Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE
CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

N° : CD00-1416

DATE : 24 septembre 2020

 

 

LE COMITÉ :           Me George R. Hendy                                 Président
M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.           Membre
M. Antonio Tiberio                                      Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

           Partie plaignante

c.

NEIGE LEGROS, conseillère en sécurité financière (certificat numéro 201950)

Partie intimée

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L'ORDONNANCE SUIVANTE:

         Ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion du nom et du prénom du consommateur concerné ainsi que de toute information permettant de l'identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s'applique pas aux échanges d'informations prévus à la Loi sur l'encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]          Le 10 septembre 2020, le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s'est réuni par visioconférence avec les parties et leurs procureurs et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire contre l'intimée ainsi
libellée :

LA PLAINTE

1.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 10 mars 2017, l'intimée n'a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de M.C., alors qu'elle lui faisait souscrire des contrats d'assurance, contrevenant ainsi aux articles 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

2.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 10 mars 2017, l'intimée à fait souscrire à M.C. les contrats d'assurance numéros 111111111, 222222222, 333333333, 444444444, 555555555 et 666666666, lesquels ne convenaient pas à sa situation financière, contrevenant ainsi aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]          Au début de l'audition, l'intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l'égard des deux chefs d'accusation contenus à la plainte et a confirmé, à la demande de son procureur, que son plaidoyer était libre, volontaire et éclairé.

[3]          Le Comité a pris acte du plaidoyer de culpabilité et a déclaré l'intimée coupable de tous les chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire énoncée ci-haut comme
suit :

a)            en ce qui concerne le chef 1, en vertu de l'article 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants;

b)            en ce qui concerne le chef 2, en vertu de l'article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[4]          Considérant le principe interdisant les condamnations multiples, le Comité ordonnera l'arrêt conditionnel des procédures en vertu de l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[5]          Après l'enregistrement dudit plaidoyer, les parties présentèrent au Comité leur preuve et firent leurs représentations conjointes sur sanction.

PREUVE DU PLAIGNANT

[6]          Le plaignant versa alors au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-9.  Il ne fit entendre aucun témoin. 

[7]          Les parties ont produit un document intitulé « Recommandations communes sur sanction » qui résume en détail les faits pertinents de cette cause et leurs recommandations sur sanction. 

[8]          Les faits pertinents peuvent être résumés comme suit :

a)            au moment de la survenance des faits pertinents, l'intimée détenait un certificat en assurance de personnes (pièce P-1);

b)            le ou vers le 28 février 2017, l'intimée a rencontré la consommatrice (M.C.), qui était alors sans emploi, et a convenu de l'engager pour une période d'essai entre les 6 et 10 mars 2017;

c)            durant cette période d'essai, M.C. a décidé de s'inscrire à une formation de conseillère en sécurité financière dispensée par la compagnie d'assurance Combined d'Amérique (« Combined »);

d)            le 10 mars 2017, l'intimée a embauché M.C. à la fin de sa période d'essai pour agir à titre d'adjointe, tel qu'il appert du contrat d'emploi (pièce P-3);

e)            le 13 mars 2017, M.C. a débuté sa formation de conseillère en sécurité financière aux frais de Combined et, le 17 avril 2017, M.C. a débuté un stage de trois (3) semaines faisant suite à la formation suivie auprès de Combined;

f)             le même jour, M.C. a souscrit, par l'entremise de l'intimée, à six différents produits d'assurance invalidité et maladie (« l'Assurance Invalidité ») pour une prime mensuelle totale de 304,64$, tel qu'il appert de la pièce P-2;

g)            l'analyse de besoins financiers (« l'ABF ») a été complétée par l'intimée avec M.C. (P-2, R-31) le 10 mars 2017, en se servant d'un formulaire obligatoire fourni par Combined;

h)            selon l'aveu des parties, l'ABF est incomplète en ce qu'elle :    

(i)         ne permet pas d'établir de quelle façon l'intimée a conclu à un besoin d'assurance maladie et d'invalidité de 2 000 $ (ligne H);

(ii)       n'identifie pas les dépenses mensuelles que M.C. devait couvrir en cas d'invalidité;

(iii)       ne permet pas d'établir la capacité financière de M.C. (ses liquidités);

(iv)       indique, à la ligne E, un revenu (46 990 $) qui diverge de son revenu d'emploi de l'année 2016 (38 775,51 $), tel qu'il appert de la pièce
P-5, et qui ne prend pas en compte son nouveau statut.

i)              en conséquence, l'ABF effectuée par l’intimée ne permettait pas d'identifier adéquatement les besoins de M.C. et les produits offerts par l'intimée ne convenaient pas aux besoins de M.C.;

j)              à compter du 27 avril 2017, M.C. a  souligné à l’intimée qu'elle n'avait pas les liquidités nécessaires pour payer la prime mensuelle pour l'Assurance Invalidité, tel qu'il appert de l'échange de messages texte du 27 avril 2017 (pièce P-4);

k)            au cours du mois de mai 2017, M.C. a résilié l'Assurance Invalidité, puisque sa situation financière ne lui permettait pas d'en assumer la prime mensuelle;

l)              l'emploi de M.C. auprès de l’intimée a pris fin le ou vers le 11 mai 2017, mais elle a néanmoins continué d'accomplir certaines tâches pour le bénéfice de Combined avant de quitter le domaine du conseil en sécurité financière;

m)           dans le cadre de son emploi, M.C. a reçu une rémunération à la fois de l'intimée, à titre d'assistante, et de Combined, à titre de stagiaire;

n)            les revenus de M.C. pour l'année 2017 provenaient essentiellement des sommes versées par l'intimée et Combined pour les mois de mars à mai 2017, et ont totalisé la somme de 8 487,20 $, tel qu'il appert de la déclaration de revenus de M.C. pour l'année 2017 (P-5, C-12);

o)            en juillet 2017, des procédures judiciaires qui reposent en partie sur les faits visés par la plainte disciplinaire du présent dossier ont été intentées de part et d'autre entre M.C. et l'intimée, lesquelles procédures judiciaires ont été terminées par un règlement hors Cour;

p)            la commission versée par Combined à l'intimée relativement à la souscription de l'Assurance Invalidité totalisait une somme de 1 919,23 $ (pièce P-6, I-119), dont une portion importante a dû être remboursée à cause de la résiliation de l'Assurance Invalidité;

q)            depuis 2018, soit avant le dépôt de la plainte disciplinaire dans ce dossier, l'intimée a réalisé elle-même que les outils offerts par Combined qu'elle utilisait n'étaient pas adéquats pour sa pratique, et l'intimée a modifié sa pratique et s'est dotée d'outils plus efficaces pour effectuer l'analyse des besoins de ses clients;

r)             en date des présentes, l'intimée utilise des formulaires d'analyse des besoins financiers plus complets pour identifier les besoins de ses clients (pièce P-7);

s)            le ou vers le 11 octobre 2019, l'intimée a reçu une mise en garde du Bureau du Syndic de la Chambre de la sécurité financière concernant des faits remontant à 2014, lui rappelant l'importance de compléter avec attention l'analyse des besoins financiers (pièce P-8);

t)             les parties soulignent que cette mise en garde a été transmise à l'intimée postérieurement aux infractions reprochées dans la présente plainte et que les faits y mentionnés sont antérieurs à ceux reprochés à la présente plainte; 

u)            au moment des faits reprochés à la plainte, l'intimée possédait moins de quatre ans d'expérience en assurance contre la maladie ou les accidents, et moins de deux ans d'expérience en assurance de personnes. 

 

RECOMMANDATIONS SUR SANCTION

[9]          Les parties proposent conjointement au Comité l'imposition des sanctions suivantes, avec les dispositions de rattachement à retenir, qu'elles prétendent respecter la nécessité de protéger le public et les critères de dissuasion et exemplarité, avec une condamnation aux débours inhérents au présent dossier :

Chef 1

Article 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants;

Amende de 5 000 $;

Chef 2

Article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

Réprimande.

[10]       Comme facteurs aggravants, les parties soulignent : 

a)            la gravité objective des infractions qui vont au cœur de l'exercice de la profession et portent atteinte à celle-ci;

b)            le fait que l'intimée a perçu des commissions liées à la vente des produits financiers en cause.

[11]       Comme facteurs atténuants, les parties soulignent :

a)            le plaidoyer de culpabilité;

b)            l'absence d'antécédent disciplinaire au moment de l'infraction;

c)            les remords sincères exprimés par l'intimée;

d)            le peu d'expérience de l'intimée au moment de l'infraction et le fait qu'elle ne possédait pas les outils adéquats pour faire son travail;

e)            la prise de conscience des lacunes et modifications de ses façons de faire avant le dépôt de la plainte disciplinaire;

f)             le faible risque de récidive en raison des mesures correctives adoptées par l'intimée;

g)            l'étroite relation entre les deux chefs d'infraction, le deuxième découlant du premier.

[12]       Les parties ont ensuite référé le Comité à la jurisprudence suivante démontrant que, dans des cas similaires, les sanctions suggérées étaient jugées appropriées :

a)         Chambre de la sécurité financière c. Bernier, 2016 CanLII 4876 (QC CDCSF);

b)         Chambre de la sécurité financière c. Simard, 2018 QCCDCSF 44 (CanLII);

c)         Chambre de la sécurité financière c. Taillon, 2018 QCCDCSF 3 (CanLII);

d)         Chambre de la sécurité financière c. Caisse, 2016 CanLII 81778 (QC CDCSF);

e)         Chambre de la sécurité financière c. Bergeron, 2020 QCCDCSF 38 (CanLII). 

ANALYSE ET MOTIFS

[13]       Le Comité adopte les recommandations des parties pour les raisons suivantes :

a)         l'intimée avait relativement peu d'expérience au moment des infractions;

b)         elle n'avait aucun antécédent disciplinaire au moment des infractions;

c)         elle a enregistré un plaidoyer de culpabilité et elle a collaboré à l'enquête du syndic;

d)         l'intimée a exprimé ses remords sincères pour sa conduite et le Comité est d'avis que les risques de récidive dans son cas sont peu élevés;

e)         elle a modifié ses façons de faire et utilise maintenant les outils adéquats pour faire son travail;

f)          néanmoins, il s'agit d'infractions objectivement sérieuses qui vont au cœur de l'exercice de la profession et qui sont de nature à discréditer celle-ci;

g)         les recommandations conjointes des parties respectent le principe de la parité et la globalité des sanctions, et apparaissent conformes aux précédents jurisprudentiels généralement applicables, y compris les causes ci-haut citées, et le fait que l'intimée utilisait obligatoirement le formulaire incomplet de son employeur milite en faveur de l'imposition d'une amende, plutôt qu'une radiation temporaire;

h)        finalement, ces recommandations conjointes ne sont pas susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice ni contraire à l'intérêt public.

[14]       Considérant ce qui précède, après révision des éléments, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu'aggravants, qui lui ont été présentés, le Comité est d'avis que l'imposition d'une amende de 5 000 $ pour le chef 1 et une réprimande pour le chef 2 constitueraient des sanctions justes et appropriées, adaptées auxdites infractions, conformes aux précédents jurisprudentiels applicables, ainsi que respectueuses des principes d'exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[15]       En conséquence, le Comité condamnera l'intimée à une amende de 5 000 $ pour le chef 1 et lui imposera une réprimande pour le chef 2.

[16]       Quant aux débours, aucun motif ne lui ayant été soumis qui lui permettrait de passer outre à la règle habituelle voulant que les débours nécessaires à la condamnation du représentant fautif lui soient généralement imputés, le Comité condamnera l'intimée au paiement des débours en vertu de l'article 151 du Code des professions.

[17]       Enfin, comme il en a été ainsi pour tous les actes de procédure dans le présent dossier, le Comité permettra que la présente décision soit notifiée par un moyen technologique aux parties.

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE l'Ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion du nom et du prénom du consommateur concerné ainsi que de toute information permettant de l'identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s'applique pas aux échanges d'informations prévus à la Loi sur l'encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

ACCUEILLE le plaidoyer de culpabilité enregistré par l'intimée.

DÉCLARE l'intimée coupable du chef 1 pour avoir contrevenu à l'article 6 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10) et coupable du chef 2 pour avoir contrevenu à l'article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), et ordonne la suspension conditionnelle des procédures à l'égard de l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l'intimée à une amende de 5 000 $ en vertu du chef 1.

IMPOSE à l’intimée une réprimande en vertu du chef 2.

CONDAMNE l'intimée au paiement des débours, y compris les frais d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

_(s) George R. Hendy___________________

Me George R. Hendy

Président du comité de discipline

 

 

 

 

_(s) Pierre Masson______________________

M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

_(s) Antonio Tiberio_____________________

M. Antonio Tiberio

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-Simon Britten

THERRIEN COUTURE JOLI-CŒUR S.E.N.C.R.L.

Procureurs du plaignant

 
Me Jean-François Carrier

PRÉVOST FORTIN D'AOUST S.E.N.C.R.L.

Procureurs de l'intimée 

Date d'audience : 10 septembre 2020

 

                        COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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