Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1245

 

DATE :

10 novembre 2017

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Gilles Peltier

Président

M. Louis Georges Boily, Pl. Fin. 

Membre

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin. 

Membre

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MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

MIKHAEL SAKOVICH, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 156795, BDNI 2379651)

 

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication des nom et prénom des consommateurs visés par la plainte disciplinaire, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier.

[1]           Le 31 août 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 25 avril 2017 ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.      À Montréal, entre les ou vers les 1er et 18 octobre 2014, l’intimé a signé à titre de témoin, le formulaire «Proposition de modification (…)» pour le contrat numéro […] hors la présence de ses clients M.Y. et S.Y., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ., c. D-9.2),11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

2.      À Montréal, entre les ou vers les 11 et 17 décembre 2015, l’intimé a signé à titre de témoin, le formulaire «Autorisation limitée d’opération» pour le contrat numéro […] hors la présence de son client M.D., contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ., c. V-1.1),10 et 14 du Règlement sur la  déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

[2]           Le plaignant était représenté par Me Vincent Grenier-Fontaine et l’intimé, qui était présent, se représentait seul.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           En début d’audition, le comité fut informé qu’il était de l’intention de l’intimé d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité aux deux (2) chefs d’accusation tels que libellés à la plainte.

[4]           L’intimé confirma au comité que telle était son intention.

[5]           Le comité demanda ensuite au procureur du plaignant que lui soit transmis l’essentiel des éléments de preuve dont il disposait.

[6]           Le procureur du plaignant fit un exposé sommaire des faits et déposa, avec le consentement de l’intimé, un cahier de pièces identifiées P-1 à P-15.

[7]           Après avoir pris connaissance de la preuve et s’être assuré que l’intimé comprenait que, par son plaidoyer de culpabilité, il reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques, le comité reçut son plaidoyer de culpabilité et le déclara coupable des deux (2) chefs d’accusation portés contre lui.

LA PREUVE

[8]           Aux dates mentionnées aux chefs d’accusation, l’intimé était inscrit à titre de représentant en assurance de personnes pour le cabinet DISTRIBUTION FINANCIÈRE SUN LIFE (CANADA) INC. depuis le 1er novembre 2007 jusqu’au 30 mars 2016.

[9]           Il a été également inscrit du 28 septembre 2009 au 23 février 2016 à titre de représentant de courtier pour un courtier en épargne collective pour le compte de  PLACEMENTS FINANCIÈRE SUN LIFE (CANADA) INC.

[10]        La preuve révèle qu’en octobre 2014, l’intimé a signé faussement, à titre de témoin, le formulaire «Proposition de modification (…)» sans avoir assisté personnellement à la signature de ses clients M.Y. et S.Y. (chef no.1).

[11]        Il a fait de même en décembre 2015 relativement au formulaire «Autorisation limitée d’opération» hors de la présence de son client M.D. (chef no.2).

REPRÉSENTATION DU PROCUREUR DU PLAIGNANT

[12]        D’entrée de jeu, le procureur du plaignant fit part au comité qu’ayant été informé de l’intention de l’intimé de reconnaître sa culpabilité aux deux (2) chefs d’accusation, il avait eu avec celui-ci des discussions concernant la sanction qui pouvait éventuellement être rendue.

[13]        Il indiqua au comité qu’une entente était intervenue avec l’intimé pour que soient soumises des recommandations communes concernant cette sanction.

[14]        L’intimé confirma au comité une telle entente.

[15]        Le procureur du plaignant recommanda que le comité impose à l’intimé une réprimande sur le premier chef d’accusation et qu’il le condamne au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000,00$) relativement au deuxième chef d’accusation, les déboursés étant à la charge de celui-ci.

[16]        Le procureur du plaignant suggéra finalement que le paiement de l’amende soit effectué au moyen de versements mensuels égaux et consécutifs sous peine de déchéance du terme en cas de défaut.

[17]        Il ajouta que, relativement à l’octroi d’un délai pour le paiement de l’amende et des déboursés, «il s’en remettait à la discrétion du comité».

[18]        Il procéda ensuite à évoquer les facteurs atténuants et aggravants suivants :

FACTEURS AGGRAVANTS :

-       La gravité objective des infractions;

-       L’abus de confiance à l’endroit de l’assureur qui est justifié de se fier aux informations qui lui sont soumises par son représentant;

-       La répétition de la même infraction sur une période relativement courte;

-       L’atteinte à l’image de la profession;

-       L’aspect dissuasif que doit refléter la sanction;

-       Le fait que ce comportement fautif soit répandu dans l’industrie.

FACTEURS ATTÉNUANTS :

-       L’absence d’antécédent disciplinaire;

-       Le plaidoyer de culpabilité à la première occasion utile;

-       La collaboration de l’intimé à l’enquête du syndic;

-       L’absence d’intention malhonnête ou malveillante;

-       L’absence de préjudice causé aux consommateurs;

-       Les faibles chances de récidive selon lui.

[19]        Le procureur du plaignant déposa ensuite au soutien de ses recommandations un cahier contenant huit (8) décisions qu’il commenta[1].

[20]        Il souligna en terminant qu’il avait tenu compte dans ses recommandations de la «globalité de la sanction».

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[21]        L’intimé confirma au comité l’entente intervenue avec le plaignant relativement à la sanction proposée.

[22]        Il soutint que «c’est par négligence» qu’il a posé les gestes reprochés.

[23]        Il exprima des regrets.

[24]        Il souhaite continuer à travailler dans le domaine.

[25]        Il a été congédié par son employeur.

[26]        Il est sans travail depuis environ un an et demi.

[27]        Il touche certains revenus suite à la vente de son «bloc d’affaires».

[28]        Il œuvre dans l’industrie depuis 2003.

[29]        Il demande au comité que lui soit accordé un délai de «un an et demi ou deux ans» pour le paiement des sommes qu’il aura à débourser.

ANALYSE ET MOTIFS

[30]        L’intimé détient depuis le 1er novembre 2007 un certificat à titre de représentant en assurance de personnes.

[31]        Aux dates prévues à la plainte disciplinaire, il était également inscrit à titre de représentant pour un courtier en épargne collective.

[32]        En octobre 2014, l’intimé a signé faussement à titre de témoin le formulaire «Proposition de modification» sans avoir assisté à la signature de ses clients M.Y. et S.Y. (chef no.1).

[33]        Il a fait de même en décembre 2015 relativement au formulaire «Autorisation limitée d’opération» hors la présence de son client M.D. (chef no.2).

[34]        Les fautes qu’il a commises l’ont été sans intention malveillante ou frauduleuse de sa part.

[35]        Il n’en a tiré aucun bénéfice.

[36]        Les clients n’ont subi aucun préjudice.

[37]        Il n’a aucun antécédent en matière disciplinaire.

[38]        Il a pleinement collaboré à l’enquête du syndic ayant mené au dépôt de la plainte.

[39]        À la première occasion, il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’endroit des deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[40]        Devant le comité il a affirmé regretter ses gestes et il a paru sincère.

[41]        Il a été congédié et il est actuellement en recherche d’emploi dans le domaine.

[42]        Le comité dans son analyse tient évidemment compte de ces éléments, mais se doit néanmoins de souligner la gravité objective des infractions commises.

[43]        Les actes commis par l’intimé se situent au cœur même de la fonction de représentant et portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession.

[44]        Il ne s’agit pas de gestes isolés; ils ont été posés en deux (2) occasions distinctes, à deux (2) dates distinctes, dans deux (2) dossiers différents.

[45]        L’intimé qui n’est pas un nouveau venu dans le domaine savait ou aurait dû savoir que ces gestes étaient prohibés et de nature à discréditer la profession.

[46]        En témoignant faussement de sa présence comme témoin lors de la signature des clients, l’intimé a volontairement induit son employeur en erreur, exposant celui-ci et ses clients à des conséquences qui auraient pu être très fâcheuses pour l’un et/ou pour l’autre.

[47]        Ce type de comportement ne peut être que dénoncé sévèrement par le comité qui se doit d’envoyer un signal clair, propre à dissuader ceux qui pourraient être tentés d’imiter l’intimé.

[48]        Considérant les éléments tant objectifs que subjectifs.

[49]        Considérant les facteurs aggravants et atténuants mis en preuve.

[50]        Considérant la jurisprudence applicable en la matière.

[51]        Considérant l’application des principes d’exemplarité et de dissuasion.

[52]        Considérant le principe de la globalité de la sanction évoquée à juste titre par le procureur du plaignant.

[53]        Considérant l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui stipule que dans l’imposition des amendes le comité doit tenir compte du préjudice causé au consommateur ainsi que des avantages tirés par le représentant.

[54]        Considérant que les consommateurs n’ont subi aucun préjudice et que le représentant n’a retiré aucun avantage.

[55]        Le comité retient la recommandation présentée par les parties, étant d’avis que celle-ci n’est pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice et qu’elle respecte le critère de l’intérêt public au sens de l’arrêt Anthony-Cook[2] rendu par la Cour Suprême du Canada.

[56]         Le comité imposera donc à l’intimé une réprimande pour le chef d’accusation numéro un (1) et condamnera l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars
(5 000,00$) sous le chef numéro deux (2).

[57]        Il lui accordera un délai de vingt (20) mois pour payer l’amende, à raison de versements mensuels égaux et consécutifs, le montant total devenant exigible, à défaut par lui de payer une des mensualités à la date prévue.

[58]        Le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés, et lui accordera un délai de douze (12) mois pour lui permettre de les acquitter.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous les deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé sous les deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte disciplinaire rendue séance tenante.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous le chef d’accusation numéro un (1);

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000,00$) sous le chef d’accusation numéro deux (2);

ACCORDE un délai de vingt (20) mois pour s’acquitter de l’amende, à raison de versements égaux et consécutifs, le montant global total devenant exigible à défaut par l’intimé de payer une des mensualités à la date prévue;

CONDAMNE  l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions [RLRQ. c. C-26];

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour le paiement des déboursés.

 

 

(S) Gilles Peltier

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Me GILLES PELTIER

Président du comité de discipline

 

(S) Louis Georges Boily

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M. LOUIS GEORGES BOILY, Pl. Fin. 

Membre du comité de discipline

 

(S) Serge Lafrenière

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M. SERGE LAFRENIÈRE, Pl. Fin.  

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Vincent Grenier-Fontaine,

CDNP AVOCATS inc.

Avocats de la partie plaignante

 

 

L’intimé se représente lui-même.

 

 

Date d’audience :

31 août 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Chambre de la sécurité financière c. Chen, 2013 CanLII 50553 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Goyette, 2017 QCCDCSF 11 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Delisle, 2017 CanLII 32524 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Nantel, 2015 QCCDCSF 18 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Mongrain, 2016 CanLII 30448 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Couture, 2014 CanLII 32504 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Dionne, 2014 CanLII 42100 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Thibeault, 2014 CanLII 39919 (QC CDCSF).

 

[2] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII).

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