Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-0936

 

 

 

DATE :

20 mars 2019

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

 

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

DUN WANG, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 148512 et BDNI numéro 1556211)

 

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

______________________________________________________________________

 

 

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A RÉITÉRÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

        Non-divulgation, non-diffusion et non-publication de toute information de nature financière ou économique concernant les consommateurs Y.L. et J.Y. impliqués dans la présente plainte.

[1]          Le comité de discipline (le comité)[1] de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni pour procéder à l'audition sur sanction, suite à sa décision sur culpabilité rendue contre l’intimé.

[2]          La partie plaignante était représentée par Me Julie Piché. L’intimé était présent et représenté par Me René Vallerand.

[3]          L’intimé a été déclaré coupable sous treize des dix-sept chefs d’accusation contenus à la plainte[2], lesquels concernent quatre catégories d’accusations :

a)     Chefs 1 et 8, 14 et 16 : Analyse des besoins financiers (ABF);

b)     Chefs 2 et 9 : Convenance du produit d’assurance;

c)      Chefs 6 et 11 : Défaut d’avoir subordonné son intérêt à celui de ses clients;

d)     Chefs 7 et 12 : Signature de formulaires de transactions incomplets ou sans date relativement aux contrats de fonds distincts numéros […], et avec les comptes de fonds mutuels […] tant par Y.L que J.Y.;

e)     Chefs 13, 15 et 17 : Convenance de la recommandation d’investir au moyen d’un prêt à effet de levier (prêt levier).

[4]          Les événements se sont produits entre mars 2005 et septembre 2008. Ils impliquaient deux couples de consommateurs (Y.L./J.Y. et R.P./X.C.) et une consommatrice (L.M.).

LA PREUVE

[5]          Comme preuve additionnelle, la procureure de la plaignante a déposé une attestation du droit de pratique de l’intimé datée du 20 mars 2018 (SP-1).

[6]          Le procureur de l’intimé a fait entendre ce dernier qui a produit une preuve documentaire additionnelle (SDLY-76 à SDLY-82), ainsi qu’un document de travail (SIDT-1).

TÉMOIGNAGE DE L’INTIMÉ

[7]           De son témoignage, il ressort essentiellement ce qui suit.

[8]           D’entrée de jeu, il a affirmé regretter ce qui est arrivé.

[9]           Il possédait un peu moins de quatre ans d’expérience au moment des infractions impliquant le couple Y.L./J.Y., et entre sept et huit ans pour les autres consommateurs[3]. Il a depuis accumulé dix-sept ans d’expérience et aucune autre plainte disciplinaire n’a été déposée depuis la présente.

[10]        Ce n’est qu’en 2007 qu’il a commencé à procéder à des investissements au moyen d’un prêt levier (L.M., R.P. et X.C.), alors que London Life, avec qui il est toujours rattaché pour les assurances, a commencé à en offrir.

[11]        Toutefois, London Life ne possédait pas de directives concernant les ratios favorables à ce type d’investissement. Ce n’est qu’après le Bulletin émis par l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2009 que la compagnie s’est dotée d’une procédure à ce sujet.

[12]        Le marché boursier était très bon entre 2001 et 2007, mais dès octobre 2008, les actions ont perdu environ 50 % de leur valeur.

[13]        Dès mars 2009, il a décidé de procéder à ce type d’investissement seulement à la demande de cinq ou six de ses clients aisés. Enfin, dès 2011, il a cessé de le faire, sauf pour un seul client.

[14]        À propos de la signature de Y.L. et de J.Y. sur des formulaires incomplets ou non datés, l’intimé n’a procédé ainsi qu’avec ce couple, car ce dernier vivait la majorité du temps en Chine et avait développé une relation d’amitié avec lui.

[15]        Pour les chefs 2 et 9, ainsi que 6 et 11 concernant la non-convenance de la police d’assurance souscrite et le défaut d’avoir subordonné son intérêt à celui de ses clients, l’intimé a fourni un tableau comparatif des commissions perçues à la suite des assurances ainsi souscrites et de celles qui auraient été perçues advenant un placement équivalent aux primes annuelles d’environ 28 000 $, sans supplément de capital investi, pour démontrer que la différence était négligeable[4]. Il a ajouté que les suivis de renouvellement d’assurance se comparaient plus ou moins aux « trailer fees » des fonds communs.

[16]        L’intimé a indiqué que, depuis les événements, un Programme de conformité a été instauré à son cabinet, et a déposé le document intitulé « Compliance program »[5]. À ce sujet, en septembre 2012, il a fait parvenir un courriel à tous les employés de son cabinet ainsi qu’aux personnes responsables de la conformité chez London Life, les informant qu’il désirait poursuivre ses activités de façon éthique et en conformité avec les différentes lois et règlements de l’industrie[6]. Il y indiquait que son cabinet mettait à jour l’ensemble de ses politiques, dès lors en vigueur. Il a signalé notamment les règles concernant les prêts leviers, ainsi que l’obligation de produire un document décrivant la recommandation faite au client, qui doit le signer, de même que l’exigence pour tout représentant de procéder, avant de compléter une proposition d’assurance, à la cueillette des informations aux fins de l’ABF des consommateurs, et de l’investissement par prêt levier.

[17]         Aussi, une liste de contrôle[7]checklist ») devait être complétée et paraphée par le client pour s’assurer de répondre aux diverses exigences, dont les différents formulaires à remplir, par exemple celui sur les explications à fournir aux clients, lequel doit être signé par ces derniers et transmis à London Life[8]. Cependant, ces formulaires n’existaient pas avant 2009.

[18]        Parmi sa clientèle qui compte 700 à 800 clients, 80 % est d’origine chinoise dont au moins la moitié ne parle ni anglais ni français. Plusieurs de ces clients possèdent un dépanneur ou une compagnie de vêtements et négocient à cette fin dans leur langue avec la Chine. Enfin, entre 10 % et 20 % de ses clients sont de nouveaux investisseurs provenant de la Chine, comme Y.L. et J.Y.

[19]        Chaque jour, ses clients lui envoient environ dix à quinze courriels. Il leur répond personnellement, et ce, même en vacances.

[20]        Contre-interrogé à propos des trois employés de son cabinet mentionnés à son courriel de septembre 2012 envoyé à London Life[9], il a répondu qu’ils étaient des conseillers détenant un permis. Seule une personne y exerce encore. Celle-ci n’a que deux clients et n’a ni l’intérêt ni la disponibilité pour s’occuper de sa clientèle, ni de la maintenir, advenant que son droit d’exercer soit suspendu.

[21]        Questionné par le comité, il a concédé que d’autres représentants de langue chinoise exercent au Québec. Toutefois, la clientèle chinoise étant très conservatrice, si la sienne devait s’adresser à un autre représentant ou cabinet pour être servie en chinois, cela entraînerait la fermeture de son cabinet. Quant à son assistant, il retient les services d’un assistant de London Life, à raison de quatre heures par semaine seulement.

[22]        Déclarant avoir saisi l’importance de ses fautes, l’intimé a réitéré les regretter, se disant désolé des ennuis qu’il a pu ainsi causer tant à ses clients qu’à l’industrie.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[23]       Dans un premier temps, elle a annoncé que les parties avaient des recommandations communes à l’égard des chefs d’accusation suivants :

a)     Sous les chefs d’accusation 1 et 8 :

             Le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 1;

             Une réprimande sous le chef 8;

b)     Sous les chefs d’accusation 14 et 16 :

             Le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 14;

             Une réprimande sous le chef 16.

[24]        Quant aux autres chefs d’accusation, sa cliente recommandait les sanctions suivantes : 

a)     Sous chacun des chefs d’accusation 2 et 9 :

             Une réprimande;

b)     Sous chacun des chefs d’accusation 6 et 11 :

             La radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois à être purgée de façon concurrente;

c)      Sous chacun des chefs d’accusation 7 et 12 :

             La radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois, à être purgée de façon concurrente;

d)     Sous le chef d’accusation 13 :

             La radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente;

e)     Sous chacun des chefs d’accusation 15 et 17 :

             La radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente.

[25]       Elle a aussi réclamé la publication d’un avis de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[26]        Au soutien des sanctions suggérées, elle a déposé un cahier d’autorités[10].

[27]       Quant aux facteurs aggravants et atténuants, elle a mentionné les suivants :

Aggravants

 

a)        Gravité objective des infractions commises :

 

1.    L’ABF et la connaissance complète des faits constituent la pierre angulaire du travail du représentant;

2.    La non-convenance du produit d’assurance recommandé au couple Y.L. et J.Y.;

3.    La recommandation d’une stratégie d’investissement au moyen de prêt levier, qui n’était pas dans l’intérêt des clients;

4.    La signature par le couple Y.L. et J.Y. à environ 30 reprises de documents en langue anglaise incomplets ou sans date étant une pratique malsaine qui met à risque les consommateurs.

 

b)        Conduites clairement prohibées;

 

c)        Existence de préméditation et intention malicieuse :

 

1.    Actes répétitifs concernant les ABF et signature de documents incomplets par Y.L. et par J.Y., de 2005 à 2008;

2.    Document de collecte de données rempli pour supporter les placements recommandés à R.P. et à X.C.[11];

3.    Défaut de subordonner ses intérêts lors de la vente d’une assurance-vie entière ne correspondant pas aux besoins des consommateurs et pour laquelle sa rémunération était plus élevée que pour une assurance temporaire;

4.    Prêts leviers qui ne convenaient manifestement pas, l’intimé ayant agi comme un simple vendeur (par. 289 de la décision sur culpabilité).  

 

d)        Longue période pendant laquelle les fautes ont été commises (2005-2008);

 

e)        L’intimé était le dirigeant de son cabinet au moment des faits et avait des employés;

 

f)         Vulnérabilité des victimes relativement élevée : 

 

1.    Y.L. et J.Y. avaient nouvellement immigré au Canada et ne maîtrisaient pas l’anglais ni le français. Le fait que l’intimé était de même origine leur inspirait confiance. Le concept d’assurance leur était inconnu (chefs 1 / 8, 2 / 9, et 3-acquitté). Leur confiance était telle qu’ils signaient des documents incomplets à être utilisés en leur absence (chefs 7 et 12);

2.    L.M. avait peu de connaissances financières. Elle avait confiance en l’intimé et était financièrement vulnérable (chef 13);

3.    R.P. et X.C. avaient confiance en l’intimé et n’avaient jamais souscrit de prêts levier auparavant.

 

g)        Préjudice causé aux clients : 

 

1.    Y.L. et J.Y. ont versé des primes d’assurance totalisant 28 480 $ annuellement, plutôt que 670 $ pour une assurance vie temporaire, soit une différence de 27 810 $ par année;

 

2.    L.M. a subi une perte évaluée par le comité à 11 000 $, alors qu’elle aurait pu épargner 17 000 $ représentant le total des intérêts payés sur son emprunt. Il y a eu une entente de confidentialité suite à la médiation avec l’AMF;

 

3.    R.P. allègue, dans sa plainte à l’AMF, avoir perdu 42 000 $ et X.C., 37 000 $.

 

h)        Atteinte à l’image de la profession;

 

i)         Avantage tiré par l’intimé de ses fautes :

 

1.    Commission de 16 481,61 $ pour l’assurance-vie (pièce P-10);

2.    Commission de 2 500 $ pour L.M. (pièce P-48);

3.    Commission de 5 000 $ pour R.P et X.C. (pièce P-48).

 

j)          Nombre de victimes : cinq (deux couples et une consommatrice);

 

k)        Âge de l’intimé : 49 ans;

 

l)          Expérience de l’intimé entre quatre et sept ans au moment des infractions;

 

m)      Risque de récidive, l’intimé étant toujours actif dans les disciplines de l’assurance et de l’épargne collective.

 

Atténuants

a)     Temps écoulé depuis les infractions;

b)     Absence d’antécédent disciplinaire.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[28]        Le procureur de l’intimé a confirmé que les sanctions proposées par sa consœur sous chacun des chefs 1 et 8 ainsi que 14 et 16 étaient des recommandations communes.

[29]        En ce qui concerne les chefs 2 et 9, ayant trait à la convenance de l’assurance pour Y.L. et J.Y., il s’est déclaré d’accord avec les réprimandes suggérées sous chacun de ces deux chefs, déplorant toutefois ne l’avoir appris que le matin de l’audience, en même temps que le comité, l’obligeant à réviser l’ensemble de ses représentations.

[30]        Avant de discuter des sanctions proposées par la plaignante sous les autres chefs, il a rappelé que parmi les critères établis par la Cour d’appel dans Pigeon[12], le droit du professionnel de continuer d’exercer sa profession devait aussi être considéré.

[31]       De plus, pour la détermination de l’amende, il doit être tenu compte du préjudice causé aux clients et de l’avantage tiré de l’infraction, conformément au deuxième alinéa de l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF).

[32]        Ensuite, commentant les décisions soumises au soutien des recommandations de la plaignante pour chacun des autres chefs, il a soutenu qu’elles ne pouvaient servir d’appui, car manquant de similitudes avec le présent cas.

[33]        Il a déposé subséquemment son cahier d’autorités[13] et a fait part au fur et à mesure des sanctions qu’il proposait :

a)     Pour les chefs d’accusation 6 et 11 (défaut de subordonner son intérêt - Y.L. et J.Y.) :

             Le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 6;

             Une réprimande sous le chef 11;

b)     Pour les chefs d’accusation 7 et 12 (formulaires incomplets - Y.L. et J.Y.) :

             Le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef d’accusation 7;

             Une réprimande sous le chef 12;

c)      Pour les chefs d’accusation 13, 15 et 17 (prêt levier – L.M., R.P. et X.C.) :

             Le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 13;

             Une réprimande sous les chefs 15 et 17.

[34]        Au titre des facteurs atténuants, il a ajouté :

a)     Que les dernières infractions remontent à plus de dix ans; 

b)     Que la signature de formulaires incomplets ou non datés représentait un cas isolé, l’intimé n’ayant procédé ainsi que pour le couple Y.L./J.Y. qui résidait principalement en Chine;

c)      L’absence de malhonnêteté comme souligné par le comité[14];

d)     Le peu d’expérience de l’intimé au moment des infractions soit au plus quatre ans pour le couple Y.L./J.Y.;

e)     L’expression de regrets sincères;

f)       Les mesures prises par l’intimé pour modifier sa pratique;

g)     Le faible risque de récidive, d’autant plus que les débats ayant duré vingt jours sur la culpabilité et deux jours sur la sanction, fort de cette longue et coûteuse expérience, l’intimé ne veut certes pas revenir devant le comité.

[35]        Quant au paiement des amendes qu’il propose et totalisant 25 000 $, il a demandé qu’il soit étalé sur douze mois.

[36]        Concernant les déboursés, même si l’intimé a été reconnu coupable sous treize des dix-sept chefs, étant donné la position ambigüe de la plaignante qui a recommandé une radiation de six mois sous les chefs 6 et 11 pour avoir priorisé ses intérêts en faisant souscrire les assurances en cause, alors qu’elle a conclu à des réprimandes pour la convenance de ces mêmes assurances visées aux chefs 2 et 9, il a fait valoir que l’intimé ne devrait pas être condamné à plus de 50 % de ceux-ci.

[37]        Nonobstant cette dernière demande, il a réclamé l’exclusion des honoraires de l’interprète retenu par la plaignante le 15 novembre 2013, ce dernier s’étant révélé incapable de remplir la tâche. Cela a entraîné la perte d’une demi-journée d’audition. Or, c’était la dernière journée réservée au contre-interrogatoire d’Y.L., qui a dû être reporté en avril 2014.

 

RÉPLIQUE DE LA PLAIGNANTE

[38]        À propos de la demande de l’intimé d’étaler le paiement des amendes, la plaignante a déclaré s’en remettre à la discrétion du comité, mais a demandé que ce paiement soit fait au moyen de versements mensuels égaux et consécutifs, sous peine de déchéance du terme.

[39]        Concernant le partage à 50 % des déboursés, elle a rappelé la règle habituelle de la proportionnalité. L’intimé ayant été condamné sous treize des dix-sept chefs contenus à la plainte, il devait être condamné au paiement des 13/17 des déboursés.

[40]        Quant à l’exclusion des honoraires de l’interprète retenu le 15 novembre 2013, la plaignante n’en était pas responsable, cette erreur découlant du choix de l’interprète par l’agence retenue.

ANALYSE ET MOTIFS

[41]        Le débat sur la culpabilité a retenu vingt jours d’audience, et celui sur la sanction, deux jours.

[42]        Mis à part les recommandations communes sous les chefs 1 et 8, 14 et 16, portant sur des infractions liées aux ABF, les sanctions suggérées par les parties diffèrent considérablement. La plaignante privilégie des périodes de radiation variant entre un et six mois selon l’infraction, et l’intimé, le paiement d’amendes et des réprimandes.

[43]        Aux fins de la détermination de la sanction, rappelons l’enseignement de la Cour d’appel dans Pigeon[15], qui réitère la fonction première du droit disciplinaire :

« [37] La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier. Chaque cas est un cas d'espèce.

[38] La sanction disciplinaire doit permettre d'atteindre les objectifs suivants: au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession (…).

[39] Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier. Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif, … Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l'expérience, du passé disciplinaire et de l'âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement. La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire. »

[44]        Le comité procédera donc à l’analyse des faits propres à ce dossier, de l’ensemble des circonstances aggravantes et atténuantes, aux fins de la détermination des sanctions à imposer en l’espèce.

[45]        Il y a lieu de traiter en premier des recommandations communes des parties.

[46]        Quant aux chefs d’accusation 1 et 8 (Y.L./J.Y.) ainsi que 14 et 16 (R.P. /X.C.), les parties ont recommandé des amendes totalisant 10 000 $ et deux réprimandes.

[47]        Pour ces chefs d’infraction, le comité ne saurait trop insister sur l’importance pour le représentant de procéder à une ABF complète et conforme en vue d’une recommandation éclairée, le devoir de conseil du représentant constituant la pierre angulaire de l’ensemble de ses obligations.

[48]        Ainsi, étant donné que ces ABF concernaient deux couples, les recommandations communes pour le paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des chefs 1 et 14 et l’imposition d’une réprimande sous les chefs 8 et 16, paraissent justes et proportionnées.

[49]        Au surplus, le risque de récidive s’avère faible, l’intimé ayant depuis 2012 apporté des changements à sa pratique et à celle de son cabinet[16], notamment quant aux exigences relatives aux ABF pour assurer une cueillette complète et adéquate des informations nécessaires avant de faire toute recommandation, le tout devant être consigné par écrit.

[50]        Enfin, les recommandations des parties s’inscrivent dans les paramètres des sanctions retenues pour des infractions de même nature. Par conséquent, le comité y donnera suite.

[51]        En ce qui concerne les chefs d’accusation 2 et 9 (Y.L. et J.Y.) relatifs à la convenance du produit d’assurance, la plaignante a suggéré l’imposition d’une réprimande alléguant que faire autrement aurait pour effet de sanctionner l’intimé deux fois, ce manquement étant, selon elle, intimement lié à celui concernant l’ABF, déjà sanctionné sous les chefs 1 et 8 et impliquant le même couple. Bien que cette recommandation ne semble pas avoir fait l’objet d’échange entre les parties, l’intimé s’y est rallié.

[52]        Étant donné la globalité des sanctions, le comité donnera suite à cette recommandation et imposera à l’intimé une réprimande sous les chefs 2 et 9.

[53]        Il reste donc à déterminer les sanctions pour les chefs d’accusation :

a)     6 et 11 : défaut de subordonner son intérêt personnel à celui de ses clients (Y.L. et J.Y.);

b)     7 et 12 : défaut d’avoir agi avec compétence et professionnalisme en faisant signer des formulaires incomplets (Y.L. et J.Y.);

c)      13, 15 et 17 : défaut d’avoir agi en conseiller consciencieux en faisant souscrire des fonds distincts, au moyen de prêt levier (L.M., R.P. et X.C.).

[54]        Signalons qu’au soutien de leurs suggestions respectives, les parties ont soumis des décisions sur sanction dont certaines donnent suite aux recommandations communes des parties. Toutefois, il est bien établi que le comité possède peu de marge de manœuvre en présence de suggestions communes, car devant avoir des motifs sérieux pour s’en dissocier ou s’en écarter[17]. Comme l’a argumenté en réplique la procureure de la plaignante elle-même, dans ces cas, « il y a une histoire en arrière ». Ainsi, ces décisions, ne rapportant qu’un nombre restreint d’éléments, ne permettent souvent pas de bien saisir ce qui a mené aux sanctions recommandées.

[55]        Rappelons que le degré de faute peut différer d’un cas à un autre et que la sanction imposée ne doit pas résulter d’une forme d’« automatisme »[18].

[56]        Sauf respect, le comité ne peut retenir l’ensemble des facteurs aggravants mentionnés par la plaignante. Aussi, certains méritent d’être nuancés en fonction des différents reproches, ainsi que des consommateurs concernés.

[57]        Au titre des facteurs atténuants, en plus des dix ans écoulés depuis les dernières infractions et de l’absence d’antécédent disciplinaire signalés par la plaignante, il y a lieu d’ajouter notamment l’absence d’intention malhonnête, l’expression de regrets sincères et le fait que l’intimé a modifié dès 2012 de façon expresse sa pratique et celle de son cabinet[19].

        Quant aux chefs d’accusation 7 et 12défaut d’avoir agi avec compétence et professionnalisme en faisant signer Y.L. et J.Y. des formulaires incomplets ou sans date entre mars 2005 et octobre 2008

[58]       Alors que la plaignante a recommandé sous chacun de ces chefs une période de radiation d’un mois à être purgée de façon concurrente, l’intimé a proposé le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 7 et une réprimande sous le chef 12.

[59]       La plaignante a rappelé que l’intimé avait entre quatre et sept ans d’expérience au moment de la commission de ces gestes. La confiance que le couple J.Y./Y.L. lui portait était telle qu’ils signaient ces documents pour être utilisés en leur absence. Or, faire signer des formulaires incomplets ou sans date est une pratique malsaine mettant à risque les consommateurs.

[60]       À l’appui de ses recommandations, elle a soumis les décisions Pitre, Chaunt, Nemeth et Belle[20] précisant que l’affaire Belle sert, même si les faits diffèrent de ceux du présent dossier, à appuyer la sanction de radiation pour ce type d’infraction.

[61]       Avec égards, contrairement à l’intimé en l’espèce, c’est le manque d’honnêteté et de loyauté de Belle envers ses clients qui était en cause, ce qui constitue une différence notable au stade de la sanction.

[62]       Dans l’affaire Pitre, rendue sur culpabilité et sanction en 2012, l’intimé se représentait seul. Il s’agissait de recommandations conjointes pour une radiation d’un mois sous chacun des cinq chefs pour une infraction similaire à purger de façon concurrente. Pour les nombreux documents que Pitre a fait signer en blanc, il s’agissait de fautes répétées à l’égard de trois consommateurs sur une période de six ans, alors qu’il était un représentant ayant plus de 30 ans d’expérience. Les deux autres chefs de la plainte impliquaient un quatrième consommateur et reprochaient à Pitre d’avoir confectionné des formulaires d’autorisation, pour laisser croire que son client les avait signés. Force est de constater que ces éléments ne se retrouvent pas dans le présent cas.

[63]       Quant à la décision Chaunt, elle a été rendue en 2016 à la fois sur culpabilité et sanction. Il n’y avait qu’un seul chef reprochant la signature par un couple en février 2013 d’une ABF remplie partiellement. L’intimé était représenté par avocat et les parties ont recommandé une période de radiation d’un mois. Le comité a donné suite à cette recommandation commune et a tenu à souligner que « (…) de plus l’infraction a été commise relativement récemment alors qu’à plusieurs reprises antérieurement le comité a indiqué que la signature de documents en blanc est une pratique reprochable (…) »[21].

[64]       Rappelons que l’infraction dans le présent dossier a été commise entre 2005 et 2008, donc entre cinq et huit ans avant celle commise par cet intimé Chaunt.

[65]       En ce qui a trait aux décisions sur culpabilité et sanction rendues dans Nemeth en 2015 et 2016 respectivement, l’intimé était représenté par un avocat sur culpabilité, mais se représentait seul sur sanction. Nemeth a été reconnu coupable sous les sept chefs d’accusation contenus à la plainte, mais seul le cinquième chef reproche la signature en mars 2011 de documents incomplets. À ce moment, Nemeth avait acquis environ dix-sept ans d’expérience. La décision ne précise pas le lien de rattachement retenu pour ce chef, mais conclut comme en l’espèce, que l’intimé n’a pas agi avec compétence et professionnalisme. La plaignante avait réclamé une période de radiation de 30 jours, alors que l’intimé proposait une réprimande. Le comité a retenu la radiation proposée par la plaignante. Toutefois, il a conclu à un risque important de récidive, insistant sur l’existence d’une mise en garde de la syndique faite à l’intimé en décembre 2008 pour des manquements de même nature, ainsi que sur l’inspection faite par cette dernière le 12 mai 2015 au bureau de l’intimé pour la période du 1er janvier 2014 au
31 mars 2015 qui a révélé l’existence de manquements analogues dans plusieurs dossiers de l’intimé. Or, en l’espèce, il y a absence de ces derniers éléments.

[66]       À juste titre, le procureur de l’intimé a souligné que les intimés Pitre, Nemeth et Belle possédaient plusieurs années d’expérience et que sous certains autres chefs, leur honnêteté était mise en cause.

[67]       Il a ajouté qu’il ne s’agissait pas pour l’intimé d’une pratique habituelle, mais plutôt d’un cas isolé. Seul le couple Y.L./J.Y., qui résidait principalement en Chine, est concerné. L’intimé ne l’a jamais fait auparavant ni après avec quelque autre client que ce soit. En outre, la preuve a démontré qu’il avait des discussions avec ses clients au préalable, soit par courriel ou autrement. La protection du public n’a pas été mise en péril. La bonne foi de l’intimé n’a jamais été mise en cause, il n’a reçu aucune rémunération pour les transactions ainsi faites, et celles-ci ont toujours été à l’avantage du couple. D’ailleurs, ces éléments ont été admis par la plaignante. Enfin, l’intimé a fait son acte de contrition et, selon son procureur, les risques de récidive sont nuls.

[68]       Au soutien du paiement d’une amende pour la signature de documents incomplets ou sans date, il a soumis les affaires Trudeau et Lévesque[22].

[69]       Dans la décision Trudeau, rendue sur culpabilité et sanction en novembre 2017, ce dernier a plaidé coupable sous chacun des sept chefs d’accusation de la plainte. Les sanctions ont toutefois fait l’objet d’un débat. Seul le septième chef reprochait à l’intimé d’avoir fait signer partiellement en blanc un formulaire de demande de prêt, les autres reprochant d’avoir fourni de fausses informations sur un formulaire de prêt investissement. La culpabilité de l’intimé a été retenue sous chacun des chefs pour avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières. Ce dernier prévoit que le représentant doit mener ses activités professionnelles de manière responsable avec respect, intégrité et compétence. L’intégrité de l’intimé n’ayant pas été soulevée, il est aussi permis de conclure que c’est plutôt le manque de compétence qui était en cause. La plaignante suggérait une radiation d’un mois, et l’intimé, le paiement d’une amende de 4 000 $. Le comité a retenu cette dernière suggestion.

[70]       Au sujet de cette affaire Trudeau, le procureur de l’intimé a signalé que, pour conclure à une amende, le comité avait notamment considéré le peu d’expérience de l’intimé, l’expression de remords sincères, le fait qu’il ait apporté des correctifs à sa pratique et qu’une période de radiation risquerait de compromettre sérieusement sa carrière, alors qu’il désirait continuer à exercer la profession[23]. Il a soutenu que ces éléments étaient également présents en l’espèce et que son client a fortement voulu collaborer à l’enquête, bien que la syndique n’y a pas été aussi réceptive que dans cette affaire.

[71]       Dans Lévesque, les décisions sur culpabilité et sur sanction ont été rendues en juin 2016 et mai 2017 respectivement. Neuf des dix-sept chefs contenus dans la plainte impliquaient neuf consommateurs ou couples distincts, reprochant à l’intimé de leur avoir fait signer en blanc ou partiellement en blanc des propositions d’assurance, un préavis de remplacement et autres formulaires. La balance des chefs concernait des ABF. Ces documents en blanc ou partiellement en blanc ont été trouvés suite à une inspection de suivi par l’AMF en 2011. Bien que trouvés dans les dossiers de Lévesque, sauf erreur, aucun des formulaires n’a servi ou n’a été utilisé. L’intimé exerçait depuis plus de 27 ans et n’avait aucun antécédent disciplinaire. Le comité a donné suite aux recommandations communes des parties. Ainsi, pour ces neuf chefs d’accusation, l’intimé a été condamné au paiement d’une amende de 15 000 $ sous deux d’entre eux, totalisant 30 000 $, et à des réprimandes sous les sept autres chefs. Il en ressort donc qu’il s’agissait d’une pratique courante pour cet intimé.

 

[72]       Le procureur de l’intimé a fait valoir que, réparties sur les neuf chefs de même nature, ces amendes équivalaient à environ 2 300 $ par chef. En outre, il a signalé que, dans cette affaire plaidée et rendue en 2017, la plaignante avait elle-même indiqué qu’une amende paraissait mieux adaptée à la situation que l’imposition de radiation temporaire[24].

[73]        Certes, faire signer des formulaires incomplets ou sans date est une pratique malsaine d’où la déclaration de culpabilité de l’intimé. Toutefois, il ne peut être ignoré que le degré de faute diffère d’un cas à l’autre. Comme mentionné au début de la présente analyse, la Cour d’appel nous enseigne : « La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier. Chaque cas est un cas d'espèce. »[25]. Il ressort de l’examen de l’ensemble de ces décisions soumises par les parties qu’exception faite de la nature de l’infraction, des distinctions importantes s’imposent avec le présent dossier.

[74]        Qu’en est-il des faits pertinents aux chefs d’accusation 7 et 12 relatifs à la signature de documents incomplets ou sans date par le couple Y.L./J.Y. entre mars 2005 et octobre 2008?

[75]        Y.L. et J.Y. étaient un couple d’immigrants investisseurs chinois fortunés venu s’installer au Québec vers la fin 2004. La relation d’affaires avec l’intimé a commencé en mars 2005 pour se terminer en octobre 2008. Cependant, dès juillet 2005, le couple a résidé principalement en Chine. Il n’a été au Québec qu’environ un mois en 2006, sept mois en 2007, pour ne revenir qu’à la mi-août 2008.

[76]        La majorité des formulaires visés par ces chefs sont de 2006, quelques-uns en 2005, très peu en 2007 et aucun en 2008, le tout coïncidant avec leurs périodes d’absence du Québec. Certains n’ont pas été utilisés ou ont été remplacés par le formulaire pertinent à la transaction recherchée. Les formulaires étant en anglais et le couple ne parlant pas ou peu cette langue, l’intimé leur en faisait la traduction.

[77]        Aussi, bien qu’ils aient pu apposer leurs signatures alors que les formulaires étaient non datés ou incomplets, la preuve non contestée a démontré que ces transactions ont été faites dans l’intérêt des clients et selon leurs instructions afin de profiter du meilleur moment pour ce faire, alors qu’ils étaient en Chine, le tout conformément aux discussions tenues au préalable entre l’intimé et eux par courriel ou autrement au sujet de la transaction projetée.

[78]        Le couple savait qu’il signait un document incomplet ou sans date qui devait être complété au moment opportun pour donner suite à leurs instructions. Y.L. était un homme d’affaires qui suivait via internet les marchés boursiers et ses placements. Il ne s’agit donc pas de gestes commis à l’insu des clients, ni de façon malhonnête ou frauduleuse, et le couple n’en a subi aucun préjudice.

[79]       L’intimé a collaboré à l’enquête. À part les quelques formulaires obtenus de London Life[26], les autres proviennent du dossier remis à la plaignante par l’intimé[27].

[80]       Même si les gestes reprochés se sont échelonnés sur trois ans, l’intimé n’a procédé ainsi qu’à l’égard de ce couple. Il s’agit donc d’un cas isolé dans sa pratique. Au surplus, l’intimé a témoigné avoir compris « la leçon ».  Le risque de récidive paraît, dans les circonstances, faible voire nul.

[81]       La sanction doit dissuader le professionnel de récidiver et permettre sa réhabilitation. Aussi, le paiement d’une amende paraît mieux adapté à la situation qu’une radiation temporaire.

[82]       Par conséquent, le comité condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef d’accusation 7 et lui imposera une réprimande sous le chef 12, estimant cette sanction suffisamment dissuasive et de nature à assurer la protection du public.

        Quant aux chefs d’accusation 6 et 11 – défaut d’avoir subordonné son intérêt à celui d’Y.L. et de J.Y. le 25 mai 2005

[83]        D’abord, rappelons que la déclaration de culpabilité de l’intimé sous ces chefs ne concerne que la souscription des assurances, l’intimé ayant été acquitté à l’égard des fonds distincts mentionnés aux chefs de la plainte.

[84]        La plaignante a recommandé d’ordonner, sous chacun de ces chefs, la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à purger de façon concurrente, alléguant qu’une période de radiation est la sanction retenue pour ce type d’infraction.

[85]        Le procureur de l’intimé a réfuté cette allégation, faisant valoir qu’une amende est une sanction également retenue pour ce type d’infraction, suggérant le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 6 et une réprimande sous le chef 11.

[86]        La plaignante a résumé le contexte des infractions se rapportant à la décision sur culpabilité[28] :

« [170] Dépendant de l’option choisie pour l’ABF, le couple n’avait aucun besoin en assurance vie ou leurs besoins se limitaient à une période temporaire jusqu’à ce que leur enfant atteigne 21 ans. Or, la recommandation de l’intimé pour ces assurances lui a permis de toucher des commissions totalisant 16 481,61 $. Celles-ci s’avèrent beaucoup plus élevées que celles qu’il aurait touchées pour des assurances vie temporaires offrant la même protection. Ainsi, l’intimé n’a certes pas subordonné son intérêt à celui de ses clients lors de la souscription de ces assurances. »

[87]        Au soutien d’une radiation temporaire de six mois, elle a soumis les affaires Faribault, Petit, Thibault et Simard[29].

[88]        L’étude de ces décisions révèle ce qui suit.

[89]        Dans l’affaire Faribault, rendue en février 2009, l’intimé a plaidé coupable sous les six chefs d’accusation de la plainte qui impliquaient un seul couple de consommateurs. Sous cinq d’entre eux, les parties ont recommandé le paiement d’amendes totalisant 8 000 $. Quant au chef 5, relatif au défaut d’avoir subordonné son intérêt, l’intimé avait recommandé au couple le transfert des placements d’une institution à une autre. Au chef précédent, l’intimé a reconnu avoir donné des informations trompeuses ou mensongères concernant les frais applicables résultant de cette transaction. Les clients ont ainsi assumé des frais de rachat de 7 600 $, alors que l’intimé a perçu des commissions de plus de 9 000 $ pour la vente des fonds substitués comportant aussi des frais de rachat, alors qu’il aurait pu, dans les circonstances, les vendre sans frais. La plaignante recommandait un an de radiation. Pour sa part, l’intimé suggérait trois mois alléguant les amendes de 8 000 $ à payer, alors qu’il n’avait pas renouvelé depuis six mois ses certificats et vivait une situation difficile depuis le dépôt de la plainte disciplinaire. Le comité a ordonné la radiation de l’intimé pour six mois.

[90]        L’intimé Petit a plaidé coupable sous les sept chefs d’accusation. Pour chacun des chefs 2 et 6, impliquant deux consommatrices, il a reconnu à la fois avoir fait défaut de subordonner son intérêt et usé d’informations trompeuses pour favoriser la vente de polices d’assurance vie universelle. Petit a été condamné, le 30 juillet 2008, au paiement d’amendes sous les chefs d’ABF, à des radiations de six mois sous deux autres chefs de fausses informations et de dix-huit mois sous les chefs 2 et 6 à la suite des recommandations communes des parties. Pour ces derniers chefs, en plus des quinze ans d’expérience de l’intimé, le comité a souligné que sa conduite professionnelle dénotait une absence de probité et de transparence et qu’il avait cessé d’exercer depuis près de trois ans.

[91]        Ainsi, tant dans Faribault que dans Petit, l’honnêteté des intimés était en cause. En outre, ayant cessé de pratiquer, leurs radiations devenaient somme toute académiques.

[92]        Dans l’affaire Thibault, la plaignante a retiré deux des treize chefs d’accusation contenus dans la plainte. L’intimé se représentait seul sur la culpabilité, rendue en octobre 2013, et était absent lors de la sanction, rendue en juillet 2014. Il a été condamné à des amendes totalisant 18 000 $ sous les trois chefs d’accusation relatifs à des ABF (chefs 1, 5 et 7). Pour le défaut d’avoir subordonné son intérêt à celui de deux consommateurs (chefs 2, 6 et 9), le comité a ordonné la radiation de l’intimé pour une période d’un an. Sa radiation a également été ordonnée pour des périodes variant entre deux et six ans à purger de façon concurrente. Au surplus, le comité a ordonné que cette période de radiation de six ans soit purgée de façon consécutive à celle de cinq ans, totalisant ainsi une période de onze ans de radiation.

[93]        Cette affaire se distingue considérablement du présent cas, ne serait-ce que par l’ampleur des transactions[30], du préjudice subi par les consommateurs, de la rémunération de l’intimé atteignant 800 000 $, sans oublier son nombre d’années d’expérience, l’absence de repentir, la présence de préméditation et d’un antécédent disciplinaire en 2003 qui constituait même une récidive à l’égard de certaines infractions de même nature.

[94]        L’affaire Simard, dont la culpabilité a été rendue en avril 2015 et la sanction en mars 2016, traitait deux plaintes et l’intimé se représentait seul. Alors que la deuxième plainte portait sur un chef d’entrave, la première impliquait deux couples de consommateurs et comportait dix chefs dont un de contrefaçon de signature. Les chefs 4 et 10 concernaient des reproches de même nature que ceux discutés ici. Après avoir recommandé à ses clients de souscrire un prêt investissement, l’intimé leur a fait souscrire des assurances vie pour compenser lesdits prêts advenant un décès. Or, le client impliqué au chef 4 était âgé de 63 ans, n’avait pour scolarité qu’une troisième année et un revenu annuel d’environ 30 000 $. L’assurance de 75 000 $ que l’intimé lui a recommandée s’ajoutait à celle de 200 000 $ qu’il détenait déjà. N’ayant ni les besoins ni les moyens financiers pour une protection supplémentaire, ce client s’est retrouvé avec une couverture d’assurance vie de 275 000 $. Quant au chef 10, le couple a souscrit une assurance vie universelle de 100 000 $ alors qu’il se trouvait en lock-out auprès du même employeur et risquait une perte d’emploi définitive. Les consommateurs étaient ni très fortunés ni très instruits et avaient une situation financière précaire. La recommandation de l’intimé leur a causé un préjudice financier. Alors que la plaignante suggérait une radiation d’un an et l’intimé, une de trois mois, le comité a condamné celui-ci à une radiation de neuf mois, soulignant ses 20 ans d’expérience et la présence d’un antécédent disciplinaire.

[95]       Pour sa part, le procureur de l’intimé a questionné le raisonnement ayant mené à la recommandation de la plaignante pour une radiation de six mois pour ces chefs qui visaient le défaut d’avoir subordonné son intérêt à celui de ses clients en faisant souscrire les polices d’assurance en cause, alors qu’elle a conclu à des réprimandes sous les chefs 2 et 9 portant sur la convenance de ces mêmes assurances.

[96]       Il a rappelé qu’Y.L. et J.Y. ont confié à l’intimé pour investir 2,6 M $ CAD, lesquels ont été placés majoritairement dans des fonds distincts et des fonds communs. Grâce à ses conseils, ils ont profité du meilleur taux d’échange lors de la conversion des devises. La perte de valeur des fonds distincts, et ce, à la suite de la crise financière de 2008, constituait leur principal reproche, mais le comité n’a retenu aucune faute à cet égard.

[97]       De plus, Y.L. et J.Y. ne se sont pas plaints des assurances comme tel, mais plutôt de leur coût élevé. Ils les ont d’ailleurs conservées. Se référant aux relevés et aux illustrations des assurances[31], le procureur de l’intimé a argumenté qu’après l’horizon de seize ans, la valeur de rachat de ces polices se trouvant supérieure aux primes versées, non seulement il y avait récupération de l’investissement, mais un rendement non négligeable dépassant les 60 000 $, sans oublier la protection d’assurance dont Y.L. et J.Y. ont bénéficié toutes ces années. Étant donné le capital de 2,6 M $ CAD, les primes annuelles n’étaient pas, à son avis, exagérées. Enfin, ce produit d’assurance était en accord notamment avec l’objectif du couple de préserver son capital.

[98]       À défaut de la souscription des assurances en cause, il a fait valoir que l’équivalent des primes annuelles d’environ 28 000 $ aurait sans doute été investi par le couple dans des fonds communs ou distincts. Le cas échéant, la rémunération de l’intimé aurait été sensiblement la même que pour la souscription de ces assurances[32].

[99]        Enfin, le procureur de l’intimé a traité des décisions Jacques, Boisvert, Lecours, Gignac, Sagi, Beaudoin, Bégin, Charbonneau, Buenviaje et Vendramini[33] démontrant que la radiation n’est pas la seule sanction pour ce type d’infraction, mais que le paiement d’une amende l’est également.

[100]     Il ressort ce qui suit de l’examen de ces décisions.

[101]    Dans l’affaire Jacques, rendue en avril et juillet 2006, il y a eu débat tant sur la culpabilité que sur la sanction. Bien que la plainte comportait trois chefs, l’intimé a été déclaré coupable sous les deux premiers, dont un pour avoir priorisé ses intérêts à ceux d’une jeune médecin, en lui faisant souscrire, alors qu’elle possédait déjà une assurance vie de 100 000 $, une assurance vie universelle de 2,5 M $ moyennant une prime annuelle de 36 000 $ sur une période de dix ans. Dès la deuxième année, elle a diminué ses dépôts mensuels et a cessé par la suite le paiement des primes. Le contrat a pris fin environ trois ans plus tard. Selon le comité, le volet placement et épargne constituait l’objectif de la cliente, l’assurance étant secondaire. Il y avait absence d’ABF et il s’est avéré que le coût de la partie assurance était trop élevé considérant la situation financière de celle-ci qui a subi une perte d’environ 50 000 $. L’intimé, qui avait au moins 27 ans d’expérience, a touché une commission de plus de 22 000 $. Il a été condamné à une amende de 3 000 $.

[102]    La protection de l’assurance souscrite, l’importance des primes versées ainsi que la commission totalisant près de 16 500 $ perçue en l’espèce par l’intimé se comparent. Cela dit, au moment des infractions, l’intimé n’avait qu’environ quatre ans d’expérience et il avait procédé, bien que de façon incomplète, à une ABF pour le couple Y.L./J.Y. Quant au préjudice causé à ceux-ci, invoqué par la plaignante, il mérite d’être nuancé. Y.L. et J.Y. ont notamment joui d’une protection qu’ils détiennent d’ailleurs toujours, et ils disposent après treize ans[34] d’une valeur de rachat au moins égale aux primes versées, qui leur procure même un certain rendement[35].

[103]    Quant à l’affaire Boisvert, rendue sur culpabilité et sanction respectivement en mai et août 2006, après un débat contradictoire sur la culpabilité, les parties ont présenté des recommandations communes sur sanction totalisant 28 000 $ d’amendes, dont une de 2 000 $ et une de 5 000 $ sous les chefs d’accusation 2 et 11 pour ne pas avoir subordonné son intérêt à celui d’un couple et d’une consommatrice en faisant souscrire des assurances qui ne correspondaient pas à leurs besoins.

[104]    Quant à la décision Lecours, rendue en 2002 et 2003, et celle de Gignac, rendue en juin 2008, de l’avis du comité, elles se révèlent peu utiles en l’espèce. La première étant plutôt laconique, offre peu de comparaison avec les faits du présent dossier. La deuxième ne comporte aucune infraction du même type que les chefs 6 et 11, bien que l’objectif de placement de la cliente s’apparente à celui du couple Y.L./J.Y.

[105]    En ce qui concerne l’affaire Charbonneau, rendue sur culpabilité et sanction respectivement en juillet 2012 et janvier 2013, l’absence d’antécédent disciplinaire et de malhonnêteté, le remboursement à la cliente des sommes investies, la commission minime perçue par l’intimé, le fait d’un acte isolé et un risque de récidive faible, voire nul, l’intimé ayant quitté la profession, sont au nombre des facteurs atténuants. Ainsi, pour une infraction de même nature, le comité a imposé une réprimande au lieu de la radiation de deux mois réclamée par la plaignante. Par ailleurs, l’amende de 5 000 $, soulignée par le procureur de l’intimé en l’espèce, a été imposée plutôt sur l’autre chef relatif au défaut d’ABF.

[106]    Dans les affaires Beaudoin, Bégin et Vendramini, suite aux recommandations communes des parties, le paiement d’amendes de 5 000 $ dans les deux premières et de 3 000 $ dans la troisième a été ordonné pour des infractions analogues à celles en cause. Dans Beaudoin, rendue en mars 2011 et février 2012, l’absence d’antécédent disciplinaire et d’intention malhonnête de l’intimé, sa collaboration à l’enquête et son peu d’expérience sont des facteurs atténuants que l’on retrouve aussi en l’espèce. Toutefois, les faits propres aux deux chefs concernés, dont les ennuis financiers vécus par le consommateur suivant la recommandation de ce représentant et beau-frère, ne peuvent être ignorés. Dans Bégin, rendue en mars 2011, l’intimé a plaidé coupable aux trois chefs d’accusation de la plainte amendée, dont un seul concernait une infraction de même nature. Le paiement d’une amende de 5 000 $ a été ordonné sous chacun des trois chefs, y compris celui d’entrave. Toutefois, la décision développe peu les motifs sous-jacents. Enfin, dans Vendramini, rendue en mars 2015, l’intimé a plaidé coupable aux huit chefs d’accusation de la plainte, un seul portant sur le défaut de subordonner son intérêt. Le couple impliqué était âgé de 75 et 76 ans lors de la souscription d’une assurance vie conjointe, alors que l’ABF ne le supportait pas. Cette assurance payable au deuxième décès était, de ce fait, à l’avantage de la succession seulement. Une amende de 3 000 $ a été ordonnée pour cette infraction.

[107]    Quant à Buenviaje, rendue en janvier 2014, il y a eu un plaidoyer de culpabilité sous les trois chefs de la plainte, mais un seul concernait le défaut d’avoir subordonné son intérêt. Les gestes remontaient à 1998. La cliente désirait placer de façon sécuritaire. Les rendements représentés pour l’assurance vie universelle de 325 000 $ souscrite n’étaient pas au rendez-vous et il y avait pénalité en cas de retrait. Il ne restait plus que 43 000 $ des 125 000 $ investis, reçus en héritage. Néanmoins, grâce aux 40 000 $ compensés par l’assureur, la cliente a pu récupérer 83 000 $ et les a placés ailleurs. D’une part, ont été considérés la commission de 24 000 $ et le préjudice pécuniaire subi par la consommatrice, et d’autre part, le peu d’expérience de l’intimé, l’existence d’un seul événement et d’une seule consommatrice, ainsi que l’absence de malhonnêteté et d’antécédent disciplinaire. L’intervention soutenue de l’intimé pour déceler et faire corriger les erreurs commises par la compagnie à l’égard du contrat afin que sa cliente obtienne un règlement et indemnité a également été prise en compte.

[108]    Bien que le comité, comme avancé par le procureur de l’intimé, ait conclu à une amende de 5 000 $, sa décision a été portée en appel. La Cour du Québec[36] a remplacé cette amende par celle de 15 000 $, recommandée initialement par les parties. Cette affaire confirme que le comité a très peu de marge de manœuvre lorsque les parties lui soumettent des suggestions communes.

[109]    Il est par ailleurs intéressant de noter que pour supporter l’amende de 15 000 $ plutôt qu’une radiation, les parties s’appuyaient notamment sur la décision Prévost[37]. Dans cette affaire, il s’agissait d’une plainte amendée comportant 18 chefs d’accusation. Or, après négociation, il n’en restait que quatre. L’intimé a plaidé coupable et les parties ont recommandé une amende de 15 000 $. Cette dernière affaire illustre combien le comité doit faire preuve de réserve lorsqu’il s’agit de comparer les sanctions imposées dans de tels cas car, comme mentionné par la plaignante, « il y a une histoire en arrière ». Il ne peut donc être accordé à ces décisions le même poids qu’à celles rendues à la suite d’un débat.

[110]    Dans l’affaire Sagi, rendue en décembre 2009, dix des treize chefs d’accusation (1, 2, 6 à 13) reprochaient à l’intimé de ne pas avoir subordonné son intérêt à celui de ses clients en leur faisant souscrire des assurances vie entière 20 ans avec participation capital décès. Les protections d’assurance souscrites totalisaient près de 2 M $ pour le premier consommateur, et de 3 M $ pour le deuxième. L’intimé a touché plus de 110 000 $ en commissions et bonis auxquels s’ajoutent les commissions de renouvellement, la plupart de ces polices étant toujours en vigueur au moment de l’audience en août 2009. Pour chacun de ces dix chefs, l’intimé suggérait le paiement d’une amende de 3 700 $, alors que la plaignante, tenant compte de l’amendement de 2007 à ce titre, proposait une amende de 6 250 $. Le comité a conclu à des amendes totalisant 49 000 $, soit 4 900 $ pour chacun de ces dix chefs.

[111]    Le procureur de l’intimé a fait valoir que dans cette affaire Sagi, en plus d’avoir été souscrit au cours des mêmes années, le produit d’assurance et l’assureur sont les mêmes que ceux dans le présent dossier. Il y a aussi absence de malhonnêteté dans les deux cas, mais plus de douze ans se sont écoulés depuis les infractions reprochées en l’espèce, alors que dans Sagi c’était seulement cinq.

[112]    Ajoutons à ces éléments que Sagi exerçait depuis six et treize ans au moment desdites infractions, alors qu’en l’espèce l’intimé pratiquait depuis quatre ans tout au plus. En outre, le comité dans Sagi a précisé avoir tenu compte :

« [19] (…) du caractère répétitif de ces infractions commises sur une période s’échelonnant de 1997 à 2004.  (…). Aussi, même si ces infractions ne concernent en réalité que deux seuls consommateurs, il n’en reste pas moins que l’intimé a fait défaut de subordonner son intérêt à celui de ses clients à plus de dix reprises ce qui ajoute à la gravité. (…). Ainsi, pour atteindre l’effet dissuasif recherché, le paiement d’une amende de 4 900 $ sur chacun de ces chefs sera ordonné. »

[113]    Comme plaidé par le procureur de l’intimé, à défaut de souscrire à des assurances dans le présent dossier, il est permis de croire que l’équivalent des primes annuelles d’environ 28 000 $ aurait été investi dans des fonds communs ou distincts. Le cas échéant, la rémunération de l’intimé aurait été sensiblement la même que pour la souscription de ces assurances[38].

[114]    Le préjudice causé au couple Y.L./J.Y., invoqué par la plaignante, découle de la différence entre le coût d’une assurance temporaire et celui de l’assurance souscrite. Néanmoins, il mérite d’être nuancé. Tel que soumis par le procureur de l’intimé, Y.L. et J.Y. n’ont subi aucune perte avec ces assurances[39]. Selon l’horizon de seize ans établi pour ces polices, non seulement le couple récupérait son investissement et obtenait un certain rendement[40], mais profitait d’une protection d’assurance toutes ces années. Y.L. et J.Y. les ont conservées et ont continué de verser les primes.

[115]    Compte tenu de ce qui précède et gardant à l’esprit que l’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de châtier, mais de redresser une pratique ou une conduite fautive, le comité condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 6 et lui imposera une réprimande sous le chef 11, estimant ces sanctions justes, adaptées à l’infraction et respectueuses des principes applicables en matière disciplinaire.

        Quant aux chefs d’accusation 13, 15 et 17  – non-convenance de prêt levier (L.M., R.P. et X.C.)

[116]     La plaignante a recommandé la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à purger de façon concurrente, sous chacun de ces chefs. L’intimé a suggéré une amende de 5 000 $ sous le chef 13, et des réprimandes sous les chefs 15 et 17.

[117]    La plaignante a mentionné que les consommateurs L.M., R.P. et X.C. en étaient à leur première expérience avec cette stratégie d’investissement au moyen de prêt levier. Il n’y avait pas d’enquête de crédit requise pour ces « express loan ». Le montant emprunté était choisi en fonction du taux d’intérêt le moins élevé.

[118]    Plus particulièrement, en ce qui concerne L.M. (chef 13), elle a rappelé que celle-ci avait peu de connaissances en placements et était financièrement vulnérable. Elle a aussi subi une perte évaluée par le comité à 11 000 $. Toutefois, il y a eu une entente de confidentialité à la suite d’une médiation tenue par l’AMF.

[119]    Quant au couple R.P./X.C. (chefs 15 et 17), les divergences entre les réponses inscrites aux « KYC » et « Checklist Borrowing to Invest » pour chacun d’eux aux fins de la souscription des fonds distincts amènent la plaignante à conclure à la présence de préméditation de la part de l’intimé.

[120]    Aussi, selon la stratégie que l’intimé leur a proposée, une partie des coûts de leurs emprunts était assumée à même du capital, au moyen d’un retrait mensuel des fonds distincts investis dans le compte non enregistré ouvert pour R.P. en 2006, équivalent aux 20 % annuels permis sans frais. Enfin, dans la plainte déposée à l’AMF, R.P. a allégué une perte de 42 000 $, et X.C., de 37 000 $, la plaignante admettant toutefois qu’il y avait absence de preuve à ce sujet.

[121]    Au soutien de ses recommandations, elle a déposé les décisions Exilus et Simard[41] qui ont respectivement conclu à des radiations de six et cinq mois sur des chefs de même nature.

[122]    D’entrée de jeu, mentionnons que les intimés dans ces deux affaires se représentaient seuls, tant sur culpabilité que sur sanction.

[123]    Dans Exilus, les décisions sur culpabilité et sanction ont été rendues en mai 2012 et janvier 2013. Il y avait 25 chefs d’accusation, dont cinq[42] reprochant à la fois d’avoir fait souscrire en 2005-2006 un contrat de fonds distincts à revenu élevé et un prêt levier, alors que ces produits ne correspondaient pas à la situation financière, à l’objectif de placement ni à la tolérance aux risques de quatre clients distincts. Quatre emprunts de 50 000 $ et un de 15 000 $ ont été contractés, mais aucun client n’avait compris qu’il empruntait. Leurs revenus étaient modestes et un seul occupait un emploi à temps plein. Leurs connaissances en placements étaient inexistantes ou très limitées. Aucune ABF ni profil d’investisseur n’ont été complétés. Les placements ont tous été liquidés avec perte, laissant aux clients un solde d’emprunt à rembourser. Pour ces cinq chefs, la plaignante recommandait une radiation de trois mois, mais le comité, soulignant l’incompétence et la négligence grossière de l’intimé, et considérant son antécédent disciplinaire, a ordonné une radiation de six mois. Des périodes d’un an et de deux ans de radiation ont aussi été imposées à l’intimé pour d’autres infractions.

[124]     Quant au dossier Simard, les décisions ont été rendues en avril 2015 et mars 2016. Ce dossier comportait deux plaintes et impliquait deux couples de consommateurs. La culpabilité de l’intimé a été retenue sur cinq des dix chefs contenus dans la première plainte, dont deux concernaient la souscription en 2006-2007 de prêt levier (chefs 1 et 7) et sur l’unique chef d’accusation contenu à la deuxième plainte qui reprochait une entrave à l’enquête du syndic. Les consommateurs étaient ni très fortunés ni très instruits, vivaient une situation financière précaire, et la recommandation de l’intimé leur a causé un préjudice financier. La plaignante suggérait six mois de radiation et l’intimé, trois mois. Après avoir discuté des affaires Exilus (six mois, quatre clients distincts), D’Aragon (trois mois) et Pollender (trois mois malgré un antécédent), le comité a conclu à une radiation de cinq mois, soulignant l’expérience de plus de vingt ans de l’intimé et la présence d’un antécédent disciplinaire. Des périodes de radiation ont également été ordonnées sous chacun des autres chefs à être purgées concurremment, neuf mois étant la période la plus longue.

[125]    À l’égard de l’affaire Exilus, le procureur de l’intimé a soutenu que le comportement de cet intimé ne se comparait d’aucune façon à celui de son client. Les documents signés par les clients dans cette affaire étaient remplis d’erreurs ou de faussetés[43], et deux des consommateurs impliqués ont témoigné que s’ils référaient à l’intimé des clients, celui-ci leur verserait 5 000 $ après trois mois[44].

[126]    À propos du dossier Simard, il a signalé que la première plainte comportait aussi un chef de contrefaçon de signature, dont on ne pouvait faire abstraction. Quant aux deux chefs de prêt levier, ils impliquaient deux couples :

a)     Le premier couple était âgé de 63 et 60 ans, et approchait de la retraite. Comme il prévoyait cesser de travailler dans un avenir rapproché, cela le plaçait potentiellement dans une situation difficile pour procéder au remboursement de l’emprunt advenant que la valeur ou le rendement du placement diminuait;

b)     Le deuxième couple se trouvait dans une situation financière précaire étant, au moment du prêt en 2007, en grève ou en lock-out auprès du même employeur. Ils ont d’ailleurs perdu leur emploi en 2008. Bien que cette fin d’emploi ne fût pas prévisible, il n’y avait aucune nécessité ou besoin de mettre en place une stratégie d’investissement au moyen d’un prêt levier.

[127]     Comme les consommateurs en l’espèce détenaient entre autres des emplois stables, le procureur de l’intimé a soutenu qu’il ne s’agissait pas du même type de clientèle. De même, contrairement à certains de ces cas, son client a bien expliqué les produits aux consommateurs. Quant aux pertes alléguées par R.P. et X.C., il a rappelé qu’aucune preuve ne les supportait.

[128]    Il a fait valoir que son client avait peu d’expérience avec ce type d’investissement au moment de la commission de ces infractions en 2007-2008. Il a cessé dès 2009 de recommander des prêts leviers, n’y procédant par la suite qu’à la demande de cinq ou six clients avisés. Depuis 2011, l’intimé a cessé de procéder à ce type d’investissement, sauf pour un client.

[129]    Le procureur de l’intimé a plaidé qu’il n’y avait donc aucun risque de récidive ni aucune raison de conclure à une radiation temporaire, comme demandé par la plaignante. Une radiation représenterait la mort professionnelle de son client, alors que la protection du public n’est pas en péril. Aussi, si une radiation lui était imposée, cette sanction serait punitive et non dissuasive.

[130]    Au soutien de ses recommandations pour une amende de 5 000 $ sous le chef d’accusation 13, et d’une réprimande sous chacun des chefs 15 et 17, le procureur de l’intimé a soumis les décisions Rioux, Huot, Fernandez, Lou, Gilbert, Vendramini, Djebbari et Côté[45].

[131]     Les décisions sur sanction dans Rioux et Huot ont été rendues en avril 2004 et 2005 respectivement. Dans Rioux, seuls deux des cinq chefs d’accusation portés contre l’intimé ont été retenus contre lui. Quant à celui relatif à un prêt levier de 30 000 $ souscrit en 1999 et garanti par un placement de 15 000 $, la consommatrice n’avait subi aucune perte de capital. La plaignante a recommandé une amende de 3 000 $, et l’intimé, une de 600 $. Le comité a conclu à une amende de 2 000 $. Notons toutefois que cette amende représentait un peu plus de trois fois l’amende minimale de l’époque.

[132]     Huot, qui se représentait seul, a plaidé coupable sous les sept chefs de la plainte. Un seul chef (chef 5) reprochait la souscription, entre 1999 et 2000, d’un prêt levier de 150 000 $ qui ne convenait pas à la situation financière et personnelle d’un couple. Pour les sanctions, l’intimé s’en est remis à la décision du comité. Ce dernier l’a radié pour une période de trois mois sous un chef de conflit d’intérêts. Sous les autres chefs d’accusation, donnant suite aux recommandations de la plaignante, il l’a condamné au paiement d’amendes totalisant 6 500 $, dont 1 500 $ pour l’infraction de prêt levier, ainsi qu’à deux réprimandes.

[133]     Quant à la décision Fernandez, rendue en novembre 2013, l’intimé étant absent, son procureur a déposé sous le seul chef d’accusation de la plainte un plaidoyer de culpabilité en son nom. Les 75 000 $, empruntés en 2007 par la consommatrice au moyen d’un prêt levier, ont été placés dans un fonds de marché monétaire canadien. N’ayant obtenu aucun rendement, la cliente y a mis fin après deux ans. Elle avait payé plus de 7 000 $ en intérêts et une pénalité s’élevant à près de 2 500 $. Ce placement dans les fonds de marché monétaire ne pouvait répondre au but recherché par cette stratégie de prêt levier. L’intimé avait plus de douze ans d’expérience, sans antécédent disciplinaire. Donnant suite à la recommandation commune des parties, le comité l’a condamné à une amende de 4 000 $, précisant que l’intimé avait fait fi de la répartition des placements que le profil exigeait et, malgré plusieurs occasions de corriger son erreur, il a négligé de le faire. La suite des événements a démontré qu’il ne comprenait pas les mécanismes du prêt levier ni les conditions qui s’y rattachaient, induisant ainsi sa cliente en erreur.

[134]     La décision Lou a été rendue en mai 2014. L’intimé a plaidé coupable sous deux des trois chefs d’accusation contenus dans la plainte, le premier ayant été retiré. Au moment de la souscription du prêt levier de 100 000 $ en 2007 visé par le chef 3, le consommateur était sans travail depuis le mois d’août 2007 et l’a été jusqu’à la fin 2008. Il possédait moins de 5 000 $ dans l’ensemble de ses comptes de banque. Il a conservé son prêt et l’investissement jusqu’au mois de mars 2012. Même si, une fois les frais acquittés, l’investissement s’élevait à environ 112 000 $, il a quand même subi une perte évaluée à près de 2 600 $. L’intimé a commencé à exercer en juillet 2006, et avait donc moins d’un an de pratique au moment des événements. Suite à des recommandations communes, une amende de 5 000 $ a été imposée à l’intimé tant pour ce chef que pour celui relatif à l’ABF.

[135]     Dans l’affaire Gilbert, rendue en avril 2013, l’intimé a plaidé coupable. Les trois chefs d’accusation de la plainte visaient un seul consommateur et un chef seulement concernait un prêt levier de 65 000 $, contracté en 2007. L’intimé exerçait depuis plus de 17 ans et n’avait aucun antécédent disciplinaire. Comme directeur de division de son cabinet, il avait une responsabilité plus grande, car participant à ce titre à la formation de futurs représentants. Le consommateur avait peu de connaissances en placements et gagnait seul le revenu du couple. Un règlement est intervenu avec le Groupe Investors, de sorte que les intérêts versés sur ce prêt lui ont été remboursés. Bien que le prêt REÉR reproché au troisième chef ait causé un préjudice de 10 000 $ au client, suite aux recommandations communes, seule une réprimande a été imposée à l’intimé pour ce dernier chef et une amende de 5 000 $ pour celui du prêt levier.

[136]     Notons que, dans cette affaire Gilbert de 2013, la plaignante y indique qu’une amende pour ce type d’infraction représente une certaine constance, même si parfois des radiations de deux ou trois mois ont été imposées[46].

[137]     La décision Vendramini a été rendue en mars 2015. Sur les huit chefs d’accusation, un seul concernait un prêt levier de 50 000 $, souscrit en 2006. Cette stratégie ne convenait pas au profil d’investisseur du consommateur alors âgé de 79 ans. L’intimé a plaidé coupable et les parties ont recommandé conjointement des amendes totalisant 25 000 $, dont une de 5 000 $ sous ce chef de prêt levier.

[138]     Dans l’affaire Djebbari, rendue en octobre 2015, il y avait neuf chefs d’accusation visant trois consommateurs. La dernière infraction remontait en 2011. Un seul chef concernait un prêt levier de 50 000 $ contracté en 2007, alors que l’intimé n’avait que cinq ans d’expérience. Il a participé au remboursement des pertes subies par le consommateur impliqué. L’intimé a plaidé coupable et, suite aux recommandations communes, sur des amendes totalisant 17 000 $, une amende de 5 000 $ lui a été imposée sous ce chef.

[139]     Dans Côté, la décision a été rendue en octobre 2017. Les quatre chefs d’accusation impliquaient un consommateur. Le premier chef concernait un prêt levier de 100 000 $ souscrit en janvier 2008. Les trois autres étaient relatifs à des prêts REÉR de 17 000 $, 10 000 $ et 9 500 $ respectivement souscrits en septembre 2008, en février 2009 et 2010. L’intimé a plaidé coupable et, suite aux recommandations communes, une amende de 5 000 $ a été imposée sous chacun des deux premiers chefs et des réprimandes sous les deux derniers. Parmi les facteurs aggravants évoqués, il y avait la répétition de la faute à quatre reprises entre 2008 et 2010 et le préjudice causé à Investors qui a indemnisé partiellement le consommateur. Quant aux facteurs atténuants, ont été mentionnés, le fait que l’intimé n’avait que trois ans d’expérience au moment des infractions et que sept à neuf ans s’étaient écoulés depuis celles-ci, l’absence d’antécédent disciplinaire et d’avantage tiré par l’intimé qui a remboursé ses commissions. Enfin, pour la plaignante, l’affirmation de l’intimé voulant qu’il ait modifié sa pratique faisait en sorte qu’il présentait un faible risque de récidive.

[140]    Ainsi, il ressort de l’ensemble des décisions soumises par les parties que tant une radiation que le paiement d’une amende sont ordonnés pour ce type d’infraction.

[141]    À l’exception des affaires Rioux et Huot qui remontent déjà à plus de treize ans et dont les infractions ont été commises au cours de 1999 et 2000, ces décisions ont été rendues entre 2013 et 2017 pour des infractions commises entre 2006 et 2008, comme dans le présent dossier.

[142]     Dans les affaires Exilus et Simard ayant conclu à une période de radiation, les intimés se représentaient seuls. Aussi, outre celles signalées par le procureur de l’intimé, plusieurs distinctions s’imposent avec le présent dossier. Exilus possédait plus de quinze ans d’expérience et un antécédent disciplinaire. Il a commis ce type d’infraction à cinq reprises à l’égard de quatre clients. Non seulement son incompétence et sa négligence grossière ont été soulignées, mais en plus d’une radiation de six mois pour les infractions similaires, le comité l’a radié pour une et deux années sous d’autres infractions. Quant à Simard, en plus d’un antécédent disciplinaire, il exerçait depuis plus de vingt ans au moment des événements. Hormis sa radiation de cinq mois pour les infractions de même nature qu’en l’espèce, il a été radié pour diverses périodes sous chacun des autres chefs dont celui d’entrave, neuf mois étant la période la plus longue.

[143]     Rappelons que chaque cas est un cas d’espèce, ayant ses particularités notamment quant aux éléments générateurs de l’infraction et aux éléments subjectifs liés à la personne qui l’a commise.

[144]     Qu’en est-il dans le présent dossier des faits pertinents relatifs à la souscription de prêt levier aux fins d’investissement par L.M., R.P. et X.C., impliqués aux chefs d’accusation 13, 15 et 17 respectivement ?

[145]    Le 15 septembre 2008, l’intimé a recommandé à L.M. d’investir au moyen d’un « express loan » de 100 000 $. Ce type de prêt ne requérait pas d’enquête de crédit et le montant emprunté a été établi en fonction du taux d’intérêt le moins élevé.

[146]    Comme il a été conclu sur culpabilité, même en l’absence de directives de l’AMF ou abstraction faite des ratios définis par l’industrie, cette stratégie d’investissement au moyen de prêt levier ne convenait pas à la situation personnelle et financière de L.M.

[147]    La vulnérabilité de celle-ci, telle qu’alléguée par la plaignante, mérite toutefois d’être nuancée. L.M. voulait manifestement faire de l’argent. Déjà au cours de 2006 et 2007, lorsqu’ils se croisaient au Service à la famille chinoise du Grand Montréal (SFCGM), elle avait mentionné à l’intimé son grand désir d’investir. C’est aussi elle qui l’a sollicité, d’où leurs deux rencontres à ce sujet en septembre 2008.

[148]    L.M. était instruite, parlait très bien français et anglais, en plus du mandarin, avait un revenu stable et une certaine connaissance des placements en possédant certains auprès d’Investors. Aussi, il a été démontré que l’intimé lui a expliqué cette stratégie d’investissement, les coûts d’emprunt, les conditions du prêt et les pénalités advenant le retrait avant six ans des fonds distincts investis.

[149]    Néanmoins, le degré de gravité de cette infraction à l’égard de L.M. est important. Ses capacités financières étaient limitées, d’autant plus qu’elle avait une fille de dix-huit ans toujours aux études et à sa charge. L’intimé se devait de calmer ses ardeurs à investir au moyen d’un emprunt, sans compter qu’il ne pouvait ignorer l’instabilité qui affectait déjà les marchés financiers en septembre 2008.

[150]    L’intimé a perçu 2 500 $ en commissions sur les placements effectués pour L.M., alors que celle-ci a subi un préjudice pécuniaire évalué par le comité aux alentours de 11 000 $. Selon la plaignante, une entente de confidentialité a été conclue entre les parties dans le cadre d’une médiation avec l’AMF[47], mais dont l’issue demeure inconnue.

[151]    Quant à R.P. et X.C., les prêts leviers ont été souscrits en mars 2007.

[152]    Ces consommateurs se sont révélés non seulement intelligents, mais exigeants. Ils étaient instruits, avaient de bons revenus et détenaient déjà des placements pour lesquels leurs connaissances ont été qualifiées de bonnes. X.C. avait au surplus acquis une certaine expérience, ayant investi lui-même via son « Self Directed Account » qu’il détenait à la TD Canada Trust.

[153]    Le comité ne peut ignorer que c’est le couple ou plus précisément R.P. qui, voulant faire plus d’argent et ayant des amis qui avaient procédé à ce type d’investissement, a contacté l’intimé pour ce faire. Comme pour L.M., l’intimé leur a fourni toutes les explications nécessaires liées à cette stratégie d’investissement, et R.P. et X.C. les avaient bien comprises.

[154]    Néanmoins, l’intimé a surévalué la capacité de R.P. et X.C. et a mis en place une stratégie complexe pour le paiement des intérêts, qui risquait de mettre en péril leur sécurité financière.

[155]     Il a perçu des commissions de 5 000 $ pour les placements souscrits avec les emprunts de R.P. et de X.C., mais il y a absence de preuve quant à un préjudice financier pour ces derniers.

[156]     Comme maintes fois mentionné, cette stratégie d’investissement au moyen d’un emprunt n’est pas à la portée de tous, mais s’avère plutôt sophistiquée. Elle doit être réservée à une clientèle ayant une bonne tolérance aux risques et dont la situation financière permet de faire face à des fluctuations, même importantes dans les marchés financiers, d’où la publication par l’AMF en 2009 de directives à ce propos.

[157]     Rappelons que ce n’est qu’à la suite d’un Programme de prêt investissement, mis sur pied en 2007 par la Banque Nationale du Canada (BNC) et par London Life, que l’intimé a commencé à offrir ce type d’investissement au moyen de prêts leviers.

[158]     L’intimé s’est révélé un jeune professionnel ambitieux à l’époque des événements reprochés. Il a depuis acquis plusieurs années d’expérience. Le comité n’a pas de raison de douter de son témoignage voulant qu’il ait cessé, à partir des Directives émises par l’AMF en 2009, de proposer cette stratégie d’investissement à ses clients, ni qu’il y ait procédé par la suite qu’à la demande de certains qui en avaient l’expérience. À compter de 2011, il a cessé ce type d’investissement, sauf pour un seul client. De l’avis du comité, le risque de récidive s’avère ainsi plutôt faible, voire nul.

[159]     Aussi, la mise en vigueur par son cabinet en février 2012 suivie d’une mise à jour en octobre 2014 du document « Compliance program »[48], faisant état des différents formulaires à remplir et exigences concernant les explications à fournir aux clients devant être signés par ces derniers et transmis à London Life, contribue sans nul doute à une meilleure pratique par l’intimé et ses employés.

[160]     Par son témoignage, l’intimé a démontré avoir réalisé la gravité de ses gestes et avoir saisi la leçon à en tirer. Il a également exprimé des regrets sincères.

[161]     Il y a absence d’antécédent disciplinaire. Près de dix ans se sont écoulés depuis la dernière infraction et aucune autre plainte n’a été déposée contre lui.

[162]    De plus, l’expérience du présent processus disciplinaire, combiné aux coûts qu’il engendre pour l’intimé, sont certes de nature dissuasive.

[163]     Les consommateurs impliqués dans le présent dossier sont tous d’origine chinoise. Non seulement l’intimé désire continuer à exercer la profession au sein de son propre cabinet, mais sa clientèle est majoritairement chinoise et au moins la moitié ne parle ni l’anglais ni le français. Il a témoigné qu’il perdrait vraisemblablement celle-ci s’il devait purger une période de radiation, ce qui menacerait la survie de son cabinet et risquerait de mettre fin à sa carrière.

[164]     Comme déjà mentionné, la sanction que le comité impose doit être proportionnelle à la gravité du manquement qui est reproché à l’intimé et tenir compte des particularités de sa situation, sans chercher cependant à le punir.

[165]    Avec respect pour l’opinion contraire, tenant compte des objectifs de la sanction et des paramètres jurisprudentiels, le comité estime que l’amende est la sanction qui convient en l’espèce.

[166]    Lors de la détermination de l’amende, le comité doit tenir compte du « préjudice causé aux clients et des avantages tirés de l’infraction »[49]. Toutefois, « la sanction globale envisagée ne doit pas être accablante »[50].

[167]    Aussi, comme énoncé par la Cour du Québec dans l’affaire Martel[51], en vertu du principe de la globalité, le comité ne peut ignorer les déboursés substantiels que l’intimé aura à défrayer en raison notamment de la durée des débats sur culpabilité et des frais d’experts.

[168]    Non seulement l’intimé a témoigné avoir saisi l’importance de ses fautes, mais comme plaidé par son procureur, l’ampleur du présent processus disciplinaire est certes de nature à le dissuader de recommencer.

[169]     Pour ces motifs, le comité condamnera l’intimé au paiement d’une amende de
10 000 $ sous le chef d’accusation 13, de 5 000 $ sous le chef 15, et lui imposera une réprimande sous le chef 17.

DÉBOURSÉS

[170]    L’intimé a demandé le partage à parts égales des déboursés. À cet égard, la plaignante a rappelé la règle habituelle de la proportionnalité, laissant cependant le tout à la discrétion du comité.

[171]     Selon cette règle, cela équivaut aux 13/17 des déboursés, l’intimé ayant été déclaré coupable sous treize des dix-sept chefs d’accusation.

[172]     Le procureur de l’intimé a également plaidé qu’il y avait lieu de considérer le défaut de la plaignante d’obtenir la traduction des notes de l’intimé et de donner suite à la lettre de London Life et du procureur de l’intimé lui réclamant d’être entendue par elle.

[173]     Il va sans dire que la traduction des notes manuscrites de l’intimé en langue chinoise ainsi que celle des courriels échangés entre l’intimé et le couple Y.L./J.Y. s’avérait certes utile pour se prononcer sur les ABF visées par les chefs d’accusation
1 et 8, ainsi que sur les documents faisant l’objet des chefs 7 et 12.

[174]     L’absence de traduction ou la traduction parcellaire notamment des notes manuscrites de l’intimé a augmenté considérablement la durée des témoignages pertinents.

[175]     Ce dossier a nécessité vingt-deux jours d’audition, dont deux sur sanction. Les services d’interprètes et d’experts ont aussi été requis, sans compter la transcription des notes sténographiques. Les déboursés représentent sans aucun doute un coût fort élevé.

[176]     Considérant que l'intimé sera également condamné à payer des amendes totalisant 35 000 $, le comité estime justifié de diminuer la proportion des déboursés à être défrayés par l’intimé à 11/17.

[177]    Quant à la demande de l’intimé d’exclure les honoraires de l’interprète ayant agi à l’audience du 15 novembre 2013, elle sera accueillie. Il était de la responsabilité de la plaignante d’obtenir les services d’un interprète compétent. Aussi, le comité ordonnera que les honoraires de ce dernier soient soustraits de l’ensemble des déboursés à partager.

DEMANDE DE DÉLAI POUR LE PAIEMENT DES AMENDES

[178]    En ce qui concerne la demande de l’intimé d’étaler le paiement desdites amendes sur une période de douze mois, elle sera accueillie selon les modalités suggérées par la plaignante, soit payables par versements mensuels consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du terme.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion de toute information de nature financière ou économique concernant les consommateurs Y.L. et J.Y. impliqués dans la présente plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des chefs  d’accusation 1, 6, 7, 14 et 15, pour un total de 25 000 $;

CONDAMNE l’intimé, sous le chef d’accusation 13, au paiement d’une amende de 10 000 $;

IMPOSE à l’intimé, sous chacun des chefs d’accusation 2, 8, 9, 11, 12, 16 et 17, une réprimande;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze mois pour le paiement des dites amendes, payables par versements mensuels consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du terme;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés dans une proportion de 11/17, soustraction faite des frais de l’interprète ayant agi à l’audience du 15 novembre 2013, le tout conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions
(RLRQ, c. C-26).

 

 

 

(S) Janine Kean_____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) BGilles Lacroix____________________

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

Les 18 et 19 avril 2018

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 ANNEXE A

AUTORITÉS de la partie plaignante

 

Chefs 1 et 8 :

        CSF c. Villeneuve, 2016 CanLII 52231 (QC CDCSF) (Onglet 2).

        CSF c. Corriveau, 2016 QCCDCSF 54 (CanLII) (Onglet 3).

Chefs 6 et 11 :

         CSF c. Petit, 2008 CanLII 38377 (QC CDCSF) (Onglet 4).

         CSF c. Faribault, 2009 CanLII 4271 (QC CDCSF) (Onglet 5).

         CSF c. Thibault, 2013 CanLII 73212 (QC CDCSF) (Onglet 6).

         CSF c. Simard, 2015 CanLII 21667 (QC CDCSF) (Onglet 8).

Chef 13, 15 et 17 :

         CSF c. Exilus, 2012 CanLII 97197 (QC CDCSF) (sanction janvier 2013) (Onglet 7).

         CSF c. Simard, 2015 CanLII 21667 (QC CDCSF) (sanction mars 2016) (Onglet 8).

Chefs 7 et 12 :

        CSF c. Pitre, 2012 CanLII 97182 (QC CDCSF) (Onglet 9).

        CSF c. Nemeth, 2015 QCCDCSF 24 (CanLII) (Onglet 10).

        CSF c. Chaunt, 2016 CanLII 45718 (QC CDCSF) (Onglet 11).

        CSF c. Belle, 2016 CanLII 30449 (QC CDCSF) (Onglet 12).

Chefs 14 et 16 :

         CSF c. Villeneuve, 2016 CanLII 52231 (QC CDCSF) (Onglet 2).

         CSF c. Corriveau, 2016 QCCDCSF 54 (CanLII) (Onglet 3).


ANNEXE B

AUTORITÉS de la partie intimée

 

Chefs 2 et 9 :

        CSF c. Leclerc et Bonnici, 2015 QCCDCSF 46 (CanLII). (Onglet 1)

        CSF c. Jacques, CD00-0555, décisions sur culpabilité du 28 avril 2006 et sur sanction du 31 juillet 2006. (Onglet 2)

        CSF c. Boisvert, 2006 CanLII 59856 (QC CDCSF). (Onglet 3)

        CSF c. Fortin, 2010 CanLII 99837 (QC CDCSF). (Onglet 4)

        CSF c. Roy, 2014 CanLII 13311 (QC CDCSF). (Onglet 5)

Chefs 6 et 11 :

        CSF c. Lecours, CD00-0401, décisions sur culpabilité du 27 août 2002 et sur sanction du 21 août 2003. (Onglet 6)

        CSF c. Jacques, CD00-0555, décisions sur culpabilité du 28 avril 2006 et sur sanction du 31 juillet 2006. (Onglet 2)

        CSF c. Gignac, CD00-0693, décision sur culpabilité et sanction du 4 juin 2008. (Onglet 7)

        CSF c. Sagi, CD00-0751, décision sur culpabilité et sanction du 17 décembre 2009. (Onglet 8)

        CSF c. Beaudoin, CD00-0765, décisions sur culpabilité du 18 mars 2011 et sur sanction du 3 février 2012. (Onglet 9)

        CSF c. Bégin, CD00-0827, décision sur culpabilité et sanction du 31 mars 2011. (Onglet 10)

        CSF c. Charbonneau, CD00-0858, décisions sur culpabilité du 30 juillet 2012 et sur sanction du 22 janvier 2013. (Onglet 11)

        CSF c. Buenviaje, CD00-0963, décision sur culpabilité et sanction du 3 janvier 2014. (Onglet 12)

        CSF c. Vendramini, 2015 QCCDCSF 10 (CanLII). (Onglet 13)

Chefs 13, 15 et 17 :

        CSF c. Rioux, CD00-0455, décisions sur culpabilité du 17 juillet 2003 et sur sanction du 6 avril 2004. (Onglet 14)

        CSF c. Huot, CD00-0562, décision sur culpabilité et sanction du 26 avril 2005. (Onglet 15)

        CSF c. Fernandez, 2013 CanLII 75606 (QC CDCSF). (Onglet 16)

        CSF c. Lou, CD00-0918, décision sur culpabilité et sanction du 23 mai 2014. (Onglet 17)

        CSF c. Gilbert, CD00-0944, décision sur culpabilité et sanction du 3 avril 2013. (Onglet 18)

        CSF c. Djebbari, 2015 QCCDCSF 53 (CanLII). (Onglet 19)

        CSF c. Côté, 2017 QCCDCSF 70 (CanLII). (Onglet 20)

Chefs 7 et 12 :

        CSF c. Trudeau, 2017 QCCDCSF 65 (CanLII). (Onglet 21)

        CSF c. Lévesque, 2016 QCCDCSF 21 (CanLII) pour la culpabilité et 2017 QCCDCSF 30 pour la sanction. (Onglet 22)



[1] Le troisième membre du comité, M. Michel Gendron, étant dans l’impossibilité d’agir, la présente décision est rendue par les deux autres membres, conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et à l’article 118.3 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

[2] Il a été acquitté sous les chefs d’accusation 3, 4, 5 et 10.

[3] Au sein de London Life de novembre 2001 à septembre 2005 et, par la suite, de son propre cabinet, bien que faisant toujours affaire avec London Life pour l’assurance et, en épargne collective, rattaché à Quadrus.

[4] SDLY-81.

[5] SDLY-82 A, mis à jour le 8 octobre 2014. L’original comportant environ 127 pages, l’intimé s’est limité aux passages qu’il considérait les plus pertinents au présent dossier.

[6] SDLY-82 B.

[7] SDLY-82 E.

[8] SDLY-82 C et D.

[9] SDLY-82 B.

[10] Voir Annexe A.

[11]cision sur culpabilité, paragr. 272.

[12] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), paragr. 38.

[13] Voir Annexe B.

[14] Décision sur culpabilité, paragr. 226.

[15] Pigeon c. Daigneault, préc. note 12.

[16] Témoignage de l’intimé et courriel du 14 septembre 2012 (SDLY-82 B).

[17] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[18] CSF c. Goyette, CD00-1162, décision sur sanction du 10 juillet 2017, paragr. 32.

[19] SDLY-82.

[20] Voir Annexe A.

[21] CSF c. Chaunt, paragr. 37.

[22] Voir Annexe B.

[23] CSF c. Trudeau, paragr. 75 et 76.

[24] CSF c. Lévesque, paragr. 16.

[25] Pigeon c. Daigneault, préc., note 12, paragr. 37.

[26] P-16.

[27] P-17 à P-24.

[28] CSF c. Wang, 2017 QCCDCSF 44 (CanLII).

[29] Annexe A.

[30] L’intimé leur a fait souscrire des polices d’assurance vie universelle oscillant entre 2 M $ et 10 M $. Ses commissions s’élevaient à environ 482 000 $, 224 000 $ et 192 000 $. Le comité a qualifié de périlleux et de coûteux les produits d’assurance vie universelle souscrits par le premier consommateur (déc. culp., paragr. 166), et a évalué à 208 000 $ la perte subie par le deuxième consommateur (déc. culp., paragr. 213).

[31] S-DLY-76 à S-DLY-80.

[32] S-DLY-81 - Tableau comparatif, fourni par l’intimé, des commissions perçues à la suite des assurances souscrites en l’espèce et celles qui auraient été perçues advenant le placement de l’équivalent des primes sans supplément du capital investi, lequel indique une différence négligeable.

[33] Annexe B.

[34] À la date d’audience sur sanction.

[35] SDLY-77, SDLY-78 et SDT-1.

[36] CSF c. Buenviaje, 2015 QCCQ 2078, jugement du 13 mars 2015.

[37] Rioux c. Prévost, CD00-0589, décision sur culpabilité et sanction corrigée du 11 mai 2011.

[38] S-DLY-81.

[39] Après treize ans, soit à la date d’audience sur sanction, la valeur de rachat est au moins égale aux primes versées.

[40] SDLY-77, SDLY-78 et SDT-1.

[41] Annexe A.

[42] CSF c. Exilus, chefs d’accusation 3, 7, 11, 17 et 23.

[43] CSF c. Exilus, décision sur culpabilité, paragr. 32.

[44] CSF c. Exilus, décision sur culpabilité, note de bas de page 1.

[45] Annexe B.

[46] CSF c. Gilbert, paragr. 12.

[47] Plan d’argumentation de la plaignante sur sanction.

[48] SDLY-82 A.

[49] Article 376 de la LDPSF.

[50] CSF c. Exilus, 2012 CanLII 97197 (CDCSF), paragr. 10.

[51] Martel c. CSF, 2012 QCCQ 90.

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