Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1182

 

DATE :

29 septembre 2020

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

 

Mme Dominique Vaillancourt

Membre

 

______________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

DENIS VALLIÈRES, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 156788, BDNI 1851601)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des nom et prénom du consommateur visé par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de l’identifier.

[1]          L’audience sur sanction s’est tenue à la Chambre de la sécurité financière (CSF) l’intimé ayant refusé de procéder par visioconférence.

[2]          Celle-ci fait suite à la déclaration de culpabilité de l’intimé sous chacun des quatre chefs d’accusation de la plainte pour avoir, sous deux de ceux-ci, faussement déclaré avoir agi à titre de représentant et sous les deux autres, d’avoir accordé un rabais de primes sur les polices d’assurance souscrites.

[3]          La plaignante était représentée par Me Julie Piché, alors que l’intimé se représentait seul tout comme lors de l’audition sur culpabilité.

PREUVE ET REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]          La plaignante a d’abord déposé la fiche d’individu concernant l’intimé obtenue à partir du site de l’Autorité des marchés financiers. Selon celle-ci, le certificat de l’intimé dans la discipline d’assurance de personnes est toujours en vigueur en date du
1er septembre 2020.

[5]          Ensuite, elle a soumis l’entente intervenue entre les parties exposant leur recommandation commune sur sanction ainsi que les considérations retenues pour conclure à celles-ci. L’essence de cette entente signée le 1er septembre 2020 par l’intimé ainsi que par Me Piché, pour la plaignante, est celle-ci : 

« ATTENDU la décision du 23 mars 2020 déclarant l’intimé coupable des quatre (4) chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire du 17 mai 2016.

ATTENDU QUE les parties désirent présenter une recommandation commune sur la sanction et que les parties reconnaissent que le Comité n’est pas lié par une telle recommandation.

Les parties déclarent ce qui suit :

1.   Les parties recommandent conjointement d’imposer la sanction qui suit à l’intimé :

      Chef 1 : amende de 2 000 $

      Chef 2 : amende de 2 000 $

      Chef 3 : réprimande

      Chef 4 : réprimande

      Condamnation aux frais et déboursés

 

2.   Dans l’élaboration de la recommandation les parties ont tenu compte des facteurs suivants :

a.   Facteurs liés à l’intimé

                                                i.       Il est âgé de 57 ans.

                                               ii.      Il déclare ne pas avoir fait souscrire de nouveaux contrats d’assurance depuis au moins 5 ans.

                                              iii.       Il procède actuellement au transfert de sa clientèle en assurance et le tout devrait être finalisé pour le 31 décembre 2020.

                                              iv.      Il n’a pas d’antécédent disciplinaire.

                                               v.       La période de temps écoulé depuis les infractions qui remontent à plus de 10 ans, soit en 2006 et 2009.

                                              vi.      Depuis le dépôt de la présente plainte disciplinaire en mai 2016, aucun autre dossier d’enquête n’a été ouvert à l’égard de l’intimé.

                                             vii.       Au moment des infractions l’intimé avait entre 3 et 6 ans d’expérience.

                                            viii.       L’intimé est également membre de l’ordre des CPA.

                                              ix.      Au moment des infractions, l’intimé agissait à titre de mentor de M.A. l’époux de S.D.

                                               x.       Il n’était pas animé d’une intention malhonnête ou malicieuse.  Il voulait aider M.A. à se constituer un portefeuille d’assurances familial.  Il est l’instigateur de la stratégie afin de faire bénéficier indirectement M.A. de commissions et bonus plus élevés.

                                              xi.      Bien qu’il n’est pas plaidé coupable, l’intimé a reconnu la très grande majorité des éléments factuels.

                                             xii.       Il ne retire aucun bénéfice financier des infractions.

                                            xiii.       Le risque de récidive est très peu probable.

b.   Facteurs liés aux infractions

                                                i.       Les fautes commises en 2009 sont exactement les mêmes qu’en 2006.

                                               ii.      Elles ne visent qu’une seule consommatrice, qui était l’épouse d’un autre représentant, et constituent des événements uniques dans une situation particulière.

                                              iii.       Les infractions dénotent une négligence envers les attentes d’un assureur qui doivent notamment pouvoir compter sur la véracité des informations transmises par un représentant.

                                              iv.      Bien que les assurances, tel que souscrites, ne convenaient pas à S.D., elle n’a subi aucun préjudice financier.

 

3.   La recommandation des parties tient compte des précédents du Comité de discipline en semblable matière et en respecte les paramètres. À titre indicatif, les parties soumettent les décisions suivantes du Comité de discipline :

a.   Avoir faussement déclaré avoir agi à titre de représentant

                                                i.       Di Salvo CD00-0970, culpabilité et sanction le 26 novembre 2013

                                               ii.      Proteau CD00-0880, culpabilité et sanction le 12 avril 2012

b.   Rabais sur la prime

                                                i.       Grenon CD00-0957, culpabilité et sanction le 7 juin 2013

                                               ii.       Tebecherani CD00-931, culpabilité et sanction le 8 novembre 2012

 

4.   Les parties soutiennent que cette recommandation n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ni contraire à l’intérêt public. 

 

5.   L’intimé reconnaît qu’il a pu consulter et obtenir des conseils d’un avocat, mais qu’il a choisi de se représenter lui-même. »

[6]          Consciente que ces sanctions puissent paraître clémentes, Me Piché a d’emblée fait part au comité des autres considérations retenues par les parties pour arriver à cette entente.

[7]          Elle a ensuite discuté des décisions soumises à l’appui de ces recommandations, réitérant que, dans les circonstances, les sanctions recommandées n’étaient pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice ni contraire à l’intérêt public.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[8]          L’intimé, après avoir confirmé son accord avec cette recommandation sur sanction, a ajouté que, même s’il n’est pas d’accord avec la décision sur culpabilité rendue par le comité, il l’accepte.

[9]          Cela dit, il a tenu à expliquer que depuis cette décision, plusieurs assureurs lui ont retiré ses contrats et lui ont demandé de se rattacher à un agent général (MGA), mais n’en a trouvé aucun jusqu’à maintenant. Aussi, bien qu’il ait l’intention de transférer, d’ici la fin décembre 2020, sa clientèle d’environ 19 clients évaluée à environ 400 000 $, celle-ci s’avère d’autant difficile. Il craint que son permis de comptable agréé s’en trouve également menacé.

[10]       Ensuite, déplorant les délais encourus au cours de ce processus disciplinaire, il a fait la lecture de divers articles du Code des professions concernant les délais des différentes étapes du processus disciplinaire.

[11]       Il a terminé en indiquant souhaiter l’annulation de la présente plainte disciplinaire et des décisions rendues.

ANALYSE ET MOTIFS

[12]        L’intimé détenait au moment des infractions un certificat dans les disciplines de l’assurance et de l’épargne collective. Selon la fiche d’individu en date du 1er septembre 2020, il ne détient plus qu’un certificat en assurance.

[13]        Rappelons qu’en l’espèce, les démarches du bureau du syndic faisaient suite à une dénonciation émanant de S.D., l’épouse de M.A., le représentant impliqué avec l’intimé dans la présente affaire. 

[14]        Comme déjà indiqué à l’audience, le comité donnera suite aux recommandations de la plaignante. Parmi les considérations exposées à l’appui de celles-ci, le comité retient principalement les suivantes.

[15]        Au moment des infractions l’intimé avait entre trois et six ans d’expérience et agissait à titre de mentor de M.A.

[16]        La stratégie proposée par l’intimé à M.A. permettait à ce dernier de se constituer un portefeuille familial d’assurance tout en bénéficiant indirectement de commissions et bonus plus élevés. Toutefois, l’intimé n’était pas animé d’une intention malhonnête ou malicieuse et n’a retiré aucun bénéfice financier de ces infractions.

[17]        Néanmoins, en agissant comme il l’a fait, l’intimé a fait fi de ses obligations déontologiques envers les assureurs qui doivent pouvoir notamment compter sur la véracité des informations qui leur sont transmises par le représentant.

[18]        Par ailleurs, la seule consommatrice impliquée est S.D., épouse d’un autre représentant. Quoique les assurances souscrites ne convenaient pas à celle-ci, elle n’en a subi aucun préjudice financier. 

[19]        Aussi, l’intimé a reconnu à la première occasion la majorité des faits. Il tenait cependant à justifier sa conduite en expliquant sa stratégie au comité.  

[20]        Les infractions commises en 2006 et 2009 respectivement sont les mêmes. Elles remontent donc déjà à quatorze et à onze ans.

[21]        L’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire. Il est âgé de 57 ans et est toujours membre de l’ordre des CPA.

[22]        Enfin, il a déclaré ne pas avoir fait souscrire de nouveaux contrats d’assurance depuis au moins cinq ans et procéder au transfert de sa clientèle en assurance d’ici la fin décembre 2020. Il n’exercera donc bientôt plus la profession. Ainsi, le risque de récidive paraît peu probable, voire inexistant même si l’intimé a démontré toujours ne pas comprendre les infractions commises.

[23]        Aussi, tel que maintes fois reconnu et suivi en droit disciplinaire, en vertu des principes émis en droit criminel par la Cour d’appel du Québec et plus récemment par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Anthony-Cook[1], les décideurs ne devraient s’écarter des recommandations communes des parties que s’ils les jugent contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[24]       Aussi, même si les sanctions proposées s’avèrent à première vue clémentes pour des infractions de cette nature, considérant les faits propres à la présente affaire et tenant compte des toutes les circonstances de la présente affaire exposées plus amplement par les parties, le comité estime que ces sanctions ne sont pas contraires à l’intérêt public ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice. Le comité y donnera donc suite.

[25]       Par conséquent, sous chacun des deux premiers chefs d’accusation, le comité condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ pour un total de 4 000 $ et lui imposera une réprimande sous chacun des chefs 3 et 4.

[26]       L’intimé sera également condamné au paiement des déboursés.

[27]       Enfin, quant à la demande de l’intimé rapportée au paragraphe 11 de la présente et, comme il lui a déjà été expliqué à l’audience, la partie qui n’est pas d’accord avec les décisions rendues par le comité, peut en appeler à la Cour du Québec.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-diffusion et la non-publication des nom et prénom du consommateur visé par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de l’identifier;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ sous chacun des chefs d’accusation 1 et 2, totalisant 4 000 $;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous chacun des chefs d’accusation 3 et 4;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

_(s) Janine Kean________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

_(s) Gisèle Balthazard____________

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

_(s) Dominique Vaillancourt________

Mme Dominique Vaillancourt

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure de la partie plaignante

 

L’intimé se représentait seul.

 

Date d’audience : 11 septembre 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Douglas c. Sa Majesté la Reine, 2002 CanLII 32492 (QC CA); R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.