Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1405

 

DATE :

10 juillet 2020

____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Lysane Cree

Présidente

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

 

c.

 

JULIEN BERGERON, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 102568, BDNI 1518331)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et prénom de la consommatrice mentionnée à la plainte disciplinaire et tous renseignements à la preuve qui pourrait permettre de l’identifier. La présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information en vertu de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]            Le 26 mai 2020, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (« le comité ») s’est réuni par voie de la plateforme Webex pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 7 janvier 2020 ainsi libellée :

            LA PLAINTE

1.     À Jonquière, le ou vers le 4 décembre 2018, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de sa cliente S.L., alors qu’il a rempli la proposition d’assurance vie N0 […], contrevenant ainsi à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

2.    À Jonquière, le ou vers le 4 décembre 2018, l’intimé n’a pas rempli correctement les formulaires de Préavis de remplacement d’un contrat d’assurance de personnes N0 du préavis : […] pour S.L., contrevenant ainsi à l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[2]           Lors de l’audition, l’intimé était représenté par Me Nathalie Dubé et la partie plaignante était représentée par Me Alain Galarneau.

LES FAITS

[3]  L’intimé est inscrit comme représentant en assurances des personnes du 14 avril 2017 au 11 janvier 2018 en tant que représentant autonome et du 15 janvier 2018 au 31 janvier 2021, pour le cabinet Lussier Dale Parizeau Inc., pendant la période pertinente aux chefs de la plainte disciplinaire (pièce P-1).

[4]  Le 4 décembre 2018, la consommatrice S.L. rencontre l’intimé. Elle avait reçu une lettre de London Life pour laquelle elle voulait des explications.

[5]  Au moment de sa rencontre avec l’intimé, S.L. détient deux polices d’assurance avec London Life, et les détient toujours à ce jour.

[6]  Une proposition d’assurance a été complétée par l’intimé pendant cette même rencontre avec S.L. (pièce P-5).

[7]  L’intimé n’a pas complété une analyse des besoins financiers (ci-après « ABF ») de S.L., mais a rempli deux préavis de remplacement d’un contrat d’assurance de personnes, visant les deux polices détenues par S.L.

[8]  De plus, plusieurs erreurs ou omissions ont été identifiées faisant en sorte que l’intimé n’a pas correctement rempli les préavis de remplacement d’un contrat d’assurance (pièces P-6 et P-7).

[9]  Notamment, les numéros de polices d’assurance détenus par S.L. n’ont pas été inscrits aux endroits requis, le numéro du préavis ne correspondait pas avec le numéro de la proposition et n’était pas inscrit sur chaque page comme il aurait dû l’être, le type d’assurance n’a pas été précisé, et l’intimé n’a pas fourni les détails ou explications requis à plusieurs endroits dans les formulaires qui aurait apporté plus de précision et de compréhension de ce qui était proposé.

[10]        Le 12 décembre 2018, l’intimé a demandé que la proposition soit annulée.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[11]        L’intimé a plaidé coupable aux deux chefs énumérés dans la plainte et a déposé un plaidoyer de culpabilité écrit et signé par lui le 21 mai 2020.

Étant satisfait du plaidoyer de culpabilité signé de façon libre et volontaire par l’intimé, lequel y indique en comprendre les conséquences, le Comité l’a déclaré coupable, séance tenante, sous les deux chefs d’accusation contenus dans la plainte disciplinaire.

RECOMMANDATION DES PARTIES

[12]        Les recommandations communes des parties quant aux sanctions à imposer à l’intimé sont une radiation temporaire d’un mois sous le chef 1 et une réprimande sous le chef 2. Les parties demandent aussi la publication d’un avis de la décision en vertu de l’article 156 du Code des professions et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

ANALYSE ET MOTIFS

[13]        Le comité retient comme facteurs objectifs reliés aux infractions elles-mêmes :

         Le manquement d’un conseiller de remplir une ABF est une infraction sérieuse, car ce document est à la base du travail d’un conseiller pour déterminer les besoins en assurance de tout client;

         Remplir un préavis de remplacement correctement est aussi d’une importance significative pour que tous puissent apprécier la valeur de la proposition et bien comprendre ce qu’elle contient;

         L’intimé était un représentant d’expérience;

         La cliente S.L. n’a pas subi de préjudice;

         L’intimé a agi de bonne foi quand il a fait une demande d’annulation rapidement.

[14]        Le comité retient comme facteurs subjectifs :

         L’intimé a collaboré à l’enquête du syndic et lors de l’entretien avec l’enquêtrice Sandra Robertson, l’intimé a admis qu’il n’avait pas rempli une ABF avec S.L.;

         L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité;

         L’intimé démontre avoir appris de ses erreurs et de ne pas vouloir reproduire ces erreurs à l’avenir;

         L’intimé a des antécédents administratifs pour des fautes similaires.

[15]        La procureure de l’intimé soumet que le comité doit prendre avec réserve les antécédents administratifs déposés en preuve étant donné qu’il n’y a eu aucun débat ou audience tenue à ce sujet.

[16]        L’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires. Néanmoins, il reste que l’intimé a eu des reproches administratifs dans le passé pour les mêmes types d’erreurs qu’il a commis dans le présent dossier.

[17]        La première fois, en mai 2007, l’intimé a reçu un avis verbal du syndic concernant un préavis qu’il n’avait pas rempli complètement et adéquatement.

[18]        La deuxième fois, en novembre 2010, l’intimé a reçu une mise en garde écrite du syndic parce qu’il n’avait pas complété une ABF pour une cliente.

[19]        Dans chacune de ces instances, le syndic avait choisi de ne pas déposer une plainte disciplinaire devant le comité de discipline.

[20]        Le Tribunal des professions a déterminé dans Ouellet c. Médecins (Ordre professionnel des)[1] que :

            « Il n’a pas eu d’antécédents judiciaires à proprement parler, mais il existe des             précédents administratifs que le Tribunal devra prendre en considération dans la             détermination de la sanction. »

[21]        De plus, la Cour supérieure du Québec dans Genest c. Chicoine[2] a dit :

            « Le recours aux avertissements antérieurs sur la conduite d'un professionnel est            admissible comme élément utile à l'établissement d'une sanction même en l'absence de condamnation. »

[22]        Le comité doit prendre les antécédents administratifs de l’intimé en considération dans la détermination de la sanction.

[23]        Le comité tient à mentionner que la sanction la plus souvent applicable pour le manquement de ne pas avoir rempli une ABF est l’imposition d’une amende. Par contre, l’obligation de remplir une ABF est primordiale et un conseiller peut se voir imposer une autre sanction qui s’avère plus sévère, tel que la radiation temporaire demandée dans le présent cas.

[24]        Effectivement, le comité a précisé dans Chambre de la sécurité financière c. Dumont[3], que même si une amende a été plus souvent la sanction appropriée pour un tel manquement, en considérant les faits spécifiques au dossier, tel que l’antécédent administratif de l’intimé, une sanction plus sévère, comme la radiation temporaire, a été imposée pour les chefs 1 et 2 dans cette cause. En contrepartie, pour les chefs 3 et 4 qui étaient d’un caractère moins grave, le comité a imposé une réprimande.

[25]        En présence de recommandations communes sur sanction, le comité devrait les entériner à moins que celles-ci s’avèrent contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice[4].

[26]        Dans le présent cas, le comité est d’avis que les recommandations communes sur sanction ne sont pas contraires à l’intérêt public ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[27]        La procureure de l’intimé a demandé que la décision soit exécutoire à compter de la date de la décision plutôt qu’à l’expiration du délai d’appel. Elle explique que l’intimé, étant reconnaissant de sa faute déontologique, voudrait purger la sanction imposée dès que la décision lui soit signifiée plutôt que d’attendre l’expiration du délai d’appel, puisqu’il n’a pas l’intention de la contester.

[28]        La règle générale en vertu de l’article 158 du Code des professions est que la décision sur sanction soit exécutoire à l’expiration du délai d’appel à moins que le comité n’en ordonne l’exécution provisoire nonobstant appel, dès sa signification à l’intimé.

[29]        La partie plaignante ne s’est pas objecté à la demande de l’intimé.

[30]        La demande doit être suffisamment motivée pour que le comité applique l’exception plutôt que la règle pour que le droit d’appel ne soit pas rendu illusoire[5].

[31]        Dans le présent cas, la procureure de l’intimé a expliqué au comité l’impact que cette plainte a eu sur l’intimé et qu’il voudrait bien faire face à la pénalité imposée dès que possible et sans attendre que le délai d’appel soit expiré.

[32]        Le comité trouve que la demande de la procureure de l’intimé est suffisamment motivée par les explications fournies par celle-ci.

[33]        Finalement, la notification de la présente décision se fera par moyen technologique, à savoir par courriel, l’intimé ayant, lors de l’audition, exprimé son consentement pour ce faire.

[34]        En conséquence, le Comité condamnera l’intimé à une radiation temporaire d’un mois sous le chef 1, à compter de la date de la notification de la décision à l’intimé, et à une réprimande sous le chef 2.

[35]        Enfin, le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés et ordonnera la publication d’un avis de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur chacun des chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience pour tous les chefs d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 6 et l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé à une radiation temporaire d’un mois sous le chef numéro 1 et à une réprimande pour le chef numéro 2 de la plainte disciplinaire;

ORDONNE que la radiation temporaire d’un mois débute dès la notification de la décision à l’intimé, nonobstant le délai d’appel;

ORDONNE au secrétaire du comité de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément aux dispositions de l’article 156, al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. 26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

(S) Me Lysane Cree __________________________________

Me Lysane Cree

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Benoit Bergeron

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M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Marc Binette

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M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST,

BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Nathalie Dubé

LANGLOIS AVOCATS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

26 mai 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] 2006 QCTP 74, par. 73.

[2] 2008 QCCS 4570, par. 33.

[3] 2012 CanLII 97168 (QC CDCSF).

[4] R. c. Anthony Cook, 2016 CSC 43.

[5] Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 131.

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