Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1271

 

DATE :

1er mars 2018

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Christian Fortin

Membre

Mme Carine Monge, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

BRUNO CACCIA (certificat numéro 200209)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

        Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des noms et prénoms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que des autres consommateurs mentionnés potentiellement dans la preuve. Il en est de même de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier.

[1]          Le 19 décembre 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 8 septembre 2017.

[2]          La plaignante était représentée par Me Caroline Isabelle. Quant à l’intimé, il était absent et non représenté bien qu’il ait été avisé par avis signifié en mains propres.

LA PLAINTE

1.      À Blainville, le ou vers le 10 avril 2014, l’intimé a fait à ses clients D.R. et D.B., des déclarations ou des représentations fausses, incomplètes, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur quant au document qu’il leur faisait signer, contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.      Dans la région des Laurentides, entre les ou vers les 10 avril et 30 mai 2014, l’intimé n’a pas assuré le suivi du dossier de ses clients, D.R. et D.B., créant un découvert d’assurance à ces derniers, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 24 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[3]          Me Isabelle a commencé en résumant les échanges qu’elle a eu avec l’intimé depuis le début du dossier jusqu’au matin même de l’audience. Quoiqu'il lui ait dit à plusieurs reprises lui avoir acheminé le plaidoyer de culpabilité discuté entre eux, elle n’a rien reçu.  

[4]          L’intimé étant absent et ayant été dûment convoqué, le comité a permis à la procureure de procéder ex parte.

LA PREUVE

[5]          Pour le plaignant, le comité a entendu la consommatrice D.B. ainsi que madame Annie Desroches, enquêteuse au bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF), ainsi que monsieur Patrick Auger, directeur de l’Agence des Laurentides de l’Industrielle Alliance (IA), au sein de laquelle l’intimé travaillait.

[6]          Quant à la preuve documentaire, elle a été produite au fur et à mesure des témoignages (P-1 à P-16).

[7]          D.B. et son époux étaient clients de l’IA depuis 1990. En 2013, ils ont communiqué avec l’agence qui leur a affecté l’intimé comme représentant. Ils ont commencé à faire affaire avec lui en septembre 2013.

[8]          Dès leur première rencontre avec l’intimé, le couple a souscrit une assurance vie pour leur fille. Comme ils lui ont aussi demandé une assurance vie hypothécaire, l’intimé leur a remis un document d’information qui en expliquait les conditions.

[9]          Vers la fin octobre, alors que l’intimé leur livrait la police d’assurance vie, ils ont souscrit une assurance vie hypothécaire, conditionnelle à des examens médicaux. Ils lui ont remis un chèque de 108 $  équivalant à la première prime de cette assurance.

[10]       Selon leur compréhension, cette proposition d’assurance vie hypothécaire prévoyait une protection de 100 000 $ sur une période de dix ans. Les primes fixes durant toute cette période, constituaient pour eux un avantage, car la prime de celle détenue auprès de l’institution avec laquelle ils faisaient affaire jusque-là, variait en fonction de l’âge. Leur capacité budgétaire permettait une prime se situant entre 100 $ et 150 $.  

[11]       Selon ce que D.B. a expliqué, l’intimé leur a proposé de soumettre une demande d’assurance pour un montant supérieur à ce qu’ils recherchaient puisque le montant accordé était souvent inférieur à celui demandé. De plus, il leur a recommandé de choisir un terme de vingt ans, qui pourrait être ramené par la suite à dix ans.  

[12]       En février 2014, ils ont reçu une lettre confirmant l’acceptation de la proposition. Ils ont tenté de joindre l’intimé afin d’obtenir une copie du contrat et de s’assurer que le terme serait de dix ans, conformément à leur demande initiale. Or, l’intimé annulait les rencontres à la dernière minute leur fournissant des prétextes.

[13]       Ce n’est finalement que le 10 avril 2014 que l’intimé s’est rendu à leur domicile. Entretemps, l’assureur a perçu des primes de 233 $ mensuellement, plutôt que celles de 108 $ convenus au départ. L’intimé leur a représenté que la surprime était due à la santé de D.R., mais que si sa condition changeait, le tout pourrait être ajusté par la compagnie. À ce moment, le couple avait déboursé environ 800 $ pour les primes.  

[14]       L’intimé leur a fait signer un document en leur indiquant qu’il s’agissait d’une modification visant à remettre le terme à dix ans et la prime mensuelle à 108 $.  D.B. a signé sans lire le document, faisant confiance à l’intimé qui lui semblait pressé. Il ne lui a pas remis le contrat, expliquant qu’elle le recevrait une fois que la modification serait apportée. Ils n'ont jamais reçu le document.  

[15]       Lors de cette visite de l’intimé en avril 2014, le couple détenait toujours une assurance hypothécaire avec la Caisse populaire (Caisse). Le lendemain, D.B. a annulé cette assurance et a demandé à la Caisse le remboursement de la dernière prime versée. Cette rencontre avec l’intimé constitue le dernier contact du couple avec ce dernier. Ils n'ont reçu aucune nouvelle d'IA non plus. Toutefois, un prélèvement de
239 $ a été fait par IA, en avril 2014.

[16]       En octobre 2014, D.B. s’est rendu compte qu’il n’y avait eu aucun autre prélèvement depuis la dernière prime perçue par IA quelques mois auparavant. En s’informant à ce sujet auprès d’IA, D.B. a appris que l’intimé n’exerçait plus au sein de l’Agence, que ses dossiers avaient été repris par elle et qu’ils ne détenaient plus d’assurance avec IA.

[17]       Ils ont alors porté plainte auprès d’IA et ont rencontré un représentant qui leur a montré leur dossier. Il leur a confirmé qu’ils ne détenaient pas d’assurance hypothécaire avec IA, et ce, depuis plusieurs mois. Leur assurance avait cessé en cours de route et un avenant avait été demandé pour une assurance invalidité. Or, il n’avait jamais été question d’assurance invalidité, n’en ayant pas besoin, car ils en détenaient auprès de leurs employeurs respectifs.   

[18]       Le représentant d’IA leur a alors proposé de remettre en vigueur leur assurance vie hypothécaire, moyennant toutefois des primes plus élevées d’environ 900 $. Après réflexion, ils ont préféré souscrire une nouvelle assurance et recommencer tout le processus. Par la suite, ils ont reçu d’IA un avis de résiliation rétroactive à mai 2014 de la police souscrite avec l’intimé. En novembre 2014, l’assureur les remboursait pour les primes versées sur celle souscrite avec l’intimé soit environ 800 $.  

[19]       Ainsi, à la suite de l’annulation de l'assurance hypothécaire détenue auprès de la Caisse, le couple n'avait plus de couverture d'assurance hypothécaire.

[20]       Il ressort de l’enquête du plaignant que l’intimé a touché des commissions et bonis pour cette assurance vie hypothécaire d’environ 2 469,70 $.

[21]       De plus, il semble que l'intimé a utilisé le même stratagème avec plusieurs clients.

[22]       L’enquête du bureau du plaignant, a révélé que l’intimé a soumis, pour ce couple de consommateurs, une police d’assurance qui est devenue en vigueur en janvier 2014, moyennant des prélèvements automatiques. Il s’agissait d’une assurance vie multi terme temporaire 20 ans avec une prime annuelle de 1 118 $, comportant toutefois une surprime de 1 386 $, pour un total annuel de 2 594 $ dont les prélèvements mensuels automatiques s’élevaient à 233,46 $.   

[23]       Certains documents affichent de fausses signatures, dont celles des consommateurs sur l’accusé de réception du contrat d’assurance vie hypothécaire daté du 5 mars 2014.

[24]       Selon les explications fournies par l’assureur, l’intimé devait faire remplir un avenant pour crédit d’invalidité. Il avait un mois pour agir et faire signer la déclaration d’assurabilité, mais ne l’a pas fait. Or, ce défaut du représentant avait pour conséquence de placer la police d’assurance en déchéance. Ainsi, les prélèvements ont été suspendus dès avril 2014.

[25]       Selon l’enquête, le client ne recevrait pas un tel avis concernant l’avenant mentionné, mais seulement le représentant.

[26]       L’intimé est maintenant inactif et n’a aucun antécédent disciplinaire. Il travaille pour une compagnie de fabrication de cartouches. Quant à un éventuel retour dans le domaine financier, l’intimé a fourni plusieurs versions différentes.  

[27]       M. Auger a constaté que l’intimé est devenu dépassé par ses objectifs. Il éprouvait de la difficulté à les atteindre et avait engendré trop d’obligations.  M. Auger a été forcé de mettre fin au contrat de l’intimé ayant découvert, à la suite de plaintes de clients, des faux dans ses dossiers, dont la signature falsifiée de deux consommateurs.

[28]       M. Auger a confirmé qu’une police d’assurance vie temporaire pour un terme de 20 ans entraînait des primes plus élevées pour le consommateur, mais procurait aussi des commissions plus élevées pour le représentant.

ANALYSE ET MOTIFS

[29]       L’intimé est un jeune représentant qui a obtenu un certificat en assurance de personnes en mai 2013.

[30]       Concernant le premier chef d’accusation, la preuve a révélé que l’intimé avait fait de fausses représentations à ses clients notamment en indiquant qu’il valait mieux dans un premier temps demander une assurance vie hypothécaire temporaire pour un terme de 20 ans plutôt que de 10 ans comme ces derniers désiraient. Une fois reçu l’acceptation par l’assureur, il modifierait alors pour un terme de 10 ans, conformément à leur demande. En suggérant ainsi de souscrire une assurance temporaire pour un terme de 20 ans, l'intimé se procurait des commissions supplémentaires plus élevées.  

[31]       Au surplus, au lieu de procéder à la modification discutée, l’intimé a trompé ses clients en prétendant leur faire signer la modification du terme de la police alors qu’il leur faisait signer un avenant de crédit d’invalidité, ce qui ajoute un caractère malhonnête à l’infraction commise.  Non seulement ses clients n’en avaient pas besoin, mais ils n’en avaient jamais demandé puisqu’ils détenaient déjà une assurance invalidité auprès de leurs employeurs respectifs.

[32]       En agissant ainsi, l’intimé a fait défaut d’agir en conseiller honnête et consciencieux. Il a fait des représentations fausses et trompeuses les induisant ainsi en erreur.

[33]       Sous ce premier chef d’accusation, même si l’intimé a contrevenu à ses obligations découlant de chacune des dispositions invoquées au soutien de ce chef, il sera déclaré coupable pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[34]       Aussi, dans le respect de la règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples, le comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des articles 16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et des articles 11, 12, 13, 14 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[35]       En ce qui concerne le deuxième chef d’accusation, la preuve a démontré que la police d’assurance hypothécaire émise par IA a été résiliée rétroactivement au 22 avril 2014, conformément à l’avis de résiliation émis par l’assureur en octobre 2014.

[36]       Ainsi, même si les consommateurs ont été prudents et ont attendu de l’intimé la confirmation que leur proposition d’assurance vie hypothécaire avec IA avait été acceptée par l’assureur avant de procéder à l’annulation en avril 2014 de la police qu’il détenait auprès de la Caisse, l’intimé ayant fait défaut d’assurer le suivi de leur dossier, ils ont été exposés à un découvert d’assurance.

[37]        En agissant comme il l’a fait, l’intimé a fait défaut d’agir avec probité de façon consciencieuse et professionnelle. 

[38]        Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable sous le deuxième chef d’accusation pour avoir contrevenu à l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[39]        De même, le comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et des articles 24 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

 

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, non-diffusion et non-publication des noms et prénoms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que des autres consommateurs mentionnés potentiellement dans la preuve. Il en est de même de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier;

DÉCLARE l’intimé coupable sous le premier chef d’accusation, pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

DÉCLARE l’intimé coupable sous le deuxième chef d’accusation, pour avoir contrevenu à l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures sous chacune des autres dispositions invoquées au soutien de chacun des deux chefs d’accusation;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

(S) Janine Kean

__________________________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Christian Fortin

__________________________________

M. Christian Fortin

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Carine Monge

__________________________________

Mme Carine Monge, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Caroline Isabelle

BÉLANGER LONGTIN s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent et non représenté.

 

Date d’audience :

Le 19 décembre 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.