Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1137

 

DATE :

28 septembre 2017

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Alain Gélinas

Président

Mme Nacera Zergane

M. Alain Legault

Membre

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

PIERRE PRIEUR, représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 185 749, BDNI 2384391)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication du nom de la consommatrice mentionnée à la plainte disciplinaire et de tout renseignement ou document permettant de l’identifier, et ce, dans le but d’assurer la protection de sa vie privée.

 

[1]           Le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s’est réuni pour procéder à l'audition sur culpabilité et sanction de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé. La plainte se lit comme suit :

LA PLAINTE

1. À St-Constant, le ou vers le 26 novembre 2014, l’intimé a contrefait la signature de N.M. sur deux formulaires de « Convention de gestion discrétionnaire des Portefeuilles Gérés Banque Nationale » pour ses comptes numéros […] et […], contrevenant ainsi aux articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (RLRQ, c. V-1.1), 10, 14 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

[2]           Le procureur de la plaignante a tout d’abord déposé la pièce P-1 à savoir l’attestation de droit de pratique. L’intimé est représentant de courtier en épargne collective depuis le 30 mars 2011. Les pièces P-2 à P-10 ont par la suite été déposées de consentement.

[3]           Dès le début de l’audience, l’intimé a reconnu les faits et a enregistré un plaidoyer de culpabilité.

[4]           Il fut déclaré coupable par le comité sous l’unique chef d’infraction.

[5]           Le comité procéda par la suite sur sanction.

PRÉSENTATION DE L’INTIMÉ

[6]   La consommatrice a témoigné dans le cadre du présent dossier. Elle est une personne retraitée.

[7]   Elle est cliente de l’institution financière depuis 2010. Elle a connu l’intimé dans un contexte professionnel vers le mois de mai 2014.

[8]   La dernière rencontre a eu lieu le 26 novembre 2014. Cette rencontre avait pour but de faire un changement au niveau des placements. Elle ne se souvient cependant pas du type de changement.

[9]   Elle reçoit des documents par la poste le 5 décembre 2014. Elle constate à cette occasion que deux documents intitulés « Convention de gestion discrétionnaire des Portefeuilles Gérés Banque Nationale » avaient été signés par l’intimé et non par elle.

[10]        Elle a appelé immédiatement l’intimé. Celui-ci se serait montré rassurant en lui disant qu’il n’y avait pas de danger.

[11]        Elle souligne que cela l’a rendu très insécure et qu’elle a perdu confiance.

[12]        La directrice de la succursale s’est montrée également rassurante et a offert de la rencontrer personnellement. La confiance était toutefois perdue.

[13]        En contre-interrogatoire, elle admet être restée avec l’institution financière et ne pas avoir subi d’impact financier.

[14]        Elle s’attendait à plus de transparence et de rigueur de la part d’un représentant.

PREUVE DE L’INTIMÉ

[15]        L’intimé a témoigné pour sa défense. Il est un conseiller placement et retraite auprès de l’institution financière.

[16]        Il a commencé sa carrière dans le domaine de la robotique. Il s’est par la suite intéressé au domaine du placement. Il a fait son baccalauréat en économie à l’Université Concordia et par la suite un MBA à l’École des hautes études commerciales.

[17]        Il a commencé comme courtier de plein exercice pour une période de trois ans. Il est dans son emploi actuel depuis quatre ans.

[18]        Il a témoigné à l’effet qu’il n’a pas de client comme tel mais qu’il est en support à d’autres conseillers pour ce qui est du segment des retraités ou ceux sur le point de l’être. Il travaille dans quatre succursales de l’institution financière.

[19]        Il a souligné qu’il n’a jamais eu de plainte dans les emplois qu’il a occupés.

[20]        Il a rencontré la cliente vers mai ou juin 2014. Elle arrivait à la retraite. On devait convertir des comptes pour créer des rentes régulières. Deux comptes ont été convertis à savoir un REÉR et un CRI.

[21]        À cette occasion, l’intimé a noté que la cliente avait un compte courtage direct qui n’offre aucun conseil. Il soulignait qu’elle n’était pas à sa place.

[22]         Il voulait passer à une autre étape, car il trouvait que la cliente serait mieux servie avec un portefeuille géré et par le suivi d’un conseiller en succursale. Ces démarches ne lui apportaient aucune rémunération supplémentaire.

[23]        Il a témoigné à l’effet qu’il a parlé à la consommatrice de la convention de gestion discrétionnaire.

[24]        Après une longue soirée, il lui a fait signer les documents. Deux documents sont cependant restés sur l’imprimante, à savoir les documents visés par la présente plainte. La cliente avait déjà quitté la succursale. Il a reconnu avoir alors contrefait la signature de celle-ci.

[25]        Il a témoigné à l’effet qu’il a beaucoup de regret, il reconnait que l’infraction est très grave et que cela porte atteinte à la réputation de l’industrie et de la banque. Il admet que sa conduite a créé de l’angoisse pour la cliente.

[26]        Il a témoigné qu’il a également souffert d’angoisse. Il souligne qu’il n’a pas eu d’appropriation de fonds.

[27]        Son employeur lui a imposé des mesures disciplinaires à savoir des mesures de supervision accrues. Chaque signature devait dorénavant être vérifiée pendant neuf mois. Les commentaires de rencontre avec les clients devaient également être beaucoup plus élaborés. Il a été averti qu’advenant une autre faute, il pourrait perdre son emploi

[28]        Il a témoigné à l’effet qu’il n’a rien caché. Il a avoué sa faute immédiatement à son employeur et à la syndique de la Chambre de la sécurité financière.

[29]        Il ne veut plus revivre cette angoisse et ne veut plus commettre d’erreur. Il est maintenant plus vigilant.

[30]        Il a souligné qu’une radiation pour une période de deux mois aurait un impact négatif pour sa carrière. Il devra expliquer aux conseillers les faits et cela aura un impact sur sa réputation et éventuellement sur sa pratique.

[31]        En contre-interrogatoire, l’intimé a mentionné qu’il agit à titre de contractuel mais que son travail est exclusif à l’institution.

[32]        Il a admis qu’il n’a pas fait de démarche pour faire revenir la consommatrice à la succursale afin qu’elle signe les documents manquants.

[33]        La relation professionnelle a cessé après les évènements. L’institution a attitré un autre planificateur pour répondre à ses questions.

[34]        Il a admis qu’il n’a pas l’objet de suspension de la part de l’institution.

[35]        Il a témoigné à l’effet que la convention de gestion discrétionnaire des portefeuilles a pour but de permettre au gestionnaire de s’éloigner du profil de l’investisseur. Il admet qu’il n’en connaît pas les autres objectifs et qu’il ne pourrait les expliquer.

[36]        Le prochain témoin de la défense a été Jean-Sébastien Allard. Il est directeur régional et conseiller placement et retraite. Il dirige 18 conseillers attitrés à des succursales répartis en cinq territoires. Ils ont entre quatre à sept succursales.

[37]        Il a souligné le caractère professionnel de l’intimé et son dévouement. Il est apprécié des conseillers. Il n’a jamais eu de plainte de la part du personnel des succursales ou des clients. Il est à son avis un très bon employé.

[38]        Il a indiqué que l’intimé n’a pas tenté d’esquiver sa responsabilité. Il a été estomaqué qu’un tel geste puisse avoir été posé par l’intimé. Il parle d’un « brain
freeze ».

[39]        Il a été rassuré du fait que l’intimé voulait rendre service à la cliente. Il n’a pas réalisé de gain pour les gestes qu’il a posés. Il lui a présenté un produit qui rapporterait beaucoup plus selon son profil et sa situation.

[40]        Il a admis que la direction a pensé au congédiement. Compte tenu de l’absence d’antécédent, du très beau travail réalisé par l’intimé et un taux de conformité élevé, on a préféré la mise en place de mesures correctives. Il devait éviter tout problème pour une période d’un an.

[41]        Il a totalement confiance en l’intimé et lui a même référé sa mère.

[42]        En contre-interrogatoire, le témoin a admis que c’est la première fois que cela se produit.

[43]        Il a souligné que le contrat signé permet de modifier la répartition de l’actif de dix pour cent. Il a admis cependant que ce pourcentage n’est pas indiqué et que le contrat est très important.

[44]        L’impact de la sanction demandée sera grand pour l’intimé, car il est payé à commission. De plus, pendant la radiation, on devra redistribuer les succursales.

[45]        Il a conclu que la radiation aura des impacts sur les clients.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE LA PLAIGNANTE

[46]        Le procureur de la plaignante demande une radiation pour une période de deux mois, que la décision fasse l’objet d’une publication et que l’intimé soit condamné au paiement des déboursés.

[47]        Il souligne que l’intimé a admis les faits.

[48]        Il rappelle l’importance de la signature d’un client. Celle-ci fait partie de l’identité et cela n’est pas sans conséquence.

[49]        Le procureur de la plaignante souligne que l’infraction est d’autant plus grave du fait que le contrat est important.

[50]        Il admet que l’intimé n’a pas agi avec une intention malveillante ou pour s’approprier l’argent de la cliente. Il n’y a pas d’intention frauduleuse dans le présent dossier.

[51]        Il souligne cependant que l’intimé n’a pas fait de démarche pour corriger la situation. La cliente demeurait pourtant qu’à quelques minutes de la succursale. Il note qu’une certaine jurisprudence considère une telle démarche comme un facteur atténuant.

[52]        Il confirme que l’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire. Sa collaboration à l’enquête a été excellente.

[53]        Bien que l’intimé regrette la situation, le procureur de la plaignante constate que cela a créé un stress à la cliente. On parle de clientèle vulnérable, des gens à la retraite ou sur le point de l’être. Les fonds en cause sont tout ce qu’ils ont pour la retraite. Ici, le montant est important à savoir environ 250 000 $.

[54]        La recommandation de la plaignante satisfait les critères de protection du public, de dissuasion, d’exemplarité auprès des membres. On assure la protection du public non seulement par la dissuasion de l’intimé mais également par l’exemplarité auprès des autres membres. Le procureur de la plaignante est d’avis qu’il faut « passer le
message ».

[55]        Il note qu’il n’y a pas eu congédiement ici alors qu’en général l’employeur impose une telle sanction. Son emploi n’est pas en jeu. Tout au plus, il perdra des commissions. L’aspect relation de travail n’est pas une préoccupation mais plutôt la protection du public. Le droit de l’intimé de continuer à travailler n’est pas en cause, car on ne demande pas la radiation permanente.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉ

[56]        D’entrée de jeu, le procureur de l’intimé souligne que chaque dossier est un cas d’espèce.

[57]        Il note l’absence d’antécédent disciplinaire et la reconnaissance par l’intimé de sa faute à la fois auprès de son supérieur et de la cliente.

[58]        Il ajoute que l’intimé a plaidé coupable à la première occasion.

[59]        Il n’a pas tenté de brouiller les pistes et il a collaboré à l’enquête de son employeur et à celle de la syndique.

[60]        Il ajoute l’absence de préjudice économique et le fait qu’il n’a pas agi à l’encontre de la volonté de la cliente.

[61]        Il s’agit, à son avis, d’un acte spontané fait sans préméditation. Le geste n’était pas un geste réfléchi.

[62]        Son client n’a pas réalisé de gain quelconque et le geste a été posé dans le but d’aider la cliente.

[63]        L’intimé regrette le geste posé.

[64]        Si l’intimé est condamné à une radiation, il subira un préjudice financier du fait qu’il est payé à commission. Sa réputation sera également ternie, car il devra s’expliquer auprès des représentants.

[65]        Le procureur de l’intimé plaide que le but de la loi n’est pas de punir. Il souligne que son client a bien compris la leçon et que le principe de l’exemplarité est ici respecté.

[66]        Il admet que dans plusieurs décisions les intimés ont fait l’objet d’un congédiement. Dans d’autres, on a fait preuve de clémence.

[67]        Il recommande une radiation temporaire d’un mois.

[68]        Relativement à la publication de la décision, le procureur de l’intimé a suggéré que celle-ci soit effectuée dans un journal local circulant dans le lieu où il exerce ses activités professionnelles, soit la région de Roussillon. Sa demande pour que la publication soit confiée à un journal local circulant dans le lieu où il exerce ses activités professionnelles n’est pas en contradiction avec la disposition législative relative à la publication des décisions.

ANALYSE JURISPRUDENTIELLE

Radiation de deux mois

[69]        Dans le dossier Côté[1], l’intimé était, en outre, accusé d’avoir contrefait la signature d’un client sur un formulaire de mise à jour de compte. Au niveau factuel, dans le cadre de la mise à jour du dossier d’un client, l’intimé avait fait remplir par le client  un document d’ouverture et de mise à jour de compte qu’il avait complété en même temps qu’un questionnaire « KYC ».

[70]        En comparant les deux documents, il a constaté que certaines informations ne concordaient pas. Il a alors contacté le client pour lui demander de revenir signer un document corrigé. Ce dernier aurait refusé de se déplacer.

[71]        L’intimé aurait alors contrefait la signature du client. Il a expliqué sa faute en prétextant un conflit de personnalités notamment avec sa supérieure immédiate.

[72]        L’intimé n’avait aucun antécédent disciplinaire et il avait collaboré à l’enquête de la syndique.

[73]        Il avait admis ses fautes et avait plaidé coupable à la première occasion.

[74]        Le comité souligne cependant que la cliente était vraisemblablement vulnérable. Il rappelle que la gravité objective de l’infraction de contrefaçon est indiscutable et touche à l’exercice même de la profession. Le comité a imposé une radiation temporaire de deux mois.

[75]        Dans le dossier Gras[2], l’intimée était accusée d’avoir contrefait la signature d’une cliente sur un formulaire transactionnel comptant et RER. Dans cette affaire, l’intimée avait coché la mauvaise case sur ledit formulaire. Elle a par la suite été avisée de la situation par l’équipe de surveillance et de conformité de l’institution alors qu’elle quittait pour trois jours afin d’assister à des funérailles. Au lieu de revoir la cliente, l’intimée a signé à la place de celle-ci.

[76]        L’intimée n’avait aucun antécédent disciplinaire et avait collaboré à l’enquête de la syndique. Il avait cependant au départ nié auprès de son supérieur avoir signé le formulaire en cause.

[77]        Au moment de l’audition, elle avait cependant reconnu les faits et avait enregistré un plaidoyer de culpabilité à la première occasion.

[78]        Suite aux évènements, l’intimée avait été congédiée et était sans emploi au moment de l’audition.

[79]        Compte tenu de la gravité objective de l’infraction, le comité imposa une radiation temporaire de deux mois.

[80]        Une telle peine fut également imposée dans le dossier Michaud[3]. L’intimé, dans cette affaire, avait confectionné une fiche d’ordre laissant faussement croire que le mandataire de sa cliente l’avait signée, alors que la signature y apparaissant était une photocopie d’une signature originale découpée et collée. L’intimé demandait une radiation d’un mois alors que la syndique en demandait deux.

[81]        Le comité constate que l’intimé n’était pas animé d’une intention frauduleuse. Celui-ci avait réalisé qu’il ne pourrait pas obtenir rapidement la signature de son client et plutôt que d’annuler l’opération et de subir des frais de l’ordre de 200 à 300 $, il a préparé un faux document.

[82]        L’intimé n’avait aucun antécédent et avait collaboré à l’enquête de son employeur et de la syndique.

[83]        Il a cependant été congédié par son employeur et était, au moment de l’audition, sans emploi.

[84]        Le comité nota qu’aucun préjudice n’avait été causé à la cliente.

[85]        Compte tenu de la gravité objective de l’infraction et du fait que la faute touche directement à l’exercice la profession, le comité imposa une radiation temporaire de deux mois.

[86]        Dans le dossier Cantin[4], on reprochait à l’intimée d’avoir contrefait la signature d’un client sur une demande d’ouverture de marge de crédit. L’intimée en tant que représentante de courtier en épargne collective avait commis une erreur quant au montant d’hypothèque devant être remboursée par le client à l’institution. Dans le but de camoufler cette erreur, l’intimé aurait alors, à l’insu de son client et en imitant sa signature, procédé à l’ouverture d’une marge de crédit et d’un prêt personnel.

[87]        La représentante expliquait son geste par une situation familiale difficile.

[88]        L’intimée n’avait aucun antécédent disciplinaire. Elle avait offert son entière collaboration lors de l’enquête de son employeur et de la syndique. La faute avait été admise à la première occasion et elle avait enregistré un plaidoyer de culpabilité.

[89]        Elle avait été congédiée par son employeur et le risque de récidive était plutôt faible, voire nul.

[90]        Le comité imposa une radiation temporaire de deux mois en raison principalement de l’absence de malhonnêteté et du lien de rattachement avec l’autre chef.  Il s’agissait essentiellement d’un seul événement impliquant qu’un seul client.

[91]        Dans l’affaire Dionne[5], l’intimé était accusé d’avoir contrefait la signature de deux clients sur une demande d’assurances prêt.

[92]        L’intimé n’avait aucun antécédent disciplinaire et avait fait preuve d’une bonne collaboration à l’enquête de la syndique. Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à la première occasion.

[93]        Les faits reprochés n’avaient pas pour objet l’obtention de bénéfices personnels. Il a été congédié suite aux évènements ayant mené au dépôt de la plainte. Il n’est plus dans l’industrie financière. Il agit maintenant comme représentant pour une « compagnie de bière ».

[94]        Il a exprimé ses regrets devant le comité. Les clients n’ont par ailleurs subi aucun préjudice.

[95]        Le comité l’a condamné à une radiation temporaire de deux mois.

[96]        Dans le dossier Dorion[6], l’intimé avait contrefait la signature et/ou les initiales de quatre clients sur des formulaires de transaction.

[97]        L’intimé n’avait pas d’antécédent disciplinaire et avait collaboré à l’enquête. Le comité a noté le fait que l’intimé n’avait pas d’intention frauduleuse. Compte tenu du nombre de clients impliqués, le comité a constaté par ailleurs un agissement répétitif et non un acte isolé.

[98]        Finalement dans l’affaire Bissonnette[7], l’intimé a été condamné à une radiation temporaire de deux mois pour avoir contrefait ou permis que soit contrefaite la signature de deux clients sur un document de résiliation de contrats d’assurance vie.

[99]        Quoique l’intimé avait fait l’objet d’une mise en garde de la part de la syndique, il n’avait aucun antécédent disciplinaire formel. Il avait collaboré à l’enquête de celle-ci et enregistré un plaidoyer de culpabilité à la première occasion.

[100]     Le comité a noté le fait que l’intimé n’avait pas été animé d’intentions frauduleuses ou malhonnêtes et que les consommateurs n’avaient subi aucun préjudice réel.

[101]     Le comité est d’avis que « les fautes [de l’intimé] […] sont d’une gravité objective indiscutable »[8]. Une radiation temporaire de deux mois fût imposée.

Radiation d’un mois

[102]     Dans l’affaire Houle[9], le comité a imposé une radiation temporaire d’un mois sous l’unique chef d’infraction d’avoir contrefait une signature sur un formulaire de demande d’inscription à un régime enregistré d’épargne étude.

[103]     L’intimé travaillait à son compte et devait apporter son aide et rendre certains services à des représentants de courtier en plans de bourses d’études dont les clients désiraient participer aux régimes de la Société Fonds d’Éducation Héritage Inc.

[104]     Dans l’exercice de ses fonctions, on interdisait à l’intimé d’avoir des communications directes avec le client concerné.

[105]     L’intimé avait tenté pendant plusieurs semaines de rejoindre le courtier impliqué mais sans succès.

[106]     Il prit la décision de faire une photocopie de la signature du client qui se trouvait sur un chèque encaissé et de l’apposer sur le formulaire.

[107]     Le comité constate que l’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire et qu’il n’avait aucune intention malhonnête. Le geste posé n’avait pas pour but de satisfaire ses intérêts personnels. Une période de radiation pouvait également signifier la fin de sa carrière professionnelle. Compte tenu de la gravité objective de l’infraction, le comité imposa tout de même la radiation.

[108]     Dans le dossier Lamontagne[10], le comité avait imposé une radiation temporaire d’un mois à l’intimé pour avoir forgé une signature afin d’endosser un chèque.

[109]     Le comité note tout d’abord que cette faute est excessivement grave.

[110]     On souligne que l’intimé avait remboursé son client avant qu’il n’y ait une enquête menée par la syndique. Celui-ci était par ailleurs à sa première infraction disciplinaire.

[111]     Malgré tout, l’intimé avait tenté de brouiller les pistes et cet acte frauduleux l’avait amené devant les tribunaux criminels.

[112]     Dans le dossier Bouchard[11], l’intimé avait contrefait la signature de son client sur une mise à jour d’un formulaire de demande d’ouverture de fonds.

[113]     Celui-ci s’était engagé auprès de sa supérieure à « régulariser », avant son départ pour un congé de paternité, le dossier de l’un de ses clients. L’intimé avait tenté à plusieurs reprises de rejoindre sans succès son client.

[114]     À son retour, il serait parvenu à le rejoindre afin d’apporter les correctifs nécessaires.

[115]     Il avait fait vérifier le dossier par le département de conformité et tout était conforme. Suite à la rencontre avec le client, les documents signés ont été acheminés à ce département.

[116]     Le lendemain, la supérieure de l’intimé avait exigé une mise à jour de fonds CRI du client. Il devait rappeler le client afin d’obtenir rapidement sa signature, sinon il allait perdre son permis.

[117]     L’intimé, surchargé de travail, aurait alors paniqué, car il était pour lui impossible de rencontrer à nouveau le client et de le faire signer dans les délais requis.

[118]     Il aurait signé le document de mise à jour  à la place du client et l’aurait transmis au département de la conformité.

[119]     D’entrée de jeu, le comité notait l’absence d’antécédent disciplinaire.

[120]     L’intimé avait entièrement collaboré à l’enquête et avait enregistré un plaidoyer de culpabilité.

[121]     Le comité notait l’absence d’intention frauduleuse.  Le motif véritable était d’éviter de faire des démarches auprès du client.

[122]     Le comité est d’avis qu’il a appris « la leçon ». On note que les manquements reprochés ont eu un impact sur sa vie professionnelle et personnelle.

[123]     Une radiation temporaire d’un mois a également été imposée dans le dossier Ouimet[12]. L’intimé avait contrefait la signature d’un client sur le formulaire « accords de débits préautorisés personnels ».

[124]     L’intimé n’avait pas d’antécédent disciplinaire. La faute n’avait pas été commise avec une intention malveillante et aucun bénéfice personnel n’avait été réalisé.

[125]     Il s’agissait d’un geste isolé auprès d’un seul investisseur et aucun préjudice n’avait été subi par le consommateur.

[126]     Il avait perdu son emploi suite à la faute commise. Il avait coopéré à l’enquête de la syndique et à la première occasion il avait enregistré un plaidoyer de culpabilité. La signature de l’épouse ne semblait pas nécessaire dans ce dossier.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[127]     Le Comité note tout d’abord l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé.

[128]     On constate par ailleurs qu’il n’a pas été motivé par une intention frauduleuse ou malhonnête.

[129]     L’intimé a offert sa pleine collaboration à l’enquête de son employeur et de la syndique.

[130]     Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité à la première occasion.

[131]     De plus, l’intimé n’a pas bénéficié personnellement d’avantages découlant de la faute commise.

[132]     Le but était, selon lui, d’aider la cliente à obtenir un portefeuille mieux adapté à ses besoins.

[133]     Le Comité est cependant d’avis que la gravité objective de l’infraction reprochée est très importante. La signature d’un client lui appartient et constitue l’expression de sa volonté. La contrefaçon porte atteinte à l’identité du client.

[134]     Le professionnalisme est une qualité essentielle dans le secteur financier. Notre industrie est basée sur la confiance du public.

[135]     Le fait, par un représentant, de contrefaire la signature d’un client est un geste inacceptable et il porte ombrage à l’image de la profession.

[136]     Le Comité fait siens les commentaires suivants dans le dossier Pham[13] :

« [47]        Le comité croit que l’intimé est aujourd’hui parfaitement conscient de la gravité des fautes qu’il a commises et il évalue à plutôt “ faibles ” les risques qu’il ne récidive.

[48]        Les événements en cause ont eu un effet malheureux tant sur sa vie professionnelle que personnelle, ce qui est certes de nature à l’inciter à ne plus recommencer.

[49]        Néanmoins, les fautes qu’il a commises vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à déconsidérer celle-ci.

[50]        Leur gravité objective ne fait donc aucun doute.

[51]        L’obtention de signatures en blanc par les clients expose ces derniers à des risques inutiles.

[52]        Contrefaire la signature sur un document et l’utiliser par la suite est dans tous les cas une infraction sérieuse.

[53]        Dans l’affaire Maurice Brazeau c. Me Micheline Rioux, la Cour du Québec a émis les principes qui doivent guider le comité dans l’imposition des sanctions dans les cas de contrefaçons de signatures.

[54]        Dans son jugement, la Cour y a indiqué : “ Le fait d’imiter les signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois selon que la personne concernée pose ce geste avec une intention frauduleuse ou non ” ».

[137]     Dans plusieurs dossiers où une radiation temporaire d’un mois a été imposée, le représentant avait fait l’objet d’un congédiement. L’intimé n’a pas fait l’objet d’une telle mesure. Il subira sans doute une baisse temporaire de ses revenus mais c’est le prix à payer pour avoir commis une faute aussi grave.

[138]     Dans d’autres cas, le représentant avait tenté de rejoindre, sans succès, le client. Dans le présent dossier, il aurait été très facile pour l’intimé de demander à la cliente de retourner à la succursale. Le fait de contrefaire la signature d’un client par automatisme est sans nul doute un facteur aggravant.

[139]     Dans un autre cas précis, il s’agissait d’une relation supérieur/employé extrêmement difficile, voire même toxique. L’intimé n’avait pas une telle pression de son employeur.

[140]     Le Comité note que la cliente est une personne retraitée. Elle voulait placer la quasi-totalité de ses avoirs auprès de l’institution financière. Le travail d’une vie. On comprend son angoisse d’avoir été trompé par une personne en qui elle devait pouvoir compter.

[141]     Le Comité est témoin du vieillissement de la population. Les personnes âgées doivent pouvoir compter sur des personnes compétentes et intègres. Les sanctions disciplinaires doivent dissuader les personnes visées et l’ensemble des membres de l’industrie de poser des gestes qui minent la confiance du public en général et particulièrement des personnes vulnérables.

[142]     L’importance du document en cause est également un facteur aggravant. D’autant plus que l’intimé ne comprenait pas la portée exacte du document. La contrefaçon d’un document dont on ne connaît pas tous les aspects est un geste encore plus inquiétant.

[143]       Aussi, compte tenu que les sanctions doivent être déterminées en fonction des faits propres au dossier, après avoir soupesé ceux-ci ainsi que les facteurs objectifs et subjectifs qui lui ont été soumis, le Comité est d’opinion que la condamnation de l’intimé à une radiation temporaire de deux mois serait en l’espèce une sanction juste et raisonnable, adaptée à l’infraction, ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction. Il imposera donc à l’intimé une telle sanction.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée séance tenante sous l’unique chef d’infraction mentionné à la plainte disciplinaire.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

Sous l’unique chef d’infraction

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline, tout en prenant en considération, dans la mesure du possible, la demande de l’intimé pour qu’elle soit confiée à un journal local, de faire publier aux frais de ce dernier un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

(S) Alain Gélinas

__________________ ________________

Me ALAIN GÉLINAS

Président du comité de discipline

 

(S) Nacera Zergane

__________________ ________________

Mme Nacera Zergane

Membre du comité de discipline

 

(S) Alain Legault

__________________ ________________

M. Alain Legault

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Paul Kalash

ELFASSY KALASH AVOCATS, regroupement nominal

Procureurs de la partie intimée

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Chambre de la sécurité financière c. Côté, 2011 CanLII 99528 (QC CDCSF).

[2] Chambre de la sécurité financière c. Gras, 2012 CanLII 97178 (QC CDCSF).

[3] Chambre de la sécurité financière c. Michaud, 2013 CanLII 88967 (QC CDCSF).

[4] Chambre de la sécurité financière c. Cantin, 2014 CanLII 38588 (QC CDCSF).

[5] Chambre de la sécurité financière c. Dionne, 2014 CanLII 42100 (QC CDCSF).

[6] Chambre de la sécurité financière c. Dorion, 2015 QCCDCSF 5.

[7] Chambre de la sécurité financière c. Bissonnette, 2015 QCCDCSF 8.

[8] Ibid., par. 20.

[9] Chambre de la sécurité financière c. Houle, C.D.C.S.F. Montréal, no CD00-0938, 19 avril 2013.

[10] Chambre de la sécurité financière c. Lamontagne, C.D.C.S.F. Montréal, no CD00-0291, 20 décembre 2000.

[11] Chambre de la sécurité financière c. Bouchard, C.D.C.S.F. Montréal, no CD00-0876, 15 février 2012.

[12] Chambre de la sécurité financière c. Ouimet, C.D.C.S.F. Montréal, no CD00-1009, 7 juillet 2014.

[13] Chambre de la sécurité financière c. Pham, C.D.C.S.F. Montréal, no CD00-0996, 20 juin 2014.

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