Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1370

 

DATE :

23 octobre 2019

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LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Christian Fortin

Membre

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre

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GILLES OUIMET, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

CAROLLE FERLAND (certificat numéro 133203, BDNI 1598301)

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication du nom et prénom du consommateur impliqué dans la présente plainte, ainsi que de toute information personnelle permettant de l’identifier.

[1]          Le 3 octobre 2019, le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni au Palais de justice de Chicoutimi, pour procéder à l'instruction de la plainte disciplinaire portée contre l'intimée le 29 avril 2019.

[2]          La plaignante était représentée par Me Jean-Simon Britten, alors que l’intimée était présente et se représentait seule.

LA PLAINTE

1.    Dans la région d’Alma, le ou vers le 5 juillet 2013, [l’intimée] a emprunté de son client O.L. une somme de quinze mille dollars (15 000 $), contrevenant ainsi à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

LA PREUVE

[3]          Pour la plaignante, le comité a entendu O.L., le consommateur impliqué dans la présente plainte. Me Britten a déposé sa preuve documentaire[1] et a soumis, au soutien de ses représentations un cahier d’autorités concluant à la culpabilité de l’intimée[2], qu’il a pris le soin de commenter.

[4]          Pour sa part, l’intimée a témoigné et a fait ses représentations.

[5]          Des faits mis en preuve, le comité ne rapportera que les plus pertinents pour la compréhension et l’analyse des gestes reprochés.

[6]          Selon son attestation de droit de pratique en date du 29 septembre 2016[3], l’intimée a commencé sa carrière vers 1992. Bien qu’elle ait détenu un certificat dans différentes disciplines tout au long de celle-ci, elle a cessé d’exercer à partir du 30 avril 2017.

[7]          Au moment de l’audience, l’intimée ne possédait plus de certificat dans aucune discipline, mais agissait comme courtière hypothécaire.

[8]          O.L. a connu l’intimée autour des années 2000, alors que cette dernière était sa représentante en assurances. Il a notamment souscrit par son entremise[4] des polices d’assurances maladies graves pour lui-même (P-4) et d’assurance vie pour lui et H.C., sa conjointe et mère de ses enfants (P-5). Pour cette dernière police, le preneur est son entreprise, une compagnie à numéro incorporée au provincial[5].

[9]          Il ressort du témoignage d’O.L. que c’est H.C. qui s’occupait des assurances. Celle-ci et l’intimée sont devenues de grandes amies. Il arrivait même qu’H.C. accompagne l’intimée à des congrès de l’Industrielle Alliance (IA).

[10]       O.L. a expliqué que l’intimée lui a souvent demandé de lui prêter de l’argent. Le 5 juillet 2013, il a acquiescé à une de ses demandes et lui a prêté 15 000 $ au moyen d’un chèque tiré de son compte personnel et fait à l’ordre des Services financiers Tremblay (P-7). L’intimée lui a dit que c’était pour aider son fils à démarrer une compagnie de finances.

[11]       O.L. a témoigné qu’il n’y a jamais eu d’entente de prêt. Il a cependant indiqué que la signature apparaissant sur le document ainsi intitulé ressemble à la sienne. Par ce contrat daté du 5 juillet 2013, les Services financiers Tremblay s’engageaient à lui remettre 17 250 $ un an plus tard (P-6), ce qui fut fait. O.L. a reçu des Services financiers Tremblay un chèque de 17 250 $ daté du 5 juillet 2014 (P-9), et l’a déposé dans son compte.

[12]       Pour sa part, l’intimée a témoigné avoir œuvré dans le domaine des assurances depuis plus de quarante ans, sans jamais avoir eu de reproches ou de poursuite disciplinaire.

[13]       Elle a indiqué que cet emprunt à O.L. avait été fait au nom de la compagnie Services financiers Tremblay et non à elle en tant que représentante en assurances.

[14]       Ce prêt a servi à l’acquisition d’un terrain pour la compagnie. Contre-interrogée, l’intimée a reconnu être celle qui a sollicité ce prêt à O.L. et qu’elle possédait un intérêt dans l’entreprise qui profitait de la somme ainsi empruntée.  

[15]       Sa signature est celle apposée sur le contrat de prêt. Ce contrat a été préparé avec l’aide d’H.C. L’intimée ne se rappelait toutefois plus qui en avait dicté le libellé, mais confrontée à ses déclarations à l’enquêteur, elle a reconnu que c’était elle-même ou H.C.[6].

 

ANALYSE ET MOTIFS

[16]        Au moment des événements, l’intimée détenait un certificat en assurances de personnes et était la représentante en assurances du consommateur O.L.

[17]        La compagnie d’O.L. est propriétaire de la police d’assurance vie souscrite sur sa vie et celle de sa conjointe (P-5). Une compagnie à numéro ainsi que le nom de l’intimée apparaissent comme représentant sur cette police.

[18]        Selon le Registre des entreprises du Québec (REQ), cette compagnie à numéro porte aussi le nom Services financiers Tremblay, à qui O.L. a prêté. Le nom de l’intimée et l’adresse de son bureau d’affaires y sont consignés comme domicile élu. L’intimée en est la présidente ainsi que seule actionnaire et administratrice. Les assurances, placements et planification sont les activités décrites pour cette compagnie.

[19]        L’intimée a admis avoir elle-même sollicité à O.L. le prêt de 15 000 $, sans lui fournir toutefois d’explications. Elle a déposé le chèque dans le compte des Services financiers Tremblay. Le chèque de 17 250 $ qu’elle a fait à O.L. pour le rembourser en 2014 est tiré de ce même compte[7].

[20]       Mentionnons que l’intimée a, tout au long de ses représentations, tenté de banaliser ses gestes.

[21]       De plus, alors qu’elle a témoigné n’avoir jamais fait l’objet de reproche et ne détenir aucun dossier disciplinaire, elle a dû reconnaître en contre-interrogatoire que le comité de discipline de la CSF l’a déclarée coupable et condamnée à une période de radiation temporaire de trois mois, du 22 août au 22 octobre 2011, tel qu’en fait foi son attestation de droit de pratique. Malgré cela, l’intimée a tenté de contester les gestes reprochés dans cette dernière affaire.

[22]       Dans les circonstances, le comité n’accorde que peu de crédibilité à l’intimée et met en doute l’existence même de l’entente de prêt en 2013, dont l’intimée a fourni une copie en cours d’enquête. Selon le récit des événements par O.L., ce contrat semble plutôt avoir été préparé aux fins d’un litige postérieur entre O.L. et sa conjointe H.C.

[23]        L’intimée a argumenté que Services financiers Tremblay était une fiducie familiale et une entité distincte. Ainsi, à son avis, l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, stipulant que le représentant doit garder son indépendance, était respecté.

[24]        Aussi, étant donné que personne n’avait subi de préjudice, il n’y avait aucun conflit d’intérêts et la protection du public n’avait pas été mise en péril.

[25]        Le comité ne peut retenir ces arguments. Même si O.L. n’a pas subi de préjudice, cela ne change en rien l’infraction commise. En agissant comme elle l’a fait, l’intimée n’a pas su garder son indépendance. D’ailleurs, les faits du présent dossier trouvent aussi écho dans les décisions soumises par le procureur de la plaignante.

[26]       Comme énoncé par la Cour du Québec dans Fontaine[8], l’article 18 du Code de déontologie de la CSF doit recevoir une interprétation large afin de pouvoir assurer la protection du public.

[27]       Il est manifeste, comme soutenu par Me Britten, que l’intimée ne semble pas comprendre l’importance de préserver son indépendance, ce qui ajoute à la gravité en l’espèce. Le lien de confiance entre le consommateur et le conseiller en sécurité financière dépend des choix de ce dernier. En l’espèce, il y a eu bris de ce lien de confiance.

[28]       Par conséquent, le comité déclarera l’intimée coupable sous l’unique chef d’accusation, pour avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion du nom et prénom du consommateur impliqué dans la présente plainte, ainsi que de toute information personnelle permettant de l’identifier;

DÉCLARE l’intimée coupable sous l’unique chef d’accusation mentionné à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

CONVOQUE les parties avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

 

(s) Christian Fortin___________________

M. Christian Fortin

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Bruno Therrien____________________

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jean-Simon Britten

THERRIEN COUTURE AVOCATS

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée se représentait seule.

 

Date d’audience :

Le 3 octobre 2019

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] P-1 à P-10.

[2] CSF c. Torabizadeh, 2010 CanLII 58 (QC CDCSF); Fontaine c. CSF, 2016 QCCQ 3787 (CanLII); CSF c. Langlais, 2017 QCCDCSF 37 (CanLII); CSF c. Daigle, 2018 QCCDCSF 86 (CanLII).

[3] P-1.

[4] La compagnie à numéro de l’intimée ou Services financiers Tremblay et le nom de l’intimée sont inscrits sur ces documents à titre de représentant.

[5] P-3.

[6] P-10.

[7] P-8 et P-9.

[8] Fontaine c. CSF, préc. note 2, par. 123-129.

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