Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1409

 

DATE :

22 juillet 2020

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Alain Legault

Membre

 

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

 

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

HAMZA AOUI, représentant en assurance contre la maladie ou les accidents (certificat numéro 215415)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ

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[1]          Le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a procédé, avec le consentement des parties, par visioconférence à l'instruction de la plainte disciplinaire suivante portée contre l’intimé le 31 janvier 2020.

LA PLAINTE

1.         À Laval, depuis le 29 août 2019, l’intimé a fait défaut de répondre à une demande de renseignements provenant d’un enquêteur du syndic de la Chambre de la sécurité financière, contrevenant ainsi à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

[2]          La plaignante était représentée par Me Julie Piché, alors que l’intimé était présent et non représenté.

LA PREUVE

[3]          Au soutien de la plainte, Me Piché a déposé, de consentement avec l’intimé, sa preuve documentaire sous les cotes P-1 à P-10, et a fait entendre monsieur Jean St-Jacques, enquêteur mandaté par le syndic de la CSF en l’espèce.

[4]          Pour sa part, l’intimé a témoigné en se reportant au cahier de pièces de la plaignante.

[5]          Quant aux faits ayant mené à l’infraction reprochée, il ressort que le ou vers le 26 juillet 2018, le syndic a informé l’intimé de l’ouverture d’un dossier d’enquête à son sujet et de son obligation de collaborer et de répondre au syndic et à ses enquêteurs conformément à la Loi. À cette lettre était jointe une annexe reproduisant les dispositions pertinentes de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), du Code de déontologie de la CSF et du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (P-2).

[6]          Le 28 août 2019, un premier échange téléphonique a eu lieu entre l’enquêteur et l’intimé. Le même jour, l’enquêteur lui faisait suivre un courriel (P-3) incluant les documents et lui réitérant sa demande de lui faire suivre notamment :

« (…) nous fournir vos commentaires sur la lettre jointe à ce courriel, particulièrement en ce qui a trait aux deux clients cités.

De plus, tel que proposé, vous pouvez m’envoyer copie de tout document pertinent en support à votre version des faits, dont votre démarche et réclamation auprès de Combined Assurances. (…). »

[7]          Le 10 septembre 2019, vu l’absence de suivi de la part de l’intimé, monsieur St-Jacques lui a téléphoné et a laissé un message sur sa boîte vocale.

[8]          Le 18 novembre 2019, étant toujours sans nouvelles de l’intimé, monsieur
St-Jacques lui a retransmis les documents déjà envoyés avec son courriel du 28 août précédent, y compris ce dernier courriel. Le tout a été notifié cette fois de façon électronique et une preuve du téléchargement par l’intimé y est annexée (P-4).

[9]          Le 30 janvier 2020, le syndic portait la présente plainte disciplinaire contre l’intimé lui reprochant son absence de réponse à la demande de renseignement formulée par l’enquêteur de la CSF.

[10]       Vers la fin du mois de janvier 2020, l’intimé et Me Piché ont échangé au cours duquel échange celle-ci lui a notamment suggéré de contacter l’enquêteur.

[11]       Le 20 avril 2020, pour donner suite à cette suggestion, l’intimé a fait parvenir un courriel à l’enquêteur. Il lui présentait ses excuses, reconnaissait ne pas lui avoir répondu ni communiqué avec lui, mais reconnaissant que cela ne justifiait toutefois pas son silence. Après avoir renouvelé ses excuses, l’intimé lui demandait la permission pour lui envoyer les documents demandés (P-5).

[12]       Le 24 avril 2020, monsieur St-Jacques lui a répondu qu’il était impératif de répondre adéquatement et promptement à sa demande du 28 août 2019.

[13]       Le 28 avril 2020, l’intimé a fait suivre un courriel à l’enquêteur dans lequel il réitérait ses excuses et sa volonté de coopérer et de lui faire parvenir les documents ou explications nécessaires. Il lui a toutefois expliqué qu’il ne retrouvait pas le courriel du 28 août 2019 ni les documents qui y étaient joints. Il ne savait donc pas quel document l’enquêteur désirait ni les explications dont il avait besoin. Bien qu’il ait récupéré son courriel de novembre 2019, les documents joints étaient inaccessibles, à cause probablement de l’expiration de l’accès en ligne. Aussi, il lui a demandé de lui faire suivre à nouveau le courriel du mois d’août 2019 et les documents joints.  

[14]       Le 1er mai 2020, l’enquêteur a donné suite à cette dernière demande et a fait suivre à l’intimé les mêmes documents déjà envoyés les 28 août et 18 novembre 2019.

[15]       Le 13 mai 2020, l’intimé a écrit un courriel à l’enquêteur y joignant sa version des faits concernant les deux consommateurs identifiés et son litige avec la compagnie d’assurance Combined (P-9).

[16]       Le 8 juin 2020, le syndic a adressé une lettre à l’intimé lui indiquant que son enquête concernant les deux consommateurs était terminée et qu’il n’y avait pas lieu de déposer une plainte les impliquant. Cependant, il lui précise que cette dernière décision n’avait pas pour effet d’annuler la présente plainte disciplinaire déposée contre lui pour son défaut de répondre aux demandes de renseignement du syndic concernant le même dossier.

[17]       L’intimé n’a pas contredit l’enquêteur qui a rapporté les différentes étapes de son enquête et l’absence de réponse de l’intimé. Il a reconnu avoir fait défaut de fournir les informations et explications demandées par l’enquêteur, et ce, jusqu’au 13 mai 2020.

[18]       Bien qu’il ait reconnu avoir reçu le courriel du 28 août, il a déclaré l’avoir égaré. Il ne se souvient pas avoir eu d’autres communications jusqu’à ce qu’il reçoive la notification en novembre 2019.

[19]       De l’avis de l’intimé, ce dernier courriel comportait une dernière phrase indiquant qu’il commettait une faute déontologique, mais pas de demande de renseignements ou d’informations.

[20]       Il a toutefois reconnu que c’est le 20 avril 2020, qu’il a communiqué avec l’enquêteur pour une première fois depuis août 2019, après son échange avec Me Piché suivant le dépôt de la présente plainte disciplinaire.  

ANALYSE ET MOTIFS

[21]       L’intimé détenait un certificat dans la discipline de l’assurance contre la maladie ou les accidents du 25 août 2016 au 3 avril 2018 pour le cabinet COMPAGNIE D’ASSURANCE COMBINED D’AMÉRIQUE, du 23 avril 2018 au 4 octobre 2018 et du 29 août 2019 au 31 janvier 2020, actuellement pour le cabinet CABINET CEMA INC[1].

[22]       Quant au non-renouvellement de son certificat depuis janvier 2020, l’intimé a expliqué qu’il était dû au fait qu’il n’a pas complété ses unités de formation continue.

[23]       La présente plainte lui reproche d’avoir depuis le 29 août 2019 fait défaut de répondre à la demande de renseignements de l’enquêteur du syndic de la CSF et ainsi d’avoir contrevenu à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, lequel stipule :

44. Le représentant ne doit pas nuire au travail de l’Autorité des marchés financiers, de la Chambre ou de l’un de ses comités, du syndic, d’un adjoint du syndic, du cosyndic, d’un adjoint du cosyndic ou d’un membre de leur personnel ou d’un dirigeant de la Chambre.

[24]        La prétention de l’intimé voulant qu’il n’ait pas compris du courriel du mois de novembre 2019 qu’il s’agissait d’une réitération de la demande de renseignements telle que formulée le 28 août et conclu qu’il était seulement avisé qu’il commettait une faute déontologique comme indiqué à la dernière phrase de celui-ci, ne peut le disculper.  

[25]        D’abord, l’avis de notification indiquait en objet « demande de renseignements ».

[26]        De plus, étant donné son échange téléphonique avec l’enquêteur le 28 août et du courriel du même jour qu’il a reçu, la simple lecture de ce courriel du 18 novembre 2019 reproduit ci-après aurait dû le convaincre de communiquer avec l’enquêteur et d’obtempérer sans délai à cette dernière demande.

« Bonjour M. Aoui,

Suite à notre conversation téléphonique du 28 septembre (sic) dernier, je vous ai fait parvenir par courriel un (sic) demande de documents et renseignements que vous retrouvez de nouveau en pièces jointes. Vous aviez une obligation déontologique de répondre à cette demande.

Notez également que je vous ai laissé un message téléphonique de rappel le
10 octobre (sic) 2019 concernant cette demande.

Nous n’avons à ce jour reçu aucune communication de votre part. Vous êtes donc en défaut de votre obligation déontologique énoncée à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. »[2]

[27]        Or, il n’a pas davantage communiqué avec l’enquêteur. Ce n’est qu’à la suite de son échange avec Me Piché après le dépôt de la présente plainte disciplinaire le
31 janvier 2020, et encore, seulement le 20 avril suivant, que l’intimé a communiqué pour la première fois avec l’enquêteur, et ce, depuis le 29 août 2019.

[28]       Ce n’est qu’en mai 2020, plus de trois mois après le dépôt de la présente plainte disciplinaire et près de neuf mois après que les informations aient été requises par l’enquêteur le 28 août 2019, que l’intimé a obtempéré permettant ainsi au syndic de clore l’enquête concernant les deux consommateurs impliqués.

[29]       Ainsi, bien que le syndic ait jugé qu’il n’y avait pas lieu de déposer une plainte concernant ces deux consommateurs, les faits mis en preuve démontrent sans conteste que l’intimé a nui au travail du syndic les concernant.

[30]        L’intimé a démontré une grande insouciance à l’égard des demandes de l’enquêteur. Il a égaré son premier courriel du 28 août 2019 et les documents joints, il ignoré son appel de suivi fait le 10 septembre 2019, il a négligé de sauvegarder ou imprimer celui du 18 novembre et les documents, alléguant en avril 2020 ne plus y avoir accès, le délai étant dépassé.

[31]        Sans une telle négligence, il n’aurait pas commis l’infraction reprochée.

[32]        Aussi, ce comportement combiné au fait qu’il n’a pas complété ses unités de formation empêchant le renouvellement de son certificat en janvier 2020 est de nature à inquiéter le comité pour la protection du public.

[33]       L’intimé avait l’obligation de collaborer avec le syndic. À ce sujet, le comité fait siens les propos d’une autre formation du CDCSF dans l’affaire Auclair[3] citée par
Me Piché au sujet de l’obligation des représentants de collaborer, lesquels sont aussi pertinents dans le présent dossier :

« [44] Mais comme tous les professionnels, il avait néanmoins l’obligation d’offrir une collaboration véritable et efficace à la syndique, ainsi qu’à ses représentants ou enquêteurs.

[45] Tel que le comité l’a déjà affirmé à quelques reprises, un système professionnel qui assure la protection du public exige l’entière coopération et collaboration des membres avec ces derniers.

(…)

[49] Lorsqu’une demande d’enquête est déposée auprès de cette dernière, il lui faut agir avec diligence. La collaboration du représentant à son enquête est alors essentielle.

[50] En retour des privilèges dont il bénéficie en tant que membre de la Chambre de la sécurité financière, l’intimé, comme tous les professionnels, est soumis à des règles ainsi qu’à un système disciplinaire. »

[34]       Par conséquent, le comité déclarera coupable l’intimé sous l’unique chef d’accusation mentionné à la plainte.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sous l’unique chef d’accusation mentionné à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

_(s) Janine Kean___________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

_(s) Alain Legault___________________

M. Alain Legault

Membre du comité de discipline

 

 

_(s) Sylvain Jutras__________________

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représentait seul.

 

Date d’audience (par visioconférence) :

Le 16 juin 2020

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Attestation de droit de pratique du 11 septembre 2019 (P-1).

[2] P-4. Notons que l’enquêteur a signalé les erreurs commises quant aux mois des communications rapportées, la première étant en août et non septembre et la deuxième en septembre et non octobre comme indiquées.

[3] CSF c. Auclair, 2017 QCCDCSF 6, décision sur culpabilité du 6 février 2017.

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