les cœurs et les reins des témoins. De plus, la cour d'appel doit être convaincue que les conclusions que le juge de première instance a tirées au sujet de la crédibilité ne reposent pas sur un seul élément à l'exclusion de tout autre, mais qu'elles sont fondées sur tous les éléments qui permettent de vérifier la crédibilité dans un cas donné.

[41] Dans un passage qui a souvent été cité tant en matière criminelle qu’en matière civile [50], le juge Estey de la Cour suprême du Canada s’exprimait en ces termes dans White c. The King, [1947] S.C.R. 268, à la p. 272 :

La question de la crédibilité en est une de fait qui ne peut être déterminée par l'application d'un ensemble de règles qui, à ce qui est suggéré, devraient avoir force de loi [...] 

 

Des juges éminents ont parfois indiqué certains guides qui se sont révélés être d'une grande utilité. Mais mes recherches m'indiquent qu'on n'a jamais tenté d'indiquer tous les facteurs susceptibles d'entrer en jeu. C'est une question où trop de caractéristiques humaines tant positives que négatives doivent être prises en considération. L'intégrité générale de l'intelligence du témoin, ses facultés d'observation, la capacité de sa mémoire et l'exactitude de sa déposition sont des facteurs importants. Il est également important de déterminer s'il essaie de bonne foi de dire la vérité, s'il est sincère et franc ou s'il a des préjugés ou s'il est réticent ou évasif. Toutes ces questions entre autres peuvent recevoir une réponse d'après l'observation de la conduite et du comportement général du témoin en déterminant la crédibilité [51]. »

 

(Références omises)

[45]        À cette enseigne, dans la présente affaire, le comité fait les constats suivants.

[46]        La consommatrice C.C. a 55 ans. Elle est une universitaire, membre de l’Ordre professionnel des comptables du Québec. Bien qu’au cours de son témoignage elle ait tenté de minimiser ses connaissances, il ressort de la preuve qu’au cours de sa carrière, elle procède à la vérification des livres comptables d’entreprises et le certificat constitutif de sa compagnie indique notamment qu’elle agit comme liquidateur, syndic de faillite, séquestre intérimaire, de mandataire d’un créancier et conseiller financier en matière d’insolvabilité (D-1, p.3).

[47]        C.C. investit à la Bourse, la suit assidûment et examine ses relevés dès leur réception. Elle gère elle-même et seule ses investissements. Les conseillers financiers lui inspirent peu de respect se disant d’avis qu’ils « travaillent tous
mal
»[11]. Elle dit très bien se connaître et ne pas avoir besoin d’un profil d’investisseur pour savoir qu’elle est très tolérante aux risques. Elle a notamment vécu la crise boursière de 2008, deux ans à peine avant sa rencontre avec l’intimé.

[48]        Le congé de prime pour son assurance vie et l’AMG souscrite le
24 septembre 2010 ont été annulés autour du mois d’octobre ou novembre 2010
(P-8).

[49]        À la suite de sa plainte du 29 novembre 2010 à London Life relative aux contrats de fonds distincts souscrits par l’intermédiaire de l’intimé pour 15 K $ et
50 K $, C.C. a toutefois refusé l’offre de l’assureur de renverser ces transactions du
6 octobre 2010 et de lui rembourser intégralement les 65 K $, moyennant une quittance de sa part[12].

[50]        Le 14 décembre 2010, après d’autres échanges quant à apparemment l’option avec frais d’acquisition différés (FAD) sur le contrat de 50 K $, l’assureur réitérait à C.C. son offre, qualifiée de finale, valable jusqu’au
31 décembre 2010. Il la réfère, en cas d’insatisfaction, à l’Ombudsman de London Life pour le transfert de son dossier à l’Autorité des marchés financiers (AMF)[13].

[51]        C.C. a choisi de conserver ses deux contrats. À peine quelques mois plus tard en 2011, elle a procédé au rachat des 15 K $ du premier contrat dont les frais d’acquisition étaient à 0 %, récupérant ainsi le capital et les rendements accumulés sur celui-ci.

[52]        En mars 2013, elle rachète le contrat de 50 K $. Un chèque de 50 475 $ lui est transmis soit la valeur totale de la Police moins les FAD applicables, la période de sept ans n’étant pas expirée. En avril de la même année, C.C. réclame à London Life les FAD de 2 388,32 $. Faute de l’obtenir, elle dépose une réclamation à la Cour des petites créances (DI-12). La preuve est silencieuse quant au sort de cette dernière réclamation. 

[53]        Le témoignage de C.C. est évolutif sur certains éléments. Par exemple, concernant ses revenus annuels, elle dit percevoir des dividendes de 30 K $, un peu plus tard de 36 K $ alors que 35 K sont indiqués sur son profil de sécurité financière et 36 K sur la proposition pour AMG, pourtant ces derniers documents sont complétés le 24 septembre 2010. Il est vrai que l’écart n’est pas grand. Ces différences lui étant soulignées, C.C. se défendra en répondant que l’intimé a rempli seul la proposition.

[54]        Alors qu’elle pointe des incohérences quant à certaines informations potentiellement erronées qui sont inscrites sur son profil de sécurité et sa proposition pour l’AMG, elle les explique en avançant que l’intimé a dû s’inspirer de celles se trouvant sur la police d’assurance vie émise en 1985 (P-2). Cela s’avère plutôt invraisemblable. D’une part la preuve non contredite veut que l’intimé, qui a hérité de son dossier appelé orphelin, n’ait reçu de London Life qu’une fiche sur la police d’assurance vie détenue par elle (DI-8), et que celle-ci ne contient pas ces informations. De plus, l’intimé ne tire aucun avantage à inscrire des informations erronées.

[55]        C.C. a une mémoire sélective, ayant démontré avoir une excellente mémoire sur les éléments qui la servent, mais ne pas même se souvenir si elle a signé une proposition pour l’AMG. Elle en déduira que oui.  

[56]        Par ailleurs, pour l’information relative à son médecin s’y trouvant, comme l’intimé ne pouvait pas en avoir connaissance que par elle, C.C. se ravise en déduisant qu’elle a dû lui fournir cette information.

[57]        Quand la procureure de la plaignante vérifie auprès d’elle si la réponse
« oui » inscrite dans le profil de sécurité financière à la question de savoir si « elle conserve ses documents financiers importants en lieu sûr », C.C. répond de façon pour le moins désinvolte : « Bien, je ne pense pas qu'une filière dans, une filière en plastique, que c'est un endroit sûr »[14].

[58]        Elle s’est montrée réticente à répondre aux questions par ailleurs très simples plus particulièrement lors de son contre-interrogatoire. Ce n’est qu’à la suite d’interventions du comité lui réitérant son obligation de répondre aux questions qu’elle répondait sans hésitation, et ce, sans même avoir besoin de les faire répéter.

[59]        Son témoignage est à plusieurs égards évasif, imprécis, particulièrement quand les questions ne lui conviennent pas ou portent sur des sujets sur lesquels elle ne veut pas répondre.

[60]        Elle utilise des formules comme « peut-être », « ne semble pas »,
« probablement pas » ou fait des déductions. Aussi, le comité l’a avisée de témoigner non pas à partir de déductions, mais à partir des faits dont elle se rappelle. 

[61]        Les notes de l’intimé sur le profil de sécurité financière de C.C. fait le
24 septembre 2010, indiquent qu’elle refuse notamment de remplir un budget, de fournir des informations sur son testament et sur ses placements chez RBC, se limitant à indiquer qu’il s’agit de 300 000 $ en actions et d’un CPG de 65 000 $.  

[62]        Les relevés de ses placements produits en cours d’audience, même si certains sont incomplets, démontrent qu’au moment de sa rencontre avec l’intimé elle détenait des actifs beaucoup plus importants que ceux qu’elle lui a transmis, et ce, tant personnellement que dans sa compagnie (P-27 en liasse).

[63]        Cette collaboration mitigée de C.C. avec le représentant est révélatrice du genre de cliente qu’est C.C. 

[64]        L’intimé était pour sa part nouveau dans l’industrie. C’était la première fois qu’il proposait des fonds distincts et C.C. était sa première cliente à ce titre. Or, cette dernière a démontré sans conteste avoir un caractère fort et d’excellentes connaissances du marché financier, lesquelles étaient assurément plus grandes que la moyenne. 

[65]        Alilat a répondu aux questions sans par ailleurs chercher de faux-fuyants.

[66]        Pour tous ces motifs, le comité estime que le témoignage de C.C. est sujet à caution de sorte que le comité est amené à accorder une faible valeur probante à son témoignage et plus de poids aux informations contenues dans les documents.

PLAINTE AMENDÉE CD00-1138

Chef d’accusation 1

[67]        Ce premier chef reproche à l’intimé d’avoir, le 24 septembre 2010, donné à C.C. des informations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles de l’induire en erreur quant aux conséquences de la « Demande relative à l’utilisation des fonds – Congé de prime » de sa police d’assurance vie.

[68]        D'abord, mentionnons que les experts sont d’accord pour dire qu'un congé de prime sur un contrat d'assurance vie est une stratégie souvent proposée lorsque le besoin d'assurance vie subsiste et que la valeur de rachat de cette police permet de financer adéquatement le coût futur de la prime. Toutefois, l’exercice de cette option signifiera pour le titulaire de cette police d’assurance vie de voir une diminution de la valeur de rachat ou une croissance de celle-ci moins rapide dans le temps.

[69]        Rappelons que C.C. et l’intimé ont évalué respectivement la durée de la rencontre du 24 septembre 2010 entre une heure trente et deux heures.

[70]        Selon l’intimé, il a d’abord expliqué à C.C. sa police d’assurance vie, le capital décès, les participations, la valeur de rachat et les différentes options pour utiliser celle-ci. Ensuite, ils ont regardé l’illustration papier de la police sans congé de prime ressemblant à celles produites sous P-5. Quant à celle avec congé de prime, elle était à l’ordinateur et permettait de voir les conséquences sur la valeur de rachat.  

« (…) elle avait, on avait l'illustration papier, l'original, sans congé de prime, versus l'exemple d'assurance vie avec le congé de prime dans mon ordi, et là on commençait à voir les différences, c'est-à-dire si je prends le congé de prime, c'est quoi l'impact qui va aller sur la valeur de rachat et c'est quoi l'impact qui va aller dans le capital de décès ». [15]

[71]        C.C. prétend que les informations que l’intimé lui a données à propos du congé de prime de sa police d’assurance vie ne lui ont pas permis de comprendre que la valeur de rachat s’en trouverait affectée par une diminution ou autrement.

[72]        Toutefois, son témoignage voulant qu’elle n’ait pas compris que le congé de prime pouvait affecter la valeur de rachat de sa police d’assurance vie s’est avéré imprécis et vague.

[73]        Concernant les informations données par l’intimé sur les conséquences de la « Demande relative à l’utilisation des fonds – Congé de prime » de sa police d’assurance vie, C.C. témoigne comme suit :

« Q. [85] […] Donc, vous dites que vous avez, cette journée-là, parce qu'on vous a parlé là que vous pourriez arrêter de payer votre prime, que vous avez signé des papiers à cet effet-là, qu'est-ce que vous compreniez exactement de ces explications-là quant au, on va appeler ça le congé de prime là, qu'est-ce que vous compreniez exactement?

 

R. Bien, ce que moi j'ai compris c'est que, même si je continue à payer, ça ne me donnait rien de plusSi j'arrêtais, ça ne m'enlevait rien.  Ma valeur de rachat allait continuer à augmenter de la même façon qu'auparavant ».[16]

 

[74]        À propos des illustrations, C.C. déclare avoir vu quelque chose à l’ordinateur, mais ne peut dire s’il s’agissait d’une illustration avec ou sans congé de prime.

« Q. [64] Est-ce que, quand vous dites les tableaux dont il m'a montrés à l'écran, est-ce que c'est ces documents-là, est-ce que c'est des genres de Tableaux comme ça que vous avez regardés à l'écran?

 

R. D'après moi, pas exactement parce qu'il me semble qu'on voyait le montant plus en ligne comme ça, puis on voyait le montant en bas, mais je l'ai vu rapidement et, et ils étaient comparés un à côté de l'autre, les différents taux étaient, c'était dans le même tableau.

 

Q. [65] Donc, quand vous dites même tableau, vous voulez dire une page, j'essaie de comprendre?

 

R. Oui, dans la même page là, j'avais disons valeur de rachat soixante pour cent (60%), quatre-vingts pour cent (80%), je ne me souviens plus combien il y en avait là, deux, trois (2-3) là, mais c'était dans le même tableau.

 

Q. [66] O.k.  Mais vous dites que c'est, qu'à votre souvenir, ce serait différent de ce qui est à l'onglet 5?

 

R. Oui, ce serait différent de ça.

 

Q. [67] Il y a plusieurs pages, peut-être vous pouvez, vous avez vu là, il a plusieurs pages, des fois là, puis... vous les avez toutes regardées?

 

R. Non, il y avait juste un, une page, il m'a montré juste une page.

[…]

R. Il y avait juste une page.  Mais je ne voyais pas en quoi ça s'appliquait là, dans mon dossier »[17].

[75]        Au cours de cette présentation à l’ordinateur, elle témoigne avoir à plusieurs reprises demandé à l’intimé, un exemple avec et sans congé de prime, mais dit-elle sans succès.

[76]        Pourtant, C.C. signe la « Demande relative à l’utilisation des fonds – Congé de prime » de sa police d’assurance vie (P-6).

[77]        Or, en haut de la deuxième page sur laquelle elle a apposé sa signature, on peut y lire les « explications à propos de l’utilisation des fonds – Congé de prime » exposant ce qu’est le congé de prime et les conséquences notamment sur la valeur de rachat.  Il y est notamment écrit :  

« Le congé de prime affecte le taux de croissance de la valeur de rachat et réduit la prestation de décès de ma police par comparaison à ce qui serait le cas si les primes continuaient d’être payées en espèces »[18].

[78]        Au bas de cette même page, tout juste au-dessus de la signature de C.C., se trouve, en caractère gras, la note ci-après reproduite :

« Mon conseiller en sécurité financière m’a fourni un relevé des valeurs de ma police donnant un exemple où les primes sont payées par le propriétaire de la police et un exemple où les primes sont payées par le Congé de prime et, j’affirme comprendre suffisamment les conséquences qu’aura sur ma police le fait d’avoir choisi le Congé de prime comme modalités de paiement des primes. »

(nos soulignés)

[79]        En outre, cette note est suivie d’une autorisation à London Life d’utiliser les participations et ensuite les valeurs existantes pour payer les primes. À cette autorisation s’ajoute la confirmation du signataire de sa demande d’y donner suite formulée au « je ».

[80]        Contre-interrogée, C.C. déclare avoir signé, mais sans prendre la peine de lire ce document.

[81]        Comme mentionné plus avant, C.C. est non seulement une personne instruite, mais possède des connaissances financières plus élevées que la moyenne. Elle a, à son acquis, une carrière active de comptable agréée. Elle connaît notamment le marché boursier et plus particulièrement les actions et fonds communs, titres qu’elle détient dans son portefeuille.

[82]        Il est normal que le conseiller module son approche en fonction du client devant lui, comme dans le cas présent, il n’a pas besoin de développer ses explications avec la même profondeur qu’avec un néophyte[19].

[83]        Qui plus est, signer un tel document sans le lire est certes inexcusable[20]. Une simple lecture par C.C. lui permettait de bien saisir le congé de prime et ses conséquences.

[84]        De plus, un avis de confirmation de l’utilisation des fonds par London Life selon leur dossier en date du 29 septembre 2010 est envoyé à C.C., lequel fournit aussi des explications sur le congé de prime et ses conséquences (P-7). Pourtant, ce n’est que le 12 octobre 2010 que C.C. avise l’intimé qu’elle veut annuler l’AMG. Cet avis indique que le congé de prime commence à compter de la prime due le
15 octobre 2010.

[85]        Enfin, selon monsieur Turcotte, l’exercice de cette option de congé de prime avait un impact très marginal sur la valeur de rachat de la police et C.C. n’a nullement dit vouloir éventuellement l’encaisser pour ses besoins de liquidité[21].

[86]       Après avoir analysé l’ensemble de la preuve documentaire et évalué les témoignages de C.C. et de l’intimé, le comité considère qu’aucun élément de preuve en lien avec ce chef ne permet d’écarter le témoignage de l’intimé quant aux informations fournies à C.C. concernant le congé de prime.

[87]       La plaignante n’étant pas parvenue à se décharger de son fardeau de preuve prépondérante sur ce chef, celui-ci doit être rejeté.

[88]       Par conséquent, le comité acquitte l’intimé sous ce premier chef d’accusation.

Chef d’accusation 2

[89]        Ce deuxième chef reproche à l’intimé d’avoir, le 24 septembre 2010, recommandé à C.C. de demander un congé de prime de sa police d’assurance vie no […] et de souscrire à la police d’assurance contre les maladies graves no […], ce qui ne correspondait pas à ses besoins financiers et d’assurance.

[90]        Les deux experts s’entendent pour dire que l’établissement d’un besoin de protection aux fins de l’AMG constitue souvent un défi pour le conseiller en sécurité financière souhaitant l’établir avec justesse pour son client.

[91]        À ce sujet, l’expert Turcotte précise:

« La prestation qui est versée permet d'éviter à la personne affectée d'avoir à faire des ponctions dans ses épargnes ou à liquider des actifs pour subvenir à ses besoins. On estime que [C.C.] qui était âgée de 55 ans en 2010 avait environ 6 à 7 fois plus de risque de contracter une maladie grave que de décéder avant 75 ans [3].

 

[…] l’établissement d’un tel besoin repose souvent sur des éléments factuels et perceptuels du client tels que la crainte de contracter une maladie grave, l'évaluation des coûts reliés aux soins de santé suite à une maladie et à l'érosion de son patrimoine financier (encaissement des actifs financiers pour subvenir à ses besoins). Ces perspectives peuvent grandement varier d'un client à l'autre.

 

D'autre part, l'assurance contre les maladies graves, contrairement à l'assurance vie, repose sur un risque qui pourrait ne jamais se réaliser. Cette dernière dimension complique souvent le processus décisionnel du client vis-à-vis la pertinence de souscrire ou non à ce genre de Protection.

[…]

[…] la décision de souscrire à une couverture d’assurance contre les maladies graves nécessitera souvent un arbitrage entre la capacité de payer la prime par le client et le besoin de protection qui sera établi par son conseiller »[22].

 

(référence omise et nos soulignés)

 

[92]        Le comité est d’avis que ces précisions résument adéquatement les principaux éléments dont le conseiller doit tenir compte lors de l’établissement des besoins d’une AMG.

[93]        Monsieur Dupras retient que C.C. n’a pas exprimé de besoin pour une AMG, que c’est l’intimé qui l’a soulevé. À ce propos, le comité convient avec M. Turcotte qu’il s’agit du rôle du conseiller en sécurité financière non seulement d’identifier ce besoin et de recommander la protection appropriée au client, mais qu’il est de son devoir de conscientiser son client, en l’espèce C.C., de « l’impact financier lié à la survenance d’une maladie grave »[23]. Une fois le tout complété, la décision revenait à C.C.

[94]        Toutefois avec égards, comme signalé par la procureure de l’intimé, monsieur Dupras n’est pas conseiller en sécurité financière et n’a pas non plus d’expérience passée à ce titre alors que M. Turcotte cumule notamment l’expérience en planification financière et comme conseiller en sécurité financière et détient ce certificat depuis l’an 2000.  

[95]        L’analyse des besoins de protection d’AMG se situe entre 15 987 $ et 138 805 $, selon le type des besoins et leurs niveaux (P-9). Ce contenu n’est pas contesté comme tel par les experts.

[96]        Par ailleurs, M. Dupras avance que le besoin a été déterminé à partir de la prime de la police d’assurance vie dont C.C. a demandé le congé. De son côté, même si M. Turcotte est d’avis que le besoin réel de C.C. en AMG était supérieur aux 16 000 $, selon les faits C.C. avait fixé le budget pour ce besoin aux 35 $ équivalent à son congé de prime demandé à l’égard de son assurance vie.

[97]        Le comité partage ce dernier constat et estime que l’extrait[24]  suivant du témoignage de C.C. le confirme révélant sa réelle motivation à souscrire à cette AMG :

« Q. [104] Et là, qu'est-ce que vous allez faire suite à cette, et bien à ce conseil-là ou ces explications-là de monsieur Alilat, qu'est-ce que vous faites, toujours, on est toujours le vingt-quatre (24) septembre deux mille dix (2010), il vous parle de cette assurance-là, qu'est-ce que vous faites?

R.  Bien, j'ai calculé dans ma tête combien ça me coûterait, selon le nombre d'années, c'est à peu près là, par année, ça veut dire que ça coûtait à peu près quatre cents dollars (400$) par année, par le nombre d'années, je ne me souviens plus c'était combien d'années que j'avais ça, puis je me suis dit bon bien, si je tombe malade, ça me donne, je ne me souviens plus des montants, mais ça me donnait un montant plus élevé que si j'avais juste pris mon trente-cinq dollars (35$) et je l'avais mis de côté. Ça fait que je me suis dit bon, c'est un peu comme prendre un billet de loto là, si je ne suis pas malade et bien l'argent est perdu, mais de toute façon, si j'avais continué à payer mon assurance vie, puisque ça ne donnait rien, il aurait été perdu, et là et bien je pourrais avoir peut-être un montant, ça me donnait peut-être, je ne sais pas là, dix mille (10 000) alors que j'aurais, j'aurais rien si je ne payais pas là, j'aurais beaucoup moins si je prenais juste mon trente-cinq (35) puis je le mettais dans le compte de banque.  Ça fait que je lui ai dit que j'étais d'accord de prendre une assurance maladie grave.

Q. [105] Et qu'est-ce qui était le facteur déterminant pour vous là, dans cette décision-là?

R. Bien, c'est ça, le montant que j'aurais si je tombais malade, par rapport à, au coût que ça me coûtait.

[…]

Q. [107] Quant à la maladie grave, avez-vous signé des documents cette journée-là?

R. Oui, j'ai signé des documents.

Q. [108] Qu'est-ce que vous, vous rappelez-vous ce que vous avez signé?

R. Qu'est-ce que j'ai signé, j'ai sûrement dû signer une demande de, une demande pour l'assurance là. »

[98]        La plaignante ne s’étant pas déchargée de son fardeau de preuve, ce chef doit être rejeté.

[99]        Par conséquent, le comité acquitte l’intimé sous ce chef.

Chef d’accusation 4

[100]     Ce quatrième chef reproche à l’intimé d’avoir donné à C.C. des informations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles de l’induire en erreur alors qu’il lui a fait souscrire, au nom de la société C.C. & A. inc., aux contrats de fonds distincts nos […] et […] notamment quant aux garanties et aux frais applicables.

[101]     Comme déjà mentionné, l’intimé était nouveau dans l’industrie et C.C. était sa première cliente en placement. C’était donc la première fois qu’il proposait des fonds distincts.

[102]     Or, il avait une cliente qui démontre sans conteste avoir un fort caractère combiné à d’excellentes connaissances du marché financier plus grandes que la moyenne des consommateurs sans compter qu’elle est notamment comptable agréée et syndique de faillite.

[103]     Nonobstant ces constats, il ressort de la preuve que l’intimé ne possédait pas une compréhension juste et suffisante des garanties afférentes aux contrats de fonds distincts en cause notamment quant aux différentes dates d’échéances, dont celle de la police, de la garantie et du niveau de cette garantie.

[104]     Par conséquent, il ne pouvait que fournir sur ces garanties des explications susceptibles d’induire C.C. en erreur, ce qui a manifestement été le cas en l’espèce. L’intimé sera déclaré coupable sous ce chef pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la CSF.  

[105]     Toutefois, quant aux frais, la preuve ne s’est pas avérée claire et convaincante, comme l’exige le fardeau de preuve applicable.

[106]     En ce qui concerne le contrat de 15 000 $, les frais d’acquisition étaient à
0 %, l’intimé y ayant renoncé.

[107]     Tant l’intimé que C.C. le reconnaissent, bien que sur la copie de la proposition de C.C., l’option avec frais d’acquisition n’est pas cochée. L’intimé a aussi enregistré, dès le début de l’audition, un plaidoyer de culpabilité sous le chef 7, puisqu’il l’a cochée par la suite, en négligeant d’en informer C.C. Or, même si cette information était omise sur sa copie, C.C. l’a très bien compris.

[108]     Quant au contrat de 50 000 $, les numéros et les noms des fonds choisis sont inscrits sur la copie de la proposition de C.C., mais comme pour celle visant le placement de 15 000 $, l’option des frais d’acquisition n’y est pas cochée. Le comité note que la plaignante n’a pas cru bon d’inclure ce manquement à celui du chef 7 à l’égard de la proposition pour les 15 000 $.

[109]     Selon l’intimé, il a bel et bien expliqué à C.C. que ce dernier placement comporterait des FAD qui étaient décroissants pour devenir inexistants à la septième année. Son témoignage a paru sincère et honnête.

[110]     C.C. a témoigné que l’intimé ne l’avait pas informé qu’il y avait des FAD, elle a compris qu’il n’y en avait pas comme pour le placement de 15 000 $.

[111]     C.C. pouvait peut-être constater les frais afférents avec les numéros des fonds. Néanmoins, cet exercice s’avère des plus laborieux, même pour quelqu’un d’averti.

[112]     Par ailleurs, C.C. s’est révélée vouloir être expéditive. Même devant le comité, dès le début de son témoignage, comme l’illustre l’extrait suivant, elle a voulu utiliser un résumé des faits préparé par elle afin ne pas avoir à passer à travers la preuve documentaire : 

« R. O.k.  Ça, je vais vous dire pourquoi je l'ai préparé, c'était uniquement pour que ça aille plus vite, pour donner les réponses, au lieu d'aller dans chacun des documents »[25].

 

[113]     Ainsi, son attention ou son écoute des explications du conseiller a-t-elle pu être potentiellement défaillante.

[114]     Cela dit, le comité met en doute la partie du témoignage de C.C. voulant qu’elle croyait que son capital pouvait être retiré à tout moment, tout en restant garanti à 100 %, et de surcroît sans perte ni frais. Même pour un CPG dont le rendement est généralement moins élevé que celui obtenu avec les fonds distincts, advenant un retrait avant terme, il y a des frais qui devront être supportés.

[115]     Les dispositions de rattachement invoquées sous le quatrième chef d’accusation sont :

Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) (LDPSF)

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

1998, c. 37, a. 16.

 

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1) (CDCSF)

11. Le représentant doit exercer ses activités avec intégrité.

D. 1039-99, a. 11.

12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

D. 1039-99, a. 12.

13. Le représentant doit exposer à son client ou à tout client éventuel, de façon complète et objective, la nature, les avantages et les inconvénients du produit ou du service qu'il lui propose et s'abstenir de donner des renseignements qui seraient inexacts ou incomplets.

D. 1039-99, a. 13.

14. Le représentant doit fournir à son client ou à tout client éventuel les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation du produit ou des services qu'il lui propose ou lui rend.

D. 1039-99, a. 14.

16. Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des déclarations ou des représentations incomplètes, fausses, trompeuses ou susceptibles d'induire en erreur.

D. 1039-99, a. 16.

[116]    Aussi, ne sachant qui croire quant aux frais, le comité déclare l’intimé coupable en ce qui concerne les garanties sous ce quatrième chef d’accusation, pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1).

[117]     En application des principes exposés dans l’affaire Kienapple[26], le comité prononcera la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), et des articles 11, 12, 13 et 14 du Code de déontologie de la CSF (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

Chef d’accusation 5

[118]     L’intimé a plaidé coupable sous ce cinquième chef d’accusation lui reprochant d’avoir, le 4 octobre 2010, fait souscrire C.C., au nom de la société C.C. & A. inc., au contrat de fonds distincts no […] d’un montant de 15 000 $, ce qui ne correspondait pas notamment à son profil, à sa situation personnelle et financière ainsi qu’à ses objectifs et horizon de placement.

[119]     C.C. voulait souscrire à un placement dont le capital était garanti à 100 % tout en pouvant le retirer quand bon lui semblerait sans pénalité ni frais. Les frais étaient fixés à 0 %, mais comme résumé par l’expert de l’intimé, M. Turcotte, la garantie à 100 % ne s’appliquait qu’à l’égard des primes maintenues dans la police de fonds distincts pendant au moins 15 ans (annexe 3 de son rapport DI-14). Par conséquent, ce contrat de fonds distincts ne pouvait manifestement pas répondre notamment à l’horizon de C.C. pour ce placement.

[120]     Les dispositions de rattachement invoquées sous ce cinquième chef d’accusation sont :

Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) (LDPSF)

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

1998, c. 37, a. 16.

 

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1) (CDCSF)

12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

D. 1039-99, a. 12.

15. Avant de renseigner ou de faire une recommandation à son client ou à tout client éventuel, le représentant doit chercher à avoir une connaissance complète des faits.

D. 1039-99, a. 15.

35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente.

D. 1039-99, a. 35.

Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1)

3. Le représentant doit s’efforcer, de façon diligente et professionnelle, de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement du client. Les renseignements qu’il obtient d’un client doivent décrire cette situation ainsi que l’évolution de celle-ci.

D. 161-2001, a. 3.

4. Les recommandations du représentant doivent s’appuyer sur une analyse approfondie des renseignements obtenus du client et de l’information relative à l’opération.

D. 161-2001, a. 4.

14. Les activités professionnelles du représentant doivent être menées de manière responsable avec respect, intégrité et compétence.

D. 161-2001, a. 14.

[121]    Par conséquent, le comité déclarera l’intimé coupable sous ce cinquième chef d’accusation, pour avoir contrevenu à l’article 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

[122]     En application des principes exposés dans l’affaire Kienapple[27], le comité prononcera la suspension conditionnelle de l’accusation à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), des articles 12,15 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) ainsi que des articles 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

Chef d’accusation 6

[123]     Ce sixième chef reproche à l’intimé d’avoir, le 4 octobre 2010, fait souscrire C.C., au nom de la société C.C. & A. inc., un contrat de fonds distincts no […] d’un montant de 50 000 $, ce qui ne correspondait pas notamment à son profil, à sa situation personnelle et financière ainsi qu’à ses objectifs et horizon de placement.

[124]     Selon M. Dupras, l’expert de la partie plaignante, cet investissement étant à plus long terme et comportant des frais d’acquisition différés faisant en sorte qu’après sept ans, ces frais devenaient inexistants, ce placement n’était pas
« mauvais » d’autant plus que la cliente, même si elle ne semblait pas au courant, avait l’option de retirer 10 % du solde par année. Pour cet expert, nulle part C.C. n’évoque le besoin de la protection que procure la garantie et se dit donc d’avis que des fonds communs de placement à répartition équivalente auraient été plus appropriés[28].

[125]     Or, la preuve prépondérante démontre que C.C. a insisté sur son besoin de protection du capital. Quant aux fonds communs, ils n’offrent pas ce type de garantie du capital. Ces 50 000 $ constituaient son coussin de sécurité afin de ne pas avoir à vendre ses actions de façon précipitée si le marché boursier s’écroulait :

« (…) c'était mon coussin si jamais la bourse s'écroulait, et bien à ce moment-là je ne voulais pas avoir à vendre des actions en catastrophe pour pouvoir, pour vivre.  Je voulais avoir un montant d'argent de côté, que je pouvais prendre puis que je ne perdais pas d'argent en l'encaissant
(…) » [29]

[126]     Étant donné la protection du capital, un rendement plus élevé que les CPG, avec un horizon selon son profil d’investisseur de six à dix ans, ce placement pouvait peut-être paraître pertinent (P-11,q.6 d)). Toutefois, c’était faire fi de cette garantie du capital, en l’occurrence 50 K $, qui devait, pour en profiter, être maintenue au moins 15 ans dans la police.

[127]     Or, cette condition a non seulement été mal expliqué à C.C., mais ne répondait pas au besoin de cette dernière, pour qui ce placement était un coussin de sécurité. Elle voulait pouvoir y avoir recours en tout temps sans perte du capital advenant l’écroulement du marché boursier, et ce, avant l’expiration de ce délai de 15 ans relativement long. Qui plus est, C.C. était préretraitée et prévoyait l'être complètement dès le 31 décembre 2010, et vivre uniquement de ses placements.

[128]     Quant au profil d’investisseur, M. Dupras a reconnu que refaire le profil d’investisseur d’une personne, comme il l’a fait pour C.C., pouvait être un exercice périlleux.

[129]     Le comité estime que le pointage de 139, plus près du bas de la fourchette de 136 à 164 points qui correspond au profil « équilibré » ne permet pas de conclure à un profil « accéléré » lequel se situe entre 165 et 199 points. Tenant compte des objectifs de C.C. pour ce placement et son horizon de placement, le profil équilibré déterminé par le pointage obtenu de 139 paraît approprié.

[130]     Les dispositions de rattachement invoquées sous ce sixième chef d’accusation sont :

Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) (LDPSF)

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

1998, c. 37, a. 16.

 

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1) (CDCSF)

12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

D. 1039-99, a. 12.

15. Avant de renseigner ou de faire une recommandation à son client ou à tout client éventuel, le représentant doit chercher à avoir une connaissance complète des faits.

D. 1039-99, a. 15.

35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente.

D. 1039-99, a. 35.

Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1)

3. Le représentant doit s’efforcer, de façon diligente et professionnelle, de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement du client. Les renseignements qu’il obtient d’un client doivent décrire cette situation ainsi que l’évolution de celle-ci.

D. 161-2001, a. 3.

4. Les recommandations du représentant doivent s’appuyer sur une analyse approfondie des renseignements obtenus du client et de l’information relative à l’opération.

D. 161-2001, a. 4.

14. Les activités professionnelles du représentant doivent être menées de manière responsable avec respect, intégrité et compétence.

D. 161-2001, a. 14.

[131]     La plaignante ayant relevé son fardeau de preuve sous ce chef, le comité déclarera l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1).

[132]     En application des principes interdisant les condamnations multiples, le comité prononcera la suspension conditionnelle de l’accusation à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et des articles 12 et 35 du Code de déontologie de la CSF (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) ainsi qu’aux articles 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

Chef d’accusation 7

[133]     Comme mentionné, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité sous ce septième chef lui reprochant d’avoir le 6 octobre 2010 modifié les sections
« Numéro du Fonds » et « Option avec frais d’acquisition » de la proposition de fonds distincts […] sans en informer C.C. et le comité y a donné acte.

[134]     Bien que l’intimé ait indiqué le nom des fonds choisis sur cette proposition de fonds distincts pour le placement de 15 000 $, signé le 4 octobre 2010 et avait expliqué à C.C. que les frais d’acquisition seraient à 0 %, il avait omis d’y indiquer les numéros des fonds et de cocher l’option choisie pour ces frais d’acquisition. Ce n’est que le 6 octobre 2010 qu’il l’a ainsi complétée.

[135]     Les dispositions de rattachement invoquées sous le septième chef d’accusation sont :

Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) (LDPSF)

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

1998, c. 37, a. 16.

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1) (CDCSF)

11. Le représentant doit exercer ses activités avec intégrité.

D. 1039-99, a. 11.

 

35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente.

D. 1039-99, a. 35.

[136]     Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sous ce septième chef d’accusation pour avoir contrevenu à l’article 35 Code de déontologie de la CSF, étant d’avis que ce faisant, selon la preuve des événements, l’intimé a agi par négligence, en complétant subséquemment, sans en informer sa cliente, les sections mentionnées.

[137]     En application des principes exposés dans l’affaire Kienapple[30], le comité prononcera la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et de l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

LA PLAINTE CD00-1208

[138]     Comme déjà mentionné, sous l’unique chef d’accusation de cette plainte, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité. Ce faisant, il a reconnu le geste reproché d’avoir, le 21 octobre 2010, contrefait ou permis à un tiers de contrefaire la signature de C.C. sur un « Plan de retraite ».

[139]     Par conséquent, sous cet unique chef d’accusation, le comité déclarera l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[140]      En application des principes exposés dans l’affaire Kienapple[31], le comité prononcera la suspension conditionnelle de l’accusation à l’égard des articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r 3);

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion des nom et prénom de la consommatrice impliquée dans ces deux plaintes, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de l’identifier;

PLAINTE CD00-1138

Sous le chef d’accusation 1

ACQUITTE l’intimé;

Sous le chef d’accusation 2

ACQUITTE l’intimé;

Sous le chef d’accusation 4

DÉCLARE l’intimé coupable sous ce quatrième chef d’accusation, pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et des articles 11, 12 ,13 ,14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

 

Sous le chef d’accusation 5

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous ce cinquième chef d’accusation;

DÉCLARE l’intimé coupable sous ce cinquième chef d’accusation pour avoir contrevenu à l’article 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), des articles 12,15 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) ainsi que des articles 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

Sous le chef d’accusation 6

DÉCLARE l’intimé coupable sous ce sixième chef d’accusation pour avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 7.1);

ORDONNE la suspension conditionnelle à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et des articles 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) ainsi qu’aux articles 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

Sous le chef d’accusation 7

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous ce chef d’accusation 7;

DÉCLARE l’intimé coupable pour avoir contrevenu pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et de l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

PLAINTE CD00-1208

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous l’unique chef de cette plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable sous l’unique chef de cette plainte pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

PLAINTES CD00-1138 ET CD00-1208

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

_(s) Janine Kean________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

 

_(s) Serge Lafrnière______________

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

_(s) Sylvain Jutras_______________

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché

Me Jean-Simon Britten

THERRIEN COUTURE JOLI-CŒUR

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Sonia Paradis

DONATI MAISONNEUVE

Procureurs de la partie intimée jusqu’au 27 mars 2018

 

Dates d’audience :

Les 3, 4, 5, 6, 20 octobre et 4 décembre 2017

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ
ANNEXE

LISTE DES AUTORITÉS

 

A - Autorités de la plaignante :

1 – CSF c. Wang, 2017 QCCDCSF 44 (CanLII), décision sur culpabilité du 22 août 2017.

B - Autorités de l’intimé :

Signature d’un document sans le lire

1 – Société québécoise d’assainissement des eaux c. B. Frégeau & Fils inc, 2000 CanLII 10559 (QC CA), arrêt de la Cour d’appel du 5 avril 2000.

2 – B.J. c. Assurance-vie Banque Nationale, 2010 QCCS 5776 (CanLII), jugement de la Cour supérieure du 30 novembre 2010.

Fardeau de la preuve

3 – Osman c. Richer, 1994 CanLII 10779 (QC TP), jugement du 6 avril 1994.

4 – Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 126-A (CanLII), jugement rectifié du 21 novembre 2012.

5 – CSF c. Fortin, 2013 CanLII 43418 (QC CDCSF), décision sur culpabilité du 30 avril 2013.

6 – Chambre de l’assurance de dommages c. Habib, 2013 CanLII 82446 (QC CDCHAD), décision sur culpabilité du 21 novembre 2013.

Compréhension du produit

7 – CSF c. Ste-Marie, 2007 CanLII 52719 (QC CDCSF), décision sur culpabilité du 23 mai 2007.

8 – Brazeau c. CSF, 2006 QCCQ 11715 (CanLII), jugement de la Cour du Québec du 7 novembre 2006.

9 – CSF c. Charbonneau, 2012 CanLII 97161 (QC CDCSF), décisions sur culpabilité du 30 juillet 2012 et sur sanction du 22 janvier 2013.

Produit le plus approprié

10 – CSF c. Zhang, 2015 QCCDCSF 44 (CanLII), décision sur culpabilité du 18 août 2015.

11 – CSF c. Leclerc, 2015 QCCDCSF 46 (CanLII), décision sur culpabilité du 15 septembre 2015.

                                     COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Au cours du délibéré, par lettre du 29 août 2019 et par avis de substitution du 22 janvier 2020,
Me Jean-Simon Britten remplaçait Me Piché en tant que procureur de la partie plaignante.

[2] P-1 à P-21, P-25, ainsi que P-27 à P-31. Les pièces P-22, P-23, P-24 et P-26 ont été retirées.

[3] DI-1 à DI-4, ainsi que DI-8 à DI-15, les pièces DI-5 à DI-7 ont été retirées.

[4] Le comité y a ajouté au besoin une référence à la plainte visée par l’admission ainsi que les cotes des pièces produites par la plaignante, pour faciliter le suivi, car celles inscrites dans les admissions renvoient aux cotes de la divulgation de la preuve.

[5] Correction par la procureure de la plaignante pour I-9.

[6] CSF c. Wang, 2017 QCCDCSF 44 (CanLII), décision sur culpabilité du 22 août 2017.

[7] B. Frégeau & Fils inc. c. Société québécoise d'assainissement des eaux, 2000 CanLII 10599 (QC CA); B.J. c. Assurance-vie Banque Nationale, 2010 QCCS 5776; Osman c. Richer, 1994 CanLII 10779 (QC TP); Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 126-A; CSF c. Fortin, 2013 CanLII 43418 (QC CDCSF); Chambre de l’assurance de dommages c. Habib, 2013 CanLII 82446 (QC CDCHAD); CSF c. Ste-Marie, 2007 CanLII 52716 (QC CDCSF); Brazeau c. CSF, 2006 QCCQ 11715; CSF c. Charbonneau, 2012 CanLII 97161 (QC CDCSF); CSF c. Zhang, 2015 QCCDCSF 44, et; CSF c. Leclerc, 2015 QCCDCSF 46.

[8] Osman c. Richer, préc., note 7.

[9] Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078 (CanLII).

[10] CSF c. Ste-Marie, préc. note 7.

[11] Notes sténographiques (NS) des 3 et 4 octobre 2017.

[12] C-1 en liasse.

[13] Ibid.

[14] NS du 3 octobre 2017, p.110.

[15] NS du 5 octobre 2017, p. 49.

[16] NS du 3 octobre 2017, p. 59-60.

[17] NS du 3 octobre 2017 p. 54-55.

[18] P-6, p.000265.

[19] CSF c. Zhang, préc. note 7, par. 296.

[20] B. Frégeau & Fils inc. c. Société québécoise d'assainissement des eaux, préc. note 7; B, J. c Assurance-vie Banque Nationale, préc. note 7. 

[21] DI-14 p. 17.

[22] DI-14 p.19-20. Notons que la note 3 réfère à la source de la donnée avancée.

[23] Ibid, p. 21.

[24] NS du 3 octobre 2017, p. 65 à 67.

[25] NS du 3 octobre 2017, p. 7, lignes 16-19.

 

[26] Kienapple c. R., [1975] 1 RCS 729

[27]    Préc., note 28.

[28] P-20.

[29] NS du 3 octobre 2017, p.97-98.

 

[30]    Préc., note 28.

[31]    Préc., note 28.

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