Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE
CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1352

 

DATE :

6 février 2020

 

 

LE COMITÉ[1] :

Me George R. Hendy

Président

M. Armand Ethier, A.V.C.

Membre

 

LYSANNE TOUGAS, ès qualités de syndique par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c. 

STEVE LABRECQUE (certificat 152982, BDNI 2063981) 

Partie intimée

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L'ORDONNANCE SUIVANTE :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs visés par la plainte disciplinaire, ainsi que de toute information permettant de les identifier.

[1]          Le 28 mars 2019, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s'est réuni aux bureaux de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire déposée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.         Dans la province de Québec, entre les ou vers les 4 novembre 2010 et le
30 septembre 2015,  l'intimé a falsifié ou permis que soient falsifiés environ dix (10) formulaires « Proposition électronique d'assurance - Déclaration et autorisation », notamment en modifiant des dates et des numéros de contrat ou de proposition afin de les soumettre au soutien de nouvelles propositions d'assurance, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (RLRQ, c. D-9.2), 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.         Dans la province de Québec, entre les ou vers les 19 août 2014 et 5 août 2015, l'intimé a confectionné ou permis que soient confectionnés environ onze (11) formulaires « Déclaration et autorisation », « Proposition d'assurance Solution simple » et « Confirmation des dates concernant la proposition d'assurance électronique » en laissant faussement croire que ses clients les avaient signés, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]          L'intimé était absent lors de l'audition, mais a déposé un plaidoyer de culpabilité daté du 19 février 2019 (pièce P-5) aux deux chefs d’infraction ci-haut énoncés, dans lequel il renonçait à la signification de l'avis de déclaration de culpabilité suivant l'article 150 du Code des professions et consentait à l'imposition d'une radiation temporaire de trois mois comme sanction pour chacun des deux chefs d’infraction, à être purgée de façon consécutive, à compter de sa réinscription, le cas échéant, à la publication d’un avis de la décision, et à sa condamnation au paiement des déboursés.

[3]          Vu la déclaration de l'intimé qu'il n'assisterait pas à l'audition, le Comité a alors autorisé la plaignante à procéder ex parte, a pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et l’a déclaré coupable des deux chefs d’infraction ci-haut énoncés, séance tenante. Considérant le principe interdisant les condamnations multiples, le Comité déclarera l'intimé coupable des deux chefs d’infraction pour avoir contrevenu à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ordonnera l'arrêt conditionnel des procédures en vertu des articles 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[4]          Après l'enregistrement dudit plaidoyer, la plaignante, alors représentée par Me Julie Piché, mais depuis remplacée par Me Jean-Simon Britten, a présenté au Comité sa preuve et a fait ses représentations sur sanction.

PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[5]          Me Piché versa alors au dossier une preuve documentaire non contredite qui fut cotée P-1 à P-4.  Elle ne fit entendre aucun témoin.

[6]           Essentiellement, la preuve non contredite a démontré ce qui suit :

            Chef d’infraction #1

a)            Afin d'éviter le déplacement de son client (G.M.) pour signer une nouvelle proposition d'assurance après qu'une première proposition ait été refusée par l'assureur pour raisons médicales, les 7 avril 2014 et 14 avril 2015, l'intimé a soumis deux  propositions d'assurance (pièce P-3, première section, pages 000044, 000045, 000046 et 000047) pour le même client qui était des photocopies altérées (pas signées à nouveau par le client) d'une première proposition en date du 21 novembre 2013 (pièce P-3, première section, pages 000042 et 000043);   

b)            L'intimé avait déjà fait la même chose en date du 4 novembre 2010 pour un autre client (J.-C.B.), lorsqu'il s'est servi d'une version altérée d'une première proposition d'assurance (refusée par l'assureur) pour  soumettre une autre proposition six mois plus tard (pièce P-3, deuxième section, pages 000048, 000049, 000050 et 000051);

c)            L'intimé s'est servi du même modus operandi  pour faire la même chose à huit autres reprises,  comme suit:

i)             pour la cliente R.J., en date du 14 octobre 2014 (pièce P-3, troisième section, pages 000054, 000055, 000056 et 000057);

ii)            pour le client R.L., en date du 20 janvier 2015 (pièce P-3, quatrième section, pages 000064, 000065, 000066 et 000067);

iii)           pour le client P.R., en date du 30 septembre 2015 (pièce P-3, cinquième section, pages 000075, 000076, 000077 et 000078);

iv)           pour le client P.R., en date du 3 novembre 2014 (pièce P-3, sixième section, pages 000079, 000080, 000081 et 000082);

v)            pour la cliente S.V., en date du 30 octobre 2014 (pièce P-3, septième section, pages 000086, 000087, 000088 et 000089);

vi)           pour le client J.L., en date du 2 septembre 2014 (pièce P-3, huitième section, pages 000813, 000814, 000827 et 000828);

vii)         pour le client J.P., en date du 17 août 2015 (pièce P-3, neuvième section, pages 000845, 000846, 000867 et 000868);

viii)        pour le client R.M., en date du 14 août 2013 (pièce P-3, dixième section, pages 000899, 000900, 000913 et 000914).

            Chef d’infraction #2

a)            L'intimé a aussi confectionné ou permis que soient confectionnés
11 formulaires d'assurance en laissant faussement croire que les clients les avaient signés, en se servant plutôt de photocopies de signatures antérieures desdits clients, tel que suit :

i)             concernant le client M.L., en date du 6 janvier 2015 (pièce P-4, première section, pages 000024 et 000026), ledit client ayant signé un affidavit niant avoir signé la deuxième proposition (pièce P-4, première section, page 000275);

ii)            concernant le client G.L., en date du 22 avril 2015 (pièce P-4, deuxième section, pages 000027 et 000029), ce client ayant également nié avoir signé la deuxième proposition (pièce P-4, deuxième section, page 000242);  

iii)           concernant les clients G.P. et M.P., en date du 4 mars 2015 (pièce P-4, troisième section, pages 000030 et 000032);

iv)           concernant le client, D.I., en date du 5 août 2015 (pièce P-4, quatrième section, pages 000033 et 000035);

v)            concernant la cliente H.G.-M., en date du 5 janvier 2015 (pièce P-4, cinquième section, pages 000036 et 000038);

vi)           concernant le client C.D., en date du 18 février 2015 (pièce P-4, sixième section, pages 000039 et 000041);

vii)         concernant la cliente M.L., en date du 20 janvier 2015 (pièce P-4, septième section, pages 000058 et 000062);

viii)        concernant la cliente J.L, en date des 19 août 2014 et 19 novembre 2014 (pièce P-4, huitième section, pages 000069, 000070 et 000071);

ix)           concernant le client S.N., en date du 11 novembre 2014 (pièce P-4, neuvième section, pages 000072 et 000074), le client ayant nié sa signature sur la deuxième proposition (pièce P-4, neuvième section, page 000671);

x)            concernant le client F.T., en date du 17 février 2015 (pièce P-4, dixième section, pages 000083 et 000085).

[7]          L'intimé a été congédié par son employeur en date du 5 novembre 2015 à cause de sa conduite ci-haut décrite (pièce P-2).

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]          Tel que confirmé au paragraphe 7 du plaidoyer de culpabilité (pièce P-5), Me Piché a informé le Comité que les parties avaient une recommandation commune pour la sanction, soit une radiation temporaire de trois mois pour chacun des deux chefs d’infraction de la plainte, à être purgée de façon consécutive, à partir de la réinscription de l'intimé auprès de l’Autorité des marchés financiers, le cas échéant, avec une condamnation au paiement des déboursés, y compris ceux pour la publication d’un avis de la décision dans les journaux locaux de la région où l'intimé a son domicile professionnel.

[9]          Me Piché souligna comme  facteurs aggravants la gravité objective des infractions reprochées (réutilisation d'anciennes propositions pour en créer des nouvelles et utilisation de photocopies des signatures de clients à l'appui de nouveaux formulaires contractuels, pratiques qui ne sont pas tolérées dans l'industrie), le fait qu'il s'agit d'actes qui vont au cœur de la profession et qui portent atteinte à l'image de celle-ci, l'expérience de l'intimé (huit à 13 ans au moment des infractions), l'impact de ces gestes illégaux sur l'assureur qui a droit de faire  confiance aux affirmations du représentant,  la vulnérabilité des clients qui n'étaient pas au courant des gestes de l'intimé, le nombre de clients impliqués (23), le nombre de gestes illégaux prémédités (21) et le fait que cette conduite illégale a perduré pendant une période de presque cinq ans, le tout ayant occasionné une perte de temps et de ressources importante de l'employeur pour le traitement des propositions et formulaires non-autorisés.

[10]       Comme facteurs atténuants, elle souligna le fait que l'intimé n'a pas d'antécédents disciplinaires, que les consommateurs concernés n'ont subi aucun préjudice financier, le fait que l'intimé n'a réalisé aucun gain de ses gestes, qu'il a n'a pas agi de mauvaise foi, qu'il a plaidé coupable et a reconnu sa faute, ainsi que le congédiement de l'intimé.

[11]       La plaignante a ensuite référé le Comité à la jurisprudence suivante démontrant que, dans des cas similaires, la sanction suggérée était appropriée :

a)            Néron c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 31 (CanLII)

b)            Riendeau c. Deschamps, 2018 QCCQ 5664 (CanLII)

c)            Chambre de la sécurité financière c. Boucher, 2008 CanLII 22567 (QC CDCSF);

d)            Chambre de la sécurité financière c. Lembe, 2008 CanLII 54391 (QC CDCSF);

e)            Chambre de la sécurité financière c. Biagioni, 2011 CanLII 99519 (QC CDCSF);

f)             Chambre de la sécurité financière c. Monette, 2017 QCCDCSF 59 (CanLII);

g)            Chambre de la sécurité financière c. Le Corvec, 2010 CanLII 99886 (QC CDCSF);

h)           Chambre de la sécurité financière c. Pitre, 2012 CanLII 97182 (QC CDCSF);

i)             Chambre de la sécurité financière c. Beckers, 2012 CanLII 97172 (QC CDCSF);

j)              Chambre de la sécurité financière c. Gauthier, 2015 QCCDCSF 6 (CanLII).

ANALYSE ET MOTIFS

[12]       Compte tenu de la nature distincte, sérieuse et flagrante des infractions, le Comité est d'avis que l'imposition de sanctions consécutives est justifiée, pour les raisons énoncées dans les décisions Néron et Riendeau ci-haut.

[13]       Considérant ce qui précède, après révision des éléments, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu'aggravants, qui lui ont été présentés, le Comité est d'avis que la radiation temporaire de trois mois pour chacun des deux chefs d'infraction, à être purgée de façon consécutive, proposée par les parties serait une sanction juste et appropriée, adaptée à chacune des infractions, conforme aux précédents jurisprudentiels applicables, ainsi que respectueuse des principes d'exemplarité, de gradation des sanctions et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[14]       En conséquence, le Comité condamnera l'intimé à une radiation temporaire de trois mois sous chacun des deux chefs d’infraction, à être purgée de façon consécutive, à compter de la date à laquelle il reprendra son droit de pratique à la suite de l’émission d’un certificat en son nom par l’Autorité des marchés financiers ou par toute autre autorité compétente, le cas échéant.

[15]       Quant aux déboursés, aucun motif ne lui ayant été soumis qui lui permettrait de passer outre à la règle habituelle voulant que les déboursés nécessaires à la condamnation du représentant fautif lui soient généralement imputés, le Comité condamnera l'intimé à leur paiement, y compris ceux pour les frais de publication d’un avis de la décision dans un journal circulant dans les lieux du domicile professionnel de l'intimé.

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE l'ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs visés par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier;

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité enregistré par l'intimé sous les deux chefs d'infraction contenus à la plainte;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience relativement aux deux chefs d'infraction contenus à la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D- 9.2);

ORDONNE l'arrêt conditionnel des procédures en vertu des articles 11, 16, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l'intimé à une radiation temporaire de trois mois sous chacun des deux chefs d'infraction contenus à la plainte disciplinaire, à être purgée de façon consécutive, laquelle débutera qu’au moment où l’intimé reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autorité compétente émettra un certificat en son nom;

ORDONNE au secrétaire du comité de faire publier, conformément aux dispositions de l’article 156, al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. C-26), aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

ORDONNE au secrétaire du comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où, le cas échéant, l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

_(s) George R. Hendy__________________________
Me George R. Hendy
Président du comité de discipline

 

_(s) Armand Ethier____________________________
M. Armand Ethier, A.V.C.
Membre du comité de discipline

Me Jean-Simon Britten
THERRIEN COUTURE JOLI-CŒUR S.E.N.C.R.L.
Procureurs de la partie plaignante 

L'intimé était absent et non représenté

Date d'audience : 28 mars 2019

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Le troisième membre du comité, M. Louis-André Gagnon, étant empêché d’agir, la présente décision est rendue par les deux autres membres conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et à l’article de 118.3 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

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