Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1338

 

DATE :

25 février 2020

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Lysane Cree

            Présidente

M. Robert Chamberland, A.V.A.

            Membre

M. Denis Petit, A.V.A.

            Membre

______________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique par intérim de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

FRANÇOIS VEILLEUX, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives (certificat numéro 133957)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de tout renseignement et de tout document qui pourrait permettre d’identifier la consommatrice mentionnée à la plainte disciplinaire et dans la présente décision.

[1]            Le 9 décembre 2019, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s’est réuni au Tribunal administratif du Québec situé au 575, rue Jacques-Parizeau à Québec, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 16 octobre 2018 ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.    Dans la province de Québec, le ou vers le 9 juin 2016, l’intimé a signé, à titre de témoin, le formulaire « Proposition d’assurance vie, invalidité et maladies graves » numéro […] hors la présence de M.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

2.    Dans la province de Québec, le ou vers le 9 juin 2016, l’intimé a signé, à titre de témoin, le formulaire « Autorisation de communiquer des renseignements » numéro […] hors la présence de M.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

3.    Dans la province de Québec, le ou vers le 9 juin 2016, l’intimé a fourni de faux renseignements à l’assureur en signant le « Rapport du conseiller » de la proposition numéro […] alors qu’il n’avait jamais rencontré M.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

4.    Dans la province de Québec, le ou vers le 29 septembre 2016, l’intimé a signé, à titre de témoin, le formulaire « Modification de la proposition » du contrat numéro […] hors la présence de M.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

5.    Dans la province de Québec, à compter de vers le 7 juin 2017, l’intimé n’a pas agi en conseiller consciencieux auprès de ses clients à qui il avait fait souscrire des produits OLM Financial, notamment en faisant défaut de les aviser que cette société ne détenait aucun permis l’autorisant à exercer des activités d’assurance au Québec, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

 

 

 

[2]           Lors de l’audition, le Comité a accordé la demande du plaignant de retirer le
chef 5 de la plainte disciplinaire.

LES FAITS

[3]           L’intimé est inscrit comme représentant autonome en assurance de personnes et en assurance collective de personnes pendant les périodes pertinentes aux chefs de la plainte disciplinaire, soit du 28 avril 2015 au 1er mars 2017 et du 21 mars 2017 au
30 novembre 2018 (pièce P-1).

[4]           Une plainte verbale a été déposée par M.C. contre l’intimé à un agent du Centre d’information de l’Autorité des marchés financiers le 15 décembre 2016. Le Centre d’information à par la suite transféré la plainte à Mme Nathalie Lelièvre du bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière le 6 janvier 2017.

[5]           Lors de l’entrevue avec l’enquêtrice du syndic, l’intimé a expliqué qu’un rendez-vous avait été fixé entre lui et M.C. par l’entremise d’un agent général, mais que l’intimé a téléphoné à M.C. parce qu’il devait changer la date de la rencontre.

[6]           M.C. voulant maintenir la date fixée, l’intimé a demandé à un de ses collègues de rencontrer M.C. à sa place.

[7]           Les documents reliés à une proposition d’assurance-vie, invalidité et maladie graves ont été remplis par le collègue de l’intimé, et non par l’intimé lui-même.

[8]           Par la suite, l’intimé a signé comme témoin, attestant de la signature de M.C. sur la proposition d’assurance-vie (pièce P-3), l’autorisation de communiquer des renseignements (pièce P-4) et la modification de la proposition (pièce P-5), tous hors la présence de M.C.

[9]           Dans le rapport du conseiller, signé par l’intimé, ce dernier a coché la case indiquant qu’il avait rempli la proposition « en présence des personnes à assurer et des titulaires du contrat » (pièce P-3, pages B1-B2), sans jamais avoir rencontré M.C.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[10]        L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité sur chacun des quatre chefs d’infraction ci-haut décrits.

[11]        Le Comité s’est assuré que l’intimé comprenait bien le sens de son plaidoyer et qu’en se faisant, il reconnaissait que les gestes reprochés constituaient des infractions déontologiques.

[12]        Les procureurs des parties ont informé le Comité qu’ils s’étaient entendus sur des recommandations communes quant aux sanctions à être ordonnées à l’intimé.

ANALYSE ET MOTIFS

[13]        Les recommandations communes des parties quant aux sanctions à imposer à l’intimé sont une amende de 5 000 $ sous chacun des chefs 1 et 4 et une réprimande sur chacun des chefs 2 et 3.

[14]        L’intimé demande aussi un délai de paiement de 12 mois pour le paiement des amendes et des déboursés, ce à quoi ne s’est pas opposé la plaignante.

[15]        Au sujet de l’importance de la signature d’un témoin sur une proposition d’assurance, le Comité dans Powers[1] a dit :

            « Lorsqu’un assureur exige qu’une personne témoigne, sur un formulaire, de la      signature d’un consommateur, il veut ainsi s’assurer que c’est bel et bien cette             personne qui a signé. En procédant de la façon dont l’intimé l’a fait, il a induit             l’assureur en erreur. »

 

           

[16]        Effectivement, quand un représentant comme l’intimé signe à titre de témoin quant à la véracité de la signature de sa cliente sur un document, sans l’avoir vu signer, l’intimé induit l’assureur en erreur, même s’il n’avait pas d’objectif malveillant ou frauduleux.

[17]        Les facteurs subjectifs retenus par le Comité sont les suivants :

         L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire.

         L’intimé a plaidé coupable aux quatre chefs d’infraction de la plainte amendée.

         L’intimé regrette la situation et comprend que ce n’est pas une façon de travailler.

         Lors de sa rencontre avec l’enquêteur, l’intimé a admis ne pas avoir rencontré M.C. et il a collaboré à l’enquête.

[18]        Les facteurs objectifs retenus par le Comité sont :

         La gravité objective de l’infraction est manifeste, l’intimé ayant signé quatre documents à titre de témoin sans avoir rencontré M.C.

         L’intimé n’avait pas d’intention malveillante ni frauduleuse.

         Les actes de l’intimé n’ont pas causé de préjudice à M.C. et celle-ci détient toujours son contrat avec Manuvie.

[19]        Dans une situation similaire à celle de l’intimé dans le présent dossier, le Comité a déterminé que la sanction appropriée était l’imposition d’une amende de 5 000 $[2].

[20]        Dans la décision Rondeau[3], où les infractions reprochées à l’intimé étaient d’avoir témoigné de la signature de ses clients sans les avoir rencontrés (chefs 1 et 2) et d’avoir modifié un document après que le client l’ait signé (chef 3), le Comité a imposé une amende de 5 000 $ pour les chefs 1 et 2, plutôt qu’une réprimande sous le second chef, tenant compte que les infractions « [...] n’ont pas été commises de façon simultanée ou très rapprochée temporellement (comme dans les décisions Demers et Beauvais, citées ci-haut) [...] » (références omises).

[21]        Dans le présent cas, les infractions aux chefs 1, 2, et 3 sont très rapprochées temporellement, ayant eu lieu la même journée du 9 juin 2016 et impliquant la même cliente.

[22]        Le chef 4 implique aussi la même cliente, mais étant une modification à la proposition originale, cette infraction a eu lieu un peu plus tard, soit le 29 juillet ou le
29 septembre 2016, la date du mois de la modification n’étant pas écrite clairement. La date exacte dans le présent cas placerait le geste fautif soit environ un mois ou trois mois après les premiers gestes fautifs et n’est pas de nature à changer ou à modifier l’infraction ni sa gravité.

[23]        Après considération de l’ensemble du dossier, des facteurs tant objectifs que subjectifs présentés, le Comité est d’avis que les recommandations communes sur sanction ne sont pas contraires à l’intérêt public ou à l’administration de la justice, et sont adaptées aux infractions reprochées à l’intimé et respectueuses des principes de dissuasion et de protection du public[4]. Les sanctions demandées sont en lien avec la gravité sérieuse des infractions reprochées.

[24]        L’intimé sera donc condamné à une amende de 5 000 $ sous chacun des chefs 1 et 4 et à une réprimande sous chacun des chefs 2 et 3.

[25]        L’intimé a demandé au Comité de lui accorder un délai de 12 mois pour le paiement des amendes en plus des déboursés. Le montant total des deux amendes en plus des déboursés sera un montant de plus de 10 000 $.

[26]        Le Comité détermine qu’un délai pour le paiement des amendes et des déboursés est raisonnable dans les présentes circonstances.

[27]        Enfin, le Comité réitèrera l’ordonnance de notification de la présente décision par un moyen technologique aux parties, tel qu’il en a été décidé lors de l’audition.

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE accueillir la demande de retrait du plaignant du chef 5 de la plainte disciplinaire;

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur chacun des chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire amendée;

REITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience sous chacun des quatre chefs d’infraction pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), et quant à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

RÉITÈRE l’ordonnance du Comité prononcée à l’audience de la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25), à savoir par courrier électronique.

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des chefs d’infraction 1 et 4 de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous chacun des chefs d’infraction 2 et 3 de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE un délai de 12 mois à l’intimé pour acquitter les amendes et les déboursés.

 

 

(S) Lysane Cree _____________________

Me Lysane Cree

Présidente du Comité de discipline

 

 

 

(S) Robert Chamberland ______________

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre du Comité de discipline

 

 

 

(S) Denis Petit ______________________

M. Denis Petit, A.V.A.

Membre du Comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST,

BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Frédéric Desgagné

GESTION HICKSON NOONAN INC.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

9 décembre 2019          COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 

 



[1] Chambre de la sécurité financièreCSF ») c. Powers, 2019 QCCDCSF 16, para. 33.

[2] CSF c. Poulin, 2018 QCCDCSF 68; CSF c. Powers, préc., note 1.

[3] CSF c. Rondeau, 2019 QCCDCSF 48, para. 20.

[4] R. c. Anthony-Cook, [2016] 2 R.C.S. 204.

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