Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1237

 

DATE :

12 septembre 2017

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

Mme Carine Monge, Pl. Fin.

Membre

M. Jasmin Lapointe

Membre

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MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

DANICK LESSARD-DION (numéro de certificat 182223)

 

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication du nom et prénom du consommateur concerné par le dossier, et de tout renseignement permettant de l’identifier.

 

[1]           Le 27 juillet 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 21 mars 2017 ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.      À Sherbrooke, le ou vers le 14 mai 2013, l’intimé a contrefait la signature de sa cliente I.D. sur des formulaires (Formulaire de signatures; Déclaration du proposant; Entente de prélèvements autorisés) pour la proposition d’assurance vie numéro […], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

2.      À Sherbrooke, le ou vers le 17 mai 2013, l’intimé a soumis à l’assureur la proposition d’assurance-vie numéro […] à l’insu de sa cliente I.D., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[2]           Le plaignant était représenté par Me Alain Galarneau et l’intimé se représentait seul.

[3]           En début d’audition, après que le président du comité se soit assuré que l’intimé comprenait bien les conséquences de son plaidoyer, celui-ci, tel qu’il l’avait déjà annoncé lors de la conférence téléphonique tenue le 8 mai 2017, enregistra un plaidoyer de culpabilité aux deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte.

LA PREUVE

[4]           Le procureur du plaignant déposa une preuve documentaire (pièces P-1 à P-11) et par la suite résuma brièvement les faits du présent dossier.

[5]           Au moment de la commission des infractions soit en mai 2013, l’intimé détenait un certificat en assurance de personnes depuis quatre (4) ans, soit depuis le 20 mars 2009.

[6]           Il était aussi alors inscrit à l’Université de Sherbrooke à titre d’étudiant pour l’obtention d’un Baccalauréat en enseignement.

[7]           I.D. était une de ses clientes depuis déjà un certain temps.

[8]           Le 14 mai 2013, l’intimé a contrefait la signature de sa cliente pour la souscription d’une police d’assurance-vie.

[9]           En fait, il a contrefait la signature d’I.D. sur deux (2) documents, soit le formulaire de signatures (P-5) et la déclaration du proposant (P-6).

[10]        I.D. effectuait mensuellement le paiement des primes de ladite assurance-vie par paiement préautorisé.

[11]        L’intimé a été congédié le 23 juin 2015 après qu’I.D. eut informé l’employeur de l’intimé que sa signature avait été contrefaite sur lesdits documents.

[12]        L’intimé avait reçu une somme de 334,13 $ en commissions et boni pour la souscription de ladite police d’assurance-vie.

[13]        Cette police d’assurance-vie a par la suite été annulée par Industrielle Alliance qui a remboursé à I.D. les primes qu’elle avait payées.

[14]        Par la suite, lors d’une communication téléphonique, l’intimé a admis aux enquêteurs du plaignant avoir commis les infractions reprochées.

[15]        Le comité, suite à l’exposé sommaire des faits présentés par le procureur du plaignant et après avoir pris connaissance des pièces P-1 à P-11, trouva l’intimé coupable des infractions reprochées à la plainte.

 

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DU PLAIGNANT

[16]        Le procureur du plaignant suggéra au comité qu’une période de radiation temporaire de six (6) mois soit ordonnée à l’intimé pour les deux (2) chefs d’accusation, à être purgée de façon concurrente.

[17]        Il demanda aussi que le comité ordonne la publication de la décision en vertu de l’article 156 (5) du Code des professions de même que le paiement des déboursés en vertu de l’article 151 du Code des professions.

[18]        Par la suite, le procureur du plaignant énuméra les facteurs aggravants suivants :

-                 La gravité objective des infractions reprochées;

-                 Le fait que la contrefaçon a été faite pour l’émission d’une police d’assurance-vie à l’insu de la cliente;

-                 Les conséquences du geste non seulement à l’égard de la cliente, mais aussi à l’égard de l’assureur.

[19]        Par la suite, il énuméra les facteurs atténuants suivants :

-                 L’intimé avait vingt-cinq (25) ans et était alors au début de sa carrière;

-                 Il avait entrepris des études universitaires en enseignement et a depuis obtenu son Baccalauréat et débuté une carrière dans le domaine de l’enseignement;

-                 Il a reconnu sans hésitation les faits reprochés lors de l’enquête;

-                 Il a enregistré un plaidoyer de culpabilité;

-                 Il regrette beaucoup son geste;

-                 Il a été congédié par son employeur suite aux gestes commis.

[20]        Le procureur du plaignant mentionna par la suite qu’en l’espèce, la suggestion de six (6) mois de radiation temporaire était raisonnable et répondait aux objectifs de protection du public, d’exemplarité et de dissuasion.

[21]        Enfin, le procureur du plaignant déposa une série d’autorités appuyant sa suggestion de sanction[1].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[22]        L’intimé confirma qu’au moment des faits pertinents en l’espèce, il était aussi étudiant à l’Université de Sherbrooke, inscrit au programme de Baccalauréat en enseignement.

[23]        Il indiqua que depuis, il a complété avec succès le programme de Baccalauréat en enseignement, qu’il enseigne au primaire et qu’il apprécie grandement cette nouvelle carrière.

[24]        Il déclara aussi qu’il n’avait pas l’intention de revenir dans le domaine de l’assurance.

[25]        Il doit se marier à l’automne prochain avec sa conjointe et ils ont décidé d’avoir des enfants.

[26]        Il mentionna qu’il regrette beaucoup les gestes posés et qu’il a déjà payé très chèrement cette erreur.

[27]        Tout d’abord, il a été congédié par son employeur.

[28]        De plus, il déposa comme pièce I-1 un document montrant qu’au début de sa carrière, il avait acheté d’Industrielle Alliance une clientèle pour la somme de 32 684,81 $ qu’il a payée mensuellement avec intérêt au taux de 6,85 %.

[29]        Cette somme ne lui a pas été remise par son employeur lorsqu’il a été congédié par celui-ci et il considère donc avoir payé chèrement son geste.

[30]        Il termina en déclarant au comité que cette situation lui cause énormément de stress et qu’il appréhende la publicité causée par la décision sur sanction qui sera rendue par le comité.

[31]        Cependant, il admit que la suggestion présentée par le procureur du plaignant compte tenu des autorités soumises à son soutien ne lui apparaissait pas démesurée.

ANALYSE ET MOTIFS

[32]        Au moment de la commission des infractions, l’intimé détenait un certificat en assurance de personnes depuis environ quatre (4) ans.

[33]        La consommatrice dans le présent dossier était une cliente que l’intimé avait rencontrée quelques années avant les faits pertinents en l’espèce.

[34]        Les gestes commis par l’intimé sont très graves d’autant plus que la signature contrefaite l’a été pour la souscription d’une nouvelle police d’assurance-vie qui lui a permis d’encaisser des commissions et boni pour la somme de 334,13 $.

[35]        Il s’agit d’un cas où il y a eu préméditation de la part de l’intimé.

[36]        Aussi, n’eût été l’appel de la cliente à l’employeur de l’intimé, la situation aurait perduré.

[37]        La contrefaçon de signature est une infraction intrinsèquement très grave qui ne serait être tolérée.

[38]        Dans l’affaire Brazeau[2], la Cour du Québec a mentionné que la radiation était la sanction qui devait être imposée en cas de contrefaçon de signature, mais que sa durée dépendait entre autres de la présence ou non d’intention malveillante ou malhonnête de celui qui a exécuté la contrefaçon.

[39]        Dans les cas où il y a absence d’intention malveillante ou de malhonnêteté, la période de radiation se situe plus près d’une période de deux (2) mois.

[40]        En l’espèce, le comité est d’opinion que la radiation doit être plus longue vu qu’il y a eu préméditation de la part de l’intimé et qu’il n’y a pas absence d’intention malveillante de sa part.

[41]        Cependant, l’intimé a payé chèrement sa faute en étant congédié par son employeur et, en plus, en perdant son investissement de plus de 30 000 $ qu’il avait effectué lors de l’achat de clientèle.

[42]        L’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire, a collaboré pleinement à l’enquête du plaignant et a admis sa culpabilité à la première occasion.

[43]        Tel que mentionné plus haut, l’intimé a quitté le domaine de l’assurance et il fait maintenant carrière comme enseignant au primaire.

[44]        Il a expliqué au comité avec sincérité qu’il apprécie grandement sa nouvelle carrière et qu’il n’a absolument pas l’intention de quitter l’enseignement.

[45]        Il n’a pas encore un poste régulier à titre d’enseignant et la présente instance lui cause un stress évident, ayant crainte que cette erreur de jugement puisse à un moment donné venir le hanter dans sa nouvelle carrière.

[46]        Le comité considère la recommandation faite par le procureur du plaignant comme étant raisonnable.

[47]        En effet, en considérant les éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants, le comité est d’avis que la condamnation de l’intimé à une radiation temporaire de six (6) mois est une sanction juste et appropriée, conforme aux principes jurisprudentiels applicables et respectueuse des principes de protection du public, d’exemplarité et de dissuasion que le comité ne peut mettre de côté.

[48]        L’intimé sera donc condamné à une période de radiation temporaire de six (6) mois sous chacun des chefs d’accusation, à être purgée de façon concurrente.

[49]        Cette radiation temporaire sera cependant exécutoire seulement au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique, le cas échéant, à la suite de l’émission à son nom d’un certificat par l’Autorité des marchés financiers[3].

[50]        Le comité est d’avis aussi d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé aux deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé sur les deux (2) chefs d’accusation contenus à la plainte disciplinaire.

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

ORDONNE, sous chacun des deux (2) chefs d’accusation, la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE que cette période de radiation temporaire de six (6) mois ne commence à courir, le cas échéant, qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique à la suite de l’émission en son nom d’un certificat par l’Autorité des marchés financiers ou par toute autre autorité compétente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156 (5) du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

 

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

(S) Claude Mageau

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Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

(S) Carine Monge

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Mme CARINE MONGE, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Jasmin Lapointe

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M. JASMIN LAPOINTE

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT CARON PRÉVOST BÉLISLE GALARNEAU

Avocats de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

 

Date d’audience :

27 juillet 2017

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Chambre de la sécurité financière c. Boucher, 2015 CanLII 80781 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Chrétien, 2017 CanLII 17649 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Paquin, 2007 CanLII 52711 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Beckers, 2012 CanLII 97172 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Lacasse, 2016 CanLII 47381 (QC CDCSF).

[2] Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 QCCQ 11715 (CanLII).

[3] Chambre de la sécurité financière c. Boudreault, 2015 CanLII 87580 (QC CDCSF) ; Chambre de la sécurité financière c. Philippon, 2014 CanLII 36421 (QC CDCSF) ; Chambre de la sécurité financière c. Di Salvo, 2013 CanLII 77930 (QC CDCSF).

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