Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1259

 

DATE :

20 juin 2018

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Sylvain Généreux

Président

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Alain Legault

Membre

______________________________________________________________________

 

MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

DANIELLE GUILBAULT (numéro de certificat 115762)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

AUX TERMES DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE ORDONNE LA NON-DIVULGATION, LA NON-PUBLICATION ET LA NON-DIFFUSION DU NOM DES PERSONNES DONT LES INITIALES SONT MENTIONNÉES À LA PLAINTE, DU NOM DES ASSURÉS INSCRITS AUX PIÈCES PRODUITES OU DONT LE NOM A ÉTÉ MENTIONNÉ À L’AUDIENCE ET DU NOM DE L’ORGANISME MENTIONNÉ PAR LE COMITÉ DE DISCIPLINE LORSQU’IL A ÉMIS ORALEMENT LA PRÉSENTE ORDONNANCE LE 13 MARS 2018

I.        LE DÉROULEMENT DE L’INSTANCE

[1]   Le plaignant a déposé contre l’intimée une plainte portant la date du 7 juillet 2017 dont les chefs d’infraction se lisent comme suit :

 

Assurées G.P. et A.B.

1.    Dans la province de Québec, le ou vers le 23 août 1996, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant l’entreprise 9002-4423 Québec inc., dont son conjoint S.R. était le président et l’actionnaire majoritaire, comme titulaire unique et bénéficiaire de 95% du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurées G.P. et A.B., contrevenant ainsi à l’article 139 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes (RLRQ, c.  I-15.1, r.0.5);

2.    Dans la province de Québec, les ou vers les 19 et 23 juillet 2000, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant l’entreprise Investissements Tour du Lac Inc., dont son conjoint S.R. était le président et l’actionnaire majoritaire, comme titulaire unique et bénéficiaire de 95% du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurées G.P. et A.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

3.    À Blainville, le ou vers le 30 juin 2010, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant l’entreprise Investissements Tour du Lac Inc., dont son conjoint S.R., était le président et l’actionnaire majoritaire, comme bénéficiaire de 65 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurées G.P. et A.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

Assurés J.L. et S.L.

4.      À Montréal et à Ste-Thérèse, au mois d’août 1997, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts lors de la souscription de la police d’assurance numéro […] sur la vie des assurés J.L. et S.L., en désignant son conjoint S.R. à titre de bénéficiaire de 75 % du capital décès et du remboursement des primes quant à la partie de l’assuré J.L., contrevenant ainsi à l’article 139 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes (RLRQ, c.  I-15.1, r.0.5);

5.    Dans la province de Québec, le ou vers le 5 novembre 1997, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son conjoint S.R. à titre de bénéficiaire de 75 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés J.L. et S.L., et du remboursement des primes quant à la partie de l’assuré S.L., et elle-même personnellement à titre de bénéficiaire en sous-ordre de son conjoint, contrevenant ainsi à l’article 139 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes (RLRQ, c.  I-15.1, r.0.5);

6.    Dans la province de Québec, les ou vers les 12 et 13 février 1998, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son conjoint S.R. à titre de co-titulaire et bénéficiaire d’un tiers (1/3) du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés J.L. et S.L., et elle-même personnellement à titre de bénéficiaire en sous-ordre de son conjoint, contrevenant ainsi à l’article 139 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes (RLRQ, c.  I-15.1, r.0.5);

7.    À Saint-Sauveur, le ou vers le 27 octobre 2010, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son conjoint S.R. à titre de bénéficiaire d’un tiers (1/3) du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés J.L. et S.L., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

Assurées G.R. et J.B.

8.    À Sainte-Agathe-des-Monts, entre les ou vers les 1er mars et 9 juin 1998, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêt en se désignant à titre de co-titulaire et de bénéficiaire pour un tiers (1/3) du capital décès de la police d’assurance numéro […], dont les assurés étaient G.B. et J.R., contrevenant ainsi à l’article 139 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes (RLRQ, c.  I-15.1, r.0.5);

9.    À Saint-Jérôme, les ou vers les 7 et 8 avril 2010, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en se désignant à titre de co-titulaire et bénéficiaire d’un tiers (1/3) du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurées G.R. et J.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

10. Dans la province de Québec, les ou vers les 26 et 27 octobre 2010, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en se désignant à titre de co-titulaire et bénéficiaire d’un tiers (1/3) du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurées G.R. et J.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

11. Dans la province de Québec, entre les ou vers les 25 juin et 12 juillet 2015, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son conjoint S.R. à titre de bénéficiaire subsidiaire de sa part d’un tiers (1/3) du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurées G.R. et J.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

Assuré R.P.

12.  À Montréal, le ou vers le 22 juin 2009, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son conjoint S.R. à titre de titulaire de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie de l’assuré R.P., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

13. À Sainte-Anne-des-Lacs, le ou vers le 25 juin 2009, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son conjoint S.R. à titre bénéficiaire d’un tiers (1/3) du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie de l’assuré R.P., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

Assurée D.B.

14. À La Prairie, le ou vers le 9 octobre 2009, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 25 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie de l’assurée D.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

15. À Sainte-Anne-des-Lacs, le ou vers le 26 août 2010, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 25 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie de l’assurée D.B.,  contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

16. À La Prairie, le ou vers le 11 septembre 2014, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 25 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie de l’assurée D.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

Assurés T.G. et M.G.

17. À Montréal, le ou vers le 9 octobre 2009, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 20 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés T.G. et M.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

18. À Saint-Sauveur, le ou vers le 20 février 2010, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 20 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés T.G. et M.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

19. À Sainte-Anne-des-Lacs, le ou vers le 19 novembre 2013, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 20 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés T.G. et M.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

Assurés J.-P.F. et E.T.

20. À La Prairie, le ou vers le 29 octobre 2009, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 26 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés J.-P.F. et E.T., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

21. À La Prairie, le ou vers le 26 février 2013, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 26 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés J.-P.F. et E.T., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

22. À Montréal, le ou vers le 28 août 2014, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son cabinet Danielle Guilbault et Associés Inc. à titre de bénéficiaire de 22 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés J.-P.F. et E.T, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

Assurés H.G. et L.L.

23. À Montréal, le ou vers le 22 juin 2010, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant l’entreprise Investissements Tour du Lac Inc., dont son conjoint S.R. était le président et l’actionnaire majoritaire, à titre de bénéficiaire de 50 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés H.G. et L.L., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

24. À Montréal, le ou vers le 28 août 2014, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en désignant son conjoint S.R. à titre de bénéficiaire de 25 % du capital décès de la police d’assurance numéro […] émise sur la vie des assurés H.G. et L.L., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

 

[2]   Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) a siégé dans cette affaire à Montréal le 13 mars 2018. Le plaignant était représenté par
Me Sylvie Poirier et l’intimée par Me Alain Chevrier.

[3]   En début d’audience, l’intimée a indiqué au comité qu’elle plaidait coupable à tous les chefs d’infraction.

[4]   Les avocats des parties ont précisé au comité qu’en ce qui a trait aux paragraphes 2, 3, 7 et 9 à 24 de la plainte, le plaidoyer de culpabilité était enregistré au regard de l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière; ils ont d’autre part suggéré, pour ces mêmes paragraphes, que le comité ordonne l’arrêt conditionnel des procédures en ce qui a trait à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[5]   Après avoir vérifié si l’intimée comprenait bien le sens et la portée de son plaidoyer de culpabilité, le comité l’a déclarée coupable des chefs d’infraction 1 à 24 de la plainte et a ordonné l’arrêt conditionnel des procédures selon les termes exprimés au paragraphe précédent.

[6]   Les avocats des parties ont ensuite fait part au comité de leurs recommandations conjointes sur sanction et, au soutien de celles-ci, ils ont produit, de consentement, les pièces P-1 à P-39, I-1 et I-2 ainsi qu’un document énonçant les faits, arguments et facteurs (document) qu’ils invitaient le comité à considérer. L’intimée a également témoigné afin de préciser certains éléments.

[7]   Les avocats ont par la suite invoqué certaines décisions du comité et fait leurs représentations quant aux sanctions et autres mesures qui devraient, selon eux, être imposées à l’intimée.

[8]   Le comité a pris l’affaire en délibéré.

II.        LA PREUVE ET LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[9]   Tel qu’indiqué au paragraphe 6, les parties ont soumis un document relatant les éléments qui, à leur avis, devraient être considérés par le comité dans l’imposition des sanctions.

[10]        Voici donc, dans son intégralité[1], ce document auquel le comité a ajouté certaines notes de bas de page afin de référer aux pièces produites :

 

« LE CONTEXTE FACTUEL

 

Les polices visées par les chefs de la plainte disciplinaire :

 

1.         Les 24 chefs de la plainte disciplinaire du syndic adjoint de la CSF concernent 8 polices d’assurance-vie différentes portant les numéros […] (chefs 1, 2 et 3), […] (chefs 4, 5, 6 et 7), 202337 (chefs 8, 9, 10 et 11), […] (chefs 12 et 13), […] (chefs 14, 15 et 16), […] (chefs 17, 18 et 19), […] (chefs 20, 21 et 22), et […] (chefs 23 et 24[2];

 

2.         De ces 8 polices d’assurance-vie, 6 ont été souscrites dans le cadre d’un programme de financement intitulé « Projet de Vie », ou y ont été incluses par la suite, soit celles visées aux chefs 4 à 11 et 14 à 24 ;

 

3.         Quant aux deux autres, soit celles visées aux chefs 1, 2, 3 et aux chefs 12 et 13, ces polices ont été cédées aux tiers par leur titulaires, moyennant contrepartie, et les formulaires requis ont été signés et transmis à l’assureur ;

Le programme de financement «  Projet de Vie »

 

4.        L’établissement d’un programme de financement par la souscription de polices d’assurance sur la vie de membres de communautés religieuses, fut proposé par l’Intimée à un organisme de charité réputé (« l’Organisme »), comme source de financement pour ses activités charitables ;

 

5.        Ce programme, connu sous le nom de «Projet de Vie» (le «Programme»), a été mis sur pied en 1997, à l’initiative de l’intimée, avec l’implication de («l’Organisme») et le concours de diverses communautés religieuses en lien avec l’Organisme;

 

6.        Ce Programme allait être géré par le cabinet de l’intimée, Guilbault & Ass. («GA»), dont elle était l’unique représentante en assurance de personnes, de même que par l’Organisme ;

 

7.        Les membres des communautés religieuses qui ont été désignés comme assurés sur  les différentes polices souscrites dans le cadre du Programme ont été recrutés par le directeur général de l’Organisme, lui-même membre d’une communauté religieuse ;

 

8.        Pour la très grande majorité des polices souscrite dans le cadre du programme, il y avait deux assurés par police et l’indemnité était payable au second décès, et ce, dans le but de diminuer le coût des assurances ;

 

9.        Les primes se rattachant à ces polices devaient être assumées en totalité par des tiers (les « tiers »), devant être recrutés à cette fins ;

 

10.     La plupart des tiers ont été recrutés par l‘Intimée, unique représentante en assurance de personnes de GA ;

 

11.     Sous réserve de quelques exceptions, ces tiers, des personnes non liés aux assurés, ni aux communités religieuses dont ces derniers étaient membres, ni à l’Organisme, n’avaient pas d’intérêt d’assurance dans ces polices souscrites sur la vie des membres des communités religieuses ; 

 

12.     Ils assumaient les primes des polices ainsi souscrites sur la vie des membres des communautés religieuses et en étaient des bénéficiaires ; 

 

13.     Pour la plupart des polices souscrite dans le cadre du Programme, le paiement des primes était assumé conjointement par plusieurs tiers qui, comme corollaire, allaient se partager, au prorata, la part de l’indemnité d’assurance à être versée et du remboursement des primes, pour les polices qui comportait cette garantie ;

 

14.     Quelques polices souscrites en vertu du Programme comportaient une clause de remboursement de la totalité des primes payées à l’assureur, en plus du paiement de l’indemnité d’assurance ; 

 

15.     Les tiers devaient prendre l’engagement envers l’Organisme de lui verser, au moment du paiement de l’indemnité de décès, une somme représentant 25% de la part du capital d’assurance de base qu’ils allaient recevoir, ce qui pourrait leur permettre alors de bénéficier de déductions fiscales ; 

 

16.     L’engagement pris par le tiers de remettre 25% à l’Organisme était limité au seul capital de base de la police et n’incluait pas les sommes à recevoir au titre du remboursement des primes ;

 

17.     Cet engagement n’était pas consigné au contrat d’assurance, ni divulgué à l’assureur sur la proposition initiale. Toutefois, ledit assureur a été informé de cette obligation des tiers lors de la présentation du Programme aux haut-dirigeants de l’assureur, qui a eu lieu à Toronto, avant sa mise en place. De plus, cette information a été réitérée lors d’autres rencontres qui ont eu lieu subséquemment entre la haute direction du nouvel assureur et les représentants de GA et de l’Organisme. Par la suite, les donataires, dont l’Organisme, furent progressivement identifiés comme bénéficiaires sur les polices ;

 

18.     Dans les contrats plus récents du Programme, la portion de l’indemnité de décès qui allait devoir être remise à l’Organisme, a quelque fois été augmentée à 30% ; 

 

19.     Dans les dossiers initiaux, l’engagement pris par les tiers en faveur de l’Organisme a été constaté dans un document intitulé « Protocole », signé entre eux[3].

 

20.     Dans environ 25% des cas, deux polices étaient émises, l’une en faveur de l’organisme et l’autre en faveur des tiers. L’indemnité rattachée à la police de l’Organisme correspondait alors à 25% du total des indemnités des deux polices. Les primes de la police émise en faveur de l’Organisme étaient payées entièrement au moment de la souscription (prime unique). Dans ces cas, il n’y avait aucun engagement des tiers envers l’Organisme puisque le partage était ainsi déjà prévu ;

 

21.     Comme le Programme était géré en partie par GA et donc, en définitive, par l’Intimée, c’est donc celle-ci qui faisait remplir et soumettait à l’assureur les demandes de souscriptions et toutes demandes subséquentes relatives à ces polices. De plus, c’est elle qui, de concert avec l’organisme,  supervisait le paiement des primes de même que la réception et la distribution des indemnités d’assurance ;

 

22.     L’Intimée, personnellement ou par l’entremise de sa société GA, de même que plusieurs de ses proches ont assumé, de concert avec d’autres tiers, les primes de certaines des polices souscrites dans le cadre du Programme et en ont été désignés les bénéficiaires;

 

23.     En vertu du Programme, l’Organisme s’engageait, quant à lui, à verser à l’entité désignée par chaque assuré 12,5% de la somme que ledit Organisme allait recevoir des tiers, suite à la prestation de décès, donc environ 3% du capital de base de la police ;

 

24.     Dans la plupart des cas, les assurés ont choisi leur propre communauté religieuse à titre de futur donataire de ce montant ;

 

25.     Cet engagement n’était pas non plus consigné au contrat d’assurance, ni divulgué à l’assureur sur la proposition initiale, mais l’assureur en a été informé selon les modalités décrites au paragraphe 17 ci-dessus ;

 

26.     Pour plusieurs polices, les communautés  religieuses ont donc, plus tard, été directement désignées comme co-bénéficiaires ;

 

27.     Les assurés devaient consentir par écrit à ce qu’une police d’assurance soit souscrite sur leur vie pour le bénéfice des tiers chargés d’en payer les primes et de l’Organisme[4]. Ils devaient en outre se soumettre à un examen médical;

 

28.     Les documents constatant leur consentement et certains formulaires d’assurance furent signés par les assurés en présence de l’Intimée ou d’un autre courtier mandaté par GA ;

 

29.     Le consentement écrit que l’on faisait signer aux assurés autorisait à l’avance que les bénéficiaires des polices puissent être changés ;

 

30.     Les assurés ignoraient l’identité des tiers devant assumer les primes de la police et ces derniers ignoraient eux-mêmes l’identité des assurés ;

 

31.     Dans la mesure où les activités charitables de l’Organisme étaient entièrement menées à l’extérieur du Québec, il fut convenu, quelques années après le début du Programme, soit en 1999, de constituer au Québec, une autre société sans but lucratif, distincte de l’Organisme, ci-après appelé « la Fondation ».  Celle-ci devait adhérer au Programme et, comme pour l’Organisme, recruter des tiers qui financeraient les primes de polices à être souscrites sur la vie de membres de communautés religieuses aux fins de lever des fonds mais, cette fois, pour des œuvres charitables au Québec ;

 

32.     Le directeur général de l’Organisme et l’Intimée sont alors devenus, avec d’autres personnes, les administrateurs de la Fondation ;

 

33.     Il est à noter qu’entre 1999 et 2007, la Fondation a également effectué des campagnes de financement sans liens avec le Programme (défilés de mode, encans, rallyes compassion, etc.). Elle a redistribué les sommes qu’elle a recueillies dans ce cadre et celui du Programme, à une vingtaine d’organismes de charité (dont l’accueil Bonneau, Le chic resto pop, L’exode, La maison d’Émilie, Moisson Montréal, Moisson Laurentides, etc.) ;

 

34.     De façon concomitante à la constitution de la Fondation, cette dernière et l’Organisme ont eux-mêmes aussi souscrit, dans le cadre du Programme, certaines polices d’assurance sur la vie de membres de communautés religieuses, mais sans parvenir à trouver des tiers pour assurer le paiement des primes y afférentes ;

 

35.     À l’égard de ces polices, ce sont l’Organisme et la Fondation qui, pendant une bonne période, en ont eux-mêmes assumé les primes et en ont été désignés seuls bénéficiaires ;

 

36.     En 2008, l’Organisme a perdu le soutien financier de l’ACDI (Agence canadienne de Développement International), ce qui a grandement affecté sa situation financière ;

 

37.     L’Organisme étant devenu incapable d’assumer les primes des polices du Programme dont il était titulaire et seul bénéficiaire (sous réserve des remises promises aux entités désignées par les assurés), celles-ci ont dû, en 2008, être acquittées par la Fondation ;

 

38.     En 2009, l’Organisme a touché une indemnité d’assurance dans le cadre du Programme, ce qui lui a permis de rembourser à la Fondation les sommes que celle-ci lui avait avancées pour le paiement des primes. Par la même occasion et compte tenu de la situation financière toujours précaire de l’Organisme, une entente a été conclue entre celui-ci et la Fondation afin de procéder à un nouveau partage, entre eux, des polices du Programme ;

 

39.     En 2012, l’assureur a décrété une hausse substantielle des primes exigibles, tel que le lui permettait les termes des différentes polices souscrites en vertu du Programme ;

 

40.     Même pour les polices dont la prime avait en principe été entièrement payée au moment de la souscription, celles-ci sont devenues sous-capitalisées en raison des faibles rendements, de la hausse des coûts et de la longévité des personnes assurées et des primes additionnelles ont été requises ;

 

41.     Plusieurs des tiers qui avaient jusque-là assumé, seuls ou avec d’autres, le paiement de ces primes, ont alors dû augmenter leurs contribution et deux (2) d’entre eux ont décidé, moyennant contrepartie, de se retirer du programme et ont cessé de payer les primes des polices visées ;

 

42.     Un certain nombre de communautés religieuses ont d’ailleurs été sollicitées dans le but de contribuer au paiement des primes de certaines polices ou dans le but de prêter les sommes nécessaires à l’acquittement des primes et au maintien des contrats ;

 

43.     Le capital de certaines polices a été réduit et d’autres ont été annulées à la demande d’une communauté religieuse participante ;

 

44.     Dans le cadre des substitutions qui se sont succédé tout au long du Programme et plus particulièrement après 2012, de multiples formulaires de changement de titulaires et de bénéficiaires ont été complétés par l’intimée et transmis à l’assureur. C’est à ces occasions que furent ajoutés les noms des donataires sur les formulaires ;

 

45.     Dans le cadre du Programme, environ 122 polices d’assurance ont été souscrites sur la vie de 132 assurés, pour des montants d’assurance totalisant 25 743 000 $ ;

 

46.     À ce jour, quelques indemnités d’assurance et remboursement de primes ont été versés à la Fondation, à l’Organisme et à différents tiers bénéficiaires au cours des dernières années, mais la plupart des assurés du programme sont encore en vie ;

 

47.     La fondation a reçu des indemnités et des dons sur les polices […]. La remise prévue aux entités désignées par les assurés fut versée par la Fondation ;

 

48.     L’Intimée et sa société GA n’ont, pour leur part, encore touché aucune indemnité d’assurance dans le cadre de ce Programme ;

 

49.     Elles sont toujours désignées bénéficiaires pour des montants d’assurance totalisant 257 866 $. De cette somme, elles se sont engagées à verser à des communautés religieuses des dons totalisant 83 373$. Elles auront aussi droit aussi au remboursement de primes totalisant approximativement 91 159$ ;

 

50.     L’ex-conjoint de l’Intimée (ou sa société) a, quant à lui, touché une indemnité d’assurance à titre de co-bénéficiaire de la police  […] ;

 

51.     De l’ensemble de ce qui précède, il est possible de conclure que :

 

a)        L’Intimée était, à tout moment pertinent, le représentant en assurance de personnes responsable de la souscription et également responsable, de concert avec l’Organisme, du suivi des différentes polices d’assurance souscrites dans le cadre du Programme ;

 

b)        Elle agissait à ce titre auprès des assurés qu’elle rencontrait pour la signature de leur consentement et des divers formulaires d’assurance ;

 

c)         L’Intimée assumait, de concert avec l’Organisme, la gestion des polices d’assurance souscrites dans le cadre du Programme et supervisait, à ce titre, le paiement des primes et la distribution des indemnités d’assurance aux bénéficiaires concernés ;

 

d)        L’Intimée était présidente et administrateur de la Fondation, qui était elle-même titulaire et bénéficiaire de différentes polices du Programme ;

 

e)        Elle était l’une des deux signataires autorisées pour la Fondation, l’autre étant une employée de son cabinet GA ;

 

f)         L’Intimée a recruté les tiers qui assumaient les primes des polices d’assurance souscrites dans le cadre du Programme et qui en ont été désignés bénéficiaires ;

 

g)        L’Intimée, personnellement ou par l’entremise de sa société GA, a elle-même versé les primes de polices d’assurance souscrites dans le cadre du Programme et en a été désignée bénéficiaire ;

 

h)         Des personnes ou entités proches de l’Intimée ont aussi versé les primes d’autres polices souscrites dans le cadre du Programme et en en ont été désignées bénéficiaires ;

 

i)        Sur les divers formulaires transmis à l’assureur par l’Intimée relativement à la désignation ou au changement de titulaires ou de bénéficiaires, l’Intimée intervenait au nom de la Fondation, en signant en qualité de dirigeante de celle-ci pour autoriser les changements demandés, avant de signer le même document en sa qualité de représentante responsable auprès de l’assureur et ce, même lorsque sa propre désignation ou celle d’un proche comme bénéficiaire de la police était visée par la demande ;

 

 

 

 

 

 

LES SANCTIONS

 

Faits à considérer

 

52.     Dans ce Programme, les assurés avaient consenti, dès le départ, qu’une police d’assurance soit souscrite sur leur vie par l’Organisme et, plus tard, par la Fondation, dont les primes seraient payées par des tiers qui recevraient la majeure partie du capital assuré au moment du second décès ;

 

53.     L’identité des assurés n’était pas connue de ces tiers et celle des tiers n’était pas connue des assurés.  Les assurés n’étaient donc pas informés que la personne qui administrait ce programme et leur faisait signer les formulaires pour les polices d’assurance, de même que des proches de celle-ci, seraient eux-mêmes bénéficiaires de polices souscrites sur leur vie ;

 

54.     L’organisme (ou la Fondation) connaissait spécifiquement l’identité des tiers concernés puisqu’un « Protocole » était généralement signé entre ledit Organisme (ou la Fondation) et ces derniers, et ce, notamment aux fins de constater par écrit l’engagement des tiers de faire donation en faveur de l’Organisme ou de la Fondation d’une partie de l’indemnité d’assurance à recevoir ; 

 

55.     Dans d’autres cas, deux polices d’assurance étaient émises, soit une pour les tiers et l’autre pour l’Organisme ou la Fondation, laquelle était alors entièrement libérée ;

 

56.     Ce n’est pas l’Intimée qui recrutait les assurés auprès des communautés religieuses, mais le directeur général de l’Organisme, lui-même membre d’une telle communauté.

 

57.     L’Intimée a cependant parfois accompagné le directeur général lors de ses rencontres avec ces communautés, pour leur présenter le programme et  leur faire signer les formulaires d’assurance requis, une fois ceux-ci identifiés ;

 

58.     L’une des fonctions de l’Intimée dans la mise en place du Programme, était de recruter les tiers qui allaient assurer son financement et, par le fait même, celui de l’Organisme (ou de la Fondation).  C’est essentiellement en qualité de contributeurs financiers que les tiers qu’elle sollicitait étaient invités à se joindre au Programme ;

 

59.     Pour que le Programme puisse atteindre l’objectif qu’il visait, il fallait pouvoir disposer d’une banque de contributeurs financiers qui financeraient les primes jusqu’au moment du versement des indemnités d’assurance et qui, en contreparties, en conserveraient la majeure partie et pourraient bénéficier, pour la part à laquelle ils renonceraient en faveur de l’Organisme (ou la Fondation), de déductions fiscales ;

 

60.     L’Organisme et, par la suite la Fondation, savaient que l’Intimée ou des proches de celle-ci, faisaient partie de ceux qui finançaient le paiement des primes de certaines polices ;

 

61.     Quant aux tiers, ils savaient dès le départ qu’ils seraient possiblement plusieurs à devoir assumer ensembles le paiement des primes de chacune des polices du Programme et que l’indemnité d’assurance serait dès lors partagée entre eux au prorata de leur degré de participation respective ;

 

62.     La Fondation est un organisme sans but lucratif et la totalité de ses revenus ont, jusqu’à maintenant, servis à financer des activités charitables, à payer les primes d’assurance de certaines des polices du programme, de même qu’à payer les honoraires de ses vérificateurs et procureurs ou à rembourser certains prêts lui ayant été octroyés par des tiers à ces fins ;

 

63.     Les rôles multiples joués par l’Intimée l’ont placée dans une situation de conflit d’intérêts ;

 

64.     L’Intimée reconnait expressément qu’il était inapproprié pour elle de se placer dans ce genre de situation et qu’en agissant ainsi, elle a commis les infractions qui lui sont reprochées.  Elle tient à souligner ses plus profonds regrets ;

 

65.     Il importe par ailleurs de souligner que l’Intimée a collaboré à l’enquête du Syndic et n’a pas cherché à nier les faits ;

 

L’Intimée est maintenant âgée de 65 ans et, selon toute vraisemblance, elle ne retournera jamais à la pratique du courtage en assurance de personne, même une fois sa radiation purgée ;

 

66.     Le certificat de l’Intimée, comme le permis de son cabinet GA, a été suspendu par le tribunal administratif des marchés financiers depuis le tout début de 2016 et celle-ci soumet respectueusement qu’il y a lieu de tenir compte de cette situation dans la détermination de la peine applicable dans le présent dossier ;

 

67.     L’Intimée est personnellement très accablée par toute cette situation qui affecte grandement son moral et sa santé. Du fait de la suspension de son permis et de son âge, il lui a été difficile de trouver d’autres sources de revenus et de joindre les deux bouts. De fait, sa situation financière est actuellement fort précaire ;

 

68.     Bref, les facteurs pertinents à la détermination des sanctions dans ce dossier sont les suivants :

 

Les facteurs atténuants :

 

o   Plaidoyer de culpabilité

o   Reconnaissance de ses fautes

o   Absence d’antécédent disciplinaire

o   Absence d’intention frauduleuse ou malhonnête

o   N’a pas agi de mauvaise foi

o   Connaissance, par les assurés, du fait que des tiers financeraient les primes

o   Collaboration à l’enquête du syndic

o   L’intimée a déjà subi des conséquences de ces événements

o   Situation financière précaire de l’intimée

o   Regret sincère et remords

 

Les facteurs aggravants :

 

o   La gravité objective des infractions

o   Lien avec l’exercice de la profession

o   Infractions nombreuses et répétées

o   Très longue période au cours de laquelle les infractions ont été commises

 

La recommandation commune sur sanctions :

 

69.     Compte tenu de l’ensemble de la situation, les parties aux présentes procédures s’entendent pour recommander conjointement au Comité de discipline d’imposer à l’Intimée une radiation temporaire de 4 ans, sur chacun des chefs 1 à 24 de la plainte disciplinaire, à être purgée concurremment. »

[11]        À l’audience, les parties ont précisé qu’elles recommandaient également, de façon conjointe, ce qui suit :

     la publication d’un avis de la décision dans un journal aux termes de l’article 156 du Code des professions (CP);

     la condamnation de l’intimée au paiement des déboursés (article 151 CP).

[12]        En plus de ce qui est indiqué au document, le comité a principalement retenu ce qui suit du témoignage de l’intimée :

     elle a rendu, pendant plusieurs années, des services professionnels à plusieurs communautés religieuses;

     elle reconnaît avoir tenu plusieurs rôles dans cette affaire : « courtier souscripteur »; elle recrutait les tiers appelés à payer les primes; sa firme GA et elle sont bénéficiaires de certaines polices d’assurance; elle a contribué à la gestion du Programme avec l’Organisme; elle a participé à l’administration de la Fondation laquelle est titulaire de certaines polices;

     bien qu’elle n’ait pas voulu ébranler la confiance des déposants ni voulu mettre en péril le Programme, elle admet qu’elle ne s’est pas informée suffisamment de la teneur de ses obligations déontologiques, qu’elle a manqué de rigueur; elle se sent « démolie » et elle éprouve des remords;

     comme conséquence de cette affaire, elle éprouve des problèmes de santé, elle a divorcé et n’a plus de relations avec les communautés religieuses avec lesquelles elle avait pourtant établi des liens solides;

     elle éprouve de plus de sérieuses difficultés financières; elle occupe des emplois mal rémunérés; elle a encaissé ses économies, profite de l’aide d’amis et reçoit des prestations de la Régie des rentes du Québec;

     elle a 65 ans; elle ne veut pas retourner à la pratique de représentante et estime que sa réputation est « détruite ».

 

 

III.        L’ANALYSE

[13]        Les avocats des parties l’ont souligné : l’intimée a commis des infractions dont la gravité objective est manifeste; elle s’est clairement placée en situation de conflit d’intérêts à de nombreuses reprises en agissant à plusieurs titres et cela au cours d’une très longue période de temps (près de 20 ans).

[14]        Dans leurs recommandations conjointes, les parties ont pris en compte les éléments singuliers de ce dossier et plusieurs facteurs atténuants tel qu’elles l’ont indiqué dans le document et réitéré lors de leurs représentations.

[15]        Les avocats ont mentionné au comité ne pas avoir retracé de décisions dont les faits s’apparentent véritablement à ceux du présent dossier. Cela n’est pas étonnant, vu les circonstances particulières de cette affaire.

[16]        Dans les décisions soumises[5], on constate que le comité impose des sanctions sévères aux représentants qui se placent en situation de conflit d’intérêts.

[17]        Dans leurs recommandations conjointes, les parties ont manifestement pris en compte les enseignements tirés de ces décisions sans écarter pour autant les éléments propres au présent dossier dont les facteurs atténuants mis en preuve.

[18]        Cela dit, la jurisprudence est claire : les recommandations conjointes formulées par les parties ne doivent être écartées que si le comité les juge contraires à l’intérêt public ou s’il est d’avis qu’elles sont de nature à déconsidérer l’administration de la justice[6].

[19]        Le comité considère que les sanctions proposées satisfont aux critères de dissuasion et d’exemplarité propres au droit disciplinaire et qu’elles contribueront à assurer la protection du public.

[20]        Le comité est convaincu que les sanctions proposées ne doivent pas être écartées; il y donnera donc suite.

[21]        En terminant, le comité tient à souligner la qualité des représentations des avocats des deux parties dans ce dossier.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience quant aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 24 de la plainte et cela de la façon suivante :

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1, 4, 5, 6 et 8 de la plainte;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 2, 3, 7 et 9 à 24 de la plainte en ce qui a trait à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 2, 3, 7 et 9 à 24 en ce qui a trait à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION,

ORDONNE, pour chacun des chefs d’infraction énoncés aux paragraphes 1 à 24 de la plainte, la radiation temporaire de l’intimée pour une période de 4 ans;

ORDONNE que ces périodes de radiation temporaire soient purgées concurremment;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la décision rendue dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156 du CP;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du CP.

 

 

 

 

(S) Sylvain Généreux

__________________________________

Me Sylvain Généreux

Président du comité de discipline

 

 

(S) Benoit Bergeron

__________________________________

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Alain Legault

__________________________________

M. Alain Legault

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Alain Chevrier

DUNTON, RAINVILLE

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

13 mars 2018

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Le comité n’a pas corrigé les fautes d’orthographe que l’on retrouve dans le texte; il a cependant retiré les numéros de police afin de respecter l’esprit de l’ordonnance émise aux termes de l’article 142 du CP.

[2]     Des documents relatifs à ces polices d’assurance ont été produits comme pièces P-7 à P-37.

[3]     Certains protocoles ont été produits comme pièce P-39.

[4]     Des formulaires de consentement ont été produits comme pièce P-38.

[5]     CSF c. Thibault, 2013 CanLII 73212 (QC CDCSF); CSF c. Huet, 2017 QCCDCSF 75 (CanLII); CSF c. Blanchet, 2016 CanLII 92432 (QC CDCSF); CSF c. Therrien, 2017 QCCDCSF 83 (CanLII); CSF c. Delisle, 2017 CanLII 32524 (QC CDCSF); CSF c. Gilbert, 2013 CanLII 43415 (QC CDCSF); CSF c. Torabizadeh, 2010 CanLII 58 (QC CDCSF); CSF c. Gauthier, 2013 CanLII 43416 (QC CDCSF); CSF c. Prévost, 2013 CanLII 46191 (QC CDCSF); CSF c. Boissonneault, 2013 CanLII 43412 (QC CDCSF); CSF c. Gosselin, 2014 CanLII 69106 (QC CDCSF); CSF c. Langlais, 2017 QCCDCSF 37 (CanLII).

[6]     R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

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