Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1411

DATE:

21 octobre 2020

le comité :

Me Madeleine Lemieux

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

M. Richard Charette

Présidente

Membre

Membre

 

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Plaignant

c.

SYLVAIN SOULIÈRES, conseiller en sécurité financière et courtier en épargne collective (numéro de certificat 131246 et numéro de BDNI 1675011)

 

Intimé

 

décision sur culpabilité et SANCTION

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés et de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux demandes d’accès à l’information provenant de l’Autorité des marchés financiers et du Fond d’indemnisation des services financiers.
[1]          Le syndic de la Chambre de la sécurité financière a déposé une plainte contre l’intimé. Cette plainte contient quatre chefs d’infraction qui se lisent comme suit :  
LA PLAINTE

1.         À St-Eustache et ailleurs au Québec, le ou vers le 9 mai 2005, l’intimé a fourni des renseignements inexacts à B2B Trust dans une demande d’emprunt pour un prêt levier par sa cliente L.V., à savoir en indiquant qu’elle possédait une résidence d’une valeur nette de 175 000 $, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

2.         À Châteauguay et ailleurs au Québec, le ou vers le 17 octobre 2008, l’intimé a fourni des renseignements inexacts à AGF dans une demande d’emprunt pour un prêt levier par ses clients S.P. et A.P., à savoir la valeur de leur résidence, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

3.         À Châteauguay et ailleurs au Québec, le ou vers le 21 novembre 2011, l’intimé a fait signer à ses clients S.P. et A.P. des documents intitulés
« Information client Particulier » incomplets, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

4.         À St-Hyppolyte et ailleurs au Québec, le ou vers le 8 décembre 2014, alors qu’il proposait à sa cliente K.P. de souscrire à une assurance-vie permanente auprès d’Industrielle Alliance, l’intimé n’a pas consigné dans un document daté les renseignements relatifs à une analyse des besoins du preneur ou de l’assuré contrevenant ainsi à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

 

[2]          L’intimé, qui se représente seul, a enregistré un plaidoyer de culpabilité à chacune des infractions.  Le comité a questionné l’intimé sur sa compréhension des infractions et des conséquences de son plaidoyer de culpabilité. Le comité a déclaré l’intimé coupable des chefs d’infraction de la plainte.
LES FAITS
[3]          L’intimé détient un certificat d’exercice délivré par l’Autorité des marchés financiers (« l’AMF ») depuis au moins 1999.  Il détient ce certificat dans les disciplines de l’assurance de personnes et à titre de courtier en épargne collective.
[4]          L’intimé a été rattaché à différents cabinets et à ce jour, il est rattaché à un cabinet dont il est le dirigeant principal.
[5]          L’intimé a signé un document intitulé « Énoncé des faits / Admissions factuelles » dans lequel il reconnait les faits à l’origine de la plainte portée contre lui.
CHEF D’INFRACTION 1
[6]          En février 2019, la consommatrice L.V. s’adresse à l’AMF pour se plaindre du travail fait pour elle par l’intimé.
[7]          Les faits à l’origine de sa plainte remontent en 2005 alors que la consommatrice est en congé d’invalidité pour une dépression majeure.  Elle est une cliente de la mère de l’intimé au moment où la mère et le fils travaillent ensemble dans l’optique d’un transfert de clientèle.
[8]          La consommatrice demande un prêt levier aussi appelé prêt accélérateur auprès de B2B Trust.  Le formulaire a été complété et signé par l’intimé.  Il y indique que la consommatrice possède une résidence d’une valeur nette de 175 000 $.  Or, cette information est inexacte.  En effet, la résidence n’appartient pas à la consommatrice, mais plutôt à son conjoint de l’époque.
[9]            D’ailleurs, au même moment, le conjoint de L.V. fait lui aussi une demande de prêt et le formulaire indique qu’il possède ce même actif dont la valeur nette est de 175 000 $.  La fiche d’évaluation foncière de la résidence confirme le tout.
CHEF D’INFRACTION 2
[10]       Le chef d’infraction 2 concerne deux autres consommateurs S.P. et A.P. qui sont des conjoints.  À nouveau, il s’agit d’une demande d’emprunt pour un prêt levier qui contient des renseignements inexacts.
[11]        La demande d’emprunt des consommateurs est faite auprès d’AGF en octobre 2008 et indique que les consommateurs sont propriétaires d’une résidence d’une valeur de 225 000 $, alors qu’en réalité, la valeur était plutôt de 190 000 $. 
[12]       L’intimé reconnait qu’il a donné au prêteur des informations inexactes dans le but de faciliter l’accès au prêt demandé.
CHEF D’INFRACTION 3
[13]       Le chef d’infraction 3 concerne à nouveau les consommateurs S.P. et A.P.  En novembre 2011, l’intimé fait une mise à jour des dossiers de ses clients.
[14]       Il complète et signe trois formulaires dans lesquels la section « Profil investisseur » est laissée en blanc et sera complétée ultérieurement.
CHEF D’INFRACTION 4
[15]       En décembre 2014, l’intimé soumet à Industrielle Alliance une proposition d’assurance-vie pour le fils de la consommatrice K.P.  Il connait cette consommatrice depuis 2007 et elle est déjà sa cliente.
[16]       Au moment de faire souscrire K.P. à cette assurance-vie pour son fils alors âgé de 10 ans, il ne consigne pas dans un document daté tous les renseignements relatifs à une analyse de besoins du preneur.
[17]       L’analyse avait été faite pour les parents et l’intimé a cru, à tort, qu’il n’avait pas besoin de la faire également pour leur enfant.
[18]       Si l’intimé a procédé de cette manière, c’est, dit-il parce que l’assurance-vie de type « Alternative » était la seule assurance disponible pour le preneur.
LES SANCTIONS
[19]       La procureure du syndic formule les recommandations suivantes pour la sanction :
               Sur le chef d’infraction 1, une radiation temporaire de deux mois;
               Sur le chef d’infraction 2, une radiation temporaire de deux mois à être purgée de façon concurrente avec la radiation imposée sur le chef d’infraction 1;
               Sur le chef d’infraction 3, une amende se situant entre 3 000 $ et 5 000 $;
               Sur le chef d’infraction 4, une amende se situant entre 3 000 $ et 5 000 $.
[20]       L’intimé renonçant aux délais d’appel, les radiations débuteraient avec la signification de la décision.
[21]       L’intimé d’ailleurs ne conteste pas les recommandations du syndic sur la sanction.
ANALYSE ET MOTIFS
[22]       La sanction doit contribuer à la protection du public, favoriser la dissuasion du professionnel de récidiver, poursuivre un objectif d’exemplarité tout en préservant le droit pour le professionnel de gagner sa vie en exerçant sa profession[1].
[23]       Le comité doit tenir compte de l’ensemble des facteurs atténuants comme aggravants pour déterminer cette sanction.
[24]       Les facteurs atténuants sont la reconnaissance des faits qui lui sont reprochés, l’absence d’intention malhonnête et l’absence d’antécédents disciplinaires au cours d’une pratique de près de 20 ans.  Le syndic souligne également le fait que les événements remontent à près de 15 ans.
[25]       Pour ce qui est des facteurs aggravants, force est de retenir la gravité objective des infractions lesquelles se situent au cœur de l’activité du représentant. L’exactitude des renseignements est nécessaire à la fourniture adéquate des services du représentant et sont utilisés par les prêteurs ou assureurs pour accorder ou refuser la prestation demandée.
[26]       Plusieurs consommateurs sont impliqués et la consommatrice impliquée dans le chef d’infraction 1 était une personne vulnérable en raison de son état de santé, chose qui était connue de l’intimé.
[27]       Enfin, les infractions ont été commises sur une longue période de temps.
[28]       La procureure du syndic a déposé plusieurs décisions afin d’illustrer que sa recommandation de sanctions tient compte de l’ensemble de ces facteurs et se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions imposées dans le passé.
[29]       De cette jurisprudence, le comité retient quant aux chefs d’infraction 1 et 2, que le fait de signer un document contenant des informations inexactes sur les avoirs ou la situation financière du consommateur, en le sachant, entraine pratiquement toujours des périodes de radiation[2].
[30]       La durée de ces périodes de radiation varie selon la preuve d’intention malhonnête de l’intimé.  Ici, il n’y a pas de preuve d’intention malhonnête.
[31]       Dans le cas des infractions des chefs d’infraction 3 et 4, il y a généralement imposition d’une amende plus ou moins élevée selon qu’il y a préjudice ou non pour le consommateur et s’il y a ou non intention malhonnête[3].
[32]       Les amendes varient également en fonction du nombre d’infractions[4].
[33]       Il n’y a aucune preuve d’intention malhonnête et rien ne démontre par le nombre d’infractions que l’intimé avait fait une pratique générale de procéder de la sorte.
[34]       Le comité retient donc la recommandation d’une amende de 3 000 $ pour le chef d’infraction 3.
[35]       Toutefois, pour ce qui est du chef d’infraction 4, le comité considère qu’il n’y a pas lieu d’imposer une amende comme le recommande la procureure du syndic.
[36]       Le comité considère en effet qu’une réprimande est suffisante dans les circonstances propres à ce dossier.  Les informations manquantes sont relatives à l’analyse des besoins de l’enfant mais l’intimé croyait que les informations sur les parents étaient suffisantes.
[37]       Simultanément à cette demande d’assurance pour leur enfant, la consommatrice K.P. et son conjoint faisaient affaire avec l’intimé. Les événements reliés aux litiges entre K.P. et l’intimé n’ont pas fait l’objet de plaintes et la consommatrice K.P. a été indemnisée par l’intimé.
[38]       Enfin, puisqu’il en a été ainsi pour tous les actes de procédure relatifs au présent dossier, le comité permettra que la décision soit notifiée aux parties par un moyen technologique.
 
PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :
RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés et de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux demandes d’accès à l’information provenant de l’Autorité des marchés financiers et du Fond d’indemnisation des services financiers;

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique;

Sous le chef d’infraction 1
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience du 20 mai 2020 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);
Sous le chef d’infraction 2
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience du 20 mai 2020 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);
Sous le chef d’infraction 3
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience du 20 mai 2020 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);
Sous le chef d’infraction 4
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience du 20 mai 2020 pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10);
ET STATUANT SUR LA SANCTION :
Sous le chef d’infraction 1
ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois;
Sous le chef d’infraction 2
ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois;
ORDONNE que ces périodes de radiation temporaires soient purgées de façon concurrente;
Sous le chef d’infraction 3
ORDONNE le paiement d’une amende de 3 000 $;
Sous le chef d’infraction 4
PRONONCE une réprimande;
ACCORDE l’intimé un délai de 18 mois pour effectuer le paiement de l’amende imposée et des déboursés;
ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156, alinéa 7 du Code des professions (RLRQ, c. C‑26);
CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

(s) Madeleine Lemieux

 

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Gisèle Balthazard

 

 

Mme GISÈLE BALTHAZARD, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Richard Charette

 

 

M. RICHARD CHARETTE

Membre du comité de discipline

 

Me Vivianne Pierre-Sigouin

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs du plaignant

 

M. Sylvain Soulières

Intimé

Présent et se représente seul

Date d’audience : 20 mai 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]      Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37 à 39.

[2]      Chambre de la sécurité financière c. De Zwirek, 2019 QCCDCSF 7 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Claveau, 2019 QCCDCSF 53 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Larue-Paradis, 2017 QCCDCSF 60 (CanLII).

[3]      Chambre de la sécurité financière c. Tremblay, 2015 QCCDCSF 21 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Wang, 2019 QCCDCSF 73 (CanLII).

[4]      Chambre de la sécurité financière c. Lévesque, 2017 QCCDCSF 84 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. St-Onge, 2019 QCCDCSF 12 (CanLII).

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