Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1214

 

DATE :

12 décembre 2019

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LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre

M. Michel McGee

Membre

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

VANGAH YVES-JOËL ADIKO (certificat numéro 209744)

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION RECTIFIÉE

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des données de nature économique ou financière concernant l’intimé dans la preuve documentaire

 

[1]          Le comité de discipline (« le comité ») de la Chambre de la sécurité financière (« CSF ») s'est réuni pour procéder à l'audition sur sanction, à la suite de sa décision rendue le 15 mai 2018, déclarant l’intimé coupable sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte disciplinaire portée contre lui, pour avoir contrevenu au deuxième alinéa de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, ayant manqué de compétence et de professionnalisme en posant les gestes reprochés.

[2]          L’intimé était présent et se représentait seul, alors que la plaignante était représentée par Me Alain Galarneau.

[3]          Les parties ont indiqué n’avoir que des représentations sur sanction à faire valoir, n’ayant pas de preuve additionnelle à présenter sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

         LA PLAIGNANTE

[4]          Le procureur de la plaignante a suggéré de condamner l’intimé sous l’unique chef d’accusation au paiement d’une amende de 5 000 $, ainsi qu’à celui des déboursés.

[5]          Ensuite, il a rappelé brièvement les faits ayant mené à l’infraction retenue, se référant aux paragraphes suivants de la décision sur culpabilité :

« [34] L’intimé est né en Côte d’Ivoire et est arrivé au Québec en novembre 2010 dans le cadre de ses études universitaires en vue de l’obtention d’un baccalauréat en économie et sciences. Il est âgé de 25 ans et n’a ni conjointe ni enfant. Il a complété ce niveau de janvier 2011 à avril 2014. En janvier 2017, il s’est inscrit à la maîtrise.

[35] Il a suivi au sein d’IA la formation de conseiller en sécurité financière de novembre 2014 à février 2015.

[36] L’intimé a expliqué n’avoir jamais eu d’intention malhonnête. Il a répondu de façon claire, franche et sans détour à toutes les questions qui lui ont été posées. Il a pleinement collaboré tout au long de l’audience devant le comité.

[37] Le comité ne met pas en doute l’intégrité de l’intimé. Néanmoins, un représentant doit non seulement faire preuve d’honnêteté, mais de compétence. Or, il était manifestement déraisonnable pour l’intimé de croire qu’il avait accumulé en quelques mois seulement plus de 113 000 $ à titre d’épargne, alors que lui étaient versées en avance seulement des commissions de 600 $ par semaine.

[38] Il arrive dans le cours des affaires que les relevés fournis par les institutions financières comportent des erreurs ou des informations erronées. Le représentant doit être en mesure de les identifier, de les questionner, voire même de les soulever, et ce, dans le meilleur intérêt de son client, de son employeur, de lui-même et finalement de la profession. »

[6]          Me Galarneau a indiqué qu’aux fins de la détermination de la sanction recommandée, sa cliente a considéré le lien de rattachement retenu par le comité ainsi que les motifs de sa décision. Il rappelle toutefois que le message doit servir à dissuader l’intimé et également répondre à l’objectif d’exemplarité à l’égard des autres membres qui seraient tentés de l’imiter.

[7]          Il n’a pas trouvé de décisions rendues sur des faits semblables. Néanmoins, il a soumis certaines décisions rendues par le comité de la CSF[1] où la négligence du représentant avait été démontrée et a entraîné une déclaration de culpabilité pour avoir manqué de compétence, ainsi que la condamnation au paiement d’une amende de 5 000 $.  

[8]          Comparant les facteurs aggravants et atténuants présents dans ces décisions, il a mentionné la gravité objective de l’infraction commise en l’espèce et les facteurs atténuants suivants semblables à ceux énumérés dans lesdites décisions :

a)     Le jeune âge de l’intimé;

b)     Sa collaboration à l’enquête;

c)      La reconnaissance des faits dès le début de l’enquête de la plaignante, bien que l’intimé les justifiait. Ce dernier a toutefois rapidement reconnu que cela pouvait constituer de la négligence de sa part; 

d)     Le risque de récidive plutôt faible;

e)     L’absence d’antécédent disciplinaire.

 

         L’INTIMÉ

[9]           D’entrée de jeu, l’intimé a de nouveau reconnu avoir manqué de compétence, déclarant qu’il aurait dû déceler l’erreur commise par IA.

[10]        Concernant les décisions soumises par le procureur de la plaignante, il a souligné qu’il y avait des clients impliqués, contrairement à son cas.

[11]        Il poursuit ses études à l’École des hautes études commerciales (HEC) à Montréal. Il y a terminé une maîtrise en science des finances à l’été 2018 et commencera en janvier 2019 une maîtrise en administration des affaires (MBA).

[12]        Il a des revenus modestes. Son père, vivant en Afrique, subvient toujours beaucoup à ses besoins. À propos d’emplois potentiellement occupés, il a indiqué avoir travaillé pour une agence de placement au sein des Caisses populaires durant quelques années.

[13]        À la demande du comité, il a fourni ses déclarations de revenus pour les cinq dernières années, ainsi que ses relevés de paie pour 2018[2]. Ayant acquis la citoyenneté canadienne, il bénéficie des frais de scolarité équivalents à ceux des Québécois. 

[14]        Dans les circonstances, une amende de 5 000 $ lui paraît exagérée. Il a suggéré à la place de lui imposer une réprimande. 

[15]        Advenant que le comité retînt la recommandation de la plaignante, il a demandé de lui accorder un délai d’un à deux ans pour l’acquitter.

ANALYSE ET MOTIFS

[16]        Au moment de la commission des infractions reprochées, l’intimé exerçait depuis tout au plus quelques mois. L’attestation de droit de pratique du 9 décembre 2016 indique qu’il a détenu un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes du 18 juin au 20 octobre 2015.

[17]        Toutefois, les infractions qu’il a commises sont sérieuses, elles vont au cœur de l’exercice de la profession. La vigilance et le discernement sont des qualités indispensables pour un représentant compétent.

[18]        En agissant comme il l’a fait, l’intimé a démontré un manque flagrant de jugement et de discernement. Il est à souhaiter que cette expérience disciplinaire fasse en sorte qu’il sera rigoureux et vigilant à l’avenir. Néanmoins, la gravité objective de l’infraction est indéniable.

[19]        Par ailleurs, plusieurs facteurs atténuants militent en sa faveur. Il s’agit à toutes fins pratiques d’un seul événement, aucun consommateur n’a été impliqué et l’assureur a été remboursé. L’intimé avait peu ou pas d’expérience au moment de la commission de l’infraction. Il a collaboré pleinement à l’enquête de l’employeur ainsi qu’à celle de la syndique de la CSF. Quant à l’absence d’antécédent, le comité considère ce facteur peu pertinent en  considérant la courte pratique de l’intimé.

[20]        En dépit du fait que le comité ne met pas en doute l’honnêteté et l’intégrité de l’intimé, la réprimande suggérée par celui-ci ne permet toutefois pas d’atteindre les objectifs de la sanction disciplinaire en l’espèce.

[21]        Le comité estime que pour atteindre les objectifs de la protection du public, de dissuasion et d’exemplarité, une amende s’avère plus appropriée. Aussi, le degré de gravité commande une amende plus élevée que l’amende minimale.

[22]        Comme mentionné dans Pigeon[3], chaque cas en est un d’espèce et la sanction imposée par le comité de discipline doit coller aux faits du dossier.

[23]       Par conséquent, après étude du dossier et en considérant tant les éléments objectifs que subjectifs, le comité estime qu’une amende de 5 000 $ répond aux critères d’exemplarité et de protection du public. Celle-ci se situe également dans la fourchette des sanctions imposées pour des infractions de même nature.

[24]       En l’absence de motifs permettant d’y déroger, la règle générale voulant que la partie qui succombe défraie les déboursés, l’intimé sera condamné au paiement de ceux-ci.

[25]       Enfin, étant donné les revenus annuels plutôt modestes de l’intimé qui ont atteint à peine […], qu’il est sans travail depuis la fin du mois de juillet 2018 et qu’il sera étudiant à nouveau dès janvier 2019, le comité lui accordera un délai de 18 mois pour acquitter cette amende et les déboursés. Le paiement devra toutefois se faire par versements égaux et consécutifs, sous peine de déchéance du terme.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimé un délai de 18 mois pour le paiement de l’amende et des déboursés, au moyen de versements mensuels, consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du terme.

 

 

(s) Janine Kean _____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) André Chicoine___________________

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Michel McGee____________________

M. Michel McGee

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT CARON PRÉVOST BELISLE GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente seul.

 

Date d’audience :

Le 14 novembre 2018

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

A0010

 

 



[1] CSF c. Parent, 2015 QCCDCSF 15, décision sur culpabilité du 8 avril 2015 et sur sanction du 11 juillet 2016; CSF c. Charbonneau-Desjardins, 2017 QCCDCSF 4, décision sur culpabilité et sanction du 26 janvier 2017; CSF c. Grenon, 2018 QCCDCSF 52, décision sur culpabilité et sanction du 28 juin 2018.

[2] Ces documents ont été transmis au comité le 15 novembre 2018.

[3] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QCCA).

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