Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1201

 

DATE :

20 décembre 2017

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LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre

 

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NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GUIMOND THIBODEAU, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 13247 / BDNI 1747331)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

        Non-divulgation, non-publication et non-diffusion des prénom et nom du consommateur impliqué dans la présente plainte, ainsi que de tout renseignement ou de document permettant de l’identifier.

[1]          Le 2 mai 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière
(le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, alors sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 13 octobre 2016.

[2]          La plaignante était représentée par Me David St-Georges.

[3]          L’intimé était absent, mais représenté par Me Martin Courville. Ce dernier a expliqué que, comme son client est domicilié à Québec, il l’a avisé qu’il pouvait ne pas être présent à l’audience, afin de minimiser les frais.

LA PLAINTE

1.   À Beauceville, le ou vers le 20 novembre 2008, l’intimé a fait défaut de connaître les objectifs de placement de son client F.P. avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distinct FPG Sélect […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.   À Beauceville, le ou vers le 20 novembre 2008, l’intimé n’a pas donné à son client F.P. tous les renseignements et explications nécessaires, utiles, exacts et complets sur le contrat de fonds distinct FPG Sélect […], contrevenant ainsi aux articles 16, 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12, 13, 14, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

3.   À Beauceville, le ou vers le 20 novembre 2008, l’intimé a recommandé à son client F.P. de souscrire au contrat de fonds distinct FPG Sélect […] alors que ce produit ne correspondait pas à son objectif de placement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

PLAIDOYER ET DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[4]          Le procureur de l’intimé a déposé le plaidoyer de culpabilité que son client a signé le 20 avril 2017 sous chacun des trois chefs d’accusation portés contre lui (I-1). Il a indiqué s’être assuré au préalable que l’intimé comprenait que, par ce plaidoyer, il reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques. Il a ajouté que son client avait enregistré ce plaidoyer de façon libre, sans contrainte ni aucune menace, celui-ci étant l’expression de sa volonté.  

[5]          Après avoir pris connaissance de ce plaidoyer, le comité a donné acte à l’enregistrement de celui-ci.

[6]          Ensuite, le procureur de la plaignante a déposé de consentement la preuve documentaire[1], tout en rapportant le contexte factuel des infractions reprochées.

[7]          Le comité a étudié cette preuve et a délibéré. Il a subséquemment déclaré l’intimé coupable sous chacun des trois chefs d’accusation de la plainte.

[8]          Aussi, estimant que les gestes commis relevaient davantage de négligence que de malhonnêteté de la part de l’intimé, les procureurs ont suggéré de retenir aux fins de la culpabilité de celui-ci, les articles 15, 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière pour les premier, deuxième et troisième chefs d’accusation respectivement.

[9]          Subséquemment, le procureur de l’intimé a indiqué que son client consentait à ce que le comité procède sur sanction, les parties ayant des recommandations communes à soumettre sur sanction, comprenant toutefois que le comité n’était pas lié par celles-ci et pouvait imposer d’autres sanctions.

[10]       Les parties ont déclaré ne pas avoir de preuve supplémentaire à offrir sur sanction.

REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

        La plaignante 

[11]       Le procureur de la plaignante a fait part des recommandations communes suivantes : la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des deux premiers chefs d’accusation, ainsi que l’imposition d’une réprimande sous le troisième chef. Ils ont également demandé la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[12]       Au titre des facteurs aggravants, il a signalé la gravité objective des infractions commises, rappelant que le défaut de procéder à une analyse complète et conforme des besoins financiers (ABF) du consommateur fait en sorte que l’intimé n’a pas bien circonscrit les objectifs de placement de son client, avant de lui faire souscrire le contrat de fonds distincts. L’ABF constitue la pierre angulaire du travail du représentant et le défaut d’y procéder porte atteinte à l’image de la profession.

[13]       Considérant l’expérience d’environ cinq ans de l’intimé lors des évènements, celui-ci ne pouvait invoquer une faute de débutant.  

[14]       Le procureur de la plaignante a mentionné également la perte financière alléguée par le consommateur, quoique ce dernier ne l’ait pas quantifiée.  

[15]       Au titre des facteurs atténuants, il a invoqué l’enregistrement par l’intimé d’un plaidoyer de culpabilité, l’existence d’un seul événement et d’un seul consommateur, l’absence d’antécédents disciplinaires et de préméditation. Enfin, il a soutenu qu’il s’agissait plutôt d’une méconnaissance des produits et qu’il y avait absence de malhonnêteté.

[16]       Au soutien de ces recommandations, il a déposé des décisions[2] rendues par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) sur des infractions semblables à celles en l’espèce.

        L’intimé 

[17]        Le procureur de l’intimé a confirmé que les recommandations soumises par son confrère étaient celles convenues entre les parties et que ces sanctions étaient conformes à celles rendues pour des infractions semblables.

[18]        Il a réitéré que la réprimande sous le troisième chef d’accusation se justifiait, en raison de la connexité entre le premier et ce troisième chef d’accusation, rappelant que les sanctions ne doivent pas avoir pour but de punir le professionnel, mais plutôt de l’empêcher de récidiver.

[19]        Au titre des facteurs atténuants, il a ajouté que, dans les circonstances, le risque de récidive était faible voire nul.

[20]        Enfin, il a demandé d’accorder à son client un délai de douze mois, à compter de l’expiration du délai d’appel, pour acquitter les amendes totalisant 10 000 $.

ANALYSE ET MOTIFS

[21]        Le comité a donné acte à l’enregistrement du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et l’a déclaré coupable séance tenante sous chacun des trois chefs d’accusation de la plainte portée contre lui, pour avoir contrevenu respectivement aux articles 15, 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[22]        La relation d’affaires entre l’intimé et le consommateur F.P. a commencé en 2003 et un premier investissement a alors eu lieu.

[23]        Au moment où il a fait affaire avec l’intimé, F.P. a indiqué avoir beaucoup d’expérience en investissement et, selon sa version des faits, il aurait mentionné à l’intimé qu’il voulait acheter une maison, à court ou moyen terme, d’où un horizon de placement de 7 à 10 ans.

[24]        Or, en 2008, l’intimé a réinvesti le tout dans un fonds distinct pour une nouvelle période de 7 ans, faisant fi ainsi de l’objectif de placement de son client et sans lui expliquer qu’il y aurait des frais de sortie advenant le cas où il devait retirer l’argent avant cette dernière période.  

[25]        En 2010, F.P. a mis en exécution son projet et a acheté un immeuble et ce, avant la fin de la cédule de frais du placement de sorte qu’afin d’éviter des frais de sortie et ne pas être pénalisé, il a dû faire appel à d’autres économies.

[26]        Il a finalement retiré ce placement le 30 juin 2016, soit à l’expiration de la cédule de placement pour éviter lesdits frais de sortie.

[27]        La gravité objective des infractions commises par l’intimé ne fait pas de doute. Comme rappelé par le procureur de la plaignante, l’ABF constitue la pierre angulaire du travail du représentant et le défaut de s’y conformer porte atteinte à l’image de la profession.

[28]       Par ailleurs, les gestes commis par l’intimé ne résultent pas d’un comportement malhonnête, mais plutôt d’une négligence certaine et d’un manque de rigueur dans l’exercice de ses activités de représentant. Dans les circonstances, le risque de récidive s’avérerait plutôt faible.

[29]       Bien que le consommateur allègue avoir subi une perte financière, en raison des impôts supplémentaires provoqués par le retrait de ses autres placements lors de l’achat de sa maison, il n’a toutefois pas pu la quantifier de sorte qu’elle n’a pas été démontrée au comité.

[30]       Aussi, comme maintes fois suivis en droit disciplinaire[3], en vertu des principes émis par la Cour d’appel du Québec[4] et plus récemment par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook[5], le comité ne devrait s’écarter des recommandations communes des parties que s’il les juge contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[31]        Les sanctions proposées sont conformes à celles habituellement imposées pour des infractions semblables.

[32]       Ainsi, considérant les faits propres à la présente affaire ainsi que les facteurs tant aggravants qu’atténuants soulignés par les parties, le comité est d’avis que les sanctions communes suggérées par les parties respectent le critère de l’intérêt du public et ne sont pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[33]       Par conséquent, l’intimé sera condamné au paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun des deux chefs d’accusation, pour un total de 10 000 $. Une réprimande lui sera imposée sous le troisième chef d’accusation et il sera condamné au paiement des déboursés.

[34]       Enfin, le comité accueille la demande de l’intimé et lui accordera une période de douze mois pour acquitter les amendes. Toutefois, ces montants seront payables par versements mensuels égaux et consécutifs, sous peine de perte du bénéfice du terme en cas de défaut. 

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion des prénom et nom du consommateur impliqué dans la présente plainte, ainsi que de tout renseignement ou de document permettant de l’identifier;

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des trois chefs d’accusation portés contre lui;

RÉITÈRE DÉCLARER l’intimé coupable sous chacun des trois chefs d’accusation mentionnés à la plainte, pour avoir contrevenu respectivement aux articles 15, 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures sous les autres dispositions invoquées sous chacun des chefs d’accusation contenus dans la plainte.

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le premier chef d’accusation;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le deuxième chef d’accusation;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous le troisième chef d’accusation;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze mois, à partir de la date de l’expiration du délai d’appel de la présente décision, pour le paiement desdites amendes, lequel devra s’effectuer au moyen de versements mensuels, consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers ou toute autorité compétente dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir.

 

 

(S) Janine Kean

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Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(S) Felice Torre

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M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin

Membre du comité de discipline

 

(S) Marc Binette

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M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me David St-Georges

THERRIEN COUTURE AVOCATS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

DE CHANTAL, D’AMOUR, FORTIER, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience : Le 2 mai 2017

Le 2 mai 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] P-1 à P-15.

[2] CSF c. Tremblay, CD00-0945, décision sur culpabilité et sanction du 26 juin 2013; CSF c. Scurti, CD00-0901, décision sur culpabilité du 28 octobre 2014 et décision sur sanction du 15 juillet 2015; CSF c. Morin,
CD00-1093, décision sur culpabilité et sanction du 5 février 2016; CSF c. Aron, CD00-1064, décision sur culpabilité du 9 mars 2016 et décision sur sanction du 24 aout 2016; CSF c. Bélisle, CD00-0965, décision sur culpabilité et sanction du 28 juillet 2014; CSF c. Daigle, CD00-1024, décision sur culpabilité et sanction du 31 juillet 2015; CSF c. Dagenais, CD00-1041, décision sur culpabilité du 26 janvier 2015 et décision sur sanction du 14 septembre 2015; CSF c. Rochon, CD00-1068, décision sur culpabilité et sanction du
27 novembre 2015; CSF c. Borgia, CD00-0637, décision sur culpabilité du 2 février 2009 et décision sur sanction du 28 juillet 2011; CSF c. Beaudoin, CD00-0765, décision sur culpabilité du 18 mars 2011 et décision sur sanction du 3 février 2012; CSF c. Dozois, CD00-1051, décision sur culpabilité et sanction du 16 avril 2015; CSF c. Djebbari, CD00-1116, décision sur culpabilité et sanction du 1er octobre 2015
.

[3] Notamment : Médecins (Ordre professionnel des) c. Legault, 2016 CanLII 91699 (QC CDCM), décision sur culpabilité et sanction du 16 décembre 2016; CSF c. Charbonneau-Desjardins, CD00-1186, décision sur culpabilité et sanction du 26 janvier 2017.

[4] Douglas c. Sa Majesté la Reine, 2002 CanLII 32492 (QC CA).

[5] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 

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