Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1288

 

DATE :

28 juin 2018

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Gilles Peltier

Président

M. Jasmin Lapointe

Membre

M. Louis-André Gagnon

Membre

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

ISRAEL GRENON (certificat numéro 174772)

 

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication des noms et prénoms de tout consommateur pouvant être concerné par cette plainte disciplinaire, ainsi que tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier.

 

 

[1]           Le 24 mai 2018, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 17 novembre 2017 ainsi libellée :

LA PLAINTE :

1.    Dans la région de Saint-Hyacinthe, le ou vers le 30 juin 2015, l’intimé n’a pas agi avec compétence et professionnalisme en signant l’accusé de réception du contrat […] pour le représentant attitré au contrat sans avoir fait de vérification préalable auprès de ce dernier, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[2]           La plaignante était représentée par Me Jean-Philippe Lincourt et l’intimé était représenté par Me Martin Courville.

[3]           En tout début d’audition, le comité fut informé qu’il était de l’intention de l’intimé de reconnaître sa culpabilité sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte disciplinaire.

[4]           Invité par le comité à préciser à quelle disposition contenue au chef d’accusation l’intimé désirait plaider coupable, il fut convenu par les procureurs que celui-ci enregistrerait un plaidoyer de culpabilité à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[5]           Après s’être assuré auprès de l’intimé qu’il avait été bien informé que, par son plaidoyer de culpabilité, il reconnaissait les gestes reprochés, que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques et que le comité n’était pas lié par une recommandation commune de sanction qui pourrait lui être soumise, le comité accueillit le plaidoyer de culpabilité de l’intimé et le déclara, séance tenante, coupable d’avoir commis l’infraction prévue à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[6]           Un arrêt conditionnel des procédures fut ordonné en ce qui a trait à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

[7]           Les parties informèrent ensuite le comité qu’une recommandation commune lui serait soumise quant à la sanction à être imposée, laquelle s’articule ainsi :

SOUS L’UNIQUE CHEF D’ACCUSATION :

-       La condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $), en plus du paiement par celui-ci des déboursés.

[8]           Au soutien de cette suggestion commune le procureur de la plaignante déposa un cahier de notes et autorités contenant cinq (5) décisions[1] en y apportant les distinctions qui s’imposaient avec le cas qui nous occupe.

[9]           Un délai de six (6) mois fut requis par le procureur de l’intimé pour le paiement de l’amende et des déboursés. À cet égard, la plaignante déclara s’en remettre à la décision du comité.  

LA PREUVE

[10]        À la date mentionnée à l’unique chef d’accusation, l’intimé détenait un certificat à titre de représentant en assurance de personnes pour le cabinet INDUSTRIELLE ALLIANCE, ASSURANCES ET SERVICES FINANCIERS INC.

[11]        Selon l’attestation du droit de pratique (P-1.B) produite au dossier, l’intimé a débuté dans le domaine de la distribution de produits d’assurances en juillet 2007.

[12]        Au moment des évènements il occupait le poste de directeur des ventes, tout en exerçant les activités de représentant en assurance.

[13]        Le 30 juin 2015, l’intimé, avant d’apposer sa signature, pour un autre représentant, sur un document intitulé ACCUSÉ DE RÉCEPTION DE CONTRAT, a omis de faire les vérifications qui s’imposaient afin de s’assurer de l’authenticité de la signature du client.

[14]        Il s’avéra que la signature de celui-ci était fausse, celle-ci ayant été contrefaite par un collègue de l’intimé, lequel, après avoir reconnu sa faute devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, fut sanctionné d’une radiation temporaire de son droit de pratique pour une période de deux (2) mois.[2]

[15]        Suite à la plainte du consommateur, à l’effet que des prélèvements bancaires étaient effectués dans son compte en relation avec un contrat qu’il n’avait jamais signé, des vérifications furent faites par l’assureur qui procéda à l’annulation du contrat et au remboursement des sommes prélevées.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[16]        Le procureur de la plaignante débuta ses représentations en soulignant au comité les facteurs aggravants et atténuants qui, à son avis, méritaient d’être considérés :

FACTEURS AGGRAVANTS

-       L’intimé a un antécédent disciplinaire datant de mars 2013, alors qu’il s’est reconnu coupable d’avoir contrevenu à l’article 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) et où il a été condamné au paiement d’une amende de deux mille dollars (2 000 $);

-       Il n’était pas un nouveau venu dans le domaine;

-       Le geste fautif commis par l’intimé a eu comme conséquence que l’assureur a émis un contrat d’assurance sur la base d’un faux document ce qui aurait pu occasionner de fâcheuses conséquences.

FACTEURS ATTÉNUANTS

-       Il s’agit d’un geste isolé en relation avec un seul évènement;

-       Le consommateur n’a subi aucun préjudice financier, l’assureur l’ayant remboursé;

-       L’intimé qui n’était pas de mauvaise foi, a plutôt agi par négligence et par insouciance;

-       Il n’était animé d’aucune intention malveillante;

-       Il n’a pas agi de concert avec le falsificateur de la signature du client.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[17]        L’intimé a très bien collaboré à l’enquête de la Chambre de la sécurité financière.

[18]        Il a reconnu sa culpabilité à la première occasion évitant ainsi que des témoins se déplacent et que des frais supplémentaires soient encourus.

[19]        Bien qu’il ait fait preuve de négligence, d’imprudence et qu’il ait manqué de professionnalisme, il n’a participé d’aucune façon à la contrefaçon du document.

[20]        L’amende suggérée représente une somme considérable pour ce père de trois (3) enfants.

[21]        Cette affaire a suscité chez l’intimé, au niveau professionnel, une réflexion sérieuse et profonde.

[22]        Le procureur de l’intimé termina ses représentations en soulignant au comité que les recommandations communes de sanction sont le résultat de négociations sérieuses entre procureurs à la suite d’une étude approfondie du dossier.

ANALYSE ET MOTIFS

[23]        L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’infraction prévue à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[24]        À la date de l’infraction reprochée il détenait un certificat à titre de représentant en assurance de personnes.

[25]        Il exerce à ce titre depuis 2007.

[26]        Il a collaboré pleinement à l’enquête de la plaignante et a admis sa culpabilité à la première occasion.

[27]        Il a un antécédent disciplinaire, ayant plaidé coupable en mars 2013 à une accusation portée en vertu de l’article 36 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

[28]        Il n’était animé d’aucune intention malveillante et n’a pas participé à la contrefaçon de la signature du client.

[29]        Le consommateur n’a subi aucune perte financière suite aux gestes fautifs de l’intimé, l’assureur l’ayant remboursé.

[30]        L’infraction commise est néanmoins sérieuse et la gravité objective ne fait aucun doute.

[31]        Elle se situe au cœur même de la profession.

[32]        La négligence dont a fait preuve l’intimé est d’autant plus grave du fait qu’il cumulait lors de la commission de l’infraction, les fonctions de représentant et de directeur des ventes.

[33]        À titre de sanction, les parties ont recommandé au comité d’imposer à l’intimé le paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $) en plus du paiement des déboursés.

[34]        La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Pigeon[3] soulignait que chaque cas en est un d’espèce et que la sanction imposée par le comité de discipline doit coller aux faits du dossier.

[35]        Elle y indiquait notamment que :

« La sanction disciplinaire devait permettre d’atteindre les objectifs suivants : au premier chef, la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession. »[4]

[36]        Dans l’affaire Anthony-Cook[5], la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que lorsque les parties parviennent après de sérieux pourparlers à proposer une recommandation commune, celle-ci doit être retenue à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit contraire à l’intérêt public.

[37]        Après examen et étude du dossier et prenant en considération les éléments objectifs et subjectifs qui lui ont été soumis, le comité est d’avis que les sanctions suggérées par les parties répondent aux critères d’exemplarité et de protection du public et se situent dans la fourchette des sanctions généralement imposées relativement à des infractions de même nature commises dans des circonstances semblables.

[38]        Le comité retiendra donc la recommandation commune proposée par les parties.

[39]        L’intimé sera condamné au paiement d’une amende de cinq mille dollars
(5 000 $) à l’égard de l’unique chef d’accusation de la plainte disciplinaire, pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[40]        Il lui sera accordé un délai de six (6) mois pour s’acquitter du paiement de cette amende.

[41]        Il sera de plus condamné au paiement des déboursés dans le même délai.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’infraction prévue à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience quant à l’unique chef d’accusation relativement à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

RÉITÈRE l’arrêt conditionnel des procédures en ce qui a trait à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) mentionné au même chef.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

            SOUS L’UNIQUE CHEF D’ACCUSATION

            CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $);

             CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimé un délai de six (6) mois pour le paiement de l’amende et des déboursés.

 

 

(S) Gilles Peltier

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Me GILLES PELTIER

Président du comité de discipline

 

 

(S) Jasmin Lapointe

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M. JASMIN LAPOINTE

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Louis-André Gagnon

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M.  LOUIS-ANDRÉ GAGNON

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-Philippe Lincourt  

BÉLANGER LONGTIN S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

LGB AVOCATS

Procureurs de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

24 mai 2018

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Chambre de la sécurité financière c. Grenon, 2013 CanLII 43417 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Chen, 2013 CanLII 50553 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Varennes, 2012 CanLII 97208 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Baillargeon, 2010 CanLII 99871 (QC CDCSF).

[2] Chambre de la sécurité financière c. Jutras, 2017 CanLII 24494 (QC CDCSF).

[3] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[4] Ibid., par. 38.

[5] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

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