Chambre de la sécurité financière (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1327

 

DATE :

13 février 2019

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LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

M. Robert Benson, Pl. Fin.

Membre

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

RICHARD POWERS, conseiller en sécurité financière et conseiller en régimes d’assurance collective (numéro de certificat 127772)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

Aux termes de l’article 142 du Code des professions, le comité interdit la divulgation, la publication ou la diffusion de l’identité de la personne dont les initiales apparaissent à la plainte et de tout renseignement ou document permettant de l’identifier afin d’assurer la protection de sa vie privée

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I.        LE DÉROULEMENT DE L’INSTANCE

[1]   La plaignante a logé contre l’intimé une plainte portant la date du 19 juillet 2018 et qui se lit comme suit :

1.    Dans la région de Québec, le ou vers le 13 août 2017, l’intimé a signé, à titre de témoin, le formulaire « Changement de propriétaire » pour le contrat […] hors la présence de C.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[2]   Quelques jours avant la tenue de l’audience du 31 janvier 2019, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a été informé de l’intention de l’intimé de plaider coupable et de la volonté des parties de présenter des recommandations conjointes sur sanction. Les parties ont également suggéré de procéder par visioconférence.

[3]   Le comité, par l’entremise de son président, a accepté cette demande.

[4]   L’audience a donc eu lieu, le 31 janvier 2019, par voie de visioconférence. L’intimé et son avocat, Me Christian Trépanier, étaient en présence du comité à Québec. Me Jean-François Noiseux, l’avocat de la plaignante, et la secrétaire adjointe du comité étaient à Montréal.

[5]   À l’audience, l’intimé a plaidé coupable à l’infraction énoncée au paragraphe 1 de la plainte au regard de l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. Les parties ont suggéré au comité d’ordonner l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées au paragraphe 1 de la plainte.

[6]   Par les réponses fournies aux questions du comité, l’intimé a démontré que son plaidoyer de culpabilité était libre et éclairé.

[7]   Le comité a ensuite prononcé un verdict de culpabilité et l’arrêt conditionnel des procédures suivant ce qui est mentionné au paragraphe 5 de la présente décision.

[8]   Les parties ont ensuite indiqué les sanctions et autres mesures qu’elles recommandaient, de façon conjointe, au comité d’imposer à l’intimé.

[9]   Les avocats des parties ont présenté, d’un commun accord, certains faits; les pièces P-1 à P-3 ont été produites, et l’intimé a témoigné.

[10]        Les avocats ont ensuite plaidé, et l’affaire a été prise en délibéré.

II.        LA PREUVE

[11]        Des faits présentés, le comité retient les éléments suivants.

[12]        L’intimé œuvre dans le domaine de la vente et de la distribution des produits et des services financiers depuis une quarantaine d’années.

[13]        Au moment de la commission des infractions dont il a été reconnu coupable, l’intimé détenait un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes et en matière de régimes d’assurance collective.

[14]        C.B., le consommateur dont les initiales apparaissent à la plainte, était, en août 2017, le conjoint de l’adjointe de l’intimé.

[15]        Cette adjointe avait une dizaine d’années d’expérience dans le domaine et était également commissaire à l’assermentation.

[16]        Les primes de la police d’assurance de C.B. étaient payées, depuis une dizaine d’années, par sa conjointe.

[17]        C.B. et son épouse ont décidé que cette dernière deviendrait la propriétaire de cette police.

[18]        Le formulaire « Changement de propriétaire » a ensuite été préparé aux fins d’être complété et signé par les conjoints[1].

[19]        Dans le cadre de son travail, C.B. devait se rendre, de façon urgente, dans le Grand Nord; il n’était pas disponible pour se déplacer au bureau de l’intimé pour y signer ce formulaire.

[20]        L’intimé a remis le formulaire à son adjointe, et celle-ci l’a fait signer à C.B.

[21]        L’intimé a ensuite signé le formulaire comme témoin de la signature de C.B., alors que celui-ci n’avait pas signé devant lui.

[22]        Informé de la situation, le bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a fait enquête. L’intimé a admis les faits dès le début de celle-ci.

[23]        L’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires.

[24]        Cependant, en mars 2009, madame Venise Levesque, syndique adjointe de la CSF, lui a adressé une mise en garde[2].

[25]        Elle était d’avis qu’il avait faussement témoigné, à titre de témoin et de représentant, de la signature d’une cliente alors qu’il n’était pas présent.

[26]        Madame Venise Levesque lui a indiqué que cette mise en garde « pourrait être utilisée dans le cadre de représentations sur sanction si, dans le futur, une plainte disciplinaire [le] concernant était déposée au comité de discipline pour des infractions de nature similaire à celles décrites dans la présente mise en garde ».

[27]        L’intimé a indiqué au comité qu’il comprenait qu’il ne devait plus procéder de cette façon et a ajouté qu’il ne le referait plus.

[28]        L’intimé a 63 ans et souhaite continuer à pratiquer pendant encore cinq ans.

III.        LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[29]        Les parties ont recommandé au comité de condamner l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ et des déboursés.

[30]        À l’appui de leurs recommandations, les avocats des parties ont souligné au comité la gravité objective de l’infraction dont l’intimé a été reconnu coupable, ainsi que les facteurs aggravants et atténuants à considérer. L’avocat de la plaignante a soumis les décisions rendues dans les affaires Poulin[3], Beauvais[4] et Fortin[5], et l’avocat de l’intimé celle qui a été prononcée dans le dossier Lefebvre[6].

IV.        L’ANALYSE

[31]        L’intimé a été reconnu coupable d’avoir enfreint l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière lequel se lit comme suit :

« 34. Le représentant doit fournir aux assureurs les renseignements qu’il est d’usage de leur fournir. »

[32]        L’intimé a commis une infraction grave.

[33]        Lorsqu’un assureur exige qu’une personne témoigne, sur un formulaire, de la signature d’un consommateur, il veut ainsi s’assurer que c’est bel et bien cette personne qui a signé. En procédant de la façon dont l’intimé l’a fait, il a induit l’assureur en erreur.

[34]        En signant en tant que témoin de la signature du consommateur, l’intimé a faussement indiqué qu’il était présent, qu’il a vu le client signer et qu’il pourrait en témoigner, si cela s’avérait nécessaire.

[35]        L’intimé a ainsi fait défaut de fournir à l’assureur les renseignements appropriés; il a exercé de façon négligente et n’a pas agi avec compétence et professionnalisme. Une telle conduite ne saurait être tolérée, d’autant plus que l’intimé est un représentant d’une grande expérience et qu’il avait déjà été mis en garde, par une syndique adjointe, de ne plus procéder de cette façon[7].

[36]        Par contre, les parties ont suggéré au comité de considérer plusieurs facteurs atténuants mis en preuve :

        il s’agit d’un acte posé à l’égard d’un seul consommateur;

        l’intimé a reconnu avoir commis l’infraction dès le début de l’enquête;

        il a collaboré à l’enquête de la plaignante;

        il n’était pas animé par la malhonnêteté ou la malveillance;

        il a plaidé coupable à la première occasion;

        il n’a pas d’antécédents disciplinaires;

        le client n’a pas subi de préjudice;

        le processus disciplinaire a, sur l’intimé, un effet dissuasif important;

        les risques de récidive sont faibles.

[37]        À la lecture des décisions soumises, le comité constate que la recommandation formulée correspond à la sanction imposée dans d’autres dossiers à des représentants ayant commis des infractions analogues. Une telle sanction répond, de l’avis du comité, aux exigences de dissuasion et d’exemplarité propres au droit disciplinaire.

[38]        La jurisprudence est claire : les recommandations conjointes formulées par les parties ne doivent être écartées que si le comité les juge contraires à l’intérêt public ou s’il est d’avis qu’elles sont de nature à déconsidérer l’administration de la justice[8].

[39]        Le comité est convaincu que la sanction proposée ne doit pas être écartée; il y donnera donc suite.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience quant au chef d’infraction énoncé au paragraphe 1 de la plainte eu égard à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

PRONONCE l’arrêt conditionnel des procédures quant au chef d’infraction énoncé au paragraphe 1 de la plainte eu égard aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ET, PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

 

(s) Sylvain Généreux_________________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

 

(s) Robert Chamberland_______________

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Robert Benson____________________

M. Robert Benson, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-François Noiseux

CDNP AVOCATS inc.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Christian Trépanier

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

31 janvier 2019

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ       



[1] P-2.

[2] P-3.

[3] Chambre de la sécurité financière c. Poulin, 2018 QCCDCSF 68.

[4] Chambre de la sécurité financière c. Beauvais, 2018 QCCDCSF 6.

[5] Chambre de la sécurité financière c. Fortin, 2017 QCCDCSF 63.

[6] Chambre de la sécurité financière c. Lefebvre 2018 QCCDCSF 21.

[7] P-3.

[8] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

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