Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE
CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

N° : CD00-1374

DATE : 6 août 2020

 

 

LE COMITÉ :           Me George R. Hendy, président
M. Jasmin Lapointe, membre

M. Jacques Denis, A.V.A., Pl. Fin., membre

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

RICHARD DAVID (certificat numéro 191235)

Partie intimée
______________________________________________________________________

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L'ORDONNANCE SUIVANTE :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s'applique pas aux échanges d'informations prévus à la Loi sur l'encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]          Le 17 septembre 2019, le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s'est réuni aux bureaux de la Chambre de la sécurité financière, situés au 2000 avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire contre l'intimé ainsi libellée:

LA PLAINTE AMENDÉE

1.         Dans la région de Trois-Rivières, entre le 27 mai 2011 et le 22 août 2017, l'intimé à fait signer en blanc une « Déclaration du proposant » et un « Formulaire de signatures » à C.L., contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

2.         Dans la région de Trois-Rivières, entre le 27 mai 2011 et le 22 août 2017, l'intimé à fait signer en blanc une « Autorisation de transfert de placements enregistrés et non enregistrés » et un « Profil d'investisseur » à G.L., contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

3.         Dans la région de Trois-Rivières, le ou vers le 15 février 2017, l'intimé a transmis à V.S. un formulaire « Accusé de réception de contrat » à signer afin d'attester la réception du contrat no. AA-AAAAAAA-A, alors que ledit contrat n'a été transmis par la poste que le ou vers le 25 mai 2017, contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

4.         Dans la région de Trois-Rivières, le ou vers le 15 février 2017, l’intimé a transmis à C.L. un formulaire « Accusé de réception de contrat » à signer afin d'attester la réception du contrat no. BB-BBBBBBB-B, alors que ledit contrat n'a été transmis par la poste que le ou vers le 25 mai 2017, contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]          L'intimé se représentait lui-même et enregistra un plaidoyer de culpabilité à l'égard des quatre chefs d'accusation contenus à la plainte.

[3]          Après avoir confirmé que cette décision de l'intimé était libre, volontaire et éclairée, le Comité a pris acte du plaidoyer de culpabilité et a déclaré l'intimé coupable sous les quatre chefs d'accusation contenus à la plainte disciplinaire.

[4]          Après l'enregistrement dudit plaidoyer, les parties présentèrent au Comité leurs preuves et firent leurs représentations sur sanction.

PREUVE DU PLAIGNANT

[5]          Le plaignant, représenté par Me Sabrina Landry-Bergeron, versa alors au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P‑11. Il ne fit entendre aucun témoin.

[6]          Essentiellement, la preuve non-contredite démontre que l'intimé a commis les infractions suivantes pendant qu'il était à l'emploi de l'Industrielle Alliance (« IA ») à son bureau à Trois-Rivières et inscrit auprès de la Chambre, entre le 27 mai 2011 et le
22 août 2017 (tel qu'il appert de la pièce P-11) :

a)            en ce qui concerne le chef 1, l'intimé a fait signer en blanc une « Déclaration du proposant » et un « Formulaire de signatures » (pièce P-5, pages 000160 à 000169), à une date non précisée pendant qu'il était à l'emploi de l’IA, par un client (C.L.) qui n'a pas donné suite à la transaction proposée;

b)            en ce qui concerne le chef 2 (amendé lors de l'audition), l'intimé a fait signer en blanc une « Autorisation de transfert de placements enregistrés et non enregistrés » et un « Profil d'investisseur » (pièce P-6, pages 000170 et 000172 à 000175), à une date non précisée pendant qu'il était à l'emploi de l’IA, par un autre client (G.L.) qui a également décidé de ne pas procéder avec la transaction;

c)            en ce qui concerne les chefs 3 et 4, l'intimé a transmis à ses clients, V.S. et C.L., en date du 16 février 2017, deux formulaires « Accusé de réception de contrat » (pièce P-7, pages 097, 101 et 100) à signer afin d'attester de la réception de leurs contrats respectifs nos. AA-AAAAAAA-A et BB-BBBBBBB-B, alors que lesdits contrats n'ont été transmis par la poste qu'ultérieurement, soit le ou vers le 25 mai 2017.

[7]          L'intimé a été congédié par son employeur pour cette conduite le 25 août 2017 et n'est plus inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers (pièces P-2 et P-11).

[8]          L'intimé avait signé un engagement volontaire de bonne conduite en août 2016 (pièce P-3, page 135) suite à une enquête d’IA concernant des « irrégularités » non précisées, tel qu'il appert de la lettre d’IA à l'intimé en date du 23 août 2016 qui faisait également allusion à trois inspections de conformité par IA en 2012, 2013 et 2015 qui ont fait ressortir plusieurs incidents de signature de documents en blanc par d'autres clients de l'intimé, pendant la période de septembre 2012 à janvier 2015, dont les détails sont récités à la pièce P-3 (page 132), ainsi qu'à la pièce P-4 (pages 136 à 138).

REPRÉSENTATIONS DU PLAIGNANT

[9]            Le plaignant proposa au Comité l'imposition des sanctions suivantes:

a)            pour les chefs 1 et 2, une radiation temporaire de deux mois, à être purgée de façon concurrente, à compter de la réinscription de l'intimé, le cas échéant, avec une condamnation aux frais de publication de l'avis de radiation suivant l'article 156 du Code des professions;

b)            pour le chef 3, une amende de 5 000 $;

c)            pour le chef 4, une réprimande;

d)            le tout avec frais, suivant l'article 151 du Code des professions.

[10]       Relativement aux divers chefs d'accusation, le plaignant souligna comme facteurs aggravants la gravité objective des infractions (signature de documents en blanc à quatre reprises, une pratique malsaine qui expose les clients à un risque de préjudice, et fausse attestation de réception de contrat à deux reprises), lesquelles infractions touchent  directement la probité et l'intégrité requises d'un représentant, qui vont au cœur de l'exercice de la profession et qui portent atteinte à l'image de celle-ci.

[11]       Comme facteurs atténuants, le plaignant invoqua l'absence de mauvaise foi de l'intimé, qui a collaboré à l'enquête et a plaidé coupable, le fait qu'il a perdu son emploi, l'absence de préjudice financier aux clients impliqués et l'absence d'antécédents disciplinaires de l'intimé.

[12]       Le plaignant a ensuite référé le Comité à la jurisprudence suivante démontrant que, dans des cas similaires, une radiation temporaire de deux mois et une amende de 5 000 $ étaient jugées appropriées:

Chefs 1 et 2

a)            Chambre de la sécurité financière c. Gauthier, 2014 CanLII 74699 (QC CDCSF);

b)            Chambre de la sécurité financière c. Gauthier, 2015 QCCDCSF 6;

c)            Chambre de la sécurité financière c. Nemeth, 2015 QCCDCSF 24;

d)            Chambre de la sécurité financière c. Tremblay, 2017 QCCDCSF 80;

e)            Chambre de la sécurité financière c. Couture, 2019 QCCDCSF 3;

Chefs 3 et 4

a)            Chambre de la sécurité financière c. Dubois, 2013 CanLII 66170 (QC CDCSF);

b)            Chambre de la sécurité financière c. Ducharme, 2017 QCCDCSF 78;

c)            Chambre de la sécurité financière c. Berthelet, 2018 QCCDCSF 5.

REPRÉSENTATIONS DE L'INTIMÉ

[13]       Tout en admettant qu'il a commis les infractions alléguées, l'intimé a soumis qu'il serait plus approprié de lui imposer une radiation temporaire d'un mois pour les chefs 1 et 2 et une simple réprimande pour les chefs 3 et 4.

[14]       Il appuie cette recommandation en partie sur son impression que IA aurait indiqué dans le formulaire « Demande de retrait de représentant » (pièce P-2, page 006) qu'elle ne voulait pas loger une plainte disciplinaire contre lui devant la Chambre de la sécurité financière en répondant négativement à la question « Veuillez préciser si l'acte commis a/ou va entraîner le dépôt d'une plainte à la Chambre de la sécurité
financière [...] ».

[15]       Quant à sa recommandation que la sanction appropriée pour les chefs 3 et 4 serait une simple réprimande, il invoque le fait que les clients n'ont subi aucun préjudice et qu'il aurait subi une perte d'environ 22 000 $ suite à son congédiement par IA, suite à une diminution de salaire chez son nouvel employeur et à l'impact d'une perte d'anciens clients sur l'entente d'achat de sa clientèle par IA suite à son congédiement.

[16]       En réplique, Me Landry-Bergeron a plaidé que les pertes financières que l'intimé aurait pu subir de son congédiement par IA n'ont aucune pertinence sur le montant de l'amende à imposer pour les infractions qu’il a commises.

ANALYSE ET MOTIFS

[17]       Le Comité adopte les recommandations du plaignant et imposera les sanctions suggérées par lui pour les raisons suivantes :

a)            quant aux chefs 1 et 2, bien qu'il n'avait aucun antécédent disciplinaire, l'intimé avait tout de même fait signer 14 documents en blanc à ses clients à diverses reprises pendant son emploi (pièces P-3, page 132, et P-4), suite à quoi il a signé un engagement volontaire de bonne conduite (pièce P-3, page 135);

b)            le fait qu'il a fait signer quatre autres documents par les clients C.L. et G.L. milite en faveur d'une radiation temporaire plus sévère;

c)            le Comité est d'accord avec l’affirmation du plaignant que la perte financière de l'intimé suite à son congédiement ne justifie pas la diminution de l'amende normalement imposée pour une fausse attestation;

d)            d'ailleurs, l'imposition d'une radiation temporaire de deux mois pour les chefs 1 et 2 et d'une amende de 5 000 $ pour le chef 3 est conforme aux barèmes établis par la jurisprudence dans des cas semblables.

[18]       Considérant ce qui précède, après révision des éléments, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu'aggravants, qui lui ont été présentés, le Comité est d'avis que la radiation temporaire de l'intimé pour une période de deux mois pour les chefs 1 et 2, une amende de 5 000 $ pour le chef 3 et une réprimande pour le chef 4 constitueraient des  sanctions justes et appropriées, adaptées auxdites infractions, conformes aux précédents jurisprudentiels applicables, ainsi que respectueuses des principes d'exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[19]       En conséquence, le Comité condamnera l'intimé comme suit :

(a)          à une radiation temporaire de deux mois sous chacun des chefs 1 et 2, à être purgée de façon concurrente, à compter de la date de sa réinscription, le cas échéant, et au paiement des frais de publication en vertu de l'article 156 du Code des professions;

b)            à une amende de 5 000 $ pour le chef 3;

c)            à une réprimande pour le chef 4.

[20]       Quant aux débours, aucun motif ne lui ayant été soumis qui lui permettrait de passer outre à la règle habituelle voulant que les débours nécessaires à la condamnation du représentant fautif lui soient généralement imputés, le Comité condamnera l'intimé au paiement de ceux-ci en vertu de l'article 151 du Code des professions.

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE l'ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s'applique pas aux échanges d'informations prévus à la Loi sur l'encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimé sous les quatre chefs d’accusation contenus à la plainte;

DÉCLARE l'intimé coupable sous les quatre chefs d'accusation contenus à la plainte pour avoir contrevenu à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l'intimé à une radiation temporaire de deux mois sous chacun des chefs 1 et 2, à être purgée de façon concurrente, laquelle ne débutera qu’au moment où l'intimé reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l'Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

ORDONNE au secrétaire du Comité de faire publier, aux frais de l'intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément à ce qui est prévu à l'article 156 al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE au secrétaire du Comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où, le cas échéant, l'intimé reprendra son droit de pratique et que l'Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l'intimé au paiement d'une amende de 5 000 $ pour le chef 3;

IMPOSE une réprimande pour le chef 4;

CONDAMNE l'intimé au paiement des débours, y compris les frais d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

(S) Me George R. Hendy

______________________________________
Me George R. Hendy
Président du comité de discipline

(S) Jasmin Lapointe
______________________________________
M. Jasmin Lapointe
Membre du Comité de discipline

(S) Jacques Denis
______________________________________
M. Jacques Denis, A.V.A., Pl. Fin.
Membre du Comité de discipline

 

Me Sabrina Landry-Bergeron
THERRIEN COUTURE JOLI-COEUR S.E.N.C.R.L.
Procureurs de la partie plaignante


L'intimé se représente lui-même.


Date d’audience: 17 septembre 2019

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.