Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1120

 

DATE :

5 novembre 2018

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ* :

Me Claude Mageau

Président

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

WIESLAWA OLEJNIK  BENEDETTI, conseillère en sécurité financière, conseillère en assurance et rentes collectives et planificatrice financière (numéro de certificat 102421, BDNI 225971)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

______________________________________________________________________

 

[1]              L’intimée a été trouvée coupable le 16 mai 2018 par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») des deux (2) chefs d’infraction de la plainte disciplinaire portée contre elle le 29 avril 2015 se lisant comme suit :

 

LA PLAINTE

1.         À Montréal, entre les ou vers les 31 janvier et 21 mars 2007, l’intimée a transmis ou a fait transmettre à P.L.-S. un formulaire « Know Your Client Information » pour qu’elle le signe en blanc, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

3.         À Montréal, le ou vers le 25 septembre 2007, l’intimée a modifié à la hausse le niveau de tolérance aux risques au formulaire « Know your client Information » pour le compte 173XXXX, et ce, alors qu’elle n’était pas en présence de P.L.-S., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3), 3, 4, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

[2]              Le 11 juillet 2018, le comité a tenu une conférence téléphonique avec les procureurs des parties afin de fixer une date pour les représentations sur sanction.

[3]              Le dossier a alors été remis au 19 juillet 2018 afin de permettre aux procureurs des parties de déterminer la durée de l’audition sur sanction, laquelle fut fixée aux 30 et 31 août 2018, le comité étant dans l’impossibilité de fixer des dates plus rapprochées à cause de la période des vacances estivales et de l’indisponibilité des procureurs.

[4]              L’audition sur sanction a eu lieu le 30 août 2018 uniquement, alors que l’intimée a été le seul témoin entendu sur sanction et que les procureurs ont, par la suite, fait leurs représentations sur sanction.

[5]              La plaignante était représentée par Me Jean-Simon Britten et l’intimée par Me René Vallerand.

TÉMOIGNAGE DE L’INTIMÉE

[6]              L’intimée expliqua qu’avant la présente plainte disciplinaire, elle n’avait fait l’objet d’aucune plainte.

[7]              Elle mentionna qu’elle avait eu connaissance de la plainte de la consommatrice en mars 2009.

[8]              Elle déposa comme pièce SI-1 la lettre du 4 mars 2009 de P.L.-S., la consommatrice.

[9]              L’intimée expliqua qu’elle s’est sentie totalement brisée par cette plainte qui attaquait son intégrité professionnelle.

[10]           Après que son gérant eut transmis la lettre de P.L.-S. à Investors Group (« Investors »), elle a dû préparer et transmettre tout son dossier à la division de la conformité d’Investors.

[11]           Elle mentionna que ça lui a pris près de deux (2) semaines pour préparer le dossier.

[12]           Elle comprenait que c’était le travail nécessaire de la conformité, et elle était bouleversée par toute cette situation.

[13]           Par la suite, elle déposa comme pièce SI-2 une lettre d’Investors Group en date du 20 août 2009 adressée à la consommatrice lui expliquant que le dossier avait été envoyé à l’Autorité des marchés financiers (AMF).

[14]           Elle mentionna qu’à ce moment-là, elle était terriblement perturbée par cette lettre et voulait quitter la profession.

[15]           Elle expliqua qu’elle l’avait alors mentionné à son gérant, mais que celui-ci lui avait alors conseillé d’attendre et de ne pas s’exécuter immédiatement.

[16]           Elle mentionna que dans les semaines qui ont suivi, elle se rendait au bureau, mais n’avait pas vraiment la tête à travailler.

[17]           Elle expliqua aussi que tout le processus effectué par le département de la conformité d’Investors avait pris près de deux (2) ans et qu’à la fin, on lui a demandé de suivre un programme intitulé « File Improvement Program », ce qu’elle a fait.

[18]           Ce programme impliquait cinq (5) modules qu’elle a dû suivre et maîtriser.

[19]           De plus, à toutes les deux (2) semaines, elle avait à soumettre au hasard un de ses dossiers afin que la conformité en fasse la vérification.

[20]           Après une période de trois (3) mois, elle expliqua qu’elle est retournée à la pratique habituelle sans cette supervision, période dans laquelle elle n’a jamais eu de commentaire négatif de la part de ses superviseurs.

[21]           Elle témoigna aussi à l’effet qu’elle était très embarrassée de devoir passer à travers le processus disciplinaire.

[22]           Pendant l’enquête de la conformité, on lui souleva la lettre de son adjointe du 31 janvier 2007, pièce P-9, envoyée à P.L.-S.

[23]           Elle déclara que cette lettre avait été envoyée sans qu’elle la révise après la rencontre qu’elle avait eue avec P.L.-S. en janvier 2007.

[24]           Elle expliqua que ce fut une des rares occasions où elle n’avait pas révisé au préalable une lettre de son adjointe.

[25]           Depuis, son adjointe n’a fait que du travail clérical et n’a plus exécuté de tâches importantes comme tout ce qui concerne les formulaires « Know Your Client » (« KYC »).

[26]           Elle termina son témoignage en expliquant que le département de la conformité d’Investors l’avait dans sa mire, et qu’elle est devenue extrêmement stricte au niveau de la conformité.

[27]           Le procureur de la plaignante ne lui posa pas de question, ce qui mit fin à la preuve sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[28]           Le procureur de la plaignante recommanda au comité qu’une radiation temporaire d’un (1) mois, concernant le chef d’infraction numéro 1, et une radiation temporaire de deux (2) mois, quant au chef d’infraction numéro 3, soient imposées à l’intimée, à être purgées de façon concurrente.

[29]           Il réclama aussi que l’intimée soit condamnée au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions, et qu’une ordonnance de publication d’un avis de la sanction selon l’article 156 du Code des professions soit émise.

[30]           Il référa brièvement aux paragraphes de la décision sur culpabilité pour la description des faits pertinents du présent dossier.

[31]           Il souligna, par la suite, les facteurs aggravants suivants, selon lui :

               Conduite clairement prohibée;

               L’infraction est au cœur de l’exercice de la profession;

               L’infraction constitue une atteinte à l’image de la profession;

               La longue expérience de l’intimée.

[32]           Par la suite, il allégua les facteurs atténuants suivants :

               L’absence d’antécédent disciplinaire;

               L’absence d’intention malveillante ou malicieuse de la part de l’intimée.

[33]           Par la suite, il déposa et commenta une série de décisions du comité pour appuyer sa recommandation[1].

[34]           Il expliqua au comité qu’il recommandait qu’une radiation temporaire de l’intimée soit ordonnée même si les infractions reprochées ne faisaient pas partie d’une pratique personnelle de l’intimée.

[35]           Plus particulièrement, en ce qui concerne le chef d’infraction numéro 3, il expliqua qu’il demandait une radiation de deux (2) mois, parce que selon lui, il s’agissait de la part de l’intimée d’une certaine forme de falsification lorsqu’elle a modifié à la hausse la tolérance aux risques apparaissant au formulaire KYC de la cliente.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉE

[36]           Tout d’abord, Me Vallerand fit quelques remarques préliminaires quant aux représentations faites par le procureur de la plaignante.

[37]           Ainsi, il mentionna qu’en ce qui concerne le chef d’infraction numéro 3, il était faux de prétendre, comme l’avait fait Me Britten, que le portefeuille de P.L.-S. avait été modifié après que la correction quant à la tolérance aux risques eut été faite sur le formulaire KYC.

[38]           Il expliqua que la mention « high » modifiée au formulaire KYC était conforme aux fonds détenus, et il s’objecta donc à la prétention du procureur de la plaignante à l’effet qu’il s’agissait d’une falsification de la part de l’intimée.

[39]           Relativement aux faits pertinents quant au chef d’infraction numéro 1, le procureur de l’intimée référa aux paragraphes 208 à 216 de la décision sur culpabilité.

[40]           En référant à ces paragraphes et à la lettre du 31 janvier 2007 de son adjointe à P.L.-S. (pièce P-9), le procureur de l’intimée prétendit que la condamnation de l’intimée au chef d’infraction numéro 1 doit être interprétée non pas comme une volonté par l’intimée de faire signer à la consommatrice un document en blanc, mais bien plutôt pour finaliser la rencontre qu’elle avait eue avec sa cliente auparavant, alors que, par inadvertance, un formulaire KYC n’avait pas été rempli et signé par P.L.-S.

[41]           Il expliqua aussi que le comité au paragraphe 210 de la décision sur culpabilité avait référé à la décision du comité rendue dans l’affaire Casaubon[2] où une amende de 2 000 $ avait alors été imposée pour ce genre d’infraction et non pas une période de radiation temporaire, comme réclamé par le procureur de la plaignante.

[42]           Il souligna que cette décision Casaubon avait même été produite comme autorité par la procureure de la plaignante qui agissait alors au moment de l’audition sur culpabilité.

[43]           Par conséquent, Me Vallerand prétendit que la recommandation faite par le procureur de la plaignante pour qu’une ordonnance de radiation soit ordonnée, concernant le chef d’infraction numéro 1, est exagérée.

[44]           Toujours concernant ce chef d’infraction 1, le procureur de l’intimée commenta les décisions du comité rendues dans les affaires de Duval et Trudeau[3] où des amendes avaient alors été imposées.

[45]           Par la suite, il souligna la décision rendue dans l’affaire Lévesque[4], où une recommandation commune pour des amendes et des réprimandes fut acceptée par le comité.

[46]           Par la suite, le procureur de l’intimée fit ses représentations quant au chef d’infraction numéro 3.

[47]           Il réclama du comité qu’une amende soit imposée à l’intimée et déposa au soutien de cette demande trois (3) décisions du comité[5].

[48]           Enfin, Me Vallerand commenta brièvement les autorités produites par le procureur de la plaignante et résuma ses représentations en réclamant du comité qu’une réprimande soit imposée à l’intimée en ce qui concerne le chef d’infraction numéro 1 et qu’une amende de 5 000 $ lui soit ordonnée quant au chef d’infraction numéro 3.

RÉPLIQUE DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[49]           Le procureur de la plaignante confirma en réplique que les placements détenus par P.L.-S. n’avaient pas été changés après que la mention « high » quant à la tolérance aux risques fut inscrite sur le formulaire KYC en ce qui concerne le chef d’infraction numéro 3.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[50]           Le comité a trouvé coupable l’intimée de deux (2) chefs d’infraction pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[51]           Pour ce qui est du chef d’infraction numéro 1, l’accusation était d’avoir transmis, par l’intermédiaire de son adjointe, un formulaire KYC, pour être complété et signé par sa cliente P.L.-S. hors la présence de l’intimée et sans l’informer des conséquences de sa signature.

[52]           En ce qui concerne le chef d’infraction numéro 3, l’intimée a été condamnée pour avoir contrevenu au même article, à savoir de ne pas avoir agi avec compétence et professionnalisme en ne s’assurant pas qu’un document aussi important qu’un formulaire KYC soit modifié sans le consentement de sa cliente.

[53]           L’intimée a plus de vingt-cinq (25) années d’expérience et était représentante chez Investors depuis 1992.

[54]           Au moment de la commission des infractions reprochées, l’intimée était la représentante de P.L.-S. depuis près de quinze (15) ans, ayant débuté une relation professionnelle avec elle en 1993.

[55]           Le procureur de la plaignante réclama du comité que des périodes de radiation temporaire d’un (1) mois et de deux (2) mois soient ordonnées respectivement pour les chefs d’infraction numéros 1 et 3.

[56]           De son côté, le procureur de l’intimée demanda au comité qu’une réprimande soit imposée à l’intimée pour le chef d’infraction numéro 1, et qu’elle soit condamnée au paiement d’une amende de 5 000 $ pour le chef d’infraction numéro 3.

[57]           Avec respect pour l’opinion contraire, le comité est d’opinion que le présent dossier n’en est pas un nécessitant qu’une courte période de radiation soit ordonnée à l’intimée.

[58]           En effet, le comité est d’opinion que la trame factuelle en l’espèce ne justifie pas la radiation temporaire de l’intimée.

[59]           L’intimée a été trouvée coupable pour le chef d’infraction numéro 1 d’avoir manqué de professionnalisme en envoyant à sa cliente P.L.-S., par son adjointe, le formulaire KYC pour qu’elle le complète et le signe.

[60]           Cet envoi faisait suite à la rencontre que l’intimée avait eue précédemment avec sa cliente en janvier 2007 et où, par inadvertance, ce formulaire KYC n’avait pas été complété et signé par P.L.-S.

[61]           À cet effet, le comité réfère aux paragraphes 209 à 216 de sa décision sur culpabilité.

[62]           Il s’agit donc d’un cas particulier où l’intimée a fait montre d’un manque de professionnalisme devant être sanctionné dans le contexte où une rencontre préalable avait eu lieu avec la cliente où les autres formulaires KYC avaient été remplis et signés par la cliente en la présence de l’intimée.

[63]           Ce contexte ne peut amener le comité à suivre la recommandation du procureur de la plaignante que la radiation temporaire de l’intimée soit ordonnée, comme il ne peut non plus accepter la suggestion du procureur de l’intimée à l’effet qu’une réprimande devrait être imposée à l’intimée pour ce chef d’infraction numéro 1.

[64]           Le comité considère en effet cette suggestion du procureur de l’intimée trop clémente, car l’infraction reprochée démontre néanmoins de la part de l’intimée un laxisme inacceptable pour un représentant expérimenté comme l’intimée.

[65]           Le comité considère qu’en l’espèce, l’imposition d’une amende est appropriée et, à cet effet, il réfère à la décision du comité rendue dans l’affaire Casaubon[6] et à celle rendue dans l’affaire Lévesque[7].

[66]           En ce qui concerne le chef d’infraction numéro 3, l’intimée a été trouvée coupable d’avoir modifié à la hausse le niveau de tolérance aux risques au formulaire KYC, alors que l’intimée n’était pas en présence de la consommatrice.

[67]           Tel que mentionné plus haut, le comité est d’opinion qu’une radiation temporaire de l’intimée n’est pas nécessaire non plus pour cette deuxième infraction.

[68]           La raison première avancée par le procureur de la plaignante pour une telle recommandation est qu’il considère le comportement de l’intimée être de la nature d’une falsification de documents.

[69]           Ainsi, pour appuyer sa prétention, il réfère aux décisions du comité rendues dans les affaires Boucher, Lembe, Pitre, Dionne et Rocha[8].

[70]           Le comité est d’opinion que ces exemples jurisprudentiels ne sont pas applicables en l’espèce.

[71]           Par exemple, dans la décision de Boucher, l’intimée avait alors « agi ainsi à de nombreuses reprises » et le comité n’était pas alors « en présence d’un fait isolé, mais plutôt de manquements répétés relativement systématiques »[9], ce qui évidemment n’est pas le cas en la présente affaire.

[72]           De plus, toujours dans la décision de Boucher[10], préalablement à la commission des infractions reprochées, l’intimée avait contracté auprès du syndic un engagement volontaire de respecter de façon stricte l’ensemble des règlements applicables au représentant.

[73]           Dans le présent cas, comme on sait, l’intimée n’a pas d’antécédent disciplinaire.

[74]           Dans l’affaire Lembe[11], il s’agissait essentiellement de plusieurs cas de falsification de faux documents.

[75]           Le comité avait alors ordonné à l’intimée une radiation d’un (1) mois pour avoir utilisé à dix-sept (17) reprises des signatures existantes de formulaires de ses clients pour de nouvelles propositions.

[76]           Cette falsification de faux documents avait eu lieu sur une période d’un (1) an et il s’agissait donc d’un cas tout à fait différent du présent dossier compte tenu de la répétition des gestes et du nombre de consommateurs (17) impliqués.

[77]           Dans l’affaire Pitre[12], il s’agissait d’une décision où l’intimé avait confectionné des formulaires d’autorisation de transfert et où il avait été accusé de sept (7) chefs d’infraction concernant quatre (4) consommateurs différents.

[78]           Enfin, dans les affaires de Dionne et Rocha[13], il s’agit de décisions rendues dans un contexte de contrefaçon et de falsification tout à fait différent au présent cas.

[79]           Le comité considère par conséquent que les exemples jurisprudentiels fournis par le procureur de la plaignante ont une pertinence toute relative.

[80]           L’intimée en l’espèce, en faisant le changement à la tolérance aux risques du formulaire KYC, n’avait pas changé la teneur du portefeuille détenu par la cliente.

[81]           D’ailleurs, le procureur de la plaignante a effectivement reconnu, lors de ses représentations, qu’après la correction faite au formulaire KYC, il n’y eut aucun changement effectué au portefeuille de la cliente.

[82]           Par conséquent, on est bien loin des exemples jurisprudentiels cités par le procureur de la plaignante où, entre autres, il y avait eu une répétition du comportement reproché de falsification.

[83]           D’ailleurs, le procureur de la plaignante a admis que les gestes posés par l’intimée étaient des gestes isolés et ne constituaient pas une « pratique personnelle de sa part ».

[84]           L’intimée a actuellement plus de vingt-cinq (25) ans d’expérience, n’a aucun antécédent disciplinaire et n’a eu aucune autre plainte déposée par ses clients pendant toute sa carrière.

[85]           Il faut souligner aussi que les deux (2) infractions reprochées à l’intimée pour lesquelles elle a été trouvée coupable remontent à plus de dix (10) ans.

[86]           L’intimée a témoigné sur sanction et a bien exprimé comment elle avait été perturbée par la lettre envoyée par son employeur Investors à la consommatrice (pièce SI-2), l’informant que le dossier avait été soumis à l’AMF.

[87]           Par la suite, elle a expliqué qu’elle a dû suivre un processus de conformité à l’interne intitulé « File Improvement Program » pendant une période de trois (3) mois.

[88]           Elle a aussi témoigné à l’effet qu’elle avait été bouleversée par l’expérience du processus disciplinaire.

[89]           Le comité est d’opinion que tout ce processus a constitué une grande leçon d’humilité pour l’intimée et qu’une période de radiation temporaire n’est pas nécessaire pour la dissuader de récidiver.

[90]           Le comité considère aussi, compte tenu de ce qui précède, qu’il n’est pas nécessaire, en vertu du principe de l’exemplarité, de lui ordonner une telle radiation temporaire afin de passer un message de dénonciation auprès des autres représentants.

[91]           Enfin, en plus de ce qui précède, le comité estime approprié de référer aux propos suivants tenus par la Cour Suprême du Canada, dans l’arrêt Nasogaluak[14] quant aux fourchettes générales de sanction applicables à certaines infractions :

« [44] Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise. » (nos soulignés)

[92]           Ces commentaires du plus haut tribunal du pays ont été faits en matière criminelle, mais ils sont tout à fait applicables en droit disciplinaire[15].

[93]           En conséquence, étant guidé par les principes bien connus en matière de sanction disciplinaire établis par la Cour d’Appel du Québec dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[16], le comité considère que l’imposition d’une amende de 5 000 $ sur chacun des chefs d’infraction 1 et 3 est adéquate et raisonnable dans les circonstances.

[94]           Pour ce qui est du paiement des déboursés, le comité, en vertu de son pouvoir discrétionnaire prévu par l’article 151 du Code des professions, ordonnera à l’intimée d’en payer la moitié compte tenu qu’elle a été acquittée des chefs d’infraction 2 et 4[17].

 PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion de tout renseignement ou de tout document produit au cours de l’instance et permettant d’identifier tout consommateur;

QUANT AU CHEF D’INFRACTION NUMÉRO 1 :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

QUANT AU CHEF D’INFRACTION NUMÉRO 3 :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $;

ACCORDE à l’intimée un délai de douze (12) mois pour payer lesdites amendes;

CONDAMNE l’intimée au paiement de la moitié des déboursés en l’espèce conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

 

(s) Claude Mageau                                           

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

 

(s) Sylvain Jutras                                               

M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jean-Simon Britten

THERRIEN COUTURE S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

30 août 2018

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



* Comme ce fut le cas pour la décision sur culpabilité rendue le 16 mai 2018, vu l’impossibilité d’agir du troisième membre, M. André Chicoine, conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et à l’article de 118.3 du Code des professions (RLRQ, c. C-26), la présente décision est rendue par les deux membres.

[1] Chambre de la sécurité financière c. Belle, 2014 CanLII 19445 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Nemeth, 2015 QCCDCSF 24 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Goyette, 2017 QC CDCSF 11 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Couture, 2017 QCCDCSF 68 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Chaunt, 2016 CanLII 45718 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Boucher, 2008 CanLII 22567 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Lembe, 2008 CanLII 54391 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Pitre, 2012 CanLII 97182 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Dionne, 2014 CanLII 42100 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Rocha, 2017 CanLII 23417 (QC CDCSF).

[2] Chambre de la sécurité financière c. Casaubon, 2004 CanLII 59864 (QC CDCSF).

[3] Chambre de la sécurité financière c. Duval, 2008 CanLII 68308 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Trudeau, 2017 QCCDCSF 65 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Lévesque, 2016 CanLII 39912 (QC CDCSF).

[4] Préc., note 3.

[5] Chambre de la sécurité financière c. Beaulieu, 2012 CanLII 97191 (QC CDCSF); Bureau c. Rivard, 2003 CanLII 55326 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c Thibault, 2014 CanLII 59942 (QC CDCSF).

[6] Préc., note 2.

[7] Préc., note 3.

[8]           Chambre de la sécurité financière c. Boucher; Chambre de la sécurité financière c. Lembe; Chambre de la sécurité financière c. Pitre; Chambre de la sécurité financière c. Dionne; Chambre de la sécurité financière c. Rocha, préc., note 1.

[9] Chambre de la sécurité financière c. Boucher, préc., note 1, paragr. 32.

[10] Chambre de la sécurité financière c. Boucher, préc., note 1, paragr. 37.

[11] Chambre de la sécurité financière c. Lembe, préc., note 1.

[12] Chambre de la sécurité financière c. Pitre, préc., note 1.

[13] Chambre de la sécurité financière c. Dionne; Chambre de la sécurité financière c. Rocha, préc., note 1.

[14] R. v. Nasogaluak, [2010] 1 SCR 206, 2010 SCC 6 (CanLII).

[15] Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Khiar, 2017 QCTP 98 (CanLII), paragr. 31.

[16] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[17]Acupuncteurs (Ordre professionnel des) c. Jondeau, 2006 QCTP 86 (CanLII); Architectes (Ordre professionnel des) c. D’Onofrio, 2017 QCTP 21 (CanLII).

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