Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1283

 

DATE :

31 mai 2018

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Gilles Peltier

Président

M. Jasmin Lapointe

Membre

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

MALICK-RICKERSHARM ROMAIN (Certificat numéro 206104)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 26 mars 2018, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 24 octobre 2017 ainsi libellée :

LA PLAINTE :

1.         Dans la région de Montréal, le ou vers le 13 décembre 2014, l’intimé a soumis les propositions d’assurance numéros 34900210, 35198651, 35201511, 35201512 et 35168712 pour un assuré fictif au nom de S.F., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ c. D-9.2, r.3).

 

[2]           Le plaignant était représenté par Me Julie Piché et l’intimé qui était absent, était représenté par Me Felipe Morales.

[3]           D’entrée de jeu, le comité fut informé que l’intimé désirait reconnaître sa culpabilité à l’infraction prévue à l’unique chef d’accusation contenu à la plainte disciplinaire.

[4]           Après s’être assuré auprès du procureur de l’intimé que celui-ci avait bien compris que, par son plaidoyer de culpabilité, il reconnaissait les gestes reprochés, que ceux-ci constituaient une infraction déontologique et que le comité n’était pas lié par une recommandation commune qui pourrait lui être soumise, le comité accueillit le plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) et déclara celui-ci, séance tenante, coupable de ladite infraction.

[5]           En accord avec l’arrêt Kienapple[1], interdisant les déclarations de culpabilité multiples, applicable en droit disciplinaire[2], un arrêt conditionnel des procédures fut ordonné en regard des autres infractions contenues à l’unique chef d’accusation.

[6]           La procureure du plaignant procéda ensuite à faire un exposé sommaire de la preuve et déposa avec le consentement du procureur de l’intimé une preuve documentaire (P-1 à P-7).

 


 

LA PREUVE 

[7]           Au moment de la commission des infractions, l’intimé détenait un certificat à titre de représentant en assurance contre la maladie ou les accidents pour le cabinet COMPAGNIE D’ASSURANCE COMBINED D’AMÉRIQUE.

[8]           Le 13 décembre 2014, l’intimé a soumis à son employeur cinq (5) propositions d’assurance pour un prétendu S.F. qui s’est révélé être une personne fictive.

[9]           Ces propositions ainsi que les documents afférents ont été complétés par l’intimé, dans le but de toucher frauduleusement des commissions.

[10]        Les informations relatives à S.F. contenues dans ces documents se sont évidemment avérées fausses, S.F. étant une personne inexistante.

[11]        La COMPAGNIE D’ASSURANCE COMBINED D’AMÉRIQUE, ayant découvert le stratagème de son employé, procéda au congédiement de celui-ci le 8 mai 2015.

REPRÉSENTATIONS DU PLAIGNANT 

[12]        La procureure du plaignant débuta ses représentations en informant le comité que les parties s’étaient entendues pour présenter au comité les recommandations communes suivantes relativement à la sanction à être imposée :

-       Une radiation temporaire de deux (2) ans pour l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

-       La publication aux frais de l’intimé d’un avis de la présente décision conformément à l’article 156 (5) du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

-       Le paiement par l’intimé des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

[13]        Elle déposa une liste d’autorités en appui du bien-fondé des recommandations communes sur sanction faite au comité, qu’elle commenta[3].

[14]        Elle énuméra les facteurs aggravants suivants :

-       La gravité objective importante des gestes commis;

-       La préméditation;

-       L’avance de commissions qu’a touchées l’intimé;

-       Le manque de probité évident de l’intimé;

-       L’absence de reconnaissance spontanée de l’intimé des fautes commises.

[15]        Par la suite, elle souligna les facteurs atténuants suivants :

-       Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

-       Les transactions reliées à un seul client fictif;

-       Le faible risque de récidive, l’intimé n’étant plus inscrit.


 

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ 

[16]        Le procureur de l’intimé confirma au comité la suggestion commune telle que présentée par le plaignant.

[17]        Il souligna que :

-       L’intimé reconnaît les faits qu’on lui reproche, son plaidoyer de culpabilité en témoignant;

-       Celui-ci éprouve des regrets et des remords;

-       Il est actuellement sans emploi;

-       Il a quitté le domaine et n’a aucune intention d’y revenir, « ce travail n’étant pas fait pour lui », selon ce qu’il a représenté à son procureur;

-       Il occupait le poste dont il a été congédié depuis septembre 2014.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[18]        L’intimé est présentement âgé de 38 ans.

[19]        Il a quitté le domaine et n’a pas l’intention d’y revenir.

[20]        Il éprouverait des remords et des regrets.

[21]        Les risques de récidive seraient faibles.

[22]        Les transactions ne concernent qu’un seul client fictif.

[23]        Le comité ne peut que tenir compte dans son analyse de ces éléments.

[24]        Le comité est toutefois d’opinion que ceux-ci ne sauraient l’emporter sur la gravité indéniable des gestes posés.

[25]        La fabrication de propositions au nom d’un assuré fictif implique une nécessaire préméditation.

[26]        Les gestes fautifs ont été posés avec une évidente intention malhonnête, soit de toucher illégalement des commissions.

[27]        C’est en toute connaissance de cause qu’il s’est placé dans cette situation contrevenant à ses obligations déontologiques.

[28]        Un tel comportement ne peut être toléré dans la profession, la probité et l’honnêteté étant des qualités essentielles à tout représentant de la Chambre de la sécurité financière.

[29]        Il ne fait aucun doute que les actes commis par l’intimé se situent au cœur de la fonction du représentant et portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession.

[30]        Le comité doit envoyer un message clair aux représentants tentés d’agir de la sorte, que la commission de tels gestes mine la confiance du public et peut avoir pour conséquence le retrait temporaire ou permanent d’exercer leur droit de pratique.

[31]        Les parties ont soumis au comité une recommandation commune de sanction.

[32]        Dans l’arrêt Anthony-Cook[4], la Cour suprême du Canada a statué que de telles recommandations ne devraient être écartées que si elles sont susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou contraires à l’intérêt public.

[33]        Le comité est d’opinion que tel n’est pas le cas, cette recommandation répondant aux critères d’exemplarité et de protection du public qui sont recherchés par l’imposition d’une sanction et se situant dans la fourchette des sanctions généralement imposées relativement à des infractions de même nature commises dans des circonstances semblables.

[34]        Ainsi, après considération de l’ensemble des facteurs, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été soumis, ainsi que la jurisprudence applicable en l’espèce, le comité retiendra les recommandations communes des parties et ordonnera donc la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux (2) ans.

[35]        Enfin tel que proposé par les parties, le comité ordonnera la publication d’un avis de la décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience relativement à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

RÉITÈRE l’arrêt conditionnel des procédures en ce qui a trait aux autres dispositions mentionnées à l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;


 

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR LA SANCTION :

ORDONNE sous l’unique chef d’accusation contenu à la plainte, la radiation temporaire de l’intimé, et ce,  pour une période de deux (2) ans;

ORDONNE que cette période de radiation temporaire de deux (2) ans ne soit exécutoire qu’au moment où l’intimé reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

ORDONNE à la secrétaire du comité de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément à ce qui est prévu à l’article 156 al. 5 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE à la secrétaire du comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où, le cas échéant, l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à ce qui est prévu à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

 

 

(s) Gilles Peltier __________________

Me GILLES PELTIER

Président du comité de discipline

 

 

 

(s) Jasmin Lapointe________________

M. JASMIN LAPOINTE

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Bruno Therrien__________________

M. BRUNO THERRIEN, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

 

Me Julie Piché  

THERRIEN COUTURE AVOCATS, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

 

Me Felipe Morales

SEMPERLEX, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

26 mars 2018

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Kienappple c. R., [1975] 1 RCS 729.

[2] Terjanian c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 69 (CanLII).

[3] Chambre de la Sécurité financière c. Philippon, 2014 CanLII 36421 (QC CDCSF).

Chambre de la sécurité financière c. Lacasse, 2016 CanLII 47381 (QC CDCSF).

Chambre de la sécurité financière c. Ouellette Laramée, 2017 CanLII 33188 (QC CDCSF).

 

 

 

[4] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

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