Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1169

 

DATE :

 21 décembre 2018

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Alain Gélinas

M. Benoît Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Président

Membre

Membre

_____________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

ANDRÉ LEROUX, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 134882)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-accessibilité et de non-publication des pièces P-3 à P-20, et ce, dans le but d’assurer la protection de la vie privée des consommateurs, de leurs nom et prénom et toute information permettant de les identifier.

 

[1]           Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s’est réuni pour procéder à l'audition sur culpabilité et sanction de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé. La plainte se lit comme suit :

LA PLAINTE

À l’égard de L.R.

1.    Dans la province de Québec, le ou vers le 2 juin 2015, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de son client L.R. la somme de 60  000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

2.    Dans la province de Québec, le ou vers le 2 juin 2015, l’intimé a fait de fausses représentations auprès de son client L.R. pour obtenir de lui un prêt de 60 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

3.    Dans la province de Québec, le ou vers le 6 août 2015, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de son client L.R. la somme de 40  000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

4.    Dans la province de Québec, le ou vers le 6 août 2015, l’intimé a fait de fausses représentations auprès de son client L.R. pour obtenir de lui un prêt de 40 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

5.    Dans la province de Québec, le ou vers le 14 août 2015, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de son client L.R. la somme de 35  000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

6.    Dans la province de Québec, le ou vers le 14 août 2015, l’intimé a fait de fausses représentations auprès de son client L.R. pour obtenir de lui un prêt de 35 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

À l’égard de A.C.

7.    Dans la province de Québec, le ou vers le 21 mai 2015, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de son client A.C. la somme de 50  000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

8.    Dans la province de Québec, le ou vers le 21 novembre 2015, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 50 000 $ qu’il a empruntée de son client A.C. le ou vers le 21 mai 2015, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

9.    Dans la province de Québec, le ou vers le 18 juin 2015, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de son client A.C. la somme de 40  000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

10. Dans la province de Québec, le ou vers le 2 août 2015, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 40 000 $ qu’il a empruntée de son client A.C. le ou vers le 18 juin 2015, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

11. Dans la province de Québec, le ou vers le 26 juin 2015, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de A.C. la somme de 50 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

12. Dans la province de Québec, le ou vers le 26 octobre 2015, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 50 000 $ qu’il a empruntée de son client A.C. le ou vers le 26 juin 2015, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

13. Dans la province de Québec, le ou vers le 10 juillet 2015, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de son client A.C. la somme de 30  000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

14. Dans la province de Québec, le ou vers le 10 septembre 2015, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 30 000 $ qu’il a empruntée de son client A.C. le ou vers le 10 juillet 2015, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

15. Dans la province de Québec, le ou vers le 15 octobre 2015, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant de son client A.C. la somme de 20  000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

16. Dans la province de Québec, le ou vers le 1er décembre 2015, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 20 000 $ qu’il a empruntée de son client A.C. le ou vers le 15 octobre 2015, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[2]           La plaignante était représentée par Me Mathieu Cardinal et l’intimé se représentait personnellement lors de l’audience.

[3]           L’intimé a fait l’objet d’une radiation provisoire prononcée le 13 janvier 2016.

[4]           L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité sur tous les chefs mentionnés à la plainte. Il a reconnu avoir eu l’occasion de consulter son avocat sur les conséquences du plaidoyer. Il fut déclaré coupable par le Comité séance tenante sous les seize (16) chefs d’infraction.

[5]           Le Comité procéda par la suite aux représentations sur sanction.

[6]           Les pièces P-2 à P-20 ont été déposées de consentement.

RECOMMANDATIONS COMMUNES DES PARTIES

[7]           Les parties ont présenté des recommandations communes au Comité.

[8]           Pour chacun des chefs 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13 et 15, les parties ont recommandé une radiation temporaire de dix (10) ans. Ces chefs reprochent à l’intimé de s’être placé en situation de conflit d’intérêts en empruntant des sommes d’argent de ses clients. Ces radiations seront purgées de manière concurrente.

[9]           Pour les chefs 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14 et 16, les parties ont recommandé une radiation permanente. Les chefs 2, 4 et 6 reprochent à l’intimé d’avoir fait de fausses représentations afin d’obtenir lesdits prêts. Les chefs 8, 10, 12, 14 et 16 reprochent à l’intimé de s’être approprié les fonds d’A.C.

[10]        Les parties ont recommandé de plus la publication d’avis pour les radiations temporaires et le paiement des frais.

[11]        La majorité des faits se retrouvent à la décision de radiation provisoire. Nous allons en faire un simple résumé.

RÉSUMÉ DES FAITS

[12]        De manière globale l’intimé a fait de fausses représentations à ses clients L.R. et A.C. au sujet d’une occasion d’affaire qui pouvait leur rapporter des revenus élevés et rapides.

[13]         En vérité, alors qu’il était insolvable, l’intimé a contracté des prêts auprès de ses clients pour ensuite faire un usage personnel des fonds.

[14]        Ses clients n’ont pas été remboursés.

[15]        Avant la radiation provisoire, l’intimé avait une inscription en assurance[1].

[16]        L’intimé a été congédié par son employeur à la suite de la découverte de prêts contractés avec le premier client, L.R.[2].

Les prêts accordés par L.R.

[17]        Les contrats de prêts ont été déposés en preuve lors de l’audition sur culpabilité et sanction.

[18]        Les chefs 1 et 2 visent un prêt de 60 000 $ portant intérêt au taux de 1.75% mensuellement et constaté par la pièce P-4. À ce prêt de 60 000 $, un montant de 40 000$ sera ajouté. Ces deux prêts ont été consolidés pour un prêt total de 100 000 $ portant intérêt au taux de 2% mensuellement. L’intimé a remis au client des chèques postdatés[3].

[19]        À l’égard des chefs 5 et 6, on retrouve la pièce P-6 qui fait état d’un autre prêt de 35 000$ accordé par le client L.R. pour un terme d’un mois.

[20]        Les montants des prêts ont été déposés dans le compte bancaire personnel de l’intimé, tel qu’il appert de la pièce P-7.

[21]        Des chèques postdatés ont été retournés par la banque au client L.R. en raison d’une insuffisance de fonds[4]. Alerté par cette situation, ce dernier a tenté sans succès de joindre l’intimé. Par la suite, le client L.R. a pris contact avec l’employeur de l’intimé[5].

[22]        Le procureur de la plaignante a souligné que la syndique n’a pas déposé de chef d’appropriation de fonds à l’égard du premier client L.R., compte tenu du fait que ce dernier a accepté de signer à nouveau des contrats de prêt avec l’intimé. Les nouveaux contrats de prêt portent intérêt au taux de 2% annuellement et demeureront en vigueur tant que les prêts ne sont pas remboursés[6]. Les prêts ont malgré tout été faits sous de fausses représentations.

Les prêts accordés par A.C.

[23]        Le deuxième client, A.C., a quant à lui accordé cinq (5) prêts à l’intimé.

[24]        Le premier prêt de 50 000 $ est pour une durée de six (6) mois et porte intérêt au taux de 2% mensuellement. Six (6) chèques postdatés sont remis par l’intimé au client[7].

[25]        Un deuxième prêt de 40 000 $ a été fait par le client A.C. pour une durée de 45 jours et porte intérêt au taux de 4% pour la durée du contrat[8].

[26]        Un montant de 50 000 $ a par la suite été prêté à l’intimé[9]. Ce troisième prêt est pour une durée de quatre (4) mois et porte intérêt au taux de 2% mensuellement. L’intimé a remis une série de chèques postdatés à A.C.

[27]        Le quatrième prêt a été fait pour une durée de deux (2) mois, au taux de 2% mensuellement, et ce, pour un montant de 30 000 $[10].

[28]        Finalement, le dernier prêt de 20 000 $ pour un terme de 45 jours porte intérêt au taux de 2% mensuellement. Ce prêt a été accordé après le congédiement de l’intimé.

Usage personnel des fonds prêtés

[29]        En liasse, la pièce P-16 démontre que les fonds ont effectivement été remis à l’intimé.

[30]        Les pièces P-7 et P-18 démontrent également que l’intimé a fait un usage personnel des fonds prêtés. Les montants étaient déposés dans le compte de l’intimé et presque aussitôt retirés par celui-ci. On remarque des retraits importants en argent comptant. Un montant de 40 000$ a même été épuisé en une seule semaine. L’intimé n’a pas pu expliquer à la syndique l’usage qu’il en a fait.

[31]        L’intimé aurait même tenté d’obtenir, après son congédiement, d’autres fonds du premier client L.R.[11].

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[32]        Pour la plaignante, les facteurs aggravants sont les suivants :

        La gravité objective des infractions ;

        L’importance de sommes engagées ;

        La répétition des gestes commis (huit (8) prêts) ;

        Le préjudice causé aux clients. Ces derniers n’ont pas été remboursés à l’exception de montant d’intérêts versé aux clients au début des prêts, et ce,  pour les mettre en confiance afin d’obtenir des montants additionnels ;

        Le mensonge de l’intimé à l’égard de ses clients ;

        La malhonnêteté de l’intimé : il savait qu’il serait incapable de rembourser les fonds empruntés ;

        L’incapacité d’expliquer à la syndique l’usage des fonds empruntés ;

        Le risque de récidive, car il n’a pas réglé ses problèmes d’argent.

[33]        Le procureur de la plaignante note toutefois les facteurs atténuants qui suivent :

        L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité ;

        L’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[34]        L’intimé a indiqué au début de l’audience qu’il n’aurait pas de représentation à faire au Comité.

ANALYSE JURISPRUDENTIELLE

[35]        Dans la décision Pigeon c. Daigneault[12], la Cour d’appel a rappelé de la manière suivante les critères d’imposition de la sanction disciplinaire :

« [37] La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier.   Chaque cas est un cas d'espèce.

[38] La sanction disciplinaire doit permettre d'atteindre les objectifs suivants:  au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession (Latulippe c. Léveillé (Ordre professionnel des médecins), 1998 QCTP 1687 (CanLII), [1998] D.D.O.P. 311; Dr J. C. Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al, 1995 CanLII 5215 (QC CA), [1995] R.D.J. 301 (C.A.); et R. c. Burns, 1994 CanLII 127 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 656).

[39]  Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier.   Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif, …   Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l'expérience, du passé disciplinaire et de l'âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement.   La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire. »

[36]        Dans le dossier Forest[13], une radiation permanente est  imposée à une représentante pour de fausses représentations au sujet de prêts accordés à des compagnies dans lesquelles son mari et elle avaient des intérêts. La preuve avait démontré que la représentante s’était placée en conflits d’intérêts.

[37]        Dans le dossier Pana[14], une radiation permanente est imposée à l’égard d’une représentante qui a abusé de la confiance de clientes en développant avec elles une relation d’amitié pour ensuite leur emprunter de l’argent sous de fausses représentations, et finalement faire défaut de les rembourser.

[38]        Une radiation permanente est imposée dans le dossier St-Jean[15]. Dans cette affaire, l’intimé avait abusé de la confiance de sa cliente et profité de sa naïveté pour lui emprunter à des fins personnelles un montant d’argent de 18 850 $.

[39]        Dans le dossier Malenfant[16], une radiation permanente est imposée à l’intimé pour s’être approprié à six (6) reprises des sommes d’argent pour un total de 95 000 $.

[40]        Dans le dossier Lebrun[17], le comité de discipline a imposé une radiation permanente pour un chef d’appropriation de fonds de 15 000 $. L’infraction était de nature non répétitive et impliquait un seul client. Le comité note l’absence de préjudice pécuniaire, l’inactivité de l’intimé et l’absence d’antécédent disciplinaire. Cependant, le comité note les facteurs aggravants suivants : une conduite de toute évidence prohibée, un acte volontaire et prémédité, l’existence d’une intention malhonnête, la vulnérabilité du client, les fausses représentations et l’expérience de l’intimé.

[41]        Une radiation permanente est également imposée dans le dossier Murphy[18], pour une appropriation de fonds de 50 000 $ remis par une cliente à des fins d’investissement. Le comité a souligné que la radiation permanente est la sanction normalement ordonnée pour ce type d’infraction.

[42]        Dans le dossier Astouati[19], la radiation permanente de l’intimée est imposée sous les deux chefs contenus à la plainte. Le comité a noté ainsi la gravité objective des infractions :

« [27] La contrefaçon de document dans le but de procéder à des détournements, ainsi que l’appropriation illégale et frauduleuse de fonds appartenant à des clients, figurent parmi les infractions les plus sérieuses qui puissent être reprochées à un représentant. »

[43]        Dans le dossier Langlois[20], une radiation permanente est imposée sous chacun des dix chefs d’infraction d’appropriation de fonds et de contrefaçon de signature. L’ensemble des infractions était intrinsèquement lié et visait une somme de 97 000 $.

[44]        Une radiation permanente fut imposée dans le dossier Messier[21], pour une appropriation de fonds de 18 249,87 $, ainsi que pour la confection de faux relevés. Le comité a souligné tout d’abord que la radiation permanente est la norme en matière d’appropriation de fonds. Il admet cependant qu’il puisse exister des circonstances pouvant justifier une radiation temporaire. Le comité note cependant que non seulement l’intimé s’est approprié ce montant, mais qu’il a tenté de camoufler cette appropriation.

ANALYSE ET MOTIFS

[45]        À la suite de son plaidoyer de culpabilité à l’égard des seize chefs d’infraction le visant, l’intimé a été déclaré coupable par le Comité séance tenante sous les seize chefs d’infraction.

[46]        La gravité objective des infractions d’appropriation de fonds, de s’être placé en conflits d’intérêts et de fausses représentations ne fait aucun doute. Dans le spectre des infractions qu’un représentant peut commettre, il s’agit sans nul doute des infractions les plus graves.

[47]        En effet, ces infractions vont au cœur de l’exercice de la profession et portent atteinte à l’image des représentants, des cabinets et de manière plus globale, à l’image de l’industrie financière.

[48]        La radiation permanente constitue normalement la sanction appropriée pour une infraction d’appropriation de fonds. Le Comité ne se trouve pas ici devant une situation où des sommes minimes ou exceptionnelles ont été appropriées.

[49]        Par ailleurs, l’intimé est une personne d’expérience qui devait savoir que les gestes commis étaient fort répréhensibles. Les infractions sont répétitives et se sont échelonnées sur une période d’un an.

[50]        L’image de la firme et de l’industrie est ternie par de telles gestes. Les marchés financiers reposent sur la confiance des clients et du public en général.

[51]        Considérant tant les facteurs aggravants et atténuants en l’espèce, ainsi que tous les faits pertinents à cette affaire, le Comité est d’avis que la recommandation commune est juste et raisonnable, répond aux critères d’exemplarité et de dissuasion, et est compatible avec les sanctions imposées pour appropriation de fonds, de fausses représentations et de situations de conflits d’intérêts.

[52]        Par conséquent, pour les chefs 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13 et 15, une radiation temporaire de l’intimé de dix (10) ans sera ordonnée. Pour les chefs 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14 et 16, une radiation permanente sera ordonnée.

[53]        De plus, le Comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés. La présente décision fera de plus l’objet de la publication d’un avis, conformément aux dispositions de l’article 180 du Code des professions.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

RÉITÈRE prendre acte du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous chacun des seize (16) chefs d’infraction contenus à la plainte;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée séance tenante par le Comité sous chacun des seize (16) chefs d’infraction;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé sous chacun des chefs d’infraction 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14 et 16 contenus à la plainte;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période dix ans sous tout un chacun des chefs d’infraction 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13 et 15 contenus à la plainte. Les radiations temporaires seront purgées de manière concurrente;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément à l’article 151 du Code des professions, R.L.R.Q., chapitre C-26;

ET SI TANT EST QU’IL PUISSE LE FAIRE :

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé avait son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément à l’article 180 du Code des professions, R.L.R.Q., chapitre C-26.

 

 

 

 

 

(s) Alain Gélinas____________________

Me ALAIN GÉLINAS

Président du comité de discipline

 

 

 

(s) Benoît Bergeron _________________

M. BENOÎT BERGERON, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Marc Gagnon ___________________

M. MARC GAGNON, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Mathieu Cardinal

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représentait seul.

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Pièce P-2.

[2] Pièce P-3.

[3] Pièce P-5.

[4] Pièce P-8.

[5] Pièce P-9.

[6] Pièce P-10.

[7] Pièce P-11.

[8] Pièce P-12.

[9] Pièce P-13.

[10] Pièce P-14.

 

[11] Pièce P-20.

[12] 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[13] Thibault c. Forest, CD00-0680, 11 octobre 2011 (C.D.C.S.F.).

[14] Champagne c. Pana,  CD00-0956, 20 juin 2013 (C.D.C.S.F.).

 

[15] Champagne c. St-Jean, CD00-1020, 12 mai 2014 (C.D.C.S.F.).

[16] Champagne c. Malenfant, CD00-1121, 10 juin 2015 (C.D.C.S.F.).

[17] Chambre de la sécurité financière c. Lebrun, 2016 CanLII 27451 (QC CDCSF).

[18] Chambre de la sécurité financière c. Murphy, 2016 QCCDCSF 4.

[19] Chambre de la sécurité financière c. Astouati, 2015 QCCDCSF 42.

[20] Chambre de la sécurité financière c. Langlois, 2014 CanLII 43666 (QC CDCSF).

[21] Chambre de la sécurité financière c. Messier, 2012 CanLII 97159 (QC CDCSF).

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