Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1227

 

DATE :

16 mai 208

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre

 

M. Armand Éthier, A.V.C.

Membre

 

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

PARNELL ADLER JACOB (certificat numéro 152954)

Partie intimé

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DÉCISION SUR SANCTION

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[1]          Le 27 novembre 2017, le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, Montréal, pour procéder à l'audition sur sanction.

[2]           La plaignante était représentée par Me Jean-François Noiseux, alors que l’intimé était absent et non représenté.

[3]           L’intimé ayant été dûment convoqué, le comité a accueilli la demande du procureur de la plaignante de procéder ex parte.

[4]           Dans sa décision sur culpabilité, rendue le 29 août 2017, le comité a déclaré l’intimé coupable :

a)        Sous les chefs 1 et 2 : pour avoir fait des détournements de fonds d’environ 500 $ dans les comptes de banque de deux clientes, sur une période d’environ huit mois;

b)        Sous le chef 3 : pour avoir soumis, sur une période de près de trois ans, environ 33 propositions d’assurance vie fictives auprès de cinq assureurs;

c)         Sous le chef 4 : pour avoir transmis de faux renseignements à l’assureur en réponse à environ dix demandes de vérification de renseignements, indiquant que ces clients avaient souscrit et signé les propositions d’assurance et en apposant sur lesdites réponses de fausses signatures;

d)        Sous le chef 5 : pour avoir entravé le travail du syndic, le 16 octobre 2015, alors qu’il n’a pas répondu de façon véridique aux questions relatives à des rencontres de clients et à des demandes de renseignement de l’assureur.

LA PREUVE

[5]          Le procureur de la plaignante a indiqué ne pas avoir de preuve supplémentaire à offrir sur sanction à l’exception de deux antécédents disciplinaires de l’intimé :

a)        Une première décision rendue en 2015 par le comité de la CSF, ayant ordonné sa radiation temporaire pour une période de deux ans, dans la discipline de l’assurance de personnes, et ce, jusqu’au 5 novembre 2017[1];

b)        Une deuxième décision, rendue le 9 juin 2017, cette fois par le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (CDCHAD) ordonnant sa radiation temporaire pour une période de deux ans[2].

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[6]           Le procureur de la plaignante a soumis les recommandations suivantes sur sanction :

a)        Sous chacun des chefs 1 et 2 :

             La radiation permanente de l’intimé;

b)        Sous chacun des chefs 3 et 4 :

             La radiation permanente de l’intimé;

c)         Sous le chef 5 :

             La radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente.

[7]          De plus, il a réclamé la publication d’un avis de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[8]          À l’appui de ses recommandations sur sanction, il a soumis une série de décisions, dont trois pour les premiers quatre chefs d’accusation[3], ainsi que les affaires Moore et Duchaine[4] pour le cinquième chef.

ANALYSE ET MOTIFS

[9]          L’intimé a commencé à exercer en 2002. Il avait ainsi acquis entre dix et treize années d’expérience au moment de la commission des infractions dont il a été déclaré coupable.  

[10]       Les infractions commises sont d’une gravité objective indéniable. Il s’agit d’une conduite indiscutablement prohibée.

[11]       Bien que les détournements de fonds opérés par l’intimé à l’égard des comptes de deux clientes soient modestes, ils révèlent, tout comme d’ailleurs les faux renseignements fournis aux assureurs et les propositions fictives soumises, que l’intimé est dépourvu de probité et d’honnêteté. Pourtant, ces qualités sont essentielles à l’exercice des activités du représentant.

[12]       Il paraît incontestable que l’intimé était animé d’une intention malhonnête. La répétition par l’intimé de ces gestes ne laisse aucun doute quant à leur préméditation.

[13]        Aussi, la présente affaire, combinée aux antécédents de l’intimé, annonce un risque de récidive important sinon certain. Auparavant, l’intimé avait réclamé à son employeur diverses sommes pour des dépenses non engagées, ce qui lui a valu une radiation temporaire de deux ans imposée d’une part par le CDCSF en 2015, et d’autre part en 2017 par le CDCHAD pour des infractions de même nature.  

[14]       De plus, alors que le comité procédait, le 4 novembre 2015, à l’audition sur sanction dans le premier dossier porté contre l’intimé[5], son procureur plaidait alors le faible taux de récidive, et ce, en présence de l’intimé. Or, le comité apprend maintenant que le même jour l’intimé rencontrait le bureau de la plaignante au sujet des détournements de fonds et la soumission de propositions fictives soit les infractions reprochées dans la présente plainte.  

[15]       L’intimé n’a pas non plus exprimé de regret ou remord à l’égard des gestes commis.

[16]       Il y a, en outre, absence de facteur atténuant.

[17]       Dans les affaires soumises au soutien de la recommandation pour les infractions de détournement de fonds, une radiation de dix ans ou même permanente a été imposée aux intimés, et ce, même dans le cas de sommes de moindre importance. Les radiations de dix ans ont, dans bien des cas, été imposées alors qu’il s’agissait pour le représentant d’un acte isolé ou d’avoir agi ainsi pour aider un proche, mais non de façon manifeste pour tromper et subtiliser des sommes à des clients ou à ses employeurs.

[18]       Le procureur de la plaignante compare le présent cas à l’affaire Cabana[6]. Cet intimé a détourné jusqu’à 160 000 $ et s’est vu imposer une radiation permanente alors que pour avoir soumis 25 propositions d’assurance à l’insu de ses clients, sa radiation temporaire pour une période de dix ans a été ordonnée.

[19]       Sauf respect, le parallèle fait par le procureur de la plaignante avec le présent dossier doit être nuancé, notamment en raison de la gravité objective des infractions commises.  Dans Cabana, l’intimé avait soumis des propositions à l’insu de ses clients existants lesquels ont vu leurs comptes amputés par certaines primes. Ces consommateurs ont été directement victimes des agissements de leur représentant. En l’espèce, il s’agit de propositions pour des personnes fictives. Certes, les assureurs ont subi un préjudice découlant de ces propositions fictives, mais aucun consommateur.

[20]       Par ailleurs, chaque cas est d’espèce. Considérant les faits propres au présent dossier de même que les facteurs aggravants incluant les antécédents de l’intimé, le comité est d’avis que celui-ci doit être écarté de l’industrie. L’intimé a démontré exercer de façon déviante et manquer de façon flagrante d’honnêteté et d’intégrité.

[21]       Dans les circonstances, le comité imposera à l’intimé une radiation permanente sous chacun des chefs d’accusation 1 à 4. 

[22]       Quant au cinquième chef d’entrave au travail du syndic, cette infraction est aussi de gravité objective importante, notamment en raison des infractions sérieuses sur lesquelles portait l’enquête de la plaignante et dont l’entrave par l’intimé risquait de compromettre.

 

[23]       Alors qu’au cours d’une première rencontre avec le bureau de la plaignante l’intimé avait nié les gestes, affirmant que les propositions étaient réelles et qu’il n’a pas détourné les argents des comptes de ses clients, deux semaines plus tard, le 4 novembre 2015, il a reconnu les faits. Or, entre ces deux rencontres, ses mensonges ont fait en sorte que des recherches supplémentaires ont dû être entamées par le bureau de la plaignante. L’intimé a ainsi sérieusement entravé le déroulement de l’enquête en induisant en erreur le bureau de la plaignante.  

[24]        Le comité estime que l’entrave est une infraction grave qui exige une sanction sévère, non seulement parce qu’elle porte atteinte au mécanisme mis en place par le législateur pour assurer la protection du public, mais aussi pour atteindre les objectifs de dissuasion et d’exemplarité.

[25]       En conséquence, le comité donnera suite à la recommandation de la plaignante et imposera à l’intimé, sous ce cinquième chef d’accusation, une radiation temporaire pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente.

[26]       De plus, le comité ordonnera la publication d’un avis de la décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE, sous chacun des quatre premiers chefs d’accusation, la radiation permanente de l’intimé;

ORDONNE, sous le cinquième chef d’accusation, la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

(s) Janine Kean___________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Armand Éthier__________________

M. Armand Éthier, A.V.C.  

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Suzanne Côté__________________

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jean-François Noiseux

CDNP AVOCATS

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent.

 

Date d’audience :

Le 27 novembre 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] CSF c. Jacob (CD00-1057), 2015 QC CDCSF 45.

[2] CHAD c. Jacob, 2017 CanLII 37480.

[3] Chefs d’accusation 1 à 4: CSF c. Cabana, 2017 QC CDCSF 66 (CanLII); CSF c. Messier, 2012 CanLII 97159 (QC CDCSF); CSF c. Espinoza, 2013 CanLII 46530 (QC CDCSF).

[4] Chef d’accusation 5: CSF c. Moore, 2016 QC CDCSF 12 (CanLII); CSF c. Duchaine, 2016 QC CDCSF 9 (CanLII).

[5] CSF c. Jacob, préc., note 1.

[6] CSF c. Cabana, préc., note 3.

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