Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1412

 

DATE :

8 juillet 2020

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Jasmin Lapointe

M. Michel McGee

Membre

Membre

 

 

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

CLAUDE DÉRY, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 109 504)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ

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EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ ORDONNE :

         La non-divulgation, non-diffusion et non-publication du nom et prénom de la consommatrice impliquée dans la plainte disciplinaire et de toute information se trouvant dans la preuve permettant de l’identifier. Cette ordonnance s’applique également à toutes les informations se trouvant aux pièces PS-5 et PS-6 produites au dossier. Il est toutefois entendu que cette ordonnance ne s’applique pas aux demandes d’accès à l’information provenant de l’Autorité des marchés financiers ni du Fonds d’indemnisation des services financiers.  

 

[1]          Le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a procédé, avec le consentement des parties, par visioconférence, à l'instruction de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 27 février 2020.

[2]          Le plaignant était représenté par Me Vivianne Pierre-Sigouin, alors que l’intimé se représentait seul.

LA PLAINTE

1.    À Joliette, le ou vers le 6 janvier 2016, l’intimé n’a pas procédé à une analyse complète des besoins de G.L. avant de lui faire souscrire les produits d’assurances portant les numéros #35XXX791B et #35XXX791M, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants;

2.    À Joliette, le ou vers le 4 janvier 2017, l’intimé n’a pas procédé à une analyse complète des besoins de G.L. avant de lui faire souscrire un produit d’assurance portant le numéro #6GXXX066E, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants.

DÉROULEMENT DE L’AUDIENCE

[3]          Cette audience a été fixée pour procéder à la fois sur culpabilité et sanction, l’intimé ayant indiqué vouloir enregistrer un plaidoyer de culpabilité.  

[4]          Toutefois, deux jours avant cette audience, l’intimé a fait suivre un courriel au secrétariat du comité alléguant qu’après ses échanges du même jour avec la procureure du syndic, il ne souhaitait plus enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Aucune communication de la partie plaignante à ce sujet n’a suivi. Celle-ci a toutefois transmis les versions électroniques de son cahier de pièces et d’autorités dans le délai prescrit.  

[5]          Après que le comité a eu vérifié auprès de l’intimé ses intentions eu égard à sa culpabilité, ce dernier a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité.

[6]          Ensuite, vu que l’intimé interprétait de façon différente les propos tenus à l’enquêteur par la consommatrice G.L.[1], la procureure du syndic a demandé de lui accorder une remise afin d’assigner cette dernière et de procéder sur culpabilité en l’absence d’un plaidoyer de culpabilité par l’intimé.

[7]          Dans les circonstances, après la production de consentement du cahier de pièces de la partie plaignante (SP-1 à SP-13) contenant l’enregistrement de la conversation téléphonique en litige, le comité a suspendu l’audience afin de l’écouter et pouvoir ainsi se prononcer sur la pertinence d’une remise pour assigner la consommatrice.

[8]          Durant cette période de suspension, la procureure du syndic a fait parvenir un courriel à l’attention du comité pour l’informer qu’elle retirait sa demande de remise et était prête à procéder sur culpabilité.

[9]          Après la suspension, une fois l’intimé informé du retrait par le syndic de sa demande de remise, le comité lui a expliqué qu’à son avis, la présence de la consommatrice n’était pas nécessaire. Son témoignage relatif à l’identification de l’intimé aux fins des reproches retenus par le syndic dans la plainte portée contre lui était clair.

LA PREUVE

[10]        La preuve présentée par le syndic a été essentiellement documentaire, le tout expliqué par l’enquêteur, monsieur Sébastien Lévesque.

[11]        Ce dernier a identifié les éléments considérés manquants par le syndic dans les analyses de besoins financiers (ABF) pour les assurances maladie et assurance accidents[2] ainsi que l’assurance vie[3] souscrites par l’entremise de l’intimé aux fins des deux chefs d’accusation de la plainte concluant que ces ABF étaient incomplètes, le tout en contravention des articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (la « Loi ») et 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants (le « Règlement »).

[12]        L’intimé a témoigné.

[13]        Selon son attestation du droit de pratique déposée, il détenait au moment de l’audience un certificat en assurance de personnes. Cette attestation étant postérieure aux événements rapportés dans la plainte, celui-ci a confirmé au comité qu’il détenait un certificat au moment des événements[4].

[14]        Il ressort de la preuve qu’en janvier 2016, G.L. a souscrit par l’entremise de l’intimé une assurance maladie et une assurance accidents[5] (chef d’accusation 1). En janvier 2017, elle a souscrit, toujours par son entremise, une police d’assurance vie[6] (chef d’accusation 2). Bien que le nom de son conjoint apparaisse sur lesdites assurances, celles-ci ont été prises pour G.L. uniquement.

[15]        L’intimé, pour sa part, travaille dans le domaine des assurances depuis plus de trente ans. Concernant les informations manquantes aux ABF identifiées par l’enquêteur, notamment les caractéristiques des polices, les informations manquantes aux points b, c, d, e, f et autres de la police d’assurance vie, l’intimé a indiqué qu’il avait l’habitude de remplir le formulaire tel que soumis par la compagnie d’assurance lequel ne prévoit pas d’espace pour les informations signalées par l’enquêteur.

[16]        En ce qui concerne le revenu indiqué pour G.L., lequel correspondait plutôt au revenu du couple, et non seulement de G.L., l’intimé a expliqué qu’en indiquant le revenu familial il avait suivi les enseignements d’un formateur engagé par la compagnie d’assurances, pour le cas où le preneur n’a pas de revenu, mais que son conjoint en a. Dans le cas présent, comme G.L. lui a dit que c’est elle qui s’occupait des finances du couple, il a indiqué le revenu familial.

[17]        Quant au montant des prestations, ce chiffre correspondait au maximum que la compagnie offrait à ce titre. Il en est de même des autres chiffres.

[18]        Pour ce qui est des actifs, il a mis une note précisant que les actifs du client tels la maison ou les placements n'étaient pas indiqués. L’intimé a reconnu que ces informations auraient dû s’y trouver et non seulement cette note.

[19]        Par ailleurs, l’intimé a indiqué que toutes les informations et tous les chiffres qui se trouvaient dans les ABF ont été discutés avec G.L. Il a ajouté qu’après 38 ans de pratique sur la route, il a toujours considéré l’ABF comme étant indispensable pour établir les besoins des clients.

[20]        Toutefois, il a insisté pour contester les autres passages du témoignage de G.L. qui concernent d’autres assurances souscrites par l’entremise d’autres représentants avec la même compagnie.  

[21]        L’intimé a insisté sur le fait qu’au moment des événements tout ce qu’il connaissait des ABF, il l’a appris de la compagnie pour laquelle il travaille depuis ses débuts en 1982. Il a précisé que depuis mars 2017, subséquemment aux chefs d’accusation en l’espèce, la compagnie a produit au bénéfice des représentants de nouveaux formulaires d’ABF et des feuilles de calculs. Ces nouvelles formules s’avèrent plus complètes comme le démontrent les pièces SP-9 et SP-11. 

[22]        Il accepte mal qu’on attaque son intégrité assurant le comité qu’il a toujours agi de bonne foi. Il ne comprend pas comment il se fait qu’il se retrouve devant le comité ayant toujours reçu des félicitations pour son travail lequel au surplus respectait en tous points, selon la compagnie, la conformité.

[23]        L’intimé a reconnu que certains éléments de son analyse financière étaient incomplets, tel que rapporté par l’enquêteur, mais que ces ABF comportaient les informations essentielles, ajoutant que la consommatrice n’avait pas été lésée et qu’elle avait été traitée équitablement.

[24]        Le comité a précisé à l’intimé que les seuls éléments sur lesquels il se prononcerait étaient ceux soulevés à l’égard des assurances identifiées dans la présente plainte disciplinaire. Les griefs soulevés par la consommatrice à l’égard d’assurances souscrites avec d’autres représentants n’étant pas pertinents.

[25]        Pour sa part, la procureure du syndic a plaidé que les infractions reprochées sont de responsabilité stricte. Aussi, bien que l’intimé ait procédé à des ABF, la preuve documentaire combinée au témoignage de l’enquêteur, avait démontré que les ABF en cause étaient incomplètes et qu’il y avait eu contravention à l’article 6 du Règlement. Par conséquent, elle a demandé au comité de conclure à la culpabilité de l’intimé.

[26]        L’intimé a réitéré avoir rempli adéquatement les ABF conformément au formulaire fourni et exigé par la compagnie d’assurances.

ANALYSE ET MOTIFS

[27]        Au moment des événements, l’intimé détenait un certificat en assurance de personnes depuis plus de 38 ans.

[28]        La preuve documentaire combinée au témoignage de l’enquêteur a démontré que certaines informations exigées par l’article 6 du Règlement étaient manquantes. Ainsi, tant les ABF visées par le premier chef d’accusation que celles soulevées par le deuxième étaient incomplètes.

[29]        Ces informations manquantes concernent notamment le revenu, qui correspond au revenu familial au lieu de celui de G.L. Les caractéristiques des assurances y sont également absentes et aucune information n’est fournie relativement aux passifs et actifs de G.L.

[30]        L’article 6 du Règlement stipule :

6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d’assurance ou d’offrir un produit d’assurance de personnes comportant un volet d’investissement, dont un contrat individuel à capital variable, analyser avec le preneur ses besoins ou ceux de l’assuré.

Ainsi, selon le produit offert, le représentant en assurance de personnes doit analyser avec le preneur, notamment, ses polices ou contrats en vigueur ou ceux de l’assuré, selon le cas, leurs caractéristiques et le nom des assureurs qui les ont émis, ses objectifs de placement, sa tolérance aux risques, le niveau de ses connaissances financières et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à sa charge et ses obligations personnelles et familiales.

 

Le représentant en assurance de personnes doit consigner les renseignements recueillis pour cette analyse dans un document daté. Une copie de ce document doit être remise au preneur au plus tard au moment de la livraison de la police.

 

D. 830-99, a. 6; A.M. 2013-12, a. 5.

 

[31]        Or, l’intimé ne pouvait l’ignorer.

[32]        Les représentants sont tenus de suivre une formation continue et par conséquent, l’intimé était en mesure de savoir que les formulaires fournis par la compagnie ne respectaient pas ses obligations déontologiques.

[33]        Le représentant en assurance de personnes doit procéder de façon complète à l’ABF conformément à l’article 6 du Règlement. Ceci s’avère une démarche essentielle à accomplir avant de faire remplir une proposition d’assurance et ce, afin de s’assurer de bien conseiller son client. L’intimé devait minimalement noter ces informations sur une feuille à part, ce qu’il n’a pas démontré. Aucune feuille de calcul, ou autre document de même nature ne se trouvait dans son dossier ou même dans celui de la compagnie d’assurance.

[34]        Dans les circonstances, le comité n’a d’autre choix que de conclure à la culpabilité de l’intimé, celui-ci ayant contrevenu à l’article 6 du Règlement.

[35]        Toutefois, le comité tient à préciser que l’intimé a livré un témoignage honnête qui lui a paru des plus sincères. Il y a absence de preuve de malhonnêteté ou de mauvaise foi de sa part.

[36]        Il y a lieu de mentionner que, même s’il est déplorable que les compagnies ne fournissent pas à leurs représentants les documents adaptés à leurs obligations, il n’en demeure pas moins que le représentant doit respecter ses obligations déontologiques et a l’obligation de suivre la formation continue nécessaires à sa mise à niveau, le cas échéant.

[37]        Par conséquent, le comité déclarera l’intimé coupable sous chacun des deux chefs d’accusation contenus à la plainte pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, non-diffusion et non-publication du nom et prénom de la consommatrice impliquée dans la plainte disciplinaire et de toute information se trouvant dans la preuve permettant de l’identifier. Cette ordonnance s’applique également à toutes les informations se trouvant aux pièces PS-5 et PS-6 produites au dossier. Il est toutefois entendu que cette ordonnance ne s’applique pas aux demandes d’accès à l’information provenant de l’Autorité des marchés financiers ni du Fonds d’indemnisation des services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des deux chefs d’accusation contenus dans la plainte pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures sous l’autre disposition invoquée sous chacun des chefs d’accusation contenus dans la plainte;

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

(S) Me Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Jasmin Lapointe

M. Jasmin Lapointe

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Michel McGee

M. Michel McGee

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Vivianne Pierre-Sigouin

 

CDNP AVOCATS INC

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

L’intimé se représentait seul.

 

 

 

Date d’audience (par visioconférence) :

Le 28 mai 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] SP-13, enregistrement de conversation téléphonique avec G.L.

[2] SP-5, 1er chef d’accusation.

[3] SP-6.

[4] L’attestation du droit de pratique n’était pas disponible étant donné la pandémie qui sévissait durant la période précédant la présente audience.

[5] SP-5.

[6] SP-6.

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