Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-1332

 

 

 

DATE :

21 mars 2020

 

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LE COMITÉ[1] :

Me Gilles Peltier

Président

Mme Dominique Vaillancourt

Membre

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique par intérim de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

CYNTHIA NELSON (numéro de certificat 198986 – BDNI 2923281)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR SANCTION

 

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[1]           Le 21 février 2020, le comité de discipline (ci-après le « comité ») de la Chambre de la sécurité financière (ci-après la « CSF ») s'est réuni à Montréal, pour procéder à l'audition sur sanction dans le présent dossier.

[2]           Le 23 décembre 2019, le comité avait rendu une décision sur culpabilité reconnaissant l’intimée coupable du seul chef d’infraction porté contre elle, à savoir :

LA PLAINTE

« 1.  Dans la région de Laval, en 2016, l’intimée n’a pas agi avec compétence et honnêteté en acceptant des transferts par virements électroniques à son compte (…)1969 de la part de C.D., J.J.R. et W.S.F. pour une somme d’au moins 5 500$ et en acceptant de remettre tout ou partie de cette somme à une personne désignée par C.D. alors qu’il pouvait raisonnablement s’agir d’opérations financières douteuses, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (R.L.R.Q. c. D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3). »

[Reproduction intégrale]

[3]           Un arrêt conditionnel des procédures avait ensuite été ordonné à l’égard de l’article 35 du Code de déontologie de la CSF.

[4]           À l’audience sur sanction, la plaignante était représentée par Me Alain Galarneau et l’intimée, qui était absente, était représentée par Me Jean Dury.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[5]           La plaignante débuta ses représentations en indiquant au comité que les parties avaient une recommandation commune de sanction à lui soumettre, laquelle s’articulait ainsi :

Sous l’unique chef d’infraction :

-       La condamnation de l’intimée à une radiation temporaire d’un mois, celle-ci ne devant être exécutoire, le cas échéant, qu’au moment où l’intimée reprendra son droit de pratique et que l’autorité compétente émettra un certificat en son nom;

-       La publication, aux frais de l’intimée, d’un avis de la présente décision, celle-ci devant être retardée au moment où l’intimée reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l’autorité compétente émettra un certificat en son nom;

-       La condamnation de l’intimée au paiement des déboursés.

[6]           Au soutien de ses recommandations, elle invita le comité à prendre en compte les facteurs atténuants et aggravants suivants :

Facteurs aggravants :

-       la gravité objective de l’infraction;

-       le manque de compétence de l’intimée qui a participé à une opération s’apparentant à du blanchiment d’argent;

-       son manque de transparence à l’égard de son employeur et des personnes chargées de faire enquête dans le dossier;

-       la durée de l’infraction et le nombre de dépôts acceptés par l’intimée.

Facteurs atténuants :

-       l’absence d’antécédent disciplinaire.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉE

[7]           Il a rappelé au comité que l’intimée a menti à son employeur et à l’enquêteur de la CSF pour se protéger, de crainte de mettre à risque son emploi, si le passé criminel de son conjoint était révélé. Il a souligné que l’intimée avait transigé dans son compte bancaire personnel et qu’elle n’avait pas utilisé de comptes de clients de RBC.

[8]           Il a conclu en indiquant que sa cliente avait quitté le domaine financier, sans intention d’y revenir.

ANALYSE ET MOTIFS

[9]           Au moment des faits reprochés, l’intimée détenait un certificat en assurances de personnes et était inscrite à titre de représentante de courtier en placement pour le compte de RBC Dominion valeurs mobilières.

[10]         Elle était à l’emploi de RBC depuis avril 2014.

[11]         Elle a été congédiée de son poste d’adjointe administrative en juin 2017, des suites de la présente affaire.

[12]        Elle a quitté le domaine financier, sans intention d’y revenir.

[13]        Au terme d’une décision rendue le 23 décembre 2019, elle a été reconnue coupable par le comité de l’unique chef d’infraction porté contre elle.

[14]        Elle n’a aucun antécédent disciplinaire.

[15]        Entre septembre et décembre 2016, l’intimée a consenti à ce que trois inconnus, résidants à l’extérieur de la province, utilisent son compte bancaire personnel afin d’y verser des sommes d’argent dont elle ignore la source, supposément en paiement de dettes dues à son conjoint, dont elle en ignore la nature.

[16]        Ces sommes étaient ensuite retirées par elle et remises à celui-ci.

[17]        Elle a démontré un manque complet de transparence lors de l’enquête de la syndique, orientant même celle-ci sur de fausses pistes afin de dissimuler ses agissements fautifs.

[18]        Ne sachant pas reconnaître qu’il s’agissait, dans les circonstances de l’espèce, de transactions pour le moins douteuses, elle a démontré un manque de vigilance, de compétence et de professionnalisme qui ne saurait être toléré de la part d’une représentante.

[19]        Il s’agit d’un comportement qui touche au cœur même de la profession et qui est de nature à déconsidérer celle-ci.

[20]        Il contribue, de plus, à miner la confiance du public à l’égard de la fonction de représentant.

[21]        Tel que mentionné précédemment, les procureurs des parties ont convenu de soumettre au comité une recommandation commune relativement à la sanction qui doit être imposée.

[22]         Dans Dumont c. R.[2], la Cour d’appel souligne que la recommandation commune dispose d’une « force persuasive certaine » de nature à assurer qu’elle sera respectée en échange du plaidoyer de culpabilité.

[23]        À l’occasion d’une décision rendue dans Chan c. Médecins, le Tribunal des professions invite les Conseils de discipline « non pas à décider de la sévérité ou de la clémence de la sanction, mais à déterminer si elle s’avère déraisonnable au point d’être contraire à l’intérêt public et de nature à déconsidérer l’administration de la justice »[3].

[24]        Il souligna également dans Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu que :

« Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice »[4].

[25]        Dans l’arrêt Anthony-Cook[5], la Cour suprême du Canada rappelait l’importance des recommandations conjointes dans notre système judiciaire ainsi que le critère applicable en la matière, à savoir que les recommandations conjointes ne devraient être écartées que si elles sont susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

[26]        Le comité n’est pas en présence d’une telle situation.

[27]        Il est plutôt d’avis que dans le présent dossier, rien ne justifierait de s’écarter des recommandations conjointes des parties. En tenant compte des éléments objectifs et subjectifs, ainsi que des facteurs aggravants et atténuants présents dans le dossier, le comité est d’avis que les recommandations communes, telles que formulées par les parties, représentent en l’espèce des sanctions justes et appropriées; il y donnera suite.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            ORDONNE, sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte, la radiation temporaire de l’intimée, et ce, pour une période d’un mois;

ORDONNE que cette radiation temporaire d’un mois ne soit exécutoire qu’au moment où l’intimée reprendra, le cas échéant, son droit de pratique, et que l’autorité compétente émettra un certificat en son nom;

ORDONNE au secrétaire du comité de faire publier, conformément à ce qui est prévu à l’article 156, al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. C-26), aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où cette dernière a son domicile professionnel et dans toute autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer;

ORDONNE au secrétaire du comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où, le cas échéant, l’intimée reprendra son droit de pratique ou que l’autorité compétente émettre un certificat à son nom;

            CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. L-26);

RÉITÈRE l’ordonnance de notification par un moyen technologique de la présente décision aux parties, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01).

 

 

(S) Me Gilles Peltier

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Me Gilles Peltier

Président du comité de discipline

 

(S) Dominique Vaillancourt

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Mme Dominique Vaillancourt

Membre du comité de discipline

 

Me Alain Galarneau

Pouliot, Caron, Prévost, Bélisle, Galarneau

Procureurs de la partie plaignante


 

Me Jean Dury

Advocatis

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

21 février 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Le troisième membre du comité, M. Louis-André Gagnon, étant empêché d’agir, la présente décision est rendue par les deux (2) autres membres conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à l’article 118.3 du Code des professions.

[2]     Dumont c. R., 2013 QCCA 576.

[3]     Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5-A, par. 68.

[4]     Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20, par. 21.

[5]     R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

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