Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

   CD00-1218

N° :      CD00-1217

 

DATE :

 

8 novembre 2017

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Marc Gagnon, A.V.C, Pl Fin.

Membre

M. Richard Charette

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique à la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

LUC COUTURE, conseiller en sécurité financière (certificat no 108371, BDNI 1514881)

Partie intimée

 

 

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique à la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GILBERT PRESSEAU, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 173427)

Partie intimée

 

 

DÉCISIONS SUR CULPABILITÉ

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

     Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs mentionnés à chacune des plaintes ainsi que de tout document ou renseignement permettant de les identifier.

[1]         L’audition des plaintes dans les dossiers ci-haut mentionnés ayant été jointe, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni le 31 mai 2017 au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, Montréal (Québec) H3A 3H3, et a procédé à l’instruction de celles-ci.

LES PLAINTES

NO CD00-1218 (dossier Luc Couture)

« 1.      À St-Hubert, le ou vers le 29 octobre 2014, l’intimé a fait signer ou permis que soit signée partiellement en blanc par F. M. la proposition d’assurance numéro 860597, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9-2 r.3);

 

2.         À St-Hubert, le ou vers le 29 octobre 2014, l’intimé a fait signer ou permis que soit signée partiellement en blanc par C.T. la proposition d’assurance numéro 860598, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9-2 r.3);

 

3.         À St-Hubert, le ou vers le 29 octobre 2014, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements, procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers, et consigné par écrit ces renseignements avant de faire remplir ou de permettre que soit remplie par F.M. la proposition d’assurance numéro 860597, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10);

 

4.         À St-Hubert, le ou vers le 29 octobre 2014, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements, procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers et consigné par écrit ces renseignements avant de faire remplir ou de permettre que soit remplie par C.T. la proposition d’assurance 860598, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2) et 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, chapitre D-9.2, r.10). »

 

            NO CD00-1217 (dossier Gilbert Presseau)

« 1.       À St-Hubert, le ou vers le 29 octobre 2014, l’intimé a fait signer ou permis que soit signée partiellement en blanc par F.M. la proposition d’assurance numéro 860597, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9-2 r.3);

 

2.         À St-Hubert, le ou vers le 29 octobre 2014, l’intimé a fait signer ou permis que soit signée partiellement en blanc par C.T. la proposition d’assurance numéro 860598, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9-2 r.3). »

 

[2]         Au terme de l’audition, le comité réclama la transcription des notes sténographiques des témoignages entendus. Celle-ci lui parvint le 18 juillet 2017, date du début du délibéré.

[3]         Dans le dossier CD00-1218, l’intimé Luc Couture (M. Couture), présent mais non représenté, enregistra un plaidoyer de culpabilité sous tous et chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte portée contre lui.

[4]         Préalablement, il avait acheminé au secrétariat du comité un document signé au même effet. Ledit document fut versé au dossier sous la cote P-20.

[5]         Compte tenu de ce qui précède, il sera déclaré coupable sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte portée contre lui.

 

[6]         Dans le dossier CD00-1217, l’intimé Gilbert Presseau (M. Presseau), présent et représenté, consigna au dossier, sous chacun des deux chefs d’accusation contenus à la plainte, un plaidoyer de non culpabilité.

[7]         Le comité entreprit ensuite l’instruction de la plainte portée contre celui-ci.

-       LA PREUVE

[8]         La plaignante, par l’entremise de sa procureure, versa au dossier, de consentement, une importante preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-19.

[9]         De plus, elle fit entendre M. Couture, l’intimé dans le dossier CD00-1218, ainsi que M. Sébastien Lévesque (M. Lévesque), enquêteur à la CSF depuis environ deux ans et demi.

[10]      Quant à l’intimé M. Presseau, il témoigna pour sa défense, mais ne déposa aucune pièce ou document.

[11]      Enfin, en contre-preuve, la plaignante, après avoir produit au dossier quelques extraits enregistrés du témoignage de l’intimé lors de sa rencontre avec les enquêteurs de la CSF, termina en interrogeant ce dernier relativement à ceux-ci.

-       LES FAITS

[12]      En résumé, la preuve présentée au comité a révélé les faits suivants :

[13]      Le ou vers le 16 octobre 2014, l’intimé, M. Presseau, qui détient un certificat dans la discipline de l’assurance contre la maladie ou les accidents, mais n’en possède pas dans celle de l’assurance de personnes, reçoit une communication de l’agent général BBA Groupe Financier (BBA) à l’effet que Mme F.M. (F.M.), la consommatrice mentionnée au premier chef d’accusation, requiert les services d’un représentant.

[14]      Il communique alors avec cette dernière afin de connaître ses besoins et fixer un rendez-vous.

[15]      Lors de leurs échanges, elle lui indique qu’elle est à la recherche d’une couverture d’assurance-vie tandis que son conjoint C.T., le consommateur mentionné au second chef d’accusation, est « intéressé » à la souscription d’une police d’assurance-invalidité.

[16]      Ils conviennent alors qu’à l’occasion de l’une de ses visites dans la région de Montréal, elle sera rencontrée avec son mari.

[17]      Bien qu’alors « en étude » pour l’obtention d’une certification dans la discipline de l’assurance-vie, l’intimé qui, tel que précédemment mentionné n’en est pas titulaire, avise F.M. que lors du rendez-vous il sera accompagné d’un représentant possédant le certificat requis.

[18]      Après sa conversation avec F.M., il communique avec M. Couture qui détient un certificat en assurance-vie.

[19]      Ce dernier occupe un bureau adjacent au sien dans l’immeuble où loge BBA et tous deux ont convenu d’une façon de fonctionner où, lorsque l’intimé doit visiter ou rencontrer une cliente ou un client susceptible de bénéficier de services d’assurance-vie, puisqu’il n’est pas autorisé à distribuer un tel produit, il se voit accompagné de M. Couture.

[20]      Dans le cas où une police d’assurance-vie est souscrite par la cliente ou le client, M. Couture et l’intimé se sont accordés pour partager les honoraires de la façon suivante :

          70 % pour M. Presseau; et

          30 % pour M. Couture.

[21]      M. Couture a de plus convenu avec l’intimé, qu’à l’obtention par ce dernier d’un certificat en assurance-vie, tous les dossiers de consommateurs ayant souscrit des polices d’assurance-vie lui seront transférés, lesdits consommateurs étant « des clients de M. Presseau ».

[22]      Au moment des événements pertinents à la présente plainte, l’intimé référait de la sorte des dossiers d’assurance-vie à M. Couture depuis environ deux ans et ils avaient agi conjointement dans environ 50 d’entre eux.

[23]      Peu après sa conversation initiale avec F.M., l’intimé convient d’une rencontre avec cette dernière et son mari, C.T., le 29 octobre 2014, en après-midi, à Saint-Hubert.

[24]      La veille, selon le témoignage de l’intimé[1], M. Couture a obtenu de la part de l’Union-Vie Mutuelle Compagnie D'Assurances (Union-Vie), une illustration relativement à l’émission d’une police d’assurance-vie comportant un capital assuré de 50 000 $ (P5, pièce R-17).

[25]      À la date convenue, au départ de Québec, M. Couture et l’intimé se rendent ensemble, dans l’automobile de ce dernier, rencontrer F.M. et C.T.

[26]      M. Couture doit essentiellement « s’occuper » de la couverture d’assurance-vie recherchée par F.M., tandis que l’intimé doit répondre au besoin exprimé par C.T. pour une couverture d’assurance-invalidité.

[27]      Or, dès le début de la rencontre, ils sont informés que C.T. est en arrêt de travail à la suite d’une commotion cérébrale survenue accidentellement à son lieu d’emploi.

[28]      L’intimé réalise alors qu’il est impossible, en conséquence, de songer qu’un assureur puisse, dans de telles conditions, émettre une police d’assurance-invalidité en faveur de ce dernier.

[29]      Aussi, selon son témoignage, il déclare à C.T. que s’il se rétablit « il y a de bons produits d’assurance-invalidité sur le marché ». Et il lui indique « qu’avant de quitter il va lui donner un dépliant, un document » lui expliquant ce qu’est l’assurance-invalidité[2].

[30]      Par ailleurs, F.M., dont le budget est limité, raconte alors qu’elle souffre de sérieux problèmes de santé, qu’elle est atteinte de « myasthénie grave » et qu’elle est traitée par une neurologue.

[31]      Monsieur Couture juge alors que cette dernière, atteinte selon ce qu’elle déclare, d’une maladie chronique, est vraisemblablement, non assurable au moyen d’une police standard.

[32]      Et il est alors décidé de ne pas transmettre de proposition à un assureur de crainte qu’elle ne soit rejetée. À son opinion, si une telle demande n’est pas tout simplement refusée, l’assureur exigera des surprimes.

[33]      Aussi, afin de ne pas entacher le dossier de F.M. d’un possible refus, il est alors déterminé de d’abord obtenir, sans divulguer l’identité de cette dernière, la position de quelques assureurs.

[34]      Il est convenu avec F.M. d’acheminer des demandes d’opinion à cinq assureurs-vie distincts. Il est mentionné à cette dernière que dès que des réponses auront été obtenues des assureurs, elle sera contactée.

[35]      Néanmoins, lors de ladite rencontre, F.M. et C.T. apposent tous deux leur signature à des formulaires de proposition d’assurance de l’Union-Vie (pièces P-11 et P-12), dont la majorité des sections est demeurée « en blanc ».

[36]      Selon M. Couture, au moment où lesdits formulaires ont été signés, il n’était pas question de présenter des propositions à l’assureur.

[37]      Il se serait servi des documents pour recueillir les informations relatives à la condition médicale des consommateurs[3].

[38]      Le comité étant confronté dans le présent dossier à des chefs d’accusation rattachés à la signature desdits formulaires de proposition, il reviendra sur cet aspect des événements lors de son analyse de la preuve relative auxdits chefs.

[39]      À la suite de la rencontre précitée, alors que M. Couture en garde une copie numérisée, l’intimé conserve le dossier physique des consommateurs et, par l’entremise de BBA, il transmet des demandes d’opinion à cinq compagnies d’assurance-vie.

[40]      Peu après, au cours d’une communication avec F.M., le ou vers le 3 novembre 2014, l’intimé avise cette dernière des réponses alors obtenues de deux des assureurs concernés. Il l’informe que ce qui a été reçu à date est « avec surprime ». Selon La Capitale, un minimum de 200 % et selon l’Union-Vie, 50 % à 75 % est prévu.

[41]      Quelques difficultés surgissent alors entre l’intimé et F.M. Il tente de rassurer cette dernière en lui disant que toutes les réponses n’ont pas été reçues et lui rappelle que les demandes ont été faites sans l’identifier pour éviter d’entacher son dossier au Medical Information Bureau (MIB).

[42]      Le ou vers le 5 novembre 2014, deux autres assureurs avisent d’une surprime, soit Humania : 50 % à 100 % et l’Industrielle Alliance, minimum 50 %.

[43]      F.M. est alors informée, sans les nommer, des réponses reçues des assureurs. Il lui est indiqué que lorsque la dernière réponse aura été reçue, elle sera à nouveau rencontrée et des explications précises de ce qui a été fait et des résultats obtenus lui seront exposés.

[44]      F.M. annonce toutefois à ce moment qu’elle a communiqué avec un autre courtier et qu’elle désire « avoir les copies du travail effectué ».

[45]      Le 7 novembre 2014, une réponse provient du cinquième assureur, soit de Transamérica. Il y a, semble-t-il, possibilité d’un taux standard mais l’assureur exige un rapport médical.

[46]      Le 11 novembre, l’intimé communique avec F.M. pour prendre un rendez-vous. La conversation est extrêmement difficile. Selon ce que rapporte l’intimé, cette dernière ne veut rien entendre et lui raccroche au nez.

[47]      F.M. rappelle plus tard dans la journée, parle uniquement à M. Couture et finit par également lui raccrocher au nez.

[48]      Elle communiquera aussi avec BBA et discutera avec M. Pierre Paquet, le responsable de la conformité.

[49]      Enfin, à la même date, elle dépose auprès de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) une plainte contre M. Couture et l’intimé.

[50]      Sa dénonciation porte essentiellement sur les certifications détenues par l’intimé[4].

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chefs d’accusation no 1 et 2 :

[51]      À ces chefs il est reproché à l’intimé d’avoir, le ou vers le 29 octobre 2014, fait signer ou permis que soient signées partiellement en blanc par F.M. (chef 1) et par C.T. (chef 2) les propositions d’assurances y mentionnées (P-11 et P-12).

[52]      Or, soulignons d’abord que la preuve présentée au soutien de ceux-ci a clairement révélé que les documents en cause ont bel et bien été signés partiellement en blanc par F.M. et C.T.

[53]      Lesdites propositions, sur des formulaires de l’Union-Vie comportant environ une vingtaine de pages, étaient en effet remplies de façon très parcellaire lorsque ces derniers y ont apposé leur signature. Outre certaines informations relatives à l’identification, qui, selon la preuve, y avaient été inscrites par l’intimé, peu de renseignements s’y retrouvaient. La plupart des sections n’était pas complétée et était demeurée en blanc.

[54]      Dans cet état, incomplets et inachevés, ils ne pouvaient fonctionnellement être acheminés à l’assureur afin d’obtenir l’émission d’une police d’assurance-vie.

[55]      Néanmoins, le comité doit déterminer si l’intimé a fait signer ou permis qu’ils soient signés partiellement en blanc par F.M. et C.T.

[56]      Or, la preuve présentée par la plaignante sur cet aspect des choses ne revêt pas un caractère de prépondérance.

[57]      Il est vrai que, lorsqu’interrogé à l’audience, à savoir qui était présent lorsque les propositions ont été signées par F.M. et C.T., M. Couture a répondu « Gilbert et moi »[5].

[58]      Son témoignage sur cette question a toutefois été contredit par celui de l’intimé.

[59]      Ce dernier a en effet déclaré ne pas avoir eu connaissance de la signature des propositions par les clients. De plus, la preuve ne révèle aucunement qu’il aurait invité F.M. et C.T. à signer celles-ci.

[60]      Selon ce qu’il a affirmé, vers la fin de l’entrevue il aurait quitté les lieux pendant une relative courte période de temps pour aller chercher un dépliant[6] dans son automobile et n’aurait pas su que ces derniers avaient alors apposé leur signature sur les pièces P-11 et P-12.

[61]      Voici son témoignage[7] :

« Q.     [339] O.K. Et est-ce que c’est une rencontre qui s’est faite sans interruption ou il y a eu des pauses café, des pauses téléphone ?

R.   Pas … pas des … pas des pauses café nécessairement. Ça s’est quand même enchaîné jusqu’à tant que le rendez-vous se termine ou à peu près. À un moment donné, j’ai quitté, j’ai été chercher le dépliant en question pour laisser à monsieur T., lui expliquant c’est quoi de l’assurance invalidité, la possibilité d’avoir l’assurance invalidité, accident ou maladie, et je lui ai même amené, à ce moment-là, un document d’Humania, qui est anciennement La Survivance, pour une assurance fracture ou vie accidentelle si jamais il y avait possibilité de l’assurer à ce niveau-là, mais lorsqu’il sera rétabli et lorsqu’il sera retourné au travail, etc.

Q.   [340] Est-ce que vous avez vu les personnes apposer leurs signatures aux documents P-11 et P-12 ?

R.   Non. »

[62]      N’ayant pas assisté aux signatures, il n’aurait pas réalisé que les formulaires de proposition avaient été signés par F.M. et C.T.

[63]      Ce n’est que quelque temps après la rencontre, lors d’un appel du directeur de la conformité chez BBA qui l’avisait d’une conversation qu’il venait d’avoir avec F.M. qui désirait porter plainte, qu’il aurait été informé que les propositions avaient été signées par les clients.

[64]      Voici son témoignage[8] :

« Q.     [341] Quand avez-vous su que ces documents auraient été signés ?

R.   Lors de l’appel du directeur de la conformité de BBA qui me confirme que la dame a téléphoné pour faire une plainte. J’ouvre le dossier, à ce moment-là, parce qu’il dit : ʺ vous avez fait signer des … ʺ Je dis : ʺ Non, pas du tout. ʺ  Et je réalise qu’effectivement, les ʺ  propo ʺ sont signées. »

[65]      Ainsi, selon l’intimé, les deux propositions ont été signées en son absence et à son insu.

[66]      Son témoignage entourant les événements survenus lors de la rencontre avec C.T. et F.M. a été clair et précis.

[67]      Quant à celui de M. Couture, il est apparu dans son ensemble plutôt fragile.

[68]      Ainsi, lorsqu’interrogé à savoir si C.T. et F.M. étaient lors de la rencontre continuellement assis avec lui, il déclare d’abord « je crois que oui »[9].

[69]      Puis, lorsqu’il lui est mentionné que F.M. avait dû s’absenter quelques fois pour s’occuper de sa mère, il déclare : « Ah, c’est possible. Oui, sa mère était là ».

[70]      Lorsqu’interrogé à savoir s’il se rappelle avoir dû « s’absenter, sortir, aller chercher des documents dans la voiture, … », hésitant et impuissant à répondre il déclare « je me rappelle plus »[10].

[71]      Sur la durée de la rencontre, alors qu’il affirme d’abord qu’elle se serait continuée pendant une quarantaine de minutes, lorsque contre-interrogé sur la possibilité qu’elle ait pu durer environ deux heures à deux heures trente, il se contente de dire que ça lui semble long.

[72]      À la question à savoir qui aurait rempli la section B de la pièce P-11[11], après avoir d’abord déclaré que c’était l’intimé, en contre-interrogatoire il se ravise et indique qu’il est possible que ce soit F.M. qui ait elle-même rempli cette partie du document.

[73]      Sur la durée de la relation professionnelle avec F.M. et C.T., il mentionne une période de six semaines[12] alors que la preuve révèle que la rencontre initiale a eu lieu le ou vers le 30 octobre et que le lien d’affaire se serait terminé le ou vers le 12 novembre (environ deux semaines plus tard).

[74]      Aux fins de convaincre le comité de rejeter le témoignage de l’intimé et de lui préférer celui de M. Couture, la procureure de la plaignante a souligné que la version de ce dernier lors de l’audience était la même que celle qu’il avait antérieurement donnée à l’enquêteur de la CSF.

[75]      Et, il est vrai que M. Couture et l’intimé ont été respectivement rencontrés et interrogés sur les événements en cause par l’enquêteur de la CSF et que ce dernier, lors de l’audition, a affirmé que M. Couture lui avait indiqué que l’intimé était celui qui avait fait signer les propositions.

[76]      Voici son témoignage[13] :

« Q. [268]       Qui, selon votre enquête, qui … Qu’est-ce que votre enquête a révélé sur qui aurait complété les propositions ?

R.        Lors de la rencontre avec monsieur Presseau, monsieur Presseau m’a confirmé avoir lui-même complété les propositions à l’exception de la désignation des bénéficiaires qui aurait été complétée par la cliente. Donc, c’est lui qui aurait complété les documents.

Quant aux signatures, on a des versions qui sont contradictoires jusqu’à un certain point. Lors de la rencontre avec monsieur Presseau, la question des signatures a été … a été quand même abordée assez rapidement mais il en parle toujours au « nous » ou au « on » comme étant un projet collectif : « on a fait les propositions », « on a soumis les propositions », « on a fait signer les propositions ». Dans la rencontre avec monsieur Couture, c’est beaucoup plus direct que c’est monsieur Presseau qui aurait fait signer lesdites propositions. »

[77]      Mais, de toute évidence, tel que l’enquêteur le déclare : bien que l’intimé lui ait clairement admis avoir « complété » les propositions, il n’a obtenu aucun « aveu » d’une participation personnelle de ce dernier à la signature desdites propositions.

[78]      En réponse à cette situation, la procureure de la plaignante a signalé qu’au cours de son témoignage, l’enquêteur a mentionné que lors de ses rencontres, tant avec
M. Couture qu’avec l’intimé, ni l’un ni l’autre ne lui aurait mentionné une interruption lors de la rencontre, ou que quelqu’un aurait, lors de celle-ci, quitté les lieux ou se serait absenté.

[79]      Mais, bien que l’enquêteur déclare qu’il n’a jamais eu d’indication à cet effet de l’une ou l’autre des personnes présentes à la rencontre (soit de l’intimé, de M. Couture, de la consommatrice ou de son mari), il ne prétend pas leur avoir posé une question précise à cet effet.

[80]      Et bien qu’il soit aujourd’hui possible de s’interroger pourquoi l’intimé n’aurait pas fait mention à l’enquêteur qu’il s’était absenté pour une courte période de temps à la fin de la rencontre, au moment de son rendez-vous avec l’enquêteur, il n’a connaissance d’aucun autre motif de reproche à son endroit hormis qu’il était allégué qu’il n’était pas autorisé à distribuer de l’assurance-vie.

[81]      La plainte de la consommatrice ne portait que sur le questionnement qu’elle avait relativement aux certifications des représentants qui l’avaient contactée. Et la syndique, après enquête, n’a trouvé à cet égard aucun motif pour le dépôt d’un chef d’accusation.

[82]      Ainsi, lors de sa rencontre avec l’enquêteur, l’intimé n’est pas concerné par des reproches relatifs aux signatures des propositions. Cette question ne semble pas préoccuper l’enquêteur non plus.

[83]      En résumé, outre le témoignage fragile de M. Couture, contredit clairement par l’intimé, rien ne démontre que ce dernier ait été présent lors de la signature des propositions par les clients. Et la preuve ne révèle pas qu’il leur ait demandé d’y apposer leur signature, ou qu’il les ait encouragés à le faire.

[84]      D’autre part, celui qui possédait la certification en assurance-vie ce n’était pas l’intimé, mais bien M. Couture. C’est donc à ce dernier qu’il revenait de s’assurer, lorsqu’il était question de la souscription d’un tel produit, que les choses soient faites dans l’ordre.

[85]      Des deux participants à l’« aventure commune », le responsable des actes professionnels dans la discipline de l’assurance-vie c’était M. Couture.

[86]      La signature de propositions d’assurance-vie, en plus d’être un aspect essentiel de son mandat était de son ressort exclusif. D’ailleurs, l’intimé avait sollicité ses soins et convenu de l’amener avec lui pour ce motif.

[87]      Le travail que pouvait être appelé à exécuter l’intimé était sous sa supervision. Même s’il lui était permis de confier certaines tâches à ce dernier, telle la transposition des informations obtenues des clients sur les documents de proposition, comme ce semble avoir été le cas, lorsqu’il s’agissait de la souscription d’assurance-vie, de la signature de propositions à cet effet, il devait personnellement s’acquitter du mandat.

[88]      En somme, c’est à M. Couture qu’incombait, en tant que représentant possédant la certification requise, les obligations et les devoirs ultimes rattachés à la souscription de polices d’assurance-vie par les consommateurs en cause. C’est d’ailleurs lui, et lui seul, qui, avant qu’elles ne puissent être soumises à un assureur, allait devoir, à titre de représentant, apposer sa signature auxdits documents de souscription.

[89]      Aussi, dans le dossier CD00-1218, M. Couture a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de deux chefs d’accusation (parfaitement identiques à ceux portés contre l’intimé dans le présent dossier) lui reprochant d’avoir fait signer ou permis que soient signées partiellement en blanc les propositions d’assurance-vie ici en cause.

[90]      Toutefois, selon la plaignante, l’intimé, et ce, bien que ce soit à la suite d’une seule et identique série de faits, devrait également être reconnu coupable des mêmes infractions.

[91]      Cette dernière a justifié sa décision de porter deux chefs d’accusation identiques tant à l’endroit de M. Couture que de l’intimé en insistant sur le fait, qu’à son avis, la signature des propositions d’assurance-vie par F.M. et C.T. avait été le fruit d’une « aventure commune » entre les deux représentants.

[92]      Elle n’a toutefois produit aucune jurisprudence ou autorité appuyant sa position. Et bien que le comité entretienne quelques doutes à l’égard de ce point de vue, en l’absence de débat sur le sujet et considérant les conclusions de faits auxquelles il en arrive, il ne croit pas devoir se prononcer sur celui-ci.

[93]      Cependant, en terminant, qu’il nous soit permis de souligner que compte tenu de la formulation des chefs d’accusation en cause, pour reconnaître l’intimé coupable de ceux-ci, il faudrait accepter que le comité puisse sanctionner un représentant pour des fautes qu’il aurait commises dans une discipline qui n’est pas de sa compétence plutôt que pour avoir exercé illégalement. En suivant ce raisonnement, le comité aurait alors juridiction pour déterminer si l’« incompétent » (légalement parlant) a agi avec compétence.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

relativement au dossier CD00-1218 – Luc Couture :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé Luc Couture, sous tous et chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte portée contre lui;

             DÉCLARE l’intimé Luc Couture coupable de chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte portée contre lui;

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

            relativement au dossier CD00-1217 – Gilbert Presseau :

REJETTE les chefs d’accusation 1 et 2 contenus à la plainte portée contre l’intimé, avec le paiement des déboursés contre la plaignante.

 

 

 

 

(s) François Folot

Me François Folot

Président du comité de discipline

 

 

(s) Marc Gagnon_____________________

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Richard Charette__________________

M. Richard Charette

Membre du comité de discipline

 

 

Me Caroline Isabelle

BÉLANGER LONGTIN, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Maurice Charbonneau

CHARBONNEAU AVOCATS CONSEILS

Procureurs de la partie intimée, Gilbert Presseau

 

L’intimé Luc Couture se représente lui-même.

 

Date d’audience :

31 mai 2017

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Voir pages 183 et 184 des notes sténographiques de l’audience du 31 mai 2017.

[2]     Ibid., page 170.

[3]     Ibid., page 47.

[4]     Voir pièce P-3.

[5]     Voir la page 51 des notes sténographiques de l’audience du 31 mai 2017.

[6]     En toute vraisemblance afin de se conformer à la promesse faite à C.T. de lui remettre avant de quitter un dépliant relatif à l’assurance-invalidité (voir à ce sujet, Ibid., page 170).

[7]     Ibid., pages 172 et 173.

[8]     Ibid., page 173.

[9]     Ibid., page 89.

[10]    Ibid.

[11]    Ibid., pages 79 et 80.

[12]    Ibid., page 107.

[13]    Ibid., pages 140 et 141.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.