Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1198

 

DATE :

13 décembre 2017

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LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Monique Puech

Membre

Mme Carine Monge, Pl. Fin.

Membre

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NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

ROGER TROUILLOT, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 159599)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-PUBLICATION :

  • Des noms et prénoms des consommateurs impliqués dans la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle ou financière permettant de les identifier.

[1]          Le 14 mars 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 12 octobre 2016.

[2]          La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau, alors que l’intimé était présent et représenté par Me Martin Courville.

 

LA PLAINTE

1.      Dans la province de Québec, le ou vers le 24 février 2014, l’intimé a fourni de faux renseignements à l’assureur, en indiquant faussement sur les formulaires de signature numéro […] et […] que ceux-ci avaient été signés à Gatineau, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.      Dans la province de Québec, le ou vers le 2 avril 2015, l’intimé a fourni de faux renseignements à l’assureur, en indiquant faussement sur le formulaire de signature numéro […] que celui-ci avait été signé à Gatineau, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

PLAIDOYER ET DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[3]          D’entrée de jeu, le procureur de l’intimé a indiqué que celui-ci désirait enregistrer un plaidoyer de culpabilité sous chacun des deux chefs d’accusation portés contre lui.

[4]          Après s’être assuré auprès de l’intimé qu’il comprenait que, par ce plaidoyer, il reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques, le comité a donné acte à son plaidoyer.

[5]          Ensuite, le procureur de la plaignante a fait part du contexte factuel entourant les infractions reprochées et a déposé au soutien sa preuve documentaire (P-1 à P-13).

[6]          Après avoir tenu un court délibéré, le comité a déclaré l’intimé coupable sous chacun des deux chefs d’accusation de la plainte portée contre lui, pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[7]          De plus, le comité a ordonné l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées à la plainte.

[8]          Enfin, les procureurs ont informé le comité qu’ils étaient prêts à procéder sur sanction et qu’ils avaient des recommandations communes sur sanction à lui présenter.

REPRÉSENTATION DES PROCUREURS SUR SANCTION

        La plaignante

[9]          Le procureur de la plaignante a fait part des recommandations communes suivantes :

a)          Sous le chef d’accusation 1 :

             Le paiement d’une amende de 5 000 $;

b)          Sous le chef d’accusation 2 :

             Une réprimande.

[10]       Les parties ont également demandé la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[11]       À titre de facteur aggravant, le procureur de la plaignante a invoqué la gravité objective des infractions commises.

[12]       L’intimé a transmis à l’assureur des informations inexactes, ce qui est contraire à ses obligations déontologiques.  Ces gestes démontrent ainsi un manque d’intégrité de la part de l’intimé.

[13]       Toutefois, le procureur de la plaignante a souligné que l’intimé avait reconnu ses gestes à la première occasion au cours des enquêtes menées tant par l’Industrielle Alliance assurances et services financiers inc. (IA) que par le bureau de la plaignante. Aussi, l’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire, il a enregistré un plaidoyer de culpabilité et a manifesté ses regrets, en plus de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation.   

[14]       Le procureur de la plaignante s’est dit d’avis que les sanctions proposées répondaient à l’exigence de la protection du public et au critère de dissuasion de l’intimé et d’exemplarité à ses pairs, tout en permettant à l’intimé de conserver son droit d’exercer sa profession.

[15]       Enfin, il a soumis trois décisions[1] à l’appui des recommandations communes des parties.

        L’intimé

[16]       Le procureur de l’intimé a expliqué que la Commission des services financiers de l’Ontario a adressé une mise en garde à son client en date du 20 octobre 2016. Celle-ci précise que les consommateurs résidaient à Ottawa, et que l’intimé a indiqué la ville de Gatineau comme étant la ville de signature des contrats d’assurances. Aussi, qu’il a transmis de fausses informations à l’assureur, puisqu’il n’était pas titulaire d’un permis d’agent d’assurance vie en Ontario. Il a toutefois ajouté que son client avait obtenu en conséquence par la suite la délivrance d’un permis d’agent d’assurance vie, en vigueur du 24 octobre 2016 au 23 octobre 2018 (SI-1 en liasse).

[17]       Par conséquent, il a fait valoir que l’intimé avait procédé pour corriger le tir et agir à l’avenir en toute légalité

[18]       Il a réitéré que l’intimé avait reconnu de façon volontaire les faits reprochés et que la preuve avait démontré qu’il ne s’agissait pas d’une faute récurrente, mais plutôt d’un acte isolé.

[19]       Il a confirmé que l’intimé était d’accord avec les recommandations transmises par le procureur de la plaignante.

[20]       Par ailleurs, il a demandé de lui accorder 90 jours après l’expiration du délai d’appel suivant la décision à être rendue pour acquitter les amendes et les déboursés.  

[21]       À propos de cette dernière demande, le procureur de la plaignante s’en est remis à la discrétion du comité.

ANALYSE ET MOTIFS

[22]       Le comité réitère la déclaration de culpabilité de l’intimé rendue séance tenante sous chacun des deux chefs d’accusation contenus à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[23]       L’intimé a été inscrit à titre de représentant en assurance de personnes du
25 février 2004 à ce jour pour IA.

[24]       Selon les faits rapportés et la preuve documentaire, l’intimé a inscrit la ville de Gatineau comme étant l’endroit où les signatures ont été apposées sur les propositions d’assurance vie. Or, il s’était rendu au domicile des consommateurs à Ottawa pour obtenir leurs signatures sur ces formulaires. Les consommateurs ont également confirmé cet état de fait.

[25]       Ces infractions sont sérieuses, car elles démontrent un certain manque d’honnêteté. Il est du devoir du représentant de fournir les informations exactes aux assureurs, de même qu’à leurs clients.

[26]       Néanmoins, l’intimé a reconnu sa faute à la première occasion, et ce, dès l’enquête menée par le service de conformité d’IA, à la suite d’une plainte portée par un autre représentant, qu’aux enquêteurs du bureau de plaignante. Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[27]       L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité a évité aux consommateurs d’avoir à témoigner devant le comité réduisant ainsi considérablement la durée de l’instruction de la plainte. Il s’agirait, non pas d’une pratique répétée de la part de l’intimé, mais selon son procureur, d’un acte isolé. Enfin, l’intimé a pris les mesures nécessaires afin de ne pas répéter ces gestes.

[28]       Sauf respect, seule l’affaire Dubois[2], semble pertinente pour le cas en l’espèce. Les deux autres décisions soumises traitant d’infractions d’une ampleur différente même si révélant de fausses informations fournies à l’assureur.

[29]       À tout événement, le comité est satisfait des recommandations sur sanction que les parties ont soumises et y donnera suite.

[30]       En vertu des principes énoncés en droit criminel[3], revisités par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook[4] et maintes fois retenus en droit disciplinaire[5], le comité ne devrait s’écarter des recommandations communes des parties que s’il les juge contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[31]       Ainsi, considérant les faits propres à la présente affaire ainsi que les facteurs tant aggravants qu’atténuants soulignés par les parties, le comité est d’avis que leurs recommandations communes ne sont pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice ni contraires à l’intérêt public.

[32]       Par conséquent, sous le premier chef d’accusation, l’intimé sera condamné au paiement d’une amende de 5 000 $ et une réprimande lui sera imposée sous le deuxième chef d’accusation. L’intimé sera également condamné au paiement des déboursés.

[33]       Enfin, en ce qui concerne la demande de l’intimé pour obtenir un délai pour acquitter cette amende de 5 000 $, en l’absence de preuve de la situation financière de l’intimé l’appuyant, le comité estime qu’il n’y a pas lieu de l’accorder. Au surplus, le temps écoulé depuis l’audience a certes permis à l’intimé de se préparer à cette obligation financière. 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et financière permettant de les identifier;

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des deux chefs d’accusation;

RÉITÈRE DÉCLARER l’intimé coupable sous chacun des deux chefs d’accusation mentionnés à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

RÉITÈRE ORDONNER l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées dans la plainte.

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le premier chef d’accusation;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous le deuxième chef d’accusation;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

 

 

 

(S) Janine Kean

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Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Monique Puech

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Mme Monique Puech

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Carine Monge

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Mme Carine Monge, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT CARON PRÉVOST BELISLE GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

DE CHANTAL D’AMOUR FORTIER s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 14 mars 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] CSF c. Dubois, CD00-0969, décision sur culpabilité et sanction du 9 octobre 2013; CSF c. Thibeault, CD00-0998, décision sur culpabilité et sanction du 8 juillet 2014; CSF c. St-Onge, CD00-1053, décision sur culpabilité et sanction du 10 juin 2015.

[2]    CSF c. Dubois, préc. note 1.

[3]    Douglas c. Sa Majesté la Reine, [2002] CanLII 32492 (QCCA).

[4]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[5]    Notamment : Roy c. Médecins (Ordre professionnel des), 1998 Q.C.T.P. 1735 ; Tremblay c. Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des), [2001] D.D.O.P. 245 (T.P.); Malouin c. Notaires (Ordre professionnel des), D.D.E. 2002 D-23 (T.P.); Stebenne c. Médecins (Ordre professionnel des) [2002] D.D.O.P. 280 (T.P.); Mathieu c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2004 QCTP 027 (T.P.); Médecins (Ordre professionnel des) c. Legault, 2016 CanLII 91699 (QC CDCM), décision sur culpabilité et sanction du 16 décembre 2016; CSF c. Charbonneau-Desjardins, CD00-1186, décision sur culpabilité et sanction du 26 janvier 2017.

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