Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE
CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

N° :

CD00-1302

 

DATE :

 20 juillet 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me George R. Hendy

M. Robert Chamberland, A.V.A.

M. Robert Benson

Président

Membre

Membre

 

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

CLÉMENCE DIONNE, conseillère en sécurité financière (certificat numéro 152900)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L'ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés ainsi que de toute information permettant de les identifier.

[1]          Le 29 mai 2018, le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s'est réuni aux bureaux du Tribunal administratif du travail, sis au 900, boulevard René-Levesque Est, salle 587, à Québec, où il a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.      Dans la Province de Québec, entre les où vers  les 14 décembre 2016 et 12 avril 2017, l’intimée n'a pas exercé ses activités avec compétence et professionnalisme en agissant comme intermédiaire pour la souscription de produits OLM Financial et en se présentant comme " Distributrice autorisée OLM Finance" alors que cette  société ne détenait aucun permis l'autorisant à exercer ses activités d'assurance au Québec, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

[2]          La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau et l'intimée se représentait elle-même.  

PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[3]          La plaignante a fait entendre un seul témoin soit, Me Valérie Gingras, enquêteuse, et l'intimée a témoigné pour sa défense.

[4]          Me Gingras a décrit en détail le processus selon lequel OLM Financial a commencé à faire affaire au Québec (illégalement) à partir du mois de décembre 2016, avec l'aide et la complicité de l'intimée et de Mme Rebecca St-Louis, résidente de la Colombie-Britannique, lequel peut se résumer comme suit :

a)            avant l'incorporation de OLM Financial (« OLM ») en vertu de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif en date du 17 janvier 2017, Mme St-Louis (l'unique administratrice de OLM) était certifiée auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) à titre de représentante en assurance de personnes pour la période du 30 janvier 2014 au 19 octobre 2016 et exerçait ses activités au Québec par l'entremise du cabinet Bingham Group Services (« BGS »), laquelle a cessé d'être inscrite auprès de l'AMF en août 2016, suite à sa faillite (P-25, paras. 11 et 13 à 17);

b)            l'intimée a travaillé  étroitement avec Mme St-Louis pour vendre les produits offerts par BGS et en dérivait un revenu annuel moyen de 80 000 $ à 100 000 $ et, dans ce contexte, elle faisait affaire avec beaucoup d'agents indépendants qui achetaient ces produits pour leurs clients;

c)            le ou vers le 11 décembre 2016, Mme St-Louis a transmis un courriel (P-3) à un nombre indéterminé de courtiers d'assurance (présumément ceux qui avaient traité avec BGS) les informant que leurs clients, y compris ceux qui étaient difficilement assurables, pourraient bientôt souscrire à des « produits d'assurance à émission garantie » qui seraient émis par OLM, qu'elle qualifiait comme une « Société de Secours Mutuels à but non lucratif »;

d)            le 13 décembre 2016, Mme St-Louis a transmis un autre courriel (P-4) aux courtiers avec des instructions quant à la façon de soumettre des propositions d'assurance pour l'assurance hypothécaire, individuelle et pour des prêts, ainsi que copies des formulaires et questionnaires à remplir et les termes et conditions, le tout sans leur mentionner que OLM n'était toujours pas incorporée;

e)            le 14 décembre 2016, l'intimée (qui était alors en vacances à Cuba) a transmis le courriel de Mme St-Louis du 13 décembre 2016 (P-4) à un courtier (P-5, page 000397), en se décrivant « Distributrice Autorisée OLM Financial », et elle a transmis un courriel semblable le 16 décembre 2016 à un autre courtier (P-6, page 000440);

f)             pourtant, l'intimée n'avait pas encore signé de contrat de distribution avec OLM à cette date,  tel qu'elle l'a admis à l'AMF en date du 12 mai 2017
(P-4, page 000633), et  elle n'a jamais conclu un tel contrat avec OLM;

g)            le 21 décembre 2016, un courtier affilié avec CNCA (qui était affilié avec Industrielle Alliance), a transmis à l'intimée un courriel de CNCA, informant les courtiers avec qui cette entité  traitait que « nous ne savons pas quel est ce produit et nous ne ferons aucune recommandation. Nous allons devoir faire des vérifications et nous vous reviendrons avec des informations au mois de janvier prochain » (P-7); 

h)            lors de son contre-interrogatoire, l'intimée a avoué qu'elle a alors tenté de rejoindre l'AMF (avec le courtier sur la ligne),  afin de vérifier le statut de OLM au Québec, mais qu'elle n'a pas réussi à parler à un représentant de l'AMF à cette occasion  et qu'elle n'a pas rejoint  l'AMF à ce sujet avant le 14 mars 2017;

i)             l'intimée a également admis avoir parlé à Mme St-Louis à propos du statut du permis de OLM et que cette dernière a répondu que OLM était « en accréditation ». L’on peut donc comprendre de ce qui précède que OLM était peut-être engagée dans le processus d'obtenir un permis de l'AMF pour vendre des produits d'assurance au Québec, mais qu'aucun tel permis  n’était encore  émis  à ce moment;

j)              le 21 décembre, l'intimée a de nouveau agi comme intermédiaire entre OLM (à titre de sa distributrice autorisée) et un courtier  en reproduisant dans ses instructions une partie du courriel de Mme St-Louis du 13 décembre 2016 (P-4, page 000634), tel qu'il appert de son courriel produit sous la cote P-8 (pages 000214 et 000215);

k)            le 5 janvier 2017, l'intimée a répété ce geste auprès d'un autre courtier
(P-9, page 000391) en lui donnant instruction de faire une vente de produit OLM à son client, même s'il n'avait pas encore reçu son contrat de courtier de Mme St-Louis (« tu peux faire ta vente on le finalisera par la suite »);

l)              le 10 janvier 2017, l'intimée a transmis à Mme St-Louis un lien du site internet de l'AMF concernant l'assurance invalidité, afin de l'aider à comprendre les conditions applicables à ce genre de produit au Québec (P-10, page 000217);

m)          le 13 janvier 2017,  l'intimée a de nouveau agi comme intermédiaire pour OLM, tout en se présentant comme distributrice autorisée de OLM, en accusant réception de certains documents concernant une nouvelle proposition, en lui demandant de lui faire parvenir une pièce d'identité de son client et en lui disant que la police devrait vraisemblablement être en vigueur en deux jours ouvrables (P-11, pages 000668 et 000669);

n)            les 18 et 19 janvier 2017, l'intimée a échangé des courriels avec un autre courtier concernant la tenue d'une rencontre pour expliquer les produits de OLM (P-12, pages 000222 à 000224);

o)            les 25 et 26 janvier 2017, l'intimée a encore agi comme intermédiaire entre OLM et un autre courtier concernant une autre proposition d'assurance
(P-13, pages 000259 et 000260);

p)            le 31 janvier 2017, l'intimée a demandé à un autre courtier de lui transmettre copie du permis de conduire de son client (P-14, page 000280);

q)            le 6 février 2017, l'intimée a transmis à un courtier les « points saillants » des produits de OLM avec des instructions ainsi qu'un résumé des traits importants de certains de ces produits, tout en l'invitant à communiquer avec elle si celui-ci avait « besoin d'information pour vous aider à finaliser vos ventes afin de toucher vos commissions » (P-15, pages 000241 à 000243);

r)             le 20 février 2017, l'intimée a échangé des courriels avec un autre courtier à propos d'un changement d'adresse de son client (P-15, pages 000245 et 000246);

s)            le 27 février 2017,  l'intimée a transmis à un autre courtier l'information concernant OLM qui se trouve aux pièces P-4 et P-15 (P-16, pages 000105 et seq.);

t)             le 28 février 2017, l'intimée a transmis  à un autre courtier des informations concernant les commissions résultant de la vente des produits de OLM
(P-17, page 000270);

u)            le 6 mars 2017, le  même courtier a demandé une rencontre pour discuter des produits de OLM et, le 8 mars 2017, l'intimée a répondu comme suit
(P-17, aux pages 000269 et 000270) :

« Avant de céduler la rencontre, veuillez noter que nous attendons les documents suivants qui sont toujours à la conformité de la compagnie d'assurance OLM Financial:

le communiqué de Presse

les Points Saillants pour les 3 produits

l'annexe de rémunération. »

v)            le 28 février 2017, l'intimée a accusé réception de certains documents à l'appui d'une proposition d'assurance en lui demandant copie du permis de conduire de son client (P-18, page 000283);

w)           le 1er mars 2017, l'intimée a accusé réception de documents d'un autre courtier, en lui confirmant que la police serait émise en deux jours ouvrables (P-19, page 000371);

x)            le 12 avril 2017, l'intimée a accusé réception d'un courriel et de documents concernant une autre police et a confirmé au courtier que la police serait émise en deux jours ouvrables, le tout en se présentant (comme depuis le mois de décembre, P-5) comme la distributrice autorisée de OLM (P-20);

y)            le 26 avril 2017, l'intimée (qui ne se présente plus comme distributrice autorisée de OLM) a communiqué avec un courtier et lui a demandé s'il a été payé (sa commission) par OLM et celui-ci lui répond le même jour en lui disant qu'il est très déçu de ne pas avoir été payé et que d'autres clients se plaignent de ne pas avoir reçu copie de leurs polices d'assurance de OLM (P-21);

z)            le 12 mai 2017, l'intimée communique avec Mme Maude Damien-Laurier de l'AMF pour lui transmettre une version en blanc du contrat de distribution entre OLM et les courtiers avec qui elle fait affaire, tout en ajoutant ce qui suit (P-22) :

« De plus, en ce qui me concerne, je n'ai aucun contrat de distribution avec eux. J'étais en attente de confirmation que j'ai demandée à Madame St-Louis depuis trois mois, soit les documents suivants:

Un communiqué de presse de la part d'OLM

Un site internet crédible 

Les points saillants par produit

Un contrat de distribution pour les courtiers et AGA général distributeur avec une annexe de rémunération pour chacun

La confirmation de la légalité avec l'AMF. »

aa)         le 18 mai 2017, l'intimée (qui ne se présente plus comme distributrice autorisée de OLM depuis au moins le 26 avril de la même année) a répondu à un courriel du 11 mai 2017 d'un autre courtier, qui demande des nouvelles concernant une police, en lui disant qu'elle n'est « pas capable rejoindre personne, désolé » (P-23);

bb)         le même jour, l'AMF ouvre un dossier suite à une plainte d'un courtier, à propos d'une police souscrite le 20 mars 2017 concernant laquelle « aucune documentation prouvant la mise en vigueur du contrat » n'a été reçue, les clients ayant finalement demandé l'annulation (P-3);

cc)         le 1er juin 2017, l'AMF dépose une requête pour injonction  devant la Cour supérieure du district de Montréal contre OLM et Mme Rebecca St-Louis pour les faire cesser « toute activité d'assurance visée à la Loi sur les assurances et la Loi sur la distribution de produits et services financiers », en alléguant que OLM n'a pas de permis pour opérer au Québec (P-25, para. 12);

dd)         le 7 juin 2017, la Cour supérieure accueille cette demande et émet une ordonnance d'injonction interlocutoire contre OLM et Mme St-Louis, pour valoir jusqu'au jugement final (P-26) et, le 22 septembre 2017, une ordonnance d'injonction permanente est émise par défaut contre OLM et Mme St-Louis (P-29);

ee)         ces deux jugements d'injonction ont été suivis de communiqués de presse émis par l'AMF en date des 8 juin et 22 septembre 2017 (P-27 et P-30) informant le public et l'industrie de ces jugements;

ff)            le 7 juin 2017, l'intimée a transmis un courriel à plus de 200 courtiers les informant que OLM a fait défaut de lui fournir les informations décrites au paragraphe 4(z) ci-haut, que l'AMF lui a confirmé que OLM n'est pas inscrite pour vendre des produits d'assurance au Québec et qu'en conséquence, elle  « ne recommande pas » OLM (P-24). L'intimée n'avait pas eu de nouvelles de Mme St-Louis depuis le début d'avril de la même année;

gg)         le 11 octobre 2017, Me Gingras rencontre l'intimée pour obtenir sa version des faits, dont l'enregistrement est produit sous la cote P-27;

hh)         lors de cette entrevue, l'intimée aurait relaté ce qui suit à Me Gingras :

i)             OLM a été montée par Mme St-Louis suite à la faillite de BGS;

ii)            l'intimée a collaboré avec Mme St-Louis pour créer les produits qui seraient offerts par OLM et elle a rédigé le texte des Points Saillants (P-15, page 000243), le ou vers le 21 décembre 2016, alors que l'intimée se présentait déjà comme distributrice autorisée de OLM, plus de trois semaines avant sa date d'incorporation;

iii)           l'intimée transmettait à Mme St-Louis les propositions d'assurances qu'elle recevait des courtiers, dont plusieurs parmi ceux qui avaient fait affaire avec BGS;

iv)           l'intimée n'a reçu aucune rémunération de OLM pour ses services;

v)            l'intimée a admis avoir communiqué avec l'AMF en date du 14 mars 2017 et a été informée que OLM n'était pas alors inscrite pour vendre des produits d'assurance au Québec, mais qu'il n'était pas possible de lui dire si une demande d'inscription était en progrès;

vi)           l'intimée a admis ne pas avoir immédiatement informé les courtiers avec qui elle faisait affaire de cette confirmation de l'AMF à l’effet que OLM n'était pas inscrite et elle prétendait que c'était la responsabilité des courtiers de faire une telle vérification, affirmation qu'elle a réitérée lors de son témoignage à l'audition;

vii)          à une date entre mars et mai 2017, l'intimée a été informée à nouveau par l'AMF que OLM n'avait pas de permis pour vendre des produits d'assurance au Québec et que, de toute façon, étant une société de secours mutuels, elle ne pouvait vendre à des non-membres;

viii)        l'intimée a enlevé le document « Points Saillants » de son site internet au mois de mai 2017;

ix)           l'intimée a admis qu'elle aurait dû agir d'une façon plus diligente en vérifiant la légitimité  des opérations de OLM au Québec, mais elle insistait sur sa bonne foi en tout temps.

[5]           L'intimée a choisi de ne pas contre-interroger Me Gingras.

PREUVE DE L'INTIMÉE

[6]          L'intimée, qui a 55 ans, a débuté son témoignage en faisant état de son expérience dans l'industrie d'assurance et le fait qu'elle a agi comme distributrice pour BGS entre 2010 et 2016, alors qu'elle gérait environ 200 courtiers qui vendaient les produits de BGS et qu'elle travaillait en collaboration avec Mme St-Louis pendant cette période.

[7]          Lorsque Mme St-Louis a approché l'intimée avec l'idée de créer OLM, l'intimée a convenu de l'aider, car Mme St-Louis, qui était résidente de Vancouver, n'était pas familière avec les règles pertinentes du Québec concernant la vente de produits d'assurance.

[8]          L'intimée a avoué avoir été « négligente » en n'ayant pas vérifié avec l'AMF après le 11 décembre 2016 pour confirmer si OLM était inscrite au Québec et autorisée à vendre ses produits d'assurance ici.

[9]          Elle a avoué avoir fait confiance à Mme St-Louis, qui lui disait à maintes reprises après le 11 décembre 2016 que « OLM était en accréditation ».

[10]       Elle croit que OLM a conclu environ 90 ventes de produits d'assurance au Québec, dont une dizaine par son entremise.

[11]       Elle ignore si les clients qui ont souscrit des polices d'assurance de OLM, supposément une société de secours mutuels, en sont devenus membres.

[12]       Elle a aussi avoué avoir été négligente et imprudente en se présentant comme distributrice autorisée de OLM alors qu'elle n'a jamais conclu une entente écrite à cet effet.

[13]       Elle attribue sa négligence au fait qu'elle était préoccupée par une série de problèmes légaux concernant BGS, la fraude d'un agent avec qui elle a eu des relations d'affaires avant l'incorporation de OLM, et une enquête par l'AMF qui n'a rien à voir avec cette cause, et elle insiste qu'elle n'a jamais agi de mauvaise foi dans cette affaire, malgré sa négligence.

[14]       L'intimée a produit comme pièce I-1 les documents suivants à la fin de son témoignage :

a)            formulaire d'un médecin attestant un arrêt  de travail pour une période d'un mois, à partir du 3 mai 2018;

b)            avis de fermeture de la succursale de Chicoutimi de la firme AFL Groupe Financier en date du 26 octobre  2017;

c)            requête introductive d'instance déposée par AFL Groupe Financier en date du 23 mars 2017 contre Driss El Rhaib, lui réclamant la somme de 359 018,69 $, pour remboursement de commissions payées au défendeur suite à des manœuvres frauduleuses de ce dernier, qui aurait été recruté par l'intimée;

d)            formulaire du Conseil des professionnels en services financiers en date du 18 avril 2016, attestant de la participation de l'intimée à un programme de formation professionnelle;

e)            courriel en date du 5 janvier 2017 de l'intimée à l'AMF concernant une inspection menée par cette dernière;

f)             lettre en date du 7 février 2017 de l'AMF à l'intimée constatant que l'inspection ci-haut décrite s’est terminée à la satisfaction de l'AMF, à laquelle est joint un engagement de l'intimée en date du 9 février 2017;

g)            courriel en date du 8 février 2017 de l'intimée à Monsieur M.G. concernant une « Structure pour une liste de vérification en inspection ».

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[15]       Le procureur de la plaignante, Me Alain Galarneau, réfère le Comité au libellé de la plainte contre l'intimée et plaide (avec raison) que la plaignante n'a pas à prouver la mens rea ou une intention malveillante de la part de l'intimée. 

[16]       Il invoque les admissions de l'intimée à l’effet qu'elle a été négligente en ne vérifiant pas avant le mois de mars 2017 si OLM était inscrite auprès des autorités du Québec et avait un permis de vendre ses produits d'assurance et qu'elle a été imprudente et négligente en s'affichant comme distributrice autorisée de OLM, alors qu'aucune telle entente n'est intervenue.

[17]       Il souligne que l'intimée a agi comme intermédiaire d'une personne non-inscrite (OLM) pour vendre des produits d'assurance au Québec, le tout pendant une période de plusieurs mois, et qu'elle a collaboré avec Mme St-Louis pour mettre les opérations de OLM en place, sans avoir fait les vérifications nécessaires et malgré les drapeaux rouges qui signalaient des irrégularités possibles concernant la légitimité des opérations de OLM.

[18]       Il plaide que le fait que l'intimée faisait confiance à Mme St-Louis ou qu'elle était préoccupée par des problèmes personnels n’est pas pertinent à la question de sa culpabilité.

[19]       Selon Me Galarneau, la preuve de la plaignante et les aveux de l'intimée établissent de façon incontestable la culpabilité de celle-ci en vertu du seul chef d'accusation de la plainte.

[20]       Quant à la jurisprudence, Me Galarneau a déposé les quatre décisions suivantes, où le défaut ou la négligence du représentant de faire une vérification diligente appropriée concernant la légitimité de leur conduite a été jugé suffisant pour constituer une contravention à leurs obligations statutaires et déontologiques:  

a)            Chambre de la sécurité financière c. Bellerose (CD00-0889, 27 février 2012);

b)            Chambre de la sécurité financière c. Larose (CD00-0949, 26 juin 2013);

c)            Chambre de la sécurité financière c. Charbonneau-Desjardins, CD00-1186, 26 janvier 2017);

d)            Chambre de la sécurité financière c. Adiko (CD00-1214, 15 mai 2018).

REPRÉSENTATIONS DE L'INTIMÉE 

[21]       L'intimée a reconnu à nouveau sa négligence de ne pas avoir fait les vérifications nécessaires concernant la légitimité des opérations de OLM, tout en invoquant sa préoccupation par d'autres problèmes mentionnés au paragraphe 13 ci-haut.

ANALYSE ET MOTIFS

[22]       La plainte comporte un seul chef d'accusation. Celui-ci reproche à l'intimée, qui a 55 ans et œuvre dans le domaine des assurances depuis au moins 2002 (P-1), d'avoir agi comme intermédiaire pour la souscription de produits OLM Financial et de s'être présentée comme « Distributrice autorisée OLM Finance » alors que cette société ne détenait aucun permis l'autorisant à exercer des activités d'assurance au Québec, durant la période entre les 14 décembre 2016 et 12 avril 2017.

[23]        Les dispositions légales invoquées dans la plainte se lisent comme suit : 

a)            Article 16, Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF)

« Un représentant est tenu d'agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Il doit agir avec compétence et professionnalisme. »

b)            Article 35, Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière 

« Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente. »

[24]       Tel qu'il appert des faits ci-haut récités, qui n'ont pas été contestés par l'intimée, il ne fait aucun doute que l'intimée est coupable du seul chef d'accusation de la plainte ci-haut, et ceci pour les raisons suivantes :

a)            OLM n'a jamais obtenu un permis pour exercer des activités d'assurance au Québec et l'intimée n'a jamais conclu d'entente de distributrice autorisée avec OLM;

b)            l'intimée a participé à la mise en place des opérations de OLM sans s'assurer que cette dernière était inscrite en bonne et due forme pour vendre ses produits d'assurance au Québec;

c)            elle a ensuite agi comme intermédiaire entre OLM et des courtiers pour la souscription de produits OLM par des résidents du Québec;

d)            lorsqu'elle a été informée de problèmes possibles concernant la légitimité des opérations de OLM au Québec, elle a tardé pendant quelques mois à faire les vérifications appropriées auprès de l'AMF;

e)            l'intimée s’est présentée pendant plusieurs mois comme distributrice autorisée de OLM sans avoir conclu d'entente écrite à cet effet.

[25]       L'intimée ne peut échapper à ses devoirs de vérification, de diligence, de compétence et de professionnalisme parce qu'elle faisant confiance à une autre personne (Mme St-Louis), parce qu'elle était préoccupée par d'autres défis et problèmes personnels ou en alléguant que les courtiers auraient dû faire leurs propres vérifications quant au droit de OLM de faire affaire au Québec.

[26]       Les documents mentionnés au paragraphe 14 ci-haut, produits en liasse par l'intimée sous la cote I-1, n'ont pas de pertinence sur sa culpabilité en vertu de la plainte, et les faits et événements qui y sont mentionnés ne peuvent excuser ou expliquer sa conduite relativement à la plainte.

[27]       En conséquence, la plaignante s'étant déchargée de son fardeau de preuve, le Comité déclarera l'intimée coupable de la plainte portée contre elle, et ceci en vertu de l'article 16 LDPSF.  Toutefois, afin d'éviter les condamnations multiples, le Comité ordonnera l'arrêt conditionnel des procédures quant à l'article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE l'ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés, ainsi que des renseignements permettant de les identifier;

DÉCLARE l'intimée coupable sous le seul chef d'accusation de la plainte, pour avoir contrevenu à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard de l'article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

CONVOQUE les parties avec l'assistance de la secrétaire du Comité de discipline à une audition sur sanction.

 


 

 

 

 

(s) George R. Hendy_____________________
Me George R. Hendy
Président du comité de discipline

 

 

(s) Robert Chamberland __________________
M. Robert Chamberland, A.V.A.
Membre du comité de discipline

 

 

(s) Robert Benson_______________________
M. Robert Benson
Membre du comité de discipline

 

Me Alain Galarneau
POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU, S.E.N.C.
Procureurs de la plaignante

L’intimée s'est représentée elle-même. 

Date d'audience : 29 mai 2018

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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