Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-1189

 

 

 

DATE :

10 mai 2018

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

M. Denis Petit, A.V.A.

Membre

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

CHARLES LEROUX (certificat numéro 165034)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR SANCTION

 

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE D’OFFICE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

          Non-divulgation, non-diffusion et non-publication de tout renseignement de nature personnelle et économique concernant la consommatrice se trouvant dans la preuve documentaire produite au dossier.

 

[1]          Le 6 avril 2018, le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni au Tribunal administratif du travail, sis au 900, Place d’Youville, à Québec, pour procéder à l'audition sur sanction, à la suite de la décision sur culpabilité rendue contre l’intimé le 9 novembre 2017.

[2]           La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau.

[3]           Pour sa part, l’intimé était absent et non représenté, bien que dûment convoqué par avis public paru dans le Journal de Québec le 31 janvier 2018.

[4]           Dans les circonstances, le comité a permis au procureur de la plaignante de procéder ex parte.

[5]           Ce dernier, après avoir indiqué qu’il n’avait aucune preuve supplémentaire à offrir sur sanction, a rappelé brièvement les faits ayant mené à l’infraction d’appropriation commise par l’intimé.

[6]           Il a rappelé que la cliente de l’intimé lui avait confié 2 000 $, le 31 juillet 2015, pour investissement, avec remise du capital et des intérêts le 31 août suivant. Or, l’intimé a utilisé cette somme pour ses fins personnelles. En novembre 2015, il ne lui avait toujours pas remis ni le capital ni le rendement promis, et ce, malgré les demandes répétées de L.D.  

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE SUR SANCTION

[7]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, a recommandé d’ordonner la radiation temporaire de l’intimé pour une période de dix ans ainsi que sa condamnation à rembourser L.D.[1].  

[8]          La plaignante a aussi demandé la publication de l’avis de la décision aux frais de l’intimé, et de le condamner au paiement des déboursés.

[9]          Le procureur de la plaignante a rappelé la gravité de l’infraction d’appropriation, celle-ci étant parmi les infractions les plus graves, sinon la plus grave, qu’un représentant puisse commettre. Elle dénote un manque flagrant d’intégrité dudit représentant. La commission de cette infraction affecte le lien de confiance existant dans les relations entre les représentants et le public en plus de porter atteinte à l’image de la profession.

[10]       En l’espèce, il y a même augmentation de cette gravité du fait que l’intimé a profité de la vulnérabilité de sa cliente. Celle-ci était l'épouse d’un ancien client décédé quelques années auparavant. Au moment des événements, L.D. avait perdu son emploi. Après quelque temps, elle a même dû, à 64 ans, recourir à la sécurité du revenu.

[11]       De l’avis du procureur de la plaignante, bien que l’intimé exerce depuis environ dix ans, l’absence d’antécédent disciplinaire constitue, dans les circonstances, non pas un facteur atténuant, mais bien neutre.

[12]       L’intimé n’a jamais exprimé de repentir ni rien remboursé. Aussi, il n’a pas vraiment collaboré avec l’enquêteur n’ayant jamais reconnu les faits reprochés. 

[13]       La plaignante estime qu’une période de radiation temporaire de dix ans est de nature à atteindre les objectifs de la sanction, dont la protection du public, la dissuasion du représentant ainsi que celui de l’exemplarité à l’égard des pairs.

[14]       À l’appui de cette recommandation, son procureur a déposé une série de décisions[2] qui ont conclu pour une infraction d’appropriation à une période de radiation temporaire de dix ans, certaines pour des périodes de radiation plus courtes dans les cas où par exemple, l’intimé a agi pour aider un proche, avait remboursé son client ou reconnu les faits reprochés et exprimé des regrets. En l’espèce, aucun de ces facteurs n’est présent. 

REPRÉSENTATIONS SUPPLÉMENTAIRES DE LA PLAIGNANTE APRÈS L’AUDIENCE

[15]       Étant donné l’ordonnance de remboursement suggérée, le comité a notamment requis du procureur de la plaignante des notes additionnelles afin de la concilier avec sa demande de reconduction de l’ordonnance rendue dans la décision sur culpabilité selon l’article 142 du Code des professions (CP) visant notamment la non-divulgation du nom de la consommatrice. 

[16]       Par lettre du 11 avril 2018, le procureur de la plaignante a confirmé au comité que L.D. consentait aux fins de l’ordonnance de remboursement à ce que son nom soit mentionné renonçant de ce fait à la demande de reconduction de l’ordonnance rendue à ce sujet conformément à l’article 142 CP dans la décision sur culpabilité. 

ANALYSE

[17]       L’intimé était représentant en assurance de personnes du 11 mai 2005 au 9 août 2015. Cette période a toutefois été entrecoupée d’intervalles au cours desquels son certificat n’était pas en vigueur. Il a également fait l’objet de deux périodes de suspension en 2014 et 2015 respectivement. Il était représentant autonome et avait son propre cabinet ayant repris la clientèle de son père retraité.

[18]       La gravité objective de l’infraction d’appropriation est indéniable. Elle est l’une des plus graves qu’un représentant puisse commettre. Elle porte atteinte à la raison d’être de la profession et affecte le lien de confiance devant exister entre un représentant et son client.

[19]       La trame factuelle ne laisse pas de doute non plus sur la présence de préméditation laquelle constitue un facteur aggravant.

[20]       L.D. était une personne vulnérable. Elle a perdu son emploi après avoir connu des problèmes sérieux de santé. Dans les circonstances, son employeur l’a invitée à prendre sa retraite, ce qu’elle a dû faire dès le début de 2015. Bien qu’elle ait travaillé plus de 15 ans pour ce même employeur, elle n’y détenait pas de fonds de retraite. Elle s’est ainsi retrouvée du jour au lendemain sans revenu.

[21]       L’intimé connaissait la situation financière précaire de sa cliente et en a profité pour lui soutirer de l’argent. C’est ainsi qu’elle lui a confié 2 000 $ au cours des mois qui ont suivi. Elle lui a fait confiance à deux reprises. Le premier investissement a été fait par chèque à l’ordre du cabinet de l’intimé, dont le capital et les intérêts lui ont été versés à l’échéance prévue. Quelques mois plus tard, l’intimé l’a sollicitée à nouveau. Forte de sa première expérience, L.D. a consenti à investir pour le même montant et aux mêmes conditions. 

[22]       Cette fois, l’intimé a utilisé à ses fins personnelles l’argent ainsi confié par L.D. Il ne lui a remis ni le capital ni le rendement promis. 

[23]       La collaboration de l’intimé à l’enquête s’est révélée mitigée, car bien qu’il ait parlé à l’enquêteur, il n’a jamais reconnu les faits.

[24]       Quant à l’absence d’antécédent disciplinaire, le comité convient avec le procureur de la plaignante que cet élément ne peut guère être considéré comme un facteur atténuant dans les circonstances de l’infraction commise.

[25]       La sanction appropriée dans le cas d’appropriation de deniers s’avère sans conteste la radiation. Sa durée sera toutefois plus ou moins longue selon les faits entourant la commission de l’infraction.

[26]       En l’espèce, la période de radiation temporaire de dix ans recommandée par la plaignante paraît justifiée et de nature à assurer la protection du public ainsi que d’avoir un effet dissuasif tant chez l’intimé qu’à l’égard des représentants qui seraient tentés de l’imiter.

[27]       Elle se situe dans la fourchette des sanctions généralement imposées à l’égard de cette même infraction commise dans des circonstances semblables.

[28]       Par conséquent, la radiation temporaire de l’intimé sera ordonnée pour une période de dix ans sous l’unique chef d’accusation porté contre lui.

[29]       Tenant compte des représentations supplémentaires du procureur de la plaignante, le comité a d’office émis une ordonnance selon 142 CP laquelle est rapportée au début de la présente décision.

[30]       De plus, le comité ordonnera à l’intimé de rembourser 2 000 $ à la consommatrice Louise Drouin le tout en vertu de l’article 156 (1) d) du CP avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle selon l’article 1619 C.c.Q.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE la non-divulgation, la non-diffusion et la non-publication de tout renseignement de nature personnelle et économique concernant la consommatrice se trouvant dans la preuve documentaire produite au soutien de la présente plainte;

ORDONNE, sous l’unique chef d’accusation, la radiation temporaire de l’intimé, et ce, pour une période de dix ans;

ORDONNE à l’intimé de rembourser 2 000 $ à Louise Drouin avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle en vertu de l’article 1619 C.c.Q. à compter de la présente décision;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

(S) Janine Kean

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Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

 

(S) Robert Chamberland

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M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(S) Denis Petit

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M. Denis Petit, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT CARON PRÉVOST BÉLISLE GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent et non représenté.

 

Date d’audience :

Le 6 avril 2018

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Lemire c. Avocats, 2014 QCTP 119-A.

 

[2] CSF c. Raymond, 2011 CanLII 99457, décision sur culpabilité et sanction du 22 juin 2011; CSF c. Ferjuste, 2013 CanLII 43430, décision sur culpabilité et sanction du 26 avril 2013; CSF c. Boudreault, 2015 CanLII 87580, décision sur culpabilité et sanction du 21 décembre 2015; CSF c. Robillard, 2017 CanLII 15106, décision sur culpabilité et sanction du 13 mars 2017; CSF c. Bradet, 2017 QCCDCSF 38 (CanLII), décision sur culpabilité et sanction du 19 juillet 2017; CSF c. Erdogan, 2017 CanLII 10189, décision sur culpabilité et sanction du 22 février 2017; CSF c. Ndiaye, 2017 QCCDCSF 76 (CanLII), décision sur culpabilité et sanction du 1er décembre 2017.

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