Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1409

 

DATE :

13 octobre 2020

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LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Alain Legault

Membre

 

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

 

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

HAMZA AOUI, représentant en assurance contre la maladie ou les accidents (certificat numéro 215415)

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION

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[1]          Le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a procédé, avec le consentement des parties, par visioconférence à l’audition sur sanction, à la suite de sa décision sur culpabilité rendue le 22 juillet 2020.

[2]          Par cette décision, l’intimé a été déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière ayant fait défaut de répondre aux demandes répétées de renseignements lui ayant été faites à partir de septembre 2019 par l’enquêteur du syndic de la CSF.

[3]          Tant lors de l’audition sur culpabilité que sur sanction, l’intimé se représentait seul alors que la plaignante était représentée par Me Julie Piché.

 

LA PREUVE

[4]          Pour seule preuve, Me Piché a déposé la fiche d’individu concernant l’intimé fournie par l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur son site Web, en date du
4 septembre 2020, indiquant que l’intimé ne détient aucun certificat.

[5]          L’intimé, pour sa part, a indiqué que son dossier était en règle, mais qu’aux fins de son inscription, l’AMF attendait la décision du comité sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[6]          Me Piché a recommandé d’ordonner la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois, sa condamnation au paiement des déboursés et des frais d’enregistrement ainsi que la publication de l’avis de décision sur sanction.  

[7]          Quant aux facteurs aggravants et atténuants, elle a fait valoir la gravité objective de l’infraction, le représentant ayant l’obligation de collaborer à l’enquête du syndic. Étant donné le défaut de l’intimé de répondre aux demandes répétées de renseignement de l’enquêteur, ce dernier a été empêché de la poursuivre.

[8]          Bien que l’intimé n’ait pas démontré une volonté d’entraver le travail du syndic en ne donnant pas suite aux demandes de l’enquêteur, ce faisant, il a fait preuve de grande négligence et insouciance.

[9]          Aussi, comme l’intimé en a lui-même témoigné lors de la culpabilité, son certificat qui devait se renouveler à la fin janvier 2020, ne l’a pas été, faute de sa part d’avoir complété ses unités de formation continue (UFC).

[10]       L’intimé n’a toutefois pas d’antécédent disciplinaire. Il est âgé de 29 ans et n’avait que trois ans d’expérience au moment de l’infraction.

[11]       Par ailleurs, nonobstant ces derniers facteurs, le principe général de dissuasion à l’égard des autres représentants revêt une importance particulière pour ce type d’infraction. Les représentants doivent comprendre qu’ils ont non seulement l’obligation de collaborer avec le syndic, mais doivent le faire de façon diligente.

[12]       À l’appui de sa recommandation, la procureure s'est reportée à deux décisions portant sur des infractions de même nature, et pour lesquelles une période de radiation temporaire d’un mois a été imposée.

         CSF c. Auclair, 2017 QCCDCSF 6, décision sur culpabilité du 6 février 2017 et décision sur sanction du 17 août 2017;

         CSF c. Côté, 2020 QCCDCSF 30, décision sur culpabilité et sanction du 29 juin 2020.

[13]       Dans ces deux affaires, même si les intimés avaient au moment des infractions entre dix et trente ans d’expérience, ils n’étaient pas animés d’intention malveillante ou malhonnête, mais ont davantage agi par négligence ou confusion quant aux procédures d’enquête, comme en l’espèce.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[14]       L’intimé a indiqué que ce que Me Piché a avancé était exact. Cependant, il a expliqué vouloir souligner les différences entre son cas et celui des intimés dans les deux affaires qu’elle a soumises.

[15]       D’abord, lorsque l’enquêteur a renouvelé ses demandes de renseignements en novembre 2019, il croyait, pour sa part, qu’il était trop tard, qu’il avait déjà été décidé qu’il avait contrevenu à ses obligations déontologiques.

[16]       Aussi, contrairement à ces deux intimés d’ailleurs beaucoup plus expérimentés que lui, il a répondu finalement aux demandes de l’enquêteur et le syndic n’a pas jugé bon de porter plainte eu égard aux deux dossiers objet de l’enquête.  

[17]       Il a assuré avoir appris sa leçon, expliquant vouloir clore ce dossier et pouvoir retourner à ses activités de représentant.

[18]       Enfin, il a demandé au comité de lui imposer une sanction plus légère, voir même une simple réprimande, laissant par ailleurs le tout à sa discrétion.

 

RÉPLIQUE DE LA PLAIGNANTE

[19]       Me Piché a insisté sur l’importance de l’exemplarité à l’égard des autres représentants ajoutant que, même si l’intimé avait moins d’expérience que les deux autres intimés et a fourni à l’enquêteur les renseignements demandés, il ne l’a fait qu’en avril 2020 alors qu’il en était requis dès le début du mois de septembre 2019. Au surplus, la présente plainte était portée contre lui depuis déjà janvier 2020.  

[20]       Elle a ensuite réitéré qu’une période de radiation est la sanction appropriée pour des infractions de cette nature.

ANALYSE ET MOTIFS

[21]       Le comité donnera suite à la recommandation de la plaignante.

[22]       La gravité de l’infraction commise est incontestable. Le représentant a l’obligation de collaborer avec le syndic de la CSF avec diligence.

[23]       Même si l’intimé était relativement jeune, qu’il n’avait que trois ans d’expérience au moment de l’infraction et aucun antécédent disciplinaire, il n’en demeure pas moins qu’il a pris plus de neuf mois à répondre aux demandes répétées de l’enquêteur du bureau du syndic, dont quatre mois suivant le dépôt de la présente plainte contre lui.

[24]       L’intimé a traité avec grande insouciance et négligence son obligation déontologique de collaborer avec diligence avec le syndic de la CSF.

[25]       Il a aussi expliqué que le non-renouvellement de son certificat en janvier 2020 était dû à sa négligence à compléter ses unités de formation continue.

[26]        Ce comportement d’insouciance et de négligence de l’intimé face à ses obligations professionnelles est certes de nature à inquiéter le comité pour la protection du public.

[27]        Le comité fait siens les propos du comité dans l’affaire Côté qui sont aussi pertinents en l’espèce :

« [49] En matière d’entrave et de refus de collaborer avec le syndic, la jurisprudence a établi qu’il s’agit d’une infraction très grave, car elle est essentielle au bon fonctionnement du système disciplinaire13.

[50] Le comité considère cependant que le défaut de l’intimé de répondre au syndic en l’espèce n’avait pas un caractère malveillant ou intentionnel démontrant une volonté d’empêcher le syndic d’effectuer son travail.

[51] Il s’agit plutôt d’un cas de négligence où l’intimé a considéré à tort que son dossier était terminé (…) et où il a démontré une insouciance inacceptable par rapport aux demandes du plaignant.

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13            Terjanian c. Lafleur, 2019 QCCA 230 (CanLII), par. 50. »

(Nos soulignés)

[28]       Comme souligné par la procureure du syndic, le principe d’exemplarité de la sanction revêt une importance particulière pour ce type d’infraction. Les représentants doivent prendre conscience non seulement du sérieux de cette obligation de collaborer avec le syndic de la CSF, mais de le faire avec la plus grande diligence. Autrement, le syndic ne peut jouer pleinement son rôle pour la protection du public.

[29]       Dans le présent cas, bien que l’intimé ait finalement communiqué à l’enquêteur les renseignements demandés au sujet des deux consommateurs impliqués, il ne l’a fait que très tardivement et après le dépôt de la présente plainte.

[30]       Aussi, considérant les faits propres à la présente affaire, les facteurs tant aggravants qu’atténuants, le comité estime qu’une période de radiation d’un mois est non seulement conforme aux sanctions ordonnées dans les affaires semblables, mais s’impose en l’espèce.

[31]        Par conséquent, le comité ordonnera la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois, et ce, à compter de sa réinscription, le cas échéant. De même, il ordonnera la publication d’un avis de la présente décision.

[32]       L’intimé sera également condamné au paiement des déboursés.

[33]       Enfin, comme l’intimé a consenti lors de l’audience, la notification de la présente décision se fera par moyen technologique, à savoir par courriel.  

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE, sous l’unique chef d’accusation, la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois, laquelle ne débutera qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’AMF, ou toute autre autorité compétente, émette tout autre certificat en son nom;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de ne procéder à cette publication qu’au moment où, le cas échéant, l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’AMF, ou toute autre autorité compétente, émette tout autre certificat en son nom;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification aux parties de la présente décision par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code des professions (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

(S) Me Janine Kean

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Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(S) Alain Legault

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M. Alain Legault

Membre du comité de discipline

 

(S) Sylvain Jutras

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M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représentait seul.

 

 

Date d’audience (par visioconférence) :

Le 28 septembre 2020

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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