Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-1189

 

 

 

DATE :

9 novembre 2017

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

M. Denis Petit, A.V.A.

Membre

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

CHARLES LEROUX (certificat numéro 165034)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ D’OFFICE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

        Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des prénom et nom de la consommatrice impliquée dans la présente plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de l’identifier.

 

 

[1]          Le 20 février 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au Tribunal administratif du Québec, sis au 575, rue Jacques-Parizeau, à Québec pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 9 août 2016.

[2]           La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau alors que l’intimé était absent et non représenté.

LA PLAINTE

1.        Dans la région de Québec, vers novembre 2015, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme d’environ 2 000 $ appartenant à L.D., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[3]           L’intimé a participé à la conférence téléphonique du 17 octobre 2016 au cours de laquelle les dates pour l’instruction de la plainte ont été fixées. La signification de l’avis d’audience sur culpabilité lui a été faite en mains propres le 27 octobre 2016.

[4]           Dans les circonstances, avant d’inviter le comité à entendre cette plainte, le greffier-audiencier a tenté de joindre l’intimé sur son cellulaire. Il a rapporté que l’intimé lui a répondu qu’il ne pouvait assister à l’audience étant au travail. De plus, il songeait à retenir les services d’un avocat, mais faute de temps il ne l’avait pas encore fait et qu’il croyait que l’audience avait été annulée.  

[5]          Le comité a commencé l’instruction de la plainte et requis du greffier-audiencier de communiquer à nouveau avec l’intimé afin de prendre, le cas échéant, les dispositions qui s’imposaient.

[6]          L’intimé a tenu au comité essentiellement les mêmes propos que ceux rapportés par le greffier-audiencier. Il a reconnu par ailleurs avoir fait défaut de transmettre au procureur de la plaignante le nom de son représentant ainsi que son adresse aux fins de la divulgation, comme il s’était pourtant engagé de le faire lors de la téléconférence susmentionnée. Il a de plus prétendu avoir récemment communiqué avec une employée du secrétariat du comité, mais sans se rappeler ni de son nom, ni par quel moyen[1]. Même si informé que la partie plaignante serait autorisée à procéder en son absence, il a maintenu ne pouvoir assister et l’échange a pris fin

[7]          Par la suite, le procureur de la plaignante a déposé trois courriels adressés à l’intimé[2] lui rappelant son engagement et l’invitant à communiquer avec lui, le dernier étant daté du 8 février 2017. L’intimé n’a répondu à aucun de ces courriels.

[8]          Dans les circonstances, le comité a permis au procureur de la plaignante de procéder ex parte.  

LA PREUVE

[9]          Le procureur de la plaignante a fait entendre la consommatrice L.D. et a déposé sa preuve documentaire (P-1 à P-6).

[10]        Il a ensuite déposé au soutien la décision rendue dans l’affaire Lebrun[3] en soulignant les passages pertinents.

ANALYSE ET MOTIFS

[11]       L’intimé était représentant en assurance de personnes du 11 mai 2005 jusqu’au 9 août 2015. Toutefois, cette période a été entrecoupée par plusieurs intervalles au cours desquelles son certificat n’était pas en vigueur. Son certificat a également fait l’objet de deux périodes de suspension en 2014 et 2015[4] respectivement.

[12]       L.D. a commencé à faire affaire avec l’intimé en 2012, à la suite du décès de son conjoint et vu le départ à la retraite de leur représentant précédent, le père de l’intimé. Ainsi, c’est l’intimé qui s’est occupé de réclamer le produit de l’assurance décès de son feu époux.

[13]       Par la suite, l’intimé a proposé à D.L. de faire des placements avec le produit de l’assurance. Il lui a suggéré de souscrire deux fonds. Elle lui a fait confiance et l’intimé la tenait régulièrement au courant de leurs rendements.  

[14]       Après plusieurs retraits en janvier 2015, L.D. a demandé de retirer le solde pour s’acheter une automobile.

[15]       Pour ces retraits, elle téléphonait à l’intimé qui, la plupart du temps, se rendait chez elle et lui faisait signer les documents appropriés. Par la suite, l’argent était déposé directement dans son compte bancaire.

[16]       Le 31 mars 2015, l’intimé a communiqué avec L.D. et lui a fait miroiter un rendement de 500 $ sur un investissement de 2 000 $, qui lui serait remboursé capital et intérêts dans un délai d’un mois.

[17]       Ainsi, le 16 avril 2015, elle a fait un chèque de 2 000 $ à l’ordre du cabinet de l’intimé[5] sans qu’aucun document ne lui confirme la transaction. À l’expiration du délai annoncé, l’intimé a déposé 2 500 $ directement dans son compte, tel qu’il lui avait représenté.

[18]       Le 31 juillet 2015, l’intimé est revenu à la charge pour lui proposer le même genre de placement qui lui rapporterait autant. Cependant, il lui a demandé cette fois de faire le chèque de 2 000 $ à son nom personnel[6]. Bien que cette demande lui ait paru bizarre, elle lui a remis un chèque comme demandé, ayant confiance puisque tout s’était bien déroulé la fois précédente. Aucun document ne lui a non plus été remis.  

[19]       L’endos du chèque fait état du numéro de compte de l’intimé à la CIBC et le relevé du compte de ce dernier à la CIBC atteste d’un dépôt de 2 000 $, en date du
31 juillet 2015.

[20]       À la fin du mois d’août 2015, même si l’intimé n’avait pas versé l’argent dans son compte bancaire, L.D. a patienté. Toutefois, à compter du mois d’octobre 2015, elle lui a téléphoné et écrit des messages textes (ci-après « textos ») presque quotidiennement, pour savoir quand il lui verserait l’argent. L’intimé lui a fait de nombreuses promesses, mais ne les a pas tenues. Ces communications avec l’intimé font état des réponses évasives de ce dernier ainsi que de ses promesses de remboursement[7].  

[21]       À partir du mois de novembre 2015, elle lui a expressément réclamé son dû, le menaçant d’intenter des procédures judiciaires contre lui, en cas de défaut. À la suite de diverses démarches et informations obtenues, le 3 février 2016, elle a déposé une plainte verbale contre l’intimé à l’Autorité des marchés financiers (AMF), dont fait foi la pièce P-2 qui est, selon elle, conforme à la déclaration faite au préposé.

[22]       L.D. a longuement témoigné sur sa situation financière. En avril 2017, elle a eu 64 ans. Elle a travaillé toute sa vie. À la suite de problèmes de santé, son employeur, chez qui elle ne bénéficiait pas de fonds de retraite, l’a invitée à prendre sa retraite dès le début de l’année 2015. Elle est depuis lors sans revenu de travail. C’est la première fois qu’elle est prestataire de la sécurité du revenu.

[23]       Elle a perçu des prestations d’assurance-emploi jusqu’en mai 2016. Elle est devenue, à partir de juin 2016, prestataire de la sécurité du revenu.

[24]       Après s’être réfugiée chez sa sœur pendant un certain temps, ce n’est qu’en décembre 2016 que L.D. a trouvé un logement abordable. Elle doit faire appel aux banques alimentaires, puisque ses prestations et rentes du Québec ne suffisent pas à couvrir ses besoins de base.

[25]       L’intimé connaissait la situation précaire de sa cliente à la suite de sa perte d’emploi au début de l’année 2015. Il a profité à deux reprises de sa vulnérabilité pour lui soutirer de l’argent. Elle lui a fait confiance à nouveau en juillet 2015, puisqu’il l’avait remboursé la première fois.

[26]       La preuve prépondérante a démontré que l’intimé s’est approprié à ses fins personnelles les 2 000 $ appartenant à L.D.

[27]        Il ressort de la jurisprudence en droit disciplinaire que l’infraction d’appropriation de fonds doit être interprétée de façon large et libérale. Ainsi, à partir du moment où un représentant dépose dans son compte personnel l’argent d’un client, il y a appropriation[8].

[28]       L’infraction d’appropriation constitue une des plus graves qu’un représentant puisse commettre. Elle porte atteinte à la raison d’être de la profession. L’honnêteté et l’intégrité sont des qualités essentielles à son exercice. Le lien de confiance devant exister entre le représentant et son client en dépend.

[29]       Par conséquent, la plaignante s’étant déchargée de son fardeau de preuve, l’intimé sera déclaré coupable sous l’unique chef d’accusation contenu dans la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 17 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[30]        Aussi, afin d’éviter les condamnations multiples, l’arrêt conditionnel des procédures sera ordonné quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière allégués au soutien de ce chef.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER d’office, la non-divulgation, non-diffusion et non-publication des prénom et nom de la consommatrice impliquée dans la présente plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de l’identifier;

DÉCLARE l’intimé coupable sous l’unique chef d’accusation mentionné à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 17 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ c. D-9.2, r.3);

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière invoqués au soutien;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

(S) Janine Kean

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Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(S) Robert Chamberland

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M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(S) Denis Petit

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M. Denis Petit, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT CARON PRÉVOST BÉLISLE GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent et non représenté.

 

Date d’audience :

Le 20 février 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Une vérification auprès du secrétariat du comité a révélé qu’en aucun temps l’intimé n’a communiqué par téléphone, courriel ou autrement depuis la téléconférence du 17 octobre 2016. Aussi, le 10 février 2017, le secrétariat avisait les parties par courriel, de façon non-équivoque, que seule la journée du
20 février 2017 était retenue pour l’instruction de cette plainte. Sa réception par l’intimé a été enregistrée.

[2] P-01, l’adresse de l’intimé y apparaissant est identique à celle utilisée par le secrétariat du comité pour correspondre avec ce dernier.

[3] CSF c. Lebrun, CD00-1131, 2016 CanLII 27451, décision sur culpabilité du 26 avril 2016.

[4] P-1.

[5] P-3.

[6] P-4.

[7] P-6, textos du 7 octobre au 2 décembre 2015.

[8] CSF c. Lebrun, préc. note 3.

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