Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE
CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

 

CD00-1354

 

DATE :

 19 juin 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me George R. Hendy

Président

Mme Mona Hanne, Pl. Fin.

Membre

M. Jean-Michel Bergot

Membre

 

 

LYSANE TOUGASès qualités de syndique par intérim de la Chambre de la sécurité financière

 

                        Partie plaignante

 

c.

 

JEAN-FRÉDÉRIC NADEAU (certificat numéro 217509)

 

            Partie intimée


DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L'ORDONNANCE SUIVANTE :

         Ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion des nom et prénom du consommateur concerné ainsi que de toute information permettant de l’identifier.

[1]          Le 27 mai 2019, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s'est réuni aux bureaux de la Chambre de la sécurité financière, au 2000 avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire contre l'intimé ainsi libellée :

 

LA PLAINTE

« 1.      Dans la province de Québec, le ou vers le 2 octobre 2017, l’intimé a soumis les propositions numéros HA0502700B et HS052700C pour M.N., une personne fictive, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3). »

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]          L'intimé se représentait lui-même, en participant à l'audition par conférence téléphonique. Il enregistra un plaidoyer de culpabilité à l'égard du seul chef d'accusation contenu à la plainte.

[3]          Le Comité a pris acte du plaidoyer de culpabilité et a déclaré l'intimé coupable sous le seul  chef d'accusation énoncé à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et, compte tenu du principe interdisant les condamnations multiples, il ordonna l'arrêt conditionnel des procédures quant à  l'article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[4]          Après l'enregistrement dudit plaidoyer, les parties présentèrent au Comité leur preuve respective et firent leurs représentations sur sanction.

 

PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[5]          La plaignante versa alors au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-3. Elle ne fit entendre aucun témoin.

[6]          L'attestation de droit de pratique de l'intimé (pièce P-1) démontre qu'au moment de la commission de l'infraction (soit le 2 octobre 2017, alors qu'il avait 23 ans), l'intimé détenait un certificat dans la discipline d'assurance contre la maladie ou les accidents depuis le 26 janvier 2017, soit à peine huit mois.

[7]          La pièce P-2 est le document qui comporte les deux propositions d’assurance ci-haut décrites, une pour accident et l'autre pour maladie, supposément signées par M.N., une personne fictive, ce document ayant été confectionné par l'intimé en date du 2 octobre 2017.

[8]          La pièce P-3 est une déclaration rédigée et signée par l'intimé en date du 30 novembre 2017, qui se lit comme suit[1]:

« Moi, Jean-Frédéric Nadeau, le 2 octobre 2017. J'ai inventé un client du nom de: Mathieu Nadeau, pour crée une proposition d'assurance du numéro: HA052700B et HS052700C. Toute les informations sont fausses et sais moi seul qui les a remplie et j'ai signé à la place de Monsieur Nadeau. J'ai fait sa cars c’était une mauvaise semaine et je voulais aider l'équipe. Ce n’était pas la bonne chose à faire et je le regrette. »

[9]          Il s'avère que l'intimé a prétendu que M.N. était une personne réelle la première fois qu'il a été confronté (au téléphone) par son employeur, mais qu'il a admis la vérité lorsqu'il a été subséquemment convoqué à une rencontre. L'intimé a également fait défaut de rencontrer l'enquêteur de la Chambre de la sécurité financière.

[10]       Il a été congédié par son employeur à la suite de cet incident, et travaille depuis dans le domaine de la construction et de l’agriculture, bien qu'il entretienne l'espoir de retourner dans le domaine de l'assurance.

 

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[11]       La plaignante, par l'entremise de son procureur, Me Jean-Francois Noiseux, proposa au Comité l'imposition d'une radiation temporaire de 18 mois.

[12]       Relativement au seul chef d'accusation, il souligna, comme facteurs aggravants, la gravité sérieuse et objective de l'infraction, le fait qu'il s'agit d'un acte qui est clairement prohibé et qui va au cœur de la profession et qui porte atteinte à l'image de celle-ci, et la préméditation de l'intimé.

[13]       Comme facteurs atténuants, il invoqua l’absence de préjudice envers le client (non existant) et l'employeur, le fait qu'il s'agit d'un seul événement, l'absence d'antécédents disciplinaires de l'intimé, le peu d'expérience de l'intimé, le fait qu'il ait plaidé coupable et qu'il ait fait preuve de remords sincères.

[14]       La plaignante a ensuite référé le Comité à la jurisprudence suivante démontrant que, dans des cas similaires, les sanctions suggérées étaient jugées appropriées :

 

a)            Chambre de la sécurité financière c. Lacasse, 2016 QCCDCSF 29;

L'intimé dans cette cause (qui avait 23 ans et un an d'expérience au moment des infractions reprochées) a créé trois propositions fictives le même jour concernant deux clients non existants, pour pouvoir bénéficier d'avances sur commissions, lesquelles étaient remboursables si la proposition n'était pas acceptée à l'intérieur d'un délai de 90 jours. Le Comité a jugé approprié de lui imposer une radiation d'un an, bien que la plaignante réclamait une radiation de deux ans. Une lecture de cette décision semble suggérer que l'intimé voulait demeurer dans l'industrie de l'assurance.

b)            Chambre de la sécurité financière c. Ouellette-Laramée, 2017 QCCDCSF 27;

L'intimé dans cette cause a créé deux propositions d'assurance fictives dans un délai d'une semaine avec l'intention d'obtenir frauduleusement des commissions. Il était représenté par procureur et ne s'est pas opposé à la sanction d'une radiation temporaire de deux ans réclamée par la plaignante, ayant déclaré ne pas avoir l'intention d'exercer de nouveau dans le domaine financier ou même des assurances. Il n'y a aucune mention de l'expérience ou de l'âge de l'intimé dans cette cause.

c)            Chambre de la sécurité financière c. Romain, 2018 QCCDCSF 38;

L’intimé (ayant 38 ans) dans cette cause a soumis cinq propositions fictives le même jour (pour le même client fictif) dans le but de toucher frauduleusement des commissions, et le Comité a entériné une recommandation conjointe d'une radiation de deux ans, l'intimé ayant déclaré qu'il a quitté le domaine de l'assurance sans aucune intention d'y revenir.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[15]       Le Comité est d'accord qu'une radiation temporaire s'impose, mais que la durée devrait être restreinte à 12 mois pour les raisons suivantes :

a)            L'intimé avait huit mois d'expérience et 23 ans au moment des infractions;

b)            Il n'a aucun antécédent disciplinaire, il dit avoir posé son geste fautif « pour aider l'équipe » et n'a pas causé de préjudice à son employeur ou à un client quelconque;

c)            Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité, même s'il a fait preuve préalable de collaboration mitigée;

d)            L'intimé a exprimé ses remords sincères pour sa conduite et le Comité est d'avis que les risques de récidive dans son cas seraient peu élevés, vu qu'il ne pratique plus dans le domaine, bien qu'il conserve l'espoir d'y retourner dans le futur; 

e)            Néanmoins, il s'agit d'une infraction objectivement grave qui va au cœur de l'exercice de la profession et qui est de nature à discréditer celle-ci;

f)             Le Comité croit que les faits de cette cause se rapprochent beaucoup plus à la décision de Lacasse ci-haut, où une radiation temporaire de 12 mois a été imposée à un jeune représentant avec peu d'expérience, alors que la plaignante recherchait une radiation de deux ans.

[16]       Considérant ce qui précède, après révision des éléments, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu'aggravants, qui lui ont été présentés, le Comité est d'avis qu'une radiation temporaire de 12 mois pour le seul chef d’accusation constituerait une sanction juste et appropriée, adaptée à l’infraction, conforme aux précédents jurisprudentiels applicables, ainsi que respectueuse des principes d'exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[17]       En conséquence, le Comité condamnera l'intimé à une radiation temporaire de
12 mois.

[18]       De plus, cette période de radiation ne sera exécutoire qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique, le cas échéant, et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom.

[19]       De plus, le Comité ordonnera la publication d’un avis de la décision aux frais de l’intimé.

[20]       Quant aux débours, aucun motif ne lui ayant été soumis qui lui permettrait de passer outre à la règle habituelle voulant que les débours nécessaires à la condamnation du représentant fautif lui soient généralement imputés, le Comité condamnera l'intimé au paiement des débours.

 

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE l'ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion des nom et prénom du consommateur concerné ainsi que de toute information permettant de l’identifier; 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimé sous le seul chef d'accusation contenu à la plainte;

DÉCLARE l'intimé coupable sous le seul  chef d'accusation contenu à la plainte pour avoir contrevenu à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ordonne l'arrêt conditionnel des procédures à l'égard de l'article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

 

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l'intimé à une radiation temporaire de 12 mois, laquelle ne débutera qu'au moment où l'intimé reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l'Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom, l'intimé devant alors payer les frais de publication de l'avis de radiation prescrit à l'article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE au secrétaire du Comité de faire publier, aux frais de l'intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément à ce qui est prévu à l'article 156 al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE au secrétaire du Comité de ne procéder à cette publication qu'au moment où, le cas échéant, l'intimé reprendra son droit de pratique et que l'Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l'intimé au paiement des débours, y compris les frais d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (RLRQ, chapitre C-26).

 

 

 

(S) Me George R. Hendy

______________________________________
Me George R. Hendy
Président du comité de discipline

 

  

(S) Mona Hanne

______________________________________
Mme Mona Hanne, Pl. Fin.
Membre du comité de discipline

 

  

(S) Jean-Michel Bergot

______________________________________
M. Jean-Michel Bergot
Membre du comité de discipline

 

Me Jean-Francois Noiseux

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

L'intimé se représente lui-même.

  

Date d’audience :

27 mai 2019

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Le comité reproduit ladite déclaration dans son intégrité.

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