Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1398

 

DATE :

27 juillet 2020

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Lysane Cree

Présidente

M. Antonio Tiberio

Membre

M. Alain Legault

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

 

c.

 

DENIS OUELLET, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 176612)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et prénom de la consommatrice mentionnée à la plainte disciplinaire et de toutes informations personnelles qui pourraient permettre de l’identifier.

[1]            Le 17 juin 2020, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (« le comité ») s’est réuni par voie de la plateforme Webex pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 25 novembre 2019 ainsi libellée :

            LA PLAINTE

1.    À Terrebonne, le ou vers le 12 juin 2018, l’intimé a fourni de faux renseignements à l’assureur sur la proposition numéro (...), en indiquant faussement que G.V. n’avait jamais été refusée pour une proposition d’assurance et qu’elle n’avait pas un antécédent médical décrit à la section « autres affections », contrevenant ainsi à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

2.    Dans la province de Québec, entre le 9 juillet 2018 et 16 juillet 2018, l’intimé n’a pas agi en conseiller consciencieux en recommandant à G.V. qu’elle pouvait annuler son contrat d’assurance No (...) avant la date d’entrée en vigueur du contrat No (...) causant ainsi un risque de découvert, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[2]           Lors de l’audition, l’intimé était représenté par Me Jean-François Vachon et la partie plaignante était représentée par Me Vincent Grenier-Fontaine.

LES FAITS

[3]  L’intimé est inscrit comme représentant en assurance des personnes du 1er mai 2009 au 22 août 2013 pour le cabinet Industrielle Alliance et du 25 septembre 2013 au 31 août 2019 en tant que représentant autonome, pendant la période pertinente aux chefs de la plainte disciplinaire (pièce P-1).

[4]  Le 12 juin 2018, l’intimé rencontre G.V. et rempli une proposition d’assurance
« formulaire R-8 » (pièce P-6).

[5]  À ce moment, la consommatrice G.V. détient une police d’assurance avec Humania Assurances depuis 2015.

[6]  L’intimé a rempli la proposition et a répondu « non » à la question numéro 3, page 15, sur un refus d’assurance vie, invalidité ou maladie graves préalable, alors qu’il aurait dû répondre « oui », sachant que G.V. avait été refusé dans le passé.

[7]  L’intimé a indiqué « non » à la Section J Antécédent médical, question numéro 2(j), indiquant que G.V. n’avait aucun antécédent médical énuméré sous « autres affection » alors qu’il aurait dû répondre « oui », sachant qu’elle avait eu un kyste sur un ovaire dans le passé.

[8]  Le 12 juin 2018, l’intimé a aussi rempli un préavis de remplacement d’un contrat d’assurances de personnes, qu’il  a transmis à Humania.

[9]  Certaines admissions de fait, lors d’une conversation téléphonique avec l’enquêteur du syndic, ont été déposées en preuve (pièce P-4).

[10]         L’intimé a admis qu’il avait connaissance d’un refus antérieur pour une proposition d’assurance avec la consommatrice G.V. et qu’elle avait eu un kyste et ceci, avant qu’il ait rempli le formulaire R-8 (pièce P-4).

[11]        L’intimé a aussi admis qu’il a coché la case « non » à la section J du formulaire R-8 à la question 2(j),  « autres affectations », alors qu’il aurait dû cocher « oui »;

[12]        Effectivement, le 28 juin 2018, après avoir reçu un courriel de l’assureur pour des précisions, l’intimé a tenté de corriger l’information en disant : « En effet la réponse devait être oui. C’est un peu ma faute pcq je croyais référence à quelque chose de cancéreux (polype). » (pièce P-9)

[13]        Le 5 juillet 2018, l’assureur confirme avec l’intimé que G.V. est approuvée pour une assurance vie, mais précise deux exclusions à l’assurance invalidité : i) une exclusion de grossesse (qui ne pourra être reconsidérée), et ii) une exclusion du membre supérieur droit (qui pourra être reconsidérée dans un an).

[14]        Le 9 juillet 2018, l’intimé a informé G.V. qu’elle avait été approuvée pour une assurance vie et invalidité et mentionne seulement l’exclusion à l’assurance invalidité pour son bras droit pendant une période d’un an. Il l’avise qu’elle peut annuler sa police d’assurance avec Humania.

[15]        L’intimé n’a fait aucune mention d’une exclusion pour la grossesse, malgré qu’il en ait été informé par l’assureur le 5 juillet 2018.

[16]        L’intimé a admis avoir créé un risque de découvert par son courriel daté du 9 juillet 2018 et envoyé à G.V.

[17]        Le 16 juillet 2018, Humania Assurances a confirmé par lettre à G.V. que sa police d’assurance serait annulée en date du 18 juillet 2018.

[18]        Quand G.V. a reçu son nouveau contrat d’assurance de SSQ par lettre datée le 9 juillet, elle n’est toujours pas informée qu’il y a une exclusion pour grossesse.

[19]        G.V. a dit à l’enquêteur du syndic qu’elle n’aurait pas annulé sa police d’assurance avec Humania si elle avait su qu’il y avait une exclusion pour grossesse dans sa nouvelle police.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[20]        L’intimé a plaidé coupable aux deux chefs énumérés dans la plainte disciplinaire.

[21]        Étant satisfait du plaidoyer de culpabilité fait de façon libre et volontaire par l’intimé, laquelle y indique en comprendre les conséquences, le Comité l’a déclaré coupable sous les deux chefs d’accusation contenus dans la plainte disciplinaire.

ANALYSE ET MOTIFS

[22]        Les recommandations communes des parties quant aux sanctions à imposer à l’intimé sont une radiation temporaire de deux mois sous le chef 1 et une radiation temporaire d’un mois sous le chef 2, à être purgées de façon concurrente. Les parties demandent aussi la publication d’un avis de la décision en vertu de l’article 156 du Code des professions et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[23]        Le comité retient comme facteurs objectifs reliés aux infractions elles-mêmes:

         La gravité objective sérieuse des infractions dans l’exercice de la profession impliquant la négligence, et le manque de transparence et d’honnêteté de l’intimé;

         L’intimé n’a pas rempli correctement la proposition d’assurance et a, de ce fait, fourni de faux renseignements à l’assureur de la part de G.V. quand il a déclaré qu’elle n’avait pas été refusé pour une proposition d’assurance dans le passé et qu’elle n’avait pas d’antécédent médical;

         L’intimé a créé un risque de découvert quand il a dit à sa cliente qu’elle pouvait annuler son autre police d’assurance et ceci sans qu’elle soit informée des exclusions dans la nouvelle police;

         L’intimé n’a pas agi de mauvaise foi ou d’intention malhonnête;

         L’intimé avait neuf ans d’expérience au moment des infractions.

[24]        Le comité retient comme facteurs subjectifs :

         L’intimé a collaboré à l’enquête du syndic et a admis certains faits pertinents aux chefs de la plainte disciplinaire;

         L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité;

         L’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires, mais il y a un antécédent administratif. Le 26 janvier 2015, l’intimé avait reçu une mise en garde du syndic de la Chambre de la sécurité financière (« CSF ») pour avoir mal complété un préavis de remplacement d’un contrat d’assurance de personnes et qui contenait des erreurs ou omissions;

         L’intimé comprend qu’il a commis une faute, malgré qu’il agissait de bonne foi, et qu’il pensait avoir le temps de corriger ses erreurs une fois qu’il en a pris connaissance;

         L’intimé réalise maintenant qu’il a agi trop rapidement et disait vivre une période de stress et des problèmes familiaux à cette époque. Il dit qu’il n’agira plus de cette façon à l’avenir.

[25]        Le procureur de la partie plaignante a déposé de la jurisprudence concernant des gestes similaires dans lesquels la sanction prononcée pour avoir fourni de faux renseignements en complétant mal une proposition d’assurance, était une radiation temporaire entre un mois[1] à deux mois[2]. Dans le cas où les gestes de l’intimé ont causé un risque de découvert à l’assuré, la sanction prononcée varie entre une amende[3], une radiation temporaire d’un mois[4] jusqu’à deux mois[5], toujours tenant en compte les facteurs objectifs et subjectifs particuliers au dossier ainsi que du principe de la globalité des sanctions.

[26]        Dans le présent cas, les procureurs se sont entendus sur une sanction qui s’avère dans la fourchette des peines accordées. Me Grenier-Fontaine, procureur de la partie plaignante, a bien expliqué que même s’il n’y a pas eu de conséquences pour la consommatrice dans le présent cas, l’intimé a néanmoins commis deux infractions distinctes et sérieuses – i) d’avoir mal complété la proposition et de ce fait avoir fourni de faux renseignements à l’assureur et ii) d’avoir informé la cliente qu’elle pouvait annuler sa police existante sans l’avoir bien informée des exclusions qui se retrouvaient dans la nouvelle police, provoquant un risque de découvert pour G.V.

[27]        La Cour d’appel du Québec dans Pigeon c. Daigneault[6] nous rappelle que la sanction disciplinaire doit permettre à certains objectifs d’être atteints : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourrait vouloir poser les mêmes gestes et finalement, le droit du professionnel visé d’exercer sa profession.

[28]        Dans la présence de recommandations communes sur sanction, le comité devrait les entériner à moins que celles-ci s’avèrent contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice[7].  

[29]        Dans le présent cas, le comité est d’avis que les recommandations communes sur sanction ne sont pas contraires à l’intérêt public ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice et qu’elles rencontrent les objectifs de la sanction disciplinaire.

[30]        Finalement, la notification de la présente décision se fera par moyen technologique, à savoir par courriel, l’intimé ayant, lors de l’audition, exprimé son consentement pour ce faire.

[31]        En conséquence, le comité condamnera l’intimé à une radiation temporaire de deux mois sous le chef 1 et une radiation temporaire d’un mois sous le chef 2, à être purgées de façon concurrente.  

[32]        Enfin, le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés et ordonnera la publication d’un avis de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur chacun des chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience pour tous les chefs d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé à une radiation temporaire de deux mois sous le chef numéro 1 et à une radiation temporaire d’un mois sous le chef numéro 2 de la plainte disciplinaire, le tout à être purgé de façon concurrente.

ORDONNE au secrétaire du comité de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément aux dispositions de l’article 156, al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. 26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

(S) Me Lysane Cree

 

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Me Lysane Cree

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Antonio Tiberio

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M. Antonio Tiberio

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Alain Legault

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M. Alain Legault

Membre du comité de discipline

 

 

Me Vincent Grenier-Fontaine

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean-François Vachon

JURISEO AVOCATS INC.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

17 juin 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] CSF c. Moreau, 2018 QCCDCSF 20; CSF c. Savage, 2019 QCCDCSF 46; CSF c. Stamatopoulos,

2016 QCCDCSF 42; CSF c. Haddaoui, 2007 CanLII 51820 (QC CDCSF).

[2] CSF c. Szabo, 2016 QCCDCSF 31; CSF c. Larochelle, 2009 CanLII 62842 (QC CDCSF), rendue le 10 novembre 2009 (culpabilité) et rendue le 30 novembre 2010 (sanction) ; Larochelle c. Lévesque, 2012 QCCQ 1402 (décision en appel); CSF c. Daoust, 2006 CanLII 59880 (QC CDCSF) rendue le 14 décembre 2006 (culpabilité) et rendue le 21 novembre 2007(sanction); Daoust c. Rioux, 2009 QCCQ 1268.

[3] CSF c. Moreau, 2018 QCCDCSF 20.

[4] CSF c. Morteau, 2016 CanLII 29395 (QC CDCSF)

[5] CSF c. Blais, 2003 CanLII 57189 (QC CDCSF)

[6] 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 38.

[7] R. c. Anthony Cook, 2016 CSC 43.

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