Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1249

 

DATE :

21 novembre 2017

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Gilles Peltier

Président

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.  

Membre

M. Frédérick Scheidler 

Membre

_____________________________________________________________________

 

MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

HASSAN BELKACEMI, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 185310)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication des nom et prénom des consommateurs visés par la plainte disciplinaire, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier.

 

[1]           Le 15 septembre 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 24 mai 2017 ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.      À Ste-Émélie de l’Énergie, le ou vers le 15 avril 2015, l’intimé a fait défaut de bien connaître le produit d’assurance invalidité qu’il faisait souscrire à son client L.B., et a ainsi omis de préciser le délai de 30 jours prévu à la définition de « maladie », contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ., c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ., c. D-9.2, r.3) ;

 

2.      À Lavaltrie, entre les ou vers les 11 et 25 juin 2015, l’intimé a demandé que la police d’assurance invalidité […] soit redatée à l’insu de son client L.B., propriétaire de ladite police, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ., c. D-9.2, r.3).

 

[2]           Le plaignant était représenté par Me Caroline Chrétien et l’intimé était représenté par Me Martin Courville.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]           En début d’audition, la procureure du plaignant indiqua au comité qu’il était de l’intention de l’intimé d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité aux deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte, ce que confirma le procureur de celui-ci.

[4]           Invité par le comité à préciser à quelles infractions l’intimé désirait effectivement plaider coupable, il fut convenu par les procureurs que relativement au chef numéro un (1) l’intimé désirait plaider coupable à l’infraction prévue à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et quant au chef numéro deux (2) à l’article 16 de la même loi.

[5]           La procureure du plaignant procéda ensuite à faire un exposé sommaire de la preuve et déposa avec le consentement du procureur de l’intimé une preuve documentaire (pièces P-1 à P-5).

[6]           Après avoir pris connaissance de la preuve, le comité déclara l’intimé coupable quant au chef numéro un (1), de l’infraction prévue à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)  et quant au chef numéro deux (2), à l’article 16 de la même loi.

[7]           Un arrêt conditionnel des procédures fut ordonné en ce qui a trait aux autres dispositions mentionnées aux chefs d’accusation contenus à la plainte.

LA PREUVE

[8]           Aux dates mentionnées aux chefs d’accusation, l’intimé détenait un certificat à titre de représentant autonome en assurance de personnes en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[9]           La preuve révèle que le 15 avril 2015, l’intimé a fait souscrire à son client une proposition d’assurance intitulée « Protection du revenu ».

[10]        En date du 21 mai 2015, alors que l’intimé est en voyage, l’assureur fait parvenir au bureau de celui-ci l’approbation de la proposition souscrite.

[11]        À son retour, prenant connaissance du document, il retourne celui-ci à l’assureur après y avoir inscrit la note manuscrite suivante : « S.v.p. redaté (sic) le contrat en date courante du 11 juin 2015 ».

[12]        L’assureur acquiesce à la demande de l’intimé.

[13]        La police d’assurance invalidité est redatée, et ce, à l’insu du client au 15 juin 2015.

[14]        Le 19 juin 2015, l’assuré est victime d’un infarctus et se retrouve dans l’incapacité de travailler.

[15]        Le délai de carence expiré, celui-ci adresse à son assureur une demande d’indemnité qui lui est refusée.

[16]        À l’appui de son refus, l’assureur invoque que la clause prévue à l’avenant du contrat d’assurance signé par l’assuré prévoit que « […] la maladie […] c) s’est manifestée pour la première fois plus de trente (30) jours après la date d’entrée en vigueur de l’avenant et pendant que ce dernier est en vigueur ».

[17]        Dans le document déposé en preuve sous la cote P-2, l’assuré affirme n’avoir jamais été informé de l’existence d’une telle clause d’exclusion par l’intimé.

[18]        Il est admis par le procureur de l’intimé que celui-ci ignorait totalement cette clause d’exclusion prévue au contrat qu’il a fait signer à son client et qu’en conséquence il n’en a pas informé l’assuré.

[19]        Il est également admis par le procureur de l’intimé que son client a lui-même demandé à ce que le contrat soit redaté, et ce, sans que le client n’en soit informé.

[20]        De là les plaidoyers enregistrés sous les chefs d’accusation concernés.

REPRÉSENTATIONS DU PLAIGNANT

[21]        La procureure du plaignant débuta ses représentations en informant le comité que les parties s’étaient entendues pour soumettre des recommandations communes sur sanction.

[22]        Les recommandations communes furent énoncées comme suit :

SOUS LE CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO UN (1) :

-       La condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de deux mille dollars (2 000 $).

SOUS LE CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO DEUX (2) :

-       La condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $), assortie d’une recommandation au Conseil d’administration de la Chambre de la sécurité financière, conformément à l’article 160 du Code des professions (RLRQ., c. C-26), d’obliger l’intimé à compléter avec succès les cours de perfectionnement suivants, dans un délai de douze (12) mois de la résolution du Conseil d’administration à cet effet :

        « Analyse des besoins d’assurance-invalidité (no. 25750) »;

        « Analyse des besoins et les produits d’assurance-maladie (no.
26650) »;

        « Les produits d’assurance-invalidité (no. 33345) ».

[23]        Elle procéda ensuite à évoquer les facteurs aggravants et atténuants suivants :

FACTEURS AGGRAVANTS :

-       La gravité objective des infractions qui touche le cœur même de l’exercice de la profession d’un représentant qui se doit de bien connaître le produit qu’il vend à son client;

-       Le manque de discernement dont a fait montre le représentant en procédant à une demande de redatage sans en avoir préalablement informé son client et obtenu de celui-ci son consentement;

-       Les gestes reprochés étant d’autant plus graves qu’ils ont été posés par un représentant d’expérience qui aurait dû savoir qu’une telle façon de procéder est inacceptable.

FACTEURS ATTÉNUANTS :

-       L’absence d’antécédent disciplinaire;

-       La collaboration de l’intimé à l’enquête du plaignant;

-       L’absence d’intention malveillante;

-       L’absence de préjudice pour le client, dont la couverture d’assurance aurait été refusée même en l’absence de redatage;

-       Les risques de récidive faibles sinon nuls;

-       L’intimé n’a retiré aucun avantage pécuniaire.

[24]        Elle déposa au soutien de la recommandation commune des parties un cahier d’autorités contenant cinq (5) décisions antérieures du comité.[1]

[25]        Elle indiqua au comité qu’elle laissait à celui-ci le soin de déterminer le délai à être accordé à l’intimé pour le paiement des amendes proposées.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[26]        Le procureur de l’intimé débuta ses représentations en indiquant au comité que son client avait déjà accumulé « plusieurs unités de formation continue » et qu’il était bien disposé à suivre les trois (3) cours de formation suggérés par la procureure du plaignant, et ce, « dans son intérêt et dans celui de ses clients ».

[27]        Après avoir repris les facteurs atténuants militant en faveur de l’intimé, il souligna au comité la coopération des parties dans la détermination de la recommandation commune soumise par les procureurs.

[28]        Il souligna également que le paiement d’amendes totalisant sept mille dollars (7 000 $)  représentait une somme considérable pour son client qui était peu fortuné.

[29]        Il suggéra au comité d’accorder à l’intimé un délai de douze (12) mois pour le paiement des amendes et d’accorder le même délai de douze (12) mois à compter de l’adoption de la résolution du Conseil d’administration à cet effet, pour que l’intimé complète avec succès les cours de formation suggérés.

ANALYSE ET MOTIFS

[30]        L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité aux infractions prévues aux articles 28 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et a été déclaré coupable séance tenante.

[31]        Aux dates des infractions reprochées il détenait un certificat à titre de représentant autonome en assurance de personnes.

[32]        Il exerce à titre de représentant en assurance de personnes depuis décembre 2009.

[33]        Il n’a pas d’antécédent disciplinaire.

[34]        Il a collaboré pleinement à l’enquête du plaignant et a admis sa culpabilité à la première occasion utile.

[35]        Il n’était aucunement animé d’une intention malveillante.

[36]        Il n’a retiré aucun avantage pécuniaire.

[37]        Le client n’a subi aucun préjudice, puisque la couverture d’assurance aurait été refusée même en l’absence de redatage.

[38]        Les risques de récidive seraient faibles sinon nuls, selon la procureure du plaignant.

[39]        Le comité dans son analyse, prend bien entendu en compte ces éléments; il est toutefois d’avis que les infractions reprochées sont d’une gravité objective importante.

[40]        Les infractions commises touchent le cœur même de la profession, sont de nature à déconsidérer celle-ci et doivent être sanctionnées sévèrement.

[41]        D’autant plus sévèrement que l’intimé n’est pas un nouveau venu dans la profession.

[42]        Demander et obtenir qu’un document signé par un client, soit redaté, hors la connaissance de celui-ci, même en l’absence d’intention malveillante du représentant et de préjudice pour l’assuré, constitue un geste hautement répréhensible.

[43]        Tout aussi répréhensible, pour le moins étonnant et tout à fait inacceptable aux yeux du comité, le fait de vendre à un assuré un produit d’assurance-invalidité que l’on connaît mal, au point d’en ignorer la « clause d’exclusion de trente (30) jours ».

[44]        Tel que mentionné précédemment, les procureurs des parties ont convenu de soumettre au comité une recommandation commune relativement à la sanction qui doit être imposée.

[45]        Dans R. c. Anthony-Cook[2], la Cour suprême du Canada a clairement indiqué la marche à suivre lorsque les parties représentées par avocat, parviennent après de sérieux pourparlers à proposer une recommandation commune.

[46]        Celle-ci doit être retenue à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit contraire à l’intérêt public.

[47]        Tel n’est pas le cas; les sanctions suggérées par les parties apparaissent conformes aux décisions antérieurement rendues relativement à des infractions de même nature commises dans des circonstances semblables à celle du présent dossier.

[48]        Considérant les éléments tant objectifs que subjectifs.

[49]        Considérant les facteurs aggravants et atténuants mis en preuve.

[50]        Considérant la jurisprudence applicable en la matière.

[51]        Considérant les principes d’exemplarité et de dissuasion.

[52]        Considérant le principe de la globalité de la sanction.

[53]        Considérant l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. P-9.2) qui stipule que dans l’imposition des amendes le comité doit tenir compte du préjudice causé au consommateur ainsi que des avantages tirés par le représentant.

[54]        Considérant que le consommateur n’a subi aucun préjudice et que le représentant n’a retiré aucun avantage.

[55]        Le comité retient la recommandation commune proposée par les parties.

[56]        Le comité condamnera donc l’intimé au paiement d’une amende de deux mille dollars (2 000 $)  en regard du chef d’accusation numéro un (1) de la plainte en ce qui a trait à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[57]        Il condamnera de plus l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $)  en regard du chef d’accusation numéro deux (2) de la plainte en ce qui a trait à l’article 16 de la même loi et recommandera au Conseil d’administration de la Chambre de la sécurité financière conformément à l’article 160 du Code des professions (RLRQ., c. C-26), d’obliger l’intimé à compléter avec succès les cours de perfectionnement ci-après énoncés ou leur équivalent, dans un délai de douze (12) mois de la résolution du Conseil d’administration à cet effet :

-       « Analyse des besoins d’assurance-invalidité (no. 25750) »;

-       « Analyse des besoins et les produits d’assurance-maladie (no. 26650) »;

-       « Les produits d’assurance-invalidité (no. 33345) ».

[58]        Il accordera à l’intimé un délai de douze (12) mois pour s’acquitter des amendes totalisant la somme de sept mille dollars (7 000 $).

[59]        Il condamnera l’intimé au paiement des déboursés et lui accordera un délai de douze (12) mois pour lui permettre de les acquitter.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) sous le chef d’accusation numéro un (1);

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) sous le chef d’accusation numéro deux (2);

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience relativement aux articles 28 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) contenus aux chefs d’accusation numéro un (1) et deux (2) de la plainte;

RÉITÈRE l’arrêt conditionnel des procédures en ce qui a trait aux autres dispositions mentionnées aux chefs d’accusation contenus à la plainte.  

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

SOUS LE CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO UN (1) :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de deux mille dollars (2 000 $).

SOUS LE CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO DEUX (2) :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de cinq mille dollars (5 000 $).

RECOMMANDE au Conseil d’administration de la Chambre de la sécurité financière conformément à l’article 160 du Code des professions (RLRQ., c. C-26), d’obliger l’intimé à compléter avec succès les cours de perfectionnement ci-après énoncés ou leur équivalent, dans un délai de douze (12) mois de la résolution du Conseil d’administration à cet effet :

-       « Analyse des besoins d’assurance-invalidité (no. 25750) »;

-       « Analyse des besoins et les produits d’assurance-maladie (no. 26650) »;

-       « Les produits d’assurance-invalidité (no. 33345) »;

CONDAMNE  l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour le paiement des amendes et des déboursés.

 

 

(S) Gilles Peltier

_______________________________

Me GILLES PELTIER

Président du comité de discipline

 

(S) Dyan Chevrier

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Mme DYAN CHEVRIER, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Frédérick Scheidler

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M. FRÉDÉRICK SCHEIDLER 

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Caroline Chrétien,

BÉLANGER LONGTIN, S.E.N.C.R.L.

Avocats de la partie plaignante

 

 

Me  Martin Courville

LGB AVOCATS

REGROUPEMENT D’AVOCATS AUTONOMES

Avocat de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

15 septembre 2017

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Chambre de la sécurité financière c. Boily, 2008 CanLII 10549 (QC CDCSF);

Chambre de la sécurité financière c. Latreille, 2013 CanLII 43427 (QC CDCSF);

Chambre de la sécurité financière c. Cacayuran, 2016 CanLII 44168 (QC CDCSF);

Chambre de la sécurité financière c. Gagné, 2016 CanLII 39913 (QC CDCSF);

Chambre de la sécurité financière c. Thibault, 2014 CanLII 59942 (QC CDCSF).

 

[2] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

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