Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1244

 

DATE :

28 juin 2018

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Gilles Peltier

Président

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Michel Gendron

Membre

_____________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

DENIS AVOINE, représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 179539, BDNI 2430341)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication des noms et prénoms des personnes dont les initiales apparaissent au chef d’accusation numéro un (1) de la plainte disciplinaire ainsi que de tout renseignement permettant de les identifier.

[1]           Le 19 mars 2018, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 25 avril 2017 ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.      À Québec, le ou vers le 1er février 2016, l’intimé n’a pas cherché à avoir une connaissance complète des faits, avant de faire signer à sa cliente M.S. un formulaire de changement de bénéficiaire ainsi qu’un document de changement de représentant pour la police numéro […], procédant ainsi à l’insu de H.S., la titulaire de cette police, contrevenant ainsi aux articles 12,13,14 et 15 Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

2.      Dans la province de Québec, depuis le ou vers le 20 septembre 2016, l’intimé a manqué de courtoisie à l’égard des membres du personnel du bureau de la Syndique, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ., c. D-9.2), 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ., c D-9.2, r.3) et 20 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (RLRQ., c. D-9.2, r.7.1).

[2]           La plaignante était représentée par Me Vincent Grenier-Fontaine et l’intimé, absent, était représenté par Me Nathalie Lavoie.

[3]           En début d’audition, la plaignante, par l’entremise de son procureur, présenta au comité une requête afin d’être autorisée à retirer le chef d’accusation énoncé au paragraphe numéro deux (2) de la plainte.

[4]           Après qu’elle eut fait valoir ses motifs et en tenant compte de la nature de l’infraction alléguée, cette dernière fut autorisée à procéder audit retrait.

[5]           La procureure de l’intimé informa ensuite le comité qu’elle avait reçu de son client le mandat d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité à l’infraction telle que libellée au paragraphe numéro un (1) de la plainte.

[6]           Le comité, après s’être assuré auprès de la procureure de l’intimé que celui-ci avait été bien informé que, par son plaidoyer de culpabilité, il reconnaissait les gestes reprochés, que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques et que le comité n’était pas lié par une recommandation commune de sanction qui pourrait lui être soumise, accueillit le plaidoyer de culpabilité et déclara l’intimé coupable de l’infraction prévue à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[7]           Un arrêt conditionnel des procédures fut ordonné en ce qui a trait aux autres dispositions mentionnées au chef d’accusation contenu à la plainte.

[8]           Le comité invita ensuite la plaignante à lui soumettre un sommaire de la preuve dont elle disposait et qui révéla en substance les éléments suivants :

LA PREUVE

[9]           Le procureur de la plaignante débuta son exposé en déposant, de consentement, un cahier de pièces identifiées (P-1 à P-12).

[10]        L’attestation de droit de pratique de l’intimé indique que celui-ci, à la date de l’infraction reprochée, détenait un certificat en assurance de personnes pour le cabinet INDUSTRIELLE ALLIANCE, ASSURANCE ET SERVICES FINANCIERS INC.

[11]        Il ne détient, à ce jour, aucun certificat pour œuvrer dans le domaine et il occupe un emploi n’ayant aucun rapport avec les services financiers.

[12]        À la date prévue à la plainte, H.S. était titulaire et bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie auprès de INDUSTRIELLE ALLIANCE, sa fille, M.S., étant la personne assurée.

[13]        À l’extérieur du pays depuis deux (2) mois, elle constata à son retour, à la fin du mois de mars 2016, qu’en son absence et à son insu, des modifications avaient été faites à sa police d’assurance, qu’elle n’en était plus la bénéficiaire et qu’il y avait eu changement de représentant.

[14]        Ces changements avaient été faits à la demande de M.S.

[15]        Le 5 février 2016, l’intimé avait fait parvenir à INDUSTRIELLE ALLIANCE, les formulaires requis pour les changements désirés, datés du 1er février 2016.

[16]        Il y était erronément indiqué le nom de M.S. comme étant la propriétaire de la police.

[17]        Le 15 février 2016, INDUSTRIELLE ALLIANCE indiqua qu’elle ne pouvait procéder au changement de représentant, la demande ayant été signée par M.S., l’assurée, alors qu’elle aurait dû porter la signature de H.S., la propriétaire de la police.

[18]        L’assureur ne fit pas montre de la même vigilance relativement à la demande de changement de bénéficiaire, puisqu’il émit le 1er mars 2016, un avenant où l’on peut constater que H.S. a été remplacée par le conjoint de M.S.

[19]        Alertée et reconnaissant son erreur INDUSTRIELLE ALLIANCE émit le 7 avril 2016 un nouvel avenant rétablissant H.S. comme bénéficiaire de la police.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[20]        La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en informant le comité que les parties en étaient venues à une entente pour formuler des recommandations communes qui s’articulent ainsi :


 

SOUS LE CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO UN (1)

-       La condamnation de l’intimé à une radiation temporaire d’un (1) mois, celle-ci ne devant être exécutoire, le cas échéant, qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers émettra un certificat en son nom;

-       La condamnation de l’intimé au paiement des déboursés;

-       La publication d’un avis de la présente décision.

[21]        Elle énuméra ensuite les facteurs aggravants et atténuants qui, à son avis, devaient être considérés :

FACTEURS AGGRAVANTS

-       La gravité objective de l’infraction;

-       La négligence dont a fait preuve l’intimé qui aurait dû s’assurer de l’identité de la propriétaire légitime de la police;

-       Le comportement fautif de l’intimé qui se situe au cœur de l’exercice de la profession d’un représentant;

-       Les graves conséquences qui auraient pu résulter des gestes de l’intimé;

-       La répétition des gestes sur deux (2) formulaires distincts;

-       Les inconvénients causés à la titulaire de la police.

FACTEURS ATTÉNUANTS

-       L’absence d’antécédent disciplinaire;

-       L’absence de préjudice;

-       Les risques de récidive nuls, l’intimé ayant quitté le domaine.

[22]        Elle déposa ensuite au dossier un cahier d’autorités comprenant huit (8) décisions qu’elle commenta[1].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[23]        La procureure de l’intimé débuta en confirmant que les recommandations de la plaignante étaient effectivement des recommandations communes.

[24]        Elle indiqua au comité que l’intimé était âgé de 46 ans et qu’il avait quitté le domaine, n’ayant aucune intention d’y revenir, après y avoir œuvré pendant une dizaine d’années.

[25]        Elle souligna enfin que celui-ci éprouvait des remords et un très grand malaise suite à ces événements.

ANALYSE ET MOTIFS

[26]        Au moment de la commission des infractions, l’intimé détenait un certificat en assurance de personnes.

[27]        Il n’est plus certifié et il n’a aucune intention de revenir travailler dans le domaine.

[28]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[29]        Il a reconnu sa culpabilité à la première occasion.

[30]        Selon sa procureure, il éprouverait beaucoup de remords.

[31]        Il n’était aucunement animé d’une intention malveillante.

[32]        Il n’a retiré aucun avantage pécuniaire.

[33]        Mise à part les inquiétudes et le stress qu’elle a certainement ressentis et que le comité ne saurait minimiser, la titulaire de la police n’a subi aucun préjudice, la situation ayant été rétablie avant que des dommages ne soient causés.

[34]        Le comité, dans son analyse, prend bien entendu en compte ces éléments, il est toutefois d’avis que l’infraction reprochée est grave.

[35]        Elle touche au cœur même de la profession et est de nature à déconsidérer celle-ci.

[36]        Elle contribue, de plus, à miner la confiance du public à l’égard de la fonction de représentant.

[37]        Le comité ne peut que souligner la grossière négligence dont a fait preuve l’intimé, en omettant de procéder à une vérification élémentaire qui lui aurait révélé l’identité de la titulaire légitime de la police.

[38]        Tel que mentionné précédemment, les procureurs des parties ont convenu de soumettre au comité une recommandation commune relativement à la sanction qui doit être imposée.

[39]        Le comité se doit d’appliquer les principes de droit qui régissent son pouvoir d’intervention lorsque des recommandations communes lui sont soumises.

[40]        Dans Dumont c. R.[2], la Cour d’appel souligne que la recommandation commune  dispose d’une « force persuasive certaine » de nature à assurer qu’elle sera respectée en échange du plaidoyer de culpabilité.

[41]        À l’occasion d’une décision rendue dans Chan c. Médecins, le Tribunal des professions[3] invite les Conseils de discipline « non pas à décider de la sévérité ou de la clémence de la sanction, mais à déterminer si elle s’avère déraisonnable au point d’être contraire à l’intérêt public et de nature à déconsidérer l’administration de la justice. »

[42]        Il souligna également dans Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu[4] que :

« Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. »

[43]        La Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook[5] a statué que des recommandations communes ne devraient être écartées que si elles sont susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

[44]        Après étude de la preuve et de la jurisprudence citée par les parties et bien qu’il soit d’avis que les recommandations communes sont clémentes dans les circonstances, le comité ne considère pas qu’il se retrouve dans une situation où il se doit d’intervenir et de se dissocier des recommandations faites par des procureurs d’expérience, celles-ci n’étant pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraires à l’intérêt public.

[45]        Ainsi, considérant les éléments tant objectifs que subjectifs.

[46]        Considérant les facteurs aggravants et atténuants.

[47]        Considérant la jurisprudence applicable en la matière.

[48]        Le comité retiendra la recommandation commune proposée par les parties et ordonnera la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un (1) mois.

[49]        Cette période de radiation temporaire ne sera cependant exécutoire qu’au moment où l’intimé reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers émettra un certificat en son nom.

[50]        Le comité ordonnera tel que prévu à l’article 156 al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. C-26) la publication, aux frais de l’intimé, d’un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession.

[51]        Il sera ordonné par le comité que cette publication ne soit faite qu’au moment où, le cas échéant, l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers émettra un certificat en son nom.

[52]        Enfin, le comité ordonnera à l’intimé de payer les déboursés, conformément aux dispositions prévues à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE de la demande de retrait du chef d’accusation numéro deux (2) par la plaignante;

AUTORISE la plaignante à procéder au retrait du chef d’accusation numéro deux (2);

PREND ACTE, à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur le chef d’accusation numéro un (1) porté contre lui;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audition en vertu de l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

RÉITÈRE l’arrêt conditionnel des procédures en ce qui a trait aux autres dispositions mentionnées au chef d’accusation numéro un (1) de la plainte.

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

ORDONNE sous le chef d’accusation numéro un (1) la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un (1) mois;


 

ORDONNE que cette période de radiation temporaire ne soit exécutoire qu’au moment où l’intimé reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

ORDONNE à la secrétaire du comité de faire publier, conformément à ce qui est prévu à l’article 156 al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. C-26), aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

ORDONNE à la secrétaire du comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où, le cas échéant, l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

(S) Gilles Peltier

_________________________________

Me GILLES PELTIER

Président du comité de discipline

 

 

(S) Dyan Chevrier

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Mme DYAN CHEVRIER, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Michel Gendron

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M. MICHEL GENDRON

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Vincent Grenier-Fontaine,

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Nathalie Lavoie

BCF S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

 

19 mars 2018

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII); Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA); Chambre de la sécurité financière c. Buenviaje, 2014 CanLII 423 (QC CDCSF) ; Lelièvre c. Buenviaje, 2015 QCCQ 2078 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Latreille, 2013 CanLII 43427 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Kendall, 2017 CanLII 66027 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Dionne, 2014 CanLII 42100 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Monette, 2017 QCCDCSF 59 (CanLII).

[2]     Dumont c. R., 2013 QCCA 576.

[3]     Chan c. Médecins (Ordre professionnel des) 2014 QCTP 5.

[4]     Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII).

[5]     R. c. Anthony-Cook, préc., note 1.

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