Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1231

 

DATE :

24 janvier 2019

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. Éric Bolduc

Membre

 

M. Frédérick Scheidler

Membre

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

BERNARD DE ZWIREK, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 109172)

 

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication des nom et prénom des consommateurs impliqués dans le dossier et de tout renseignement permettant de les identifier.

 

[1]           Le 24 novembre 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni aux bureaux de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 3 mars 2017 ainsi libellée :

LA PLAINTE

À l’égard de V.H.

1.            Dans la région de Montréal, entre décembre 2004 et février 2005, l’intimé a, directement ou indirectement, avancé une somme totale de 3 636 $ à V.H. afin d’acquitter trois paiements de primes mensuelles pour la police numéro […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.            Dans la région de Montréal, le ou vers le 24 février 2005, l’intimé n’a pas agi en conseiller objectif et indépendant en faisant transférer la propriété de la police d’assurance vie numéro […] à un tiers n’ayant aucun intérêt assurable sur la vie de V.H. ou de D.H. et en faisant désigner ledit tiers à titre de bénéficiaire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

À l’égard de J.-L.C.

3.            Dans la région de Montréal, le ou vers le 20 novembre 2005, l’intimé n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de L.C. et J-L.C. alors qu’il faisait souscrire à J.L.C. la proposition numéro […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

4.            Dans la région de Montréal, entre les ou vers les 4 juillet et 6 septembre 2006, l’intimé n’a pas agi en conseiller objectif et indépendant en faisant souscrire la police d’assurance vie universelle numéro […] à J.-L.C. pour ensuite en faire transférer la propriété à un tiers n’ayant aucun intérêt assurable sur la vie de L.C. et J.-L.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D‑9.2, r.3);

5.            Dans la région de Montréal, le ou vers le 3 août 2006, l’intimé a, par le biais de Bernard A. De Zwirek & Associés Ltée,  accordé un rabais de prime de 1 906,60 $ à J-L.C. correspondant à la première prime de la police numéro […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D‑9.2, r.3);

6.            Dans la région de Montréal, le ou vers le 7 octobre 2009, l’intimé n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de J-L.C. alors qu’il lui faisait soumettre la proposition numéro […], contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentants (RLRQ, c. D-9.2, r.10);

À l’égard de P.P.

7.            À Laval, entre 2005 et 2013, l’intimé s’est placé en situation de conflits d’intérêts en empruntant à P.P. une somme d’environ 10 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

À l’égard de C.S. et M.S.

8.            Dans la région de Montréal, le ou vers le 30 août 2007, l’intimé a, par le biais de Bernard A. De Zwirek & Associés Ltée,  payé une somme de 614,88 $ $ à M.S. correspondant à des primes payées ou payables pour les polices numéros […] et […] appartenant à M.S. et C.S., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

9.            Dans la région de Montréal, le ou vers le 26 septembre 2007, l’intimé a, par le biais de Bernard A. De Zwirek & Associés Ltée,  payé une somme de 76,86 $ à M.S. correspondant à des primes payées ou payables pour les polices numéros […] et […] appartenant à M.S et C.S., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

10.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 26 novembre 2007, l’intimé n’a pas agi en conseiller objectif et indépendant en faisant transformer la police d’assurance vie temporaire numéro […] sur la vie de C.S. en police d’assurance vie universelle numéro […] et en faisant transférer ladite police à un tiers n’ayant aucun intérêt assurable sur la vie de C.S., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

À l’égard de P.B.

11.         Dans la région de Montréal, vers décembre 2008, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par P.B. d’annuler la police numéro […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

12.         Dans la région de Montréal, entre les ou vers les 24 février et 18 mars 2009, l’intimé a divulgué des renseignements personnels de P.B. à un tiers, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 26 et 27 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

13.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 20 mars 2009, l’intimé a, par le biais de Bernard A. De Zwirek & Associés Ltée,  payé une somme de 320 $ à P.B. en remboursement des primes de décembre 2008, janvier et février 2009 de la police numéro […] appartenant à P.B. et des frais d’arrêt de paiement de la prime, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

14.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 3 avril 2009, l’intimé a fait payer la somme de 3 037,92 $ par 115772 Canada inc., correspondant au total de la prime annuelle de la police numéro […] et/ou […] et à la prime mensuelle des mois de décembre 2008, janvier et février 2009 de la police numéro […], appartenant à P.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

15.         Dans la région de Montréal, entre les ou vers les 6 avril 2009 et 8 avril 2010, l’intimé n’a pas agi en conseiller objectif et indépendant en faisant transformer la police d’assurance vie temporaire numéro […] de P.B. en la police d’assurance vie universelle numéro […] pour ensuite en faire transférer la propriété à un tiers n’ayant aucun intérêt assurable sur la vie de P.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

16.         Dans la province de Québec, entre les ou vers les 1er mai et  11 juin 2009, l’intimé a fourni de faux renseignements sur le document « Security UL Product Page » pour la police numéro […], contrevenant ainsi aux articles 16, 23 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

17.         Dans la région de Montréal, en ou vers 2009 ou 2010, l’intimé a fait signer en blanc un formulaire « Transfert de propriété » à P.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

À l’égard de F.D.

18.         Dans la région de Montréal, entre les ou vers les 31 mars 2010 et 12 février 2011, l’intimé n’a pas agi en conseiller objectif et indépendant en faisant transférer la propriété de la police d’assurance vie universelle numéro […] à un tiers n’ayant aucun intérêt assurable sur la vie de R.R., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

19.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 30 avril 2010, l’intimé a, par le biais de B.D.F. Sharma Inc., payé les primes des polices numéros […] et […] appartenant à F.D. pour une somme de 1018,62 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

20.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 14 janvier 2011, l’intimé a fait acquitter une somme de 7 035,45 $ par 115772 Canada Ltée afin de payer des primes pour la police numéro […] appartenant à F.D., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

À l’égard de J.-L.B.

21.         À Laval, le ou vers le 15 janvier 2014, l’intimé s’est placé en situation de conflits d’intérêts en empruntant à J.-L.B. une somme d’environ 25 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[2]           La plaignante était représentée par Me Mathieu Cardinal et l’intimé, qui était absent, par Me Erica Shadeed.

[3]           En début d’audition, après que le comité lui eut posé la question, la procureure de l’intimé confirma que ce dernier enregistrait un plaidoyer de culpabilité et, à cet effet, elle déposa un plaidoyer de culpabilité signé par l’intimé (pièce I-1).

[4]           Elle ajouta toutefois que les chefs d’infraction 14 et 20 ne figuraient pas audit plaidoyer, car à la suite de négociations, ces chefs feront l’objet d’une demande de retrait par la partie plaignante.

[5]           Le procureur de la plaignante confirma la demande de retrait de ces chefs.

[6]           Le comité prit alors acte du plaidoyer de culpabilité déposé (pièce I-1) et permit le retrait des chefs d’infraction 14 et 20.

[7]           Le comité demanda ensuite au procureur de la plaignante de faire une présentation sommaire des faits pertinents en l’espèce et de lui indiquer la disposition de rattachement applicable à chacun des chefs d’infraction pour lesquels l’intimé plaidait coupable.

 

LA PREUVE

[8]           Le procureur de la plaignante déposa tout d’abord, avec le consentement de la partie intimée, une preuve documentaire (pièces P-1 à P-74).

[9]           Il résuma ensuite brièvement le contexte de la commission des infractions.

[10]        L’intimé, qui était âgé de quatre-vingt-quatre (84) ans au moment de l’audition, était représentant en assurance de personnes et en assurance collective de personnes durant la période où les gestes reprochés ont été commis.

[11]        Au moment de l’audition, l’intimé était cependant en processus de vente de sa clientèle, tel qu’en fait foi la pièce I‑2 déposée par la partie intimée.

[12]        Le comité a alors été informé que l’intimé prendrait sa retraite à titre de représentant actif aussitôt que la vente de sa clientèle aura été complétée.

[13]        La trame factuelle concernant la plainte disciplinaire est simple, malgré le fait qu’elle concerne vingt et un (21) chefs d’infraction et vise huit (8) clients de l’intimé.

[14]        Essentiellement, durant la période mentionnée à la plainte disciplinaire, les clients de l’intimé qui y sont nommés n’étaient plus intéressés à maintenir en vigueur leur police d’assurance et à en payer les primes.

[15]        L’intimé a alors organisé un système permettant de maintenir ces polices d’assurance en vigueur, contrairement au souhait de ses clients.

[16]        Dans certains cas, l’intimé a identifié des tiers à qui les polices d’assurance ont été transférées et, dans d’autres cas, il payait directement les primes ou accordait des rabais sur celles-ci aux clients afin que les polices d’assurance soient maintenues en vigueur.

[17]        En ce faisant, l’intimé a pu maintenir en vigueur les polices d’assurance des clients et continuer à générer des commissions que le procureur de la plaignante évalue à plus de 36 000 $.

[18]        Il faut noter que les agissements de l’intimé n’ont occasionné aucun préjudice aux différents clients.

[19]         Les infractions reprochées à l’intimé peuvent être répertoriées de la façon suivante :

     Première catégorie (chefs d’infraction 1, 5, 8, 9, 13 et 19) : l’intimé a accordé un rabais ou payé directement ou indirectement les primes des polices d’assurance détenues par lesdits consommateurs;

     Deuxième catégorie (chefs d’infraction 2, 4, 10, 15 et 18) : l’intimé n’a pas agi comme un conseiller indépendant et objectif en faisant transférer les polices d’assurance à des tiers qui n’avaient aucun intérêt assurable, ce qui lui permettait de maintenir en vigueur lesdites polices d’assurance et continuer à générer des commissions;

     Troisième catégorie (chefs d’infraction 3 et 6) : l’intimé n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers des consommateurs concernés;

     Quatrième catégorie (chefs d’infraction 7 et 21) : l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de deux (2) consommateurs des sommes importantes, à savoir 10 000 $ de P.P. et 25 000 $ de J.-L.B;

     Cinquième catégorie (chef d’infraction 11) : l’intimé ne s’est pas acquitté de son mandat, à savoir celui d'annuler la police d’assurance du consommateur, P.B., tel qu’il lui avait demandé;

     Sixième catégorie (chef d’infraction 12) : l’intimé, toujours concernant le même consommateur, à savoir P.B., a transmis l’information personnelle le concernant à la tierce personne à qui l’assurance serait transférée, et ce, sans la connaissance et le consentement de P.B.;

 

     Septième catégorie (chef d’infraction 16) : l’intimé a transmis de faux renseignements à l’assureur concernant la police d’assurance de P.B. en déclarant faussement que celui-ci n’avait pas l’intention de transférer la police d’assurance et que personne d’autre ne payait pour celle-ci (pièce P-43);

     Huitième catégorie (chef d’infraction 17) : l’intimé a fait signer en blanc le transfert de propriété de la police d’assurance détenue par P.B. (pièce P-74).

[20]        Compte tenu des documents ci-haut mentionnés et des représentations faites par le procureur de la plaignante, le comité, séance tenante, sauf pour les chefs d’infraction 14 et 20 qui avaient été retirés, trouva l’intimé coupable de tous les chefs d’infraction de la plainte disciplinaire comme suit :

     pour les chefs d’infraction 1, 5, 8, 9, 13 et 19 (première catégorie), d’avoir contrevenu à l’article 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (« Code de déontologie »);

     pour les chefs d’infraction 2, 4, 10, 15 et 18 (deuxième catégorie), d’avoir contrevenu à l’article 20 du Code de déontologie;

     pour les chefs d’infraction 3 et 6 (troisième catégorie), d’avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentants;

     pour les chefs d'infraction 7 et 21 (quatrième catégorie), d’avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie;

     pour le chef d'infraction 11 (cinquième catégorie), d’avoir contrevenu à l'article 24 du Code de déontologie;

     pour le chef d'infraction 12 (sixième catégorie), d’avoir contrevenu à l'article 27 du Code de déontologie;

     pour le chef d'infraction 16 (septième catégorie), d’avoir contrevenu à l'article 35 du Code de déontologie;

     pour le chef d'infraction 17 (huitième catégorie), d’avoir contrevenu à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (« LDPSF »).

 

[21]        Le comité ordonna aussi l’arrêt conditionnel des procédures pour les autres dispositions mentionnées auxdits chefs d’infraction.

[22]        Le comité demanda par la suite aux procureurs des parties de lui faire immédiatement les représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[23]        Le procureur de la plaignante référa le comité à la pièce I-1, laquelle contient l’énumération des recommandations communes soumises par les parties et précisa que toutes les périodes de radiation proposées seraient à être purgées de façon concurrente.

[24]        Il énuméra ensuite les recommandations au comité :

           pour les chefs d’infraction 1, 5, 8, 9, 13 et 19 (première catégorie) : une radiation temporaire de six (6) mois;

           pour les chefs d’infraction 2, 4, 10, 15 et 18 (deuxième catégorie) : une radiation temporaire de cinq (5) ans;

           pour les chefs d’infraction 3 et 6 (troisième catégorie) : une amende de 5 000 $ pour le chef d’infraction 3 et une réprimande pour le chef d’infraction 6;

           pour les chefs d’infraction 7 et 21 (quatrième catégorie) : une radiation temporaire de cinq (5) ans;

           pour le chef d’infraction 11 (cinquième catégorie) : une radiation temporaire d’un (1) mois;

           pour le chef d’infraction 12 (sixième catégorie) : une amende de 5 000 $;

           pour le chef d’infraction 16 (septième catégorie) : une radiation temporaire de six (6) mois;

           pour le chef d’infraction 17 (huitième catégorie) : une radiation temporaire d’un (1) mois.

[25]        Il réclama également du comité qu’un avis de la décision soit publié et que l’intimé soit condamné au paiement des déboursés.

[26]        Le procureur de la plaignante expliqua les recommandations communes en énumérant les facteurs aggravants suivants :

           longue période au cours de laquelle les infractions ont été commises (2004 à 2014);

           plusieurs types de fautes commises affectant ainsi nombreux aspects de la pratique de l'intimé;

           plusieurs consommateurs impliqués;

           répétition de certaines des fautes reprochées;

           au moment où les fautes ont été commises, l'intimé avait une certaine expérience;

           commissions perçues pour une valeur totale de 36 389,85 $ associées au transfert et à la transformation des polices.

[27]        Il énonça ensuite les facteurs atténuants suivants, propres au présent dossier :

           aucun antécédent disciplinaire;

           plaidoyer de culpabilité réduisant la durée de l’audition et évitant aux témoins âgés de se présenter devant le comité;

           aucun préjudice connu pour les clients;

           l'intimé a offert une bonne collaboration à l'enquête de la Chambre;

           aucune preuve d'une intention malhonnête ou frauduleuse.

[28]        Quant à cette absence d’intention malhonnête ou frauduleuse, le procureur de la plaignante exprima tout de même une préoccupation quant au manque de réflexe éthique de l’intimé, car il semblait avoir accordé très peu d'importance à ses obligations déontologiques en commettant lesdites infractions.

[29]        Finalement, le procureur de la plaignante déposa et commenta une série d’autorités appuyant cette recommandation commune de sanction[1].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[30]        La procureure de l’intimé débuta ses représentations en confirmant l’accord des parties quant aux recommandations communes soumises au comité, précisant que chacun des éléments a fait l’objet de négociations.

[31]        Elle insista ensuite sur l’absence de malhonnêteté de la part de l’intimé, d’intention frauduleuse et de préjudice pécuniaire pour les consommateurs.

[32]        Elle ajouta qu’en ce qui concerne les chefs d’infraction 7 et 21, il n’y eut aucune appropriation de fonds, chacun des consommateurs ayant été remboursé pour les prêts qu’ils avaient consentis à l’intimé, et précisa que la disposition de rattachement soumise au comité pour cette catégorie d’infraction est l’article 18 du Code de déontologie et non l’article 17 de cette même loi, qui lui traite d’appropriation de fonds.

[33]        Elle déposa ensuite son cahier d’autorités dont elle commenta chacune des décisions qui y sont contenues[2].

[34]        Elle apporta également certaines précisions quant aux représentations faites par le procureur de la plaignante sur les décisions soumises, insistant sur la décision Thibault[3].

[35]        Elle indiqua notamment que, contrairement à l’intimé Thibault, son client ne possédait aucun intérêt dans la société où les polices étaient transférées.

[36]        Quant aux amendes à être imposées, elle demanda au comité qu’un délai de douze (12) mois soit accordé à l’intimé afin que celui-ci puisse les acquitter.

[37]        Enfin, elle suggéra au comité de reporter l’exécution de la sanction, notamment en ce qui a trait aux périodes de radiation temporaire, indiquant vouloir éviter que les clients de l’intimé ne se retrouvent sans représentant si la présente décision était rendue avant la finalisation de la vente de sa clientèle.

 

 

ANALYSE ET MOTIFS

[38]        L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de dix-neuf (19) des vingt et un (21) chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire, et le comité l’a déclaré coupable de ceux-ci, séance tenante.

[39]        Les chefs d’infraction 14 et 20 ont fait l’objet d’une demande de retrait à laquelle le comité a fait droit.

[40]        De la preuve présentée, le comité retient essentiellement que l’intimé, âgé de quatre-vingt-quatre (84) ans au moment de l’audition, a mis en place un système afin de maintenir en vigueur des polices d’assurance dont les clients n’étaient plus intéressés à conserver.

[41]        L’intimé identifia alors des tiers à qui ces polices pouvaient être transférées, acquitta directement les primes ou accorda des rabais de prime aux consommateurs concernés.

[42]        Ces polices d’assurance ont ainsi été maintenues, et l’intimé a pu percevoir des commissions évaluées à plus de 36 000 $ par le procureur de la plaignante.

[43]        Bien que l’intimé n’ait pas été animé d’une intention malveillante ou malhonnête et bien que les consommateurs impliqués n’aient subi aucun préjudice pécuniaire, il n’en demeure pas moins que les gestes commis portent atteinte à l’image de la profession.

[44]        En posant les gestes reprochés, l’intimé a non seulement contrevenu à ses obligations déontologiques, mais il a aussi montré une certaine désinvolture quant au respect de celles‑ci.

[45]        Le comité est du même avis que les procureurs quant aux facteurs aggravants et atténuants propres au présent dossier.

[46]        En tenant compte des éléments objectifs et subjectifs, ainsi que des facteurs aggravants et atténuants soulevés par les procureurs, et en prenant en considération les enseignements récents de la Cour suprême[4], le comité est d’avis que les recommandations des parties quant aux sanctions à imposer sont conformes aux décisions antérieures rendues par le comité, qu’elles ne sont pas contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice et, par conséquent, il y donnera suite.

[47]        Quant au délai de paiement des amendes réclamé par la procureure de l’intimé et vu l’absence de contestation de la partie plaignante, le comité y donnera également suite.

[48]        Enfin, quant à la demande de la procureure de l’intimé de reporter l’exécution de la décision postérieurement à la vente de la clientèle de ce dernier, le comité juge qu’il n’a pas le pouvoir pour ce faire et qu’en plus, cette transaction dépend de la volonté de l’intimé et des tiers qui y sont impliqués.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’égard des chefs d’infraction 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 18 19 et 21 contenus à la plainte disciplinaire;

 

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience comme suit :

     pour les chefs d’infraction 1, 5, 8, 9, 13 et 19 d’avoir contrevenu à l’article 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

     pour les chefs d’infraction 2, 4, 10, 15 et 18 d’avoir contrevenu à l’article 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

     pour les chefs d’infraction 3 et 6 d’avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentants;

     pour les chefs d'infraction 7 et 21 d’avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

     pour le chef d'infraction 11 d’avoir contrevenu à l'article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

     pour le chef d'infraction 12 d’avoir contrevenu à l'article 27 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

     pour le chef d'infraction 16 d’avoir contrevenu à l'article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

     pour le chef d'infraction 17 d’avoir contrevenu à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

RÉITÈRE l’arrêt conditionnel des procédures pour les autres dispositions mentionnées auxdits chefs d’infraction;

RÉITÈRE le retrait des chefs d’infraction 14 et 20.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois sous chacun des chefs d’infraction 1, 5, 8, 9, 13, 16 et 19 contenus à la plainte disciplinaire;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq (5) ans sous chacun des chefs d’infraction 2, 4, 7, 10, 15, 18 et 21 contenus à la plainte disciplinaire;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un (1) mois sous chacun des chefs d’infraction 11 et 17 contenus à la plainte disciplinaire;

ORDONNE que les périodes de radiation temporaire soient purgées de façon concurrente;

CONDAMNE l’intimé à payer une amende de 5 000 $ en regard de chacun des chefs d’infraction 3 et 12 contenus à la plainte disciplinaire, pour un total de 10 000 $;

IMPOSE à l’intimé une réprimande en regard du chef d’infraction 6 contenu à la plainte disciplinaire;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156, alinéa 7 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour l’acquittement des amendes imposées;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

(s) Claude Mageau________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

 

 

(s) Éric Bolduc___________________

M. ÉRIC BOLDUC

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Frédérick Scheidler_____________

M. FRÉDÉRICK SCHEIDLER

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Mathieu Cardinal

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Erica Shadeed

DENTONS CANADA LLP

Procureures de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

24 novembre 2017

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Chambre de la sécurité financière c. El Bouanani, 2014 CanLII 83208 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Grenon, 2013 CanLII 43417 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Thibault, 2013 CanLII 73212 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Gervais, 2010 CanLII 99832 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Masse, 2016 QCCDCSF 23; Chambre de la sécurité financière c. Pop, 2016 QCCDCSF 51; Chambre de la sécurité financière c. Turcotte, 2013 CanLII 43422 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Greeley, 2008 CanLII 15002 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Vachon, 2016 QCCDCSF 11; Chambre de la sécurité financière c. Derkson, 2015 QCCDCSF 32; Chambre de la sécurité financière c. Gupta, 2013 CanLII 43425 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Nemeth, 2015 QCCDCSF 24.

[2] Verdi-Douglas c. La Reine, 2002 CanLII 63573 (QC CA); R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43; Chambre de la sécurité financière c. Charbonneau-Desjardins, 2017 QCCDCSF 4.

[3] Préc., note 1.

[4] R. c. Anthony-Cook, préc., note 2.

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