Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1219

 

DATE :

17 juillet 2018

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ* :

Me Claude Mageau

Président

M. Éric Bolduc

Membre

_____________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

ROSAIRE HÉBERT, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 116309, BDNI 1644331)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION RECTIFIÉE

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier les consommateurs mentionnés dans la présente décision, sauf en ce qui a trait à l’organisme Maison Carignan.

[1]           Le 14 juin 2017 et le 22 septembre 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni à l’Hôtel des Gouverneurs, sis au 975, rue Hart, à Trois‑Rivières, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 15 novembre 2016 ainsi libellée :

LA PLAINTE

Organisme M.C.

1.             À Trois-Rivières, le ou vers le 15 juin 2004, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en faisant souscrire la police F2425405 à l’organisme M.C. alors qu’il était le président du conseil d’administration de cet organisme, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18, 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

2.             À Trois-Rivières, le ou vers le 9 juin 2010, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en soumettant une demande de modification de la police 00-4790901-5 pour en transférer la propriété à l’organisme M.C. alors qu’il était le président du conseil d’administration de cet organisme, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18, 20 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

G.G.

3.             Dans la province de Québec, le ou vers le 12 octobre 2006, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 10 000 $ à son client G.G. par l’entremise de Courtage Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

S.P.

4.             Dans la province de Québec, le ou vers le 22 février 2008, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 6 249 $ à son client S.P. par l’entremise de Courtage Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

I.C.

5.             À Trois-Rivières, le ou vers le 2 mars 2009, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 18 833 $ à sa cliente I.C. par l’entremise de Courtage Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

6.             À Trois-Rivières, le ou vers le 24 octobre 2013, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 6 918 $ à sa cliente I.C. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

7.             À Trois-Rivières, le ou vers le 14 mars 2014, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 11 392 $ à sa cliente I.C. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

S.V.

8.             À Trois-Rivières, le ou vers le 9 juillet 2009, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 9 894 $ à sa cliente S.V. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

Y.C.

9.             À Trois-Rivières, le ou vers le 22 février 2010, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 15 025 $ à son client Y.C. par l’entremise de Courtage Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

10.           À Trois-Rivières, le ou vers le 27 février 2012, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 15 075 $ à son client Y.C. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

11.           À Trois-Rivières, le ou vers le 25 février 2013, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 15 060 $ à son client Y.C. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

S.L.

12.           À Trois-Rivières, le ou vers le 25 février 2010, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 1 000 $ à son client S.L. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

13.           À Trois-Rivières, le ou vers le 25 février 2011, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 1 349 $ à son client S.L. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

M.D.

14.           À Trois-Rivières, le ou vers le 26 février 2010, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 8 476 $ à sa cliente M.D. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

Y.L.

15.           À Trois-Rivières, le ou vers le 2 décembre 2010, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 3 075 $ à son client Y.L. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

16.           À Trois-Rivières, le ou vers le 13 mars 2011, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 8 165 $ à son client Y.L. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

D.Y.

17.           À Trois-Rivières, le ou vers le 25 février 2011, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 25 075 $ à son client D.Y. par l’entremise de Courtage Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

18.           À Trois-Rivières, le ou vers le 27 février 2012, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 26 046 $ à son client D.Y. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, .7.1) ;

M.N.

19.           À Trois-Rivières, le ou vers le 22 mars 2011, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 1 775 $ à sa cliente M.N. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

20.           À Trois-Rivières, le ou vers le 6 février 2012, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 5 681 $ à sa cliente M.N. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1) ;

21.           À Trois-Rivières, le ou vers le 19 août 2013, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en octroyant un prêt d’environ 6 625 $ à sa cliente M.N. par l’entremise de Gestion Rosaire Hébert inc. dont il était actionnaire et/ou administrateur, contrevenant ainsi aux articles aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1). […]

[2]           La plaignante était représentée par Me Julie Piché alors que l’intimé était représenté par Me Robert Baker.

[3]           Le comité a pris le présent dossier en délibéré après l’audition du 22 septembre 2017.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]           D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité sur chacun des chefs d’infraction ci-haut décrits.

[5]           Le comité s’est assuré que l’intimé comprenait bien le sens de son plaidoyer et qu’en ce faisant, il reconnaissait que les gestes reprochés constituaient des infractions déontologiques.

[6]           Les procureurs des parties ont, par la suite, informé le comité qu’ils s’étaient entendus sur une recommandation commune quant aux sanctions à être ordonnées à l’intimé.

LA PREUVE

[7]           La procureure de la plaignante a produit, de consentement avec le procureur de l’intimé, deux (2) volumes contenant quarante-sept (47) pièces identifiées P-1 à P-47.

[8]           En révisant l’ensemble de ces pièces, elle a présenté au comité la trame factuelle de la présente affaire.

[9]           Les incidents reprochés portent sur une période de près de dix (10) ans, soit de 2004 à 2014.

[10]        L’intimé était, au moment de la commission des infractions, représentant certifié en assurance de personnes, en assurance collective de personnes et représentant d’un courtier en épargne collective.

[11]        L’intimé était aussi administrateur, actionnaire et contrôlait deux (2) entreprises dans le domaine de l’assurance, soit Gestion Rosaire Hébert Inc. et Courtage Rosaire Hébert Inc.

[12]        Il était alors aussi président du conseil d’administration de Maison Carignan Inc. (« Maison Carignan »), un centre de thérapie et de désintoxication bien connu à Trois‑Rivières.

[13]        L’intimé était un ami du fondateur de Maison Carignan, Y.C., lequel était aussi un de ses clients.

[14]        En 2004, Maison Carignan a voulu construire un nouveau pavillon et pour ce faire, elle a souscrit un prêt au montant d’environ 630 000 $ auprès d’une Caisse Populaire Desjardins (« Desjardins »), à Trois-Rivières.

[15]        Dans les conditions du prêt, le fondateur et directeur général de Maison Carignan, Y.C., devait obligatoirement souscrire à une assurance-vie pour couvrir le montant total dudit prêt, laquelle assurance était offerte par Desjardins.

[16]        Au lieu de souscrire à l’assurance-vie auprès de Desjardins, le 6 juillet 2004, Maison Carignan, par l’intermédiaire de l’intimé, a souscrit à une police d’assurance-vie universelle sur la vie d’Y.C.

[17]        La prime régulière annuelle de cette police d’assurance-vie universelle émise par la compagnie La Maritime était de 17 170,45 $.

[18]        Maison Carignan paya par chèque le 8 juillet 2004 ladite somme de 17 170,45 $, chèque signé par l’intimé et un autre administrateur de Maison Carignan, et ce, sans au préalable avoir obtenu une résolution formelle du conseil d’administration à cet effet.

[19]        La souscription à cette assurance-vie universelle fut contestée par la suite lors de la réunion du conseil d’administration de Maison Carignan, le 14 octobre 2004, laquelle fut continuée le 29 novembre 2004 au motif que l’intimé se trouvait en situation de conflit d’intérêts.

[20]        Il fut alors décidé par le conseil d’administration de faire le nécessaire pour annuler la police d’assurance‑vie universelle et de prendre plutôt une assurance sur la vie de Y.C. avec Desjardins.

[21]        Cependant, en septembre 2005, suite à des représentations faites par l’intimé, ladite assurance-vie universelle fut maintenue au motif qu’il s’était écoulé trop de temps entre la souscription et la demande d’annulation et qu’en ce faisant, la prime déjà payée n’aurait pas été remboursée par l’assureur.

[22]        Le 14 novembre 2005, cette police d’assurance-vie universelle fut amendée pour baisser la couverture de 2 000 000 $ à 600 000 $.

[23]        Finalement, le 7 janvier 2008, l’assurance-vie universelle a été annulée et le prêt de Maison Carignan fut finalement garanti par une police d’assurance émise par Desjardins.

[24]        Les commissions que l’intimé a bénéficié pour la police d’assurance-vie universelle pendant la période où elle fut en vigueur furent de 24 104,50 $.

[25]        Ce sont les faits pertinents concernant le chef d’infraction numéro 1.

[26]        Pour ce qui est du chef d’infraction numéro 2, la preuve est à l’effet que le 15 décembre 2009, Y.C. avait souscrit par l’intermédiaire de Courtage Rosaire Hébert Inc. à une assurance-vie temporaire pour une couverture de 500 000 $.

[27]        Cette police d’assurance-vie a été émise le 6 mai 2010, alors que Y.C. était surprimé à cent pour cent et que la prime annuelle était de 4 170 $.

[28]        Les bénéficiaires de cette police d’assurance-vie temporaire étaient alors l’épouse et les enfants de Y.C.

[29]        Le 3 juin 2010, lors d’une réunion du conseil d’administration de Maison Carignan, Y.C. suggéra que les primes de cette police d’assurance‑vie temporaire soient payées par Maison Carignan, que la couverture de cette assurance passe de 500 000 $ à 2 000 000 $ et que Maison Carignan soit bénéficiaire pour 1 500 000 $ et les membres de la famille de Y.C., soit sa conjointe et ses deux (2) enfants, le soient pour 500 000 $.

[30]        Par conséquent, le 8 juin 2010, deux (2) polices d’assurance-vie ont été émises par Industrielle Alliance avec comme titulaire et bénéficiaire Maison Carignan, soit une assurance-vie universelle de 1 000 000 $ et une assurance-vie temporaire 20 ans pour  1 000 000 $.

[31]        La prime annuelle pour ces deux (2) assurances-vie était de 35 388,60$.

[32]        Par la suite, le 26 octobre 2010, un changement au niveau des bénéficiaires est effectué pour ces deux (2) polices d’assurance, de sorte que Maison Carignan est devenue bénéficiaire à 75 % et les deux (2) enfants de Y.C. à 25 %.

[33]        Enfin, le 30 décembre 2010, Maison Carignan est redevenu bénéficiaire à 100 % de ces deux (2) polices d’assurance-vie.

[34]        Le 16 octobre 2013, le conseil d’administration de Maison Carignan décida de procéder à obtenir l’annulation de ces deux (2) polices d’assurance-vie, ce qui ne fut cependant fait que le 24 mars 2014.

[35]        Lorsque ces polices furent annulées, leur valeur de rachat était de 5 887,26 $ et l’intimé avait, quant à lui, bénéficié de commissions pour une somme de 4 392,57 $.

[36]        Tous ces changements ci-haut mentionnés concernant ces deux (2) polices d’assurance furent exécutés par l’intermédiaire de l’intimé.

[37]        Ces faits concernent le deuxième chef d’infraction de la plainte disciplinaire.

[38]        Pour ce qui est des chefs d’infraction numéros 3 à 21, il s’agit aussi de situations où l’intimé était en conflit d’intérêts.

[39]        En effet, il avait accordé à dix (10) clients, pour certains à plus d’une (1) reprise, des prêts dont certains étaient garantis par leurs polices d’assurance-vie.

[40]        L’intimé a, par conséquent, été pour ces dix-neuf (19) chefs d’infraction additionnels dans une situation de conflit d’intérêts en étant à la fois le représentant en assurance de personnes de ces clients et leur créancier.

[41]        Compte tenu des faits ci-haut présentés, le comité déclara l’intimé coupable des vingt et un (21) chefs d’infraction de la plainte.

[42]        Par la suite, le comité informa les procureurs des parties qu’il avait l’intention de procéder immédiatement sur sanction et les invita à faire leurs représentations.

[43]        La procureure de la plaignante, quant à elle, déclara au comité qu’elle n’avait pas de témoin à faire entendre sur sanction.

[44]        Quant au procureur de l’intimé, il fit entendre l’intimé sur sanction.

TÉMOIGNAGE DE L’INTIMÉ

[45]        Il est conseiller en sécurité financière depuis 1988 et n’a aucun antécédent disciplinaire.

[46]        Il déclara avoir pleinement collaboré avec l’enquête de la plaignante et avoir fourni tous les documents qui lui avaient été demandés.

[47]        Il indiqua que Y.C. lui avait demandé à de nombreuses reprises pour siéger sur le conseil d’administration de Maison Carignan et il a finalement accepté en 1999.

[48]        Relativement au chef d’infraction numéro 1, il indiqua que le conseil d’administration recherchait un fonds de pension pour Y.C., le fondateur de Maison Carignan.

[49]        Il regretta s’être ainsi placé en situation de conflit d’intérêts et déclara qu’il agirait autrement si c’était à refaire.

[50]        En ce qui concerne le chef d’infraction numéro 2, il expliqua que c’est Y.C. qui lui avait demandé en 2010 de présenter au conseil d’administration l’état de la situation de sa santé.

[51]        L’intimé expliqua au conseil d’administration que Y.C. n’était pas bien physiquement et que ce dernier voulait protéger Maison Carignan en cas de son décès.

[52]        L’intimé déclara qu’il n’a pas participé au vote du conseil d’administration de Maison Carignan quant à la souscription aux polices d’assurance faisant l’objet des chefs d’infraction 1 et 2.

[53]        Il témoigna aussi à l’effet que depuis le dépôt de la plainte disciplinaire, il n’a pas vendu de produits financiers à Maison Carignan.

[54]        En ce qui concerne la question des prêts à ses clients, lesquels font l’objet des chefs d’infraction numéros 3 à 21, il expliqua que ses clients étaient des personnes financièrement démunies ayant alors un urgent besoin de financement.

[55]        Il expliqua, compte tenu de ses valeurs chrétiennes que même aujourd’hui, il aurait de la difficulté à dire non à ces personnes qui étaient dans le besoin et dont certaines étaient des amies.

[56]        Enfin, il mentionna que depuis le dépôt de la plainte disciplinaire, il n’a plus jamais fait de tels prêts à des clients dans le besoin.

[57]        Il termina en expliquant au comité qu’en ce qui concerne la commission pour les polices d’assurance faisant l’objet du deuxième chef d’infraction, c’est lui-même qui avait requis qu’on minimise la commission à approximativement 5 000 $.

 

REPRÉSENTATIONS DE LA PROCUREURE DE LA PLAIGNANTE

[58]        La procureure de la plaignante déclara au comité qu’elle et le procureur de l’intimé, faisaient les recommandations conjointes suivantes de sanctions :

               Une amende de 15 000 $ pour chacun des chefs d’infraction 1 et 2;

               Une amende de 5 000 $ pour chacun des chefs d’infraction 3, 4, 5, 8, 9, 12, 14, 15, 17 et 19, faisant ainsi un total de 80 000 $ d’amendes;

               Une réprimande pour chacun des chefs d’infraction 6, 7, 10, 11, 13, 16, 18, 20 et 21;

               Un délai de trente (30) jours pour payer la somme de 40 000 $, correspondant à la moitié de la somme totale desdites amendes;

               Un délai de six (6) mois pour payer l’autre moitié desdites amendes;

               De plus, elle demanda à ce que l’intimé soit condamné au paiement des frais conformément à l’article 151 du Code des professions.

[59]        Par la suite, elle souleva les facteurs aggravants suivants :

               La gravité objective importante des infractions reprochées;

               La commission des infractions s’est écoulée sur une longue période;

               La conduite de l’intimé ternit l’image de la profession;

               La souscription de la police d’assurance, faisant l’objet du chef d’infraction numéro 1, n’avait pas été autorisée au préalable par le conseil d’administration;

               Pour ce qui est des polices d’assurance, faisant l’objet du chef d’infraction numéro 2, il n’a pas été indiqué que l’assuré faisait l’objet d’une surprime;

               En ce qui concerne les chefs d’infraction 1 et 2, il a bénéficié de commissions totales approximatives de 30 000 $;

               Les polices d’assurance ont été annulées plusieurs années après leur souscription;

               Maison Carignan a payé près de 200 000 $ à titre de primes pour lesdites polices d’assurance;

               L’intimé était président du conseil d’administration et avait, au moment des infractions, entre seize (16) et vingt-six (26) ans d’expérience à titre de conseiller en sécurité financière;

               Il était le représentant de Y.C. avant d’être administrateur de Maison Carignan;

               Pour ce qui est des prêts accordés à certains de ses clients, il bénéficiait de garanties sur les produits d’assurance-vie qu’il leur avait déjà vendus.

[60]        Par la suite, elle identifia les facteurs qui, selon elle, sont atténuants :

               L’existence d’un plaidoyer de culpabilité;

               Le petit montant de la commission pour les polices d’assurance faisant l’objet du deuxième chef d’infraction;

               L’intimé a voulu aider les clients dans le besoin en ce qui concerne les chefs d’infraction 3 à 21 pour lesquels les prêts ont été accordés;

               Il avait divulgué à Maison Carignan pour la période se terminant le 31 mars 2005 l’existence des commissions bénéficiées pour la souscription de la première police d’assurance au montant de 17 170,45 $;

               Il a changé sa façon de faire et a clairement déclaré sa volonté de ne plus agir ainsi.

[61]        Par la suite, elle expliqua que le montant de 15 000 $ d’amende pour chacun des chefs d’infraction numéros 1 et 2 était recommandé au motif que la somme de 30 000 $ pour ces deux (2) amendes correspondait approximativement à la valeur totale des commissions bénéficiées par l’intimé pour les polices d’assurance concernant ces deux (2) chefs d’infraction.

[62]        Pour appuyer la recommandation conjointe, elle déposa une liste de décisions rendues par le comité[1].

[63]        Plus particulièrement, en ce qui concerne les chefs d’infraction 1 et 2, elle référa aux décisions rendues dans les affaires Béland, Vézina et Gauthier.

[64]        Pour ce qui est des chefs d’infraction 3 à 21, elle référa aux décisions rendues dans les affaires Fontaine et Chen, où de telles amendes de 5 000 $ avaient été ordonnées par le comité.

 

 

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[65]        Tout d’abord, le procureur de l’intimé confirma au comité que la recommandation faite par la procureure de la plaignante était effectivement conjointe.

[66]        Il insista sur l’existence du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et sur l’absence d’antécédent disciplinaire.

[67]        En ce qui concerne les chefs d’infraction numéros 1 et 2, il souligna que la situation de l’intimé avait été dévoilée au conseil d’administration de Maison Carignan et qu’en toute connaissance de cause, celui-ci avait approuvé la souscription des polices d’assurance.

[68]        Il insista sur le fait que Maison Carignan n’est pas une personne physique démunie, sans ressource, mais bien plutôt un organisme à but non lucratif bénéficiant d’un conseil d’administration pour assurer le bon fonctionnement de ses opérations.

[69]        Il souligna, en plus, que l’intimé n’avait pas voté au conseil d’administration de Maison Carignan concernant la question de la souscription desdites polices d’assurance.

[70]        De plus, il mentionna que c’est à la demande du directeur général, Y.C., que la première police d’assurance avait été suggérée au conseil d’administration.

[71]        Il expliqua aussi que l’intimé était bien conscient qu’il aurait dû procéder autrement en soumettant d’autres propositions d’assurance afin de donner au conseil d’administration l’opportunité de choisir la proposition la plus avantageuse pour Maison Carignan.

[72]        Par la suite, le procureur de l’intimé référa au fait que ce dernier avait divulgué à la fin de l’exercice financier de Maison Carignan se terminant le 31 mars 2005, l’existence d’une commission totale au montant de 17 170,45 $ qu’il avait bénéficié pour la souscription de la police d’assurance-vie universelle faisant l’objet du chef d’infraction numéro 1[2].

[73]        Le procureur de l’intimé référa aussi à une lettre signée par une administratrice de Maison Carignan envoyée à l’enquêteur de la Chambre de la sécurité financière, le
16 mars 2015[3].

[74]        À cette lettre, cette administratrice mentionne que l’intimé n’avait jamais caché le fait qu’il bénéficiait d’une commission à titre de conseiller en sécurité financière et qu’elle avait encore toute sa confiance en l’intimé à titre de président du conseil d’administration de Maison Carignan.

[75]        Par la suite, le procureur de l’intimé expliqua qu’en ce qui concerne les polices d’assurance faisant l’objet du chef d’infraction numéro 2, l’intimé n’avait pas bénéficié de commission d’émission, mais uniquement de celles pour le suivi desdites polices d’assurance.

[76]        Pour ce qui est des chefs d’infraction 3 à 21, qui concernent les prêts faits à des clients et amis, il mentionna qu’il est clair que l’intimé était en situation de conflit d’intérêts, mais la jurisprudence, selon lui, est constante à l’effet qu’une amende de l’ordre de 5 000 $ constitue une sanction adéquate pour ce genre de situation.

[77]        Enfin, il termina en disant que la somme totale des amendes recommandées, soit 80 000 $, constitue une somme importante et que dans les circonstances, ces amendes constituent une sanction sévère et adéquate servant bien les fins de la justice.

INTERVENTION DU COMITÉ

[78]        Une fois les représentations des procureurs des parties terminées, les membres du comité se sont retirés pour un ajournement.

[79]        À la reprise, le président, en référant à l’arrêt Anthony-Cook[4] de la Cour suprême du Canada, indiqua aux procureurs des parties que le comité avait des réserves quant à la recommandation conjointe de sanction pour les chefs d’infraction 1 et 2.

[80]        Plus particulièrement, les préoccupations du comité portaient surtout sur le rôle de l’intimé à titre de président du conseil d’administration de Maison Carignan et aussi sur le fait que les chefs d’infraction 1 et 2 constituaient des infractions similaires, la deuxième en 2010, ayant eu lieu cinq (5) années après la première.

[81]        Tel que mentionné plus haut, la souscription de cette première police d’assurance avait fait l’objet d’un débat au conseil d’administration de Maison Carignan avant d’être souscrite en 2004.

[82]        Le comité souligna aussi que lors de la réunion du conseil d’administration, le
6 décembre 2006, il fut décidé d’apporter au code d’éthique de Maison Carignan un amendement afin que dorénavant, tout administrateur ou administratrice qui siège au conseil d’administration de Maison Carignan ne puisse faire directement ou indirectement affaire avec Maison Carignan[5].

[83]        Le comité se demandait alors si une radiation temporaire ne devrait pas être ordonnée à l’intimé plutôt qu’une condamnation à des amendes pour les chefs d’infraction 1 et 2.

[84]        Le comité a donc demandé aux procureurs des parties de lui soumettre des notes et autorités additionnelles, et ce, conformément au paragraphe 58 de l’arrêt Anthony‑Cook[6] :

« [58]     Quatrièmement, si le juge du procès n’est pas satisfait de la peine recommandée par les avocats, [traduction] ʺ l’équité fondamentale exige que soit offerte aux avocats la possibilité de présenter des observations additionnelles en vue de tenter de répondre aux préoccupations du juge [. . .] avant qu’il impose la peine ʺ (G.W.C., par. 26). Le juge devrait faire part aux avocats de ses préoccupations, et les inviter à y répondre, en leur indiquant notamment la possibilité de permettre à l’accusé de retirer son plaidoyer de culpabilité, comme l’a fait le juge du procès en l’espèce. »

[85]        Des représentations écrites ont été transmises au comité et, par la suite, une audition a été fixée au 22 septembre 2017 pour compléter de part et d’autre les représentations sur sanction.

[86]        Lors de cette audition, la procureure de la plaignante[7] et le procureur de l’intimé[8] ont déposé des autorités additionnelles.

[87]        Le comité précisa alors que la condamnation de l’intimé aux vingt et un (21) chefs d’infraction était en vertu de l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et en plus, prononça un arrêt conditionnel des procédures en ce qui concerne les autres dispositions mentionnées auxdits chefs d’infraction.

[88]        Après cette audition du 22 septembre 2017, le comité a pris le dossier en délibéré.

ANALYSE ET MOTIFS

[89]        La Cour suprême du Canada dans Anthony-Cook[9] est claire à l’effet que la recommandation conjointe présentée par les procureurs des parties ne peut être écartée par le décideur que s’il la considère contraire à l’intérêt public ou s’il est d’avis qu’elle va déconsidérer l’administration de la justice :

« [32]     Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sont utiles à cet égard.

[33]       Dans Druken, par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] ʺ correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ʺ. Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. c. B.O.2, 2010 NLCA 19 (CanLII), par. 56 (CanLII), lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] ʺ éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ʺ.

[34]       À mon avis, ces déclarations fermes traduisent l’essence du critère de l’intérêt public élaboré par le comité Martin. Elles soulignent qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, comme je l’explique ci‑après. »

[90]        Ce principe bien établi en droit criminel et pénal est suivi sans réserve en droit disciplinaire[10].

[91]        Cela étant, il doit s’assurer que la sanction qu’il rendra assurera avant tout la protection du public, permettra à dissuader le professionnel de récidiver, servira d’exemple pour les autres représentants et enfin, permettra au professionnel de pratiquer sa profession[11].

[92]        Le comité doit, de plus, individualiser la sanction à être prononcée, et ce, en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs de même que ceux étant aggravants et atténuants propres à l’affaire concernée.

[93]        En l’espèce, le comité considère que la recommandation conjointe qui lui a été faite par les deux (2) procureurs sérieux et expérimentés agissant devant lui, doit être suivie.

[94]        Le comité est d’opinion que cette recommandation conjointe n’est pas contraire à l’intérêt public et ne déconsidère pas l’administration de la justice.

[95]        Les procureurs des parties ont répondu aux préoccupations du comité quant à la recommandation d’amendes plutôt qu’une radiation temporaire en ce qui concerne les chefs d’infraction numéros 1 et 2.

[96]        En effet, il ressort de l’ensemble de la jurisprudence en matière disciplinaire soumise au comité que des amendes ou des radiations sont habituellement ordonnées dans les cas de conflit d’intérêts par un professionnel.

[97]        Cependant, on ne retrouve pas à la jurisprudence répertoriée des cas similaires aux nôtres, où le conflit d’intérêts existait à cause d’un double rôle d’administrateur d’un organisme sans but lucratif et de représentant en assurance de personnes comme en l’espèce.

[98]        Le comité est d’accord avec les procureurs des parties, qu’en matière de conflit d’intérêts, sauf exception, on doit retrouver un caractère malveillant ou malhonnête dans la conduite du représentant pour qu’une radiation soit ordonnée en cas de manquement déontologique pour conflit d’intérêts.

[99]        Cette dimension de réticence, d’omission volontaire ou de refus de dévoiler sa situation conflictuelle de la part du représentant devrait normalement exister pour qu’une telle sanction de radiation soit ordonnée.

[100]     En l’espèce, il n’y a pas de preuve démontrant que l’intimé a eu un comportement malveillant, une intention malhonnête ou ait évité de dévoiler son double statut d’administrateur de Maison Carignan et de représentant en assurance de personnes.

[101]     Au contraire, pour ces chefs d’infraction 1 et 2, les souscriptions des assurances avaient été approuvées et entérinées par le conseil d’administration alors que celui-ci connaissait bien l’existence du double statut d’administrateur et de représentant de l’intimé.

[102]     De plus, le comité constate que les situations de conflit d’intérêts reprochées à l’intimé ont été dénoncées auprès des autorités compétentes près de dix (10) ans après la première souscription d’assurance faisant l’objet du chef d’infraction numéro 1, et ce, nonobstant la connaissance du double statut de l’intimé.

[103]     En effet, ce n’est qu’après que Y.C. eut été suspendu en 2014 par le conseil d’administration de Maison Carignan, qu’une plainte a été portée par lui et sa conjointe, auprès de l’Autorité des marchés financiers, le 26 août 2014, concernant les faits reprochés à l’intimé[12].

[104]     Y.C. a finalement été congédié à titre de directeur général de Maison Carignan le 1er décembre 2014.

[105]     Cette dénonciation tardive du comportement de l’intimé n’enlève rien au caractère déontologiquement répréhensible de ses gestes, mais en constitue certainement un élément subjectif colorant l’ensemble du présent dossier.

[106]     À cela s’ajoute, tel que plaidé par le procureur de l’intimé, le fait que le présent dossier a fait l’objet d’une couverture médiatique extrêmement importante dans la région de Trois-Rivières compte tenu de la notoriété locale de l’intimé avec toutes les conséquences en résultant.

[107]     Le comité est d’accord avec la procureure de la plaignante que la décision sur sanction rendue dans l’affaire Gauthier[13] est tout à fait pertinente et peut constituer une balise en l’espèce.

[108]     Dans cette affaire, le représentant en épargne collective agissait aussi à titre de mandataire du liquidateur d’une succession.

[109]     Durant la liquidation de celle-ci, il avait investi certains avoirs de la succession dans des fonds communs avec l’accord du liquidateur.

[110]     Ces investissements lui avaient procuré des commissions en plus de ses honoraires qu’il facturait à titre de mandataire du liquidateur de la succession.

[111]     Le comité avait alors accepté la recommandation commune d’imposer une amende de 10 000 $ quant à ce chef de conflit d’intérêts alors que le représentant avait touché 4 500 $ d’honoraires de la succession, en plus d’obtenir les commissions, bonis et rémunérations rattachés aux transactions effectuées.

[112]     En l’espèce, pour les chefs d’infraction 1 et 2, la recommandation commune de 15 000 $ par chef correspond aux commissions que l’intimé a bénéficiées pour la souscription des polices d’assurance concernant les deux (2) chefs d’infraction.

[113]     Aussi, il faut reconnaître que la recommandation conjointe faite par les procureurs des parties fait en sorte que des amendes pour une somme totale de 80 000 $ devront être payées par l’intimé, ce qui, dans les circonstances, constituent un montant substantiel allant de pair avec la gravité des infractions reprochées.

[114]     De plus, l’intimé, en plaidant coupable à tout un chacun des chefs d’infraction, a ainsi évité une longue audition et à de nombreux témoins le stress évident de témoigner dans un processus judiciaire.

[115]     Enfin, l’intimé a exprimé des remords lors de son témoignage et n’est plus actuellement président du conseil d’administration de Maison Carignan.

[116]     Le comité est d’accord avec les procureurs des parties qu’il y a un risque très minime de récidive en ce qui concerne l’intimé.

[117]     Le comité est d’opinion que les sanctions proposées satisfont au critère de dissuasion et d’exemplarité et qu’elles contribueront à assurer la protection du public.

[118]     Le comité est donc convaincu que la recommandation commune de sanction faite par les deux (2) procureurs doit être entérinée parce que n’allant pas à l’encontre du critère de l’intérêt public et qu’elle ne déconsidère pas l’administration de la justice.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur chacun des chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience pour tous les chefs d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

RÉITÈRE l’arrêt conditionnel des procédures pour tous les chefs d’infraction de la plainte en ce qui a trait aux autres dispositions alléguées.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 15 000 $ pour chacun des chefs d’infraction numéros 1 et 2;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ pour chacun des chefs d’infraction numéros 3, 4, 5, 8, 9, 12, 14, 15, 17 et 19;

IMPOSE à l’intimé une réprimande pour chacun des chefs d’infraction numéros 6, 7, 10, 11, 13, 16, 18, 20 et 21;

ACCORDE à l’intimé un délai de trente (30) jours pour payer la somme de 40 000 $, correspondant à la moitié de la somme totale desdites amendes;

ACCORDE à l’intimé un délai de six (6) mois pour payer l’autre moitié desdites amendes;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

(S) Claude Mageau

_______________________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(S) Éric Bolduc

_______________________________

M. ÉRIC BOLDUC

Membre du comité de discipline

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE AVOCATS, s.e.n.c.r.l.

Avocats de la partie plaignante

 

Me Robert Baker

DEBLOIS AVOCATS, s.e.n.c.r.l.

Avocats de la partie intimée

 

 

Dates d’audience :

14 juin et 22 septembre 2017

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



* Le troisième membre du comité, M. Adélard Berger, étant empêché d’agir, la présente décision est rendue par les deux autres membres conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et à l’article 118.3 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

[1] Chambre de la sécurité financière c. Béland, 2013 CanLII 41842 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Vézina, 2015 QCCDCSF 9 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Gauthier, 2013 CanLII 43416 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Fontaine, 2012 CanLII 96969 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Chen, 2013 CanLII 50553 (QC CDCSF).

[2] Pièce I-4.

[3] Pièce I-3.

[4] R. c. Anthony‑Cook, 2016 CSC 43 (CanLII).

[5] Pièce P-19, page 2.

[6] Préc., note 4.

[7] Chambre de la sécurité financière c. Gilbert, 2013 CanLII 43415 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Townend, 2013 CanLII 43424 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Odorico, 2009 CanLII 42625 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Simard, 2012 CanLII 97205 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Anctil, 2009 CanLII 4273 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Lavoie, 2009 CanLII 26153 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Gupta, 2008 CanLII 7773 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Boucher, 2017 CanLII 6907 (QC CDCSF).

[8] Chambre de la sécurité financière c. Tremblay, 2015 QCCDCSF 21 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Beaudoin, 2011 CanLII 99468 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Greeley, 2008 CanLII 15002 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Goulet, 2017 QCCDCSF 10 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Duchesne, 2016 CanLII 66457 (QC CDCSF); Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[9] Préc., note 4.

[10] Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Boucher, 2017 CanLII 24051 (QC CDOII); Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Gauthier, 2017 CanLII 6484 (QC CDOII); Chambre de la sécurité financière c. Guilbault, no CD00-1259, 20 juin 2018 (CDCSF).

[11] Pigeon c. Daigneault, préc., note 8.

[12] Pièces SP-1 et SP-2.

[13]  Chambre de la sécurité financière c. Gauthier, préc., note 1.

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