Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1232

 

DATE :

11 septembre 2017

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

M. John Ruggieri, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

MARC-AURÈLE RACICOT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

ELIZABETH RIOS BENDEZU, conseillère en sécurité financière (numéro de certificat 184455)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

-           Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion de tout renseignement ou document de nature personnelle et économique permettant d’identifier les consommateurs visés par la présente plainte.

[1]       Le 15 août  2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimée le 14 mars 2017 ainsi libellée :

LA PLAINTE

À L’ÉGARD DE R.M.B.R.

1.      À Montréal, entre les ou vers les 30 décembre 2014 et 22 janvier 2015, l’intimée n’a pas recueilli personnellement tous les renseignements de sa cliente R.M.B.R., alors qu’elle lui faisait souscrire un contrat de rente, contrevenant ainsi aux articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2);

2.      À Montréal, le ou vers le 22 janvier 2015, l’intimée a signé, à titre de témoin, le document « Demande d’adhésion – instruction »  hors la présence de sa cliente R.M.B.R., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

3.      À Montréal, le ou vers le 22 janvier 2015, l’intimée a fourni de faux renseignements à l’assureur sur le formulaire « Demande d’adhésion – instruction », en indiquant qu’elle avait vérifié l’identité du preneur R.M.B.R., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

À L’ÉGARD DE J.M.D.O.

4.      À Montréal, le ou vers le 22 janvier 2015, l’intimée a signé, à titre de témoin, le document « Demande d’adhésion – instruction » hors la présence de son client J.M.D.O., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

5.      À Montréal, le ou vers le 22 janvier 2015, l’intimée a fourni de faux renseignements à l’assureur sur le formulaire « Demande d’adhésion – instruction », en indiquant qu’elle avait vérifié l’identité du preneur J.M.D.O., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[2]       Le plaignant était représenté par Me Vincent Grenier-Fontaine et l’intimée qui était présente, se représentait seule.

 

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]       D’entrée de jeu, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité sur chacun des cinq (5) chefs d’accusation portés contre elle.

[4]       Le comité, après s’être assuré que l’intimée comprenait bien que, par son plaidoyer, elle reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques, a pris acte de son plaidoyer de culpabilité.

[5]       Par la suite, le comité invita le procureur du plaignant à lui expliquer les faits du présent dossier.

LA PREUVE

[6]       Le procureur du plaignant, de consentement avec l’intimée, déposa tout d’abord un cahier de pièces identifiées P-1 à P-22 contenant les documents pertinents à la compréhension du dossier.

[7]       L’intimée, au moment des infractions reprochées, connaissait un courtier immobilier, lequel avait les deux (2) consommateurs, R.M.B.R. et J.M.D.O., comme clients.

[8]       L’intimée ne connaissait aucunement ces deux (2) consommateurs qui étaient alors conjoints.

[9]       Dans le cadre du programme d’accession à la propriété (RAP), le courtier immobilier connu de l’intimée a fait signer aux deux (2) consommateurs des demandes d’adhésion à un Régime d’épargne-retraite (RÉR)[1] hors la présence de l’intimée.

[10]    L’intimée y a par la suite certifié avoir vérifié l’identité des consommateurs et a signé à titre de témoin de leur signature hors leur présence.

[11]    N’ayant pas accédé à la propriété dans le cadre du programme RAP, les consommateurs ont tenté de récupérer les frais payés à La Capitale pour l’ouverture de leurs dossiers, soit 285 $ chacun.

[12]    N’ayant pu récupérer lesdits frais, ils ont déposé une plainte auprès de l’Autorité des marchés financiers, laquelle est à l’origine de l’enquête du plaignant et du dépôt de la plainte contre l’intimée.

[13]    Suite à la présentation des faits et des documents ci-haut mentionnés, séance tenante, le comité déclara l’intimée coupable des cinq (5) chefs d’accusation et procéda immédiatement à l’audition sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DU PLAIGNANT

[14]     Le procureur du plaignant indiqua au comité, qu’après discussion avec l’intimée, ils s’étaient entendus pour présenter au comité une recommandation commune de sanction.

[15]    Cette recommandation est une radiation temporaire de l’intimée pour un (1) mois quant au chef d’accusation 1, une amende de 4 000$ quant au chef d’accusation 2 et enfin d’une réprimande quant à chacun des chefs d’accusation 3, 4 et 5.

[16]    Le procureur du plaignant est d’opinion que la sanction suggérée en est une individualisée, raisonnable et qu’elle constitue un équilibre entre la protection du public et le droit de l’intimée de gagner sa vie.

[17]    Elle tient compte aussi du principe de la globalité des sanctions.

[18]    Il énuméra par la suite les facteurs atténuants suivants :

-            Il s’agit d’un seul incident en ce sens que les infractions visent deux (2) consommateurs qui sont conjoints;

-            Inexistence de malveillance de la part de l’intimée;

-            Aucun antécédent disciplinaire;

-            L’intimée était à l’extérieur du pays au moment de la commission des infractions;

-            Elle a plaidé coupable aux infractions reprochées.

[19]    Par la suite, il énuméra les facteurs aggravants suivants :

-            La gravité objective des infractions reprochées, lesquelles sont au cœur de l’exercice de la profession;

-            L’information obtenue des consommateurs n’a pas été reçue par une personne inscrite;

-            Le préjudice pécuniaire des deux (2) consommateurs, soit 285 $ chacun;

-            L’importance de dénoncer cette pratique existant dans la profession de signer à titre de témoin hors la présence de ses clients.

[20]    Enfin, le procureur du plaignant déposa une liste d’autorités pour appuyer le bien‑fondé de la suggestion commune de sanction faite au comité[2].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[21]    Tout d’abord, l’intimée confirma que la recommandation de sanction faite par le procureur du plaignant était commune et qu’elle était d’accord avec celle-ci.

[22]    Elle ajouta par la suite que durant les trois (3) dernières années, elle avait eu une moyenne de revenus d’environ 10 000 $ et que, par conséquent, elle est présentement dans une situation financière précaire.

[23]    Elle indiqua aussi qu’elle a toujours de la famille dans son pays d’origine, le Pérou, et qu’elle doit aider financièrement certains membres de celle-ci.

[24]    Par conséquent, elle demanda au comité de lui accorder un délai de trois (3) ans pour payer l’amende qui lui serait ordonnée.

[25]    L’intimée déclara qu’elle préférait qu’une radiation temporaire lui soit accordée quant au premier chef d’accusation plutôt qu’une autre amende de 4 000 $ vu les limites de ses moyens financiers.

ANALYSE ET MOTIFS

[26]    Au moment de la commission des infractions reprochées, l’intimée avait environ cinq (5) années d’expérience à titre de représentante en assurance de personnes.

[27]    Les infractions qui lui sont reprochées sont d’une gravité objective sérieuse et vont au cœur de l’exercice de la profession d’un conseiller en sécurité financière.

[28]    L’intimée n’a cependant pas d’antécédent disciplinaire.

[29]    Elle a collaboré à l’enquête de la Chambre et a enregistré un plaidoyer de culpabilité aux cinq (5) chefs d’accusation de la plainte, évitant ainsi un débat judiciaire et des délais additionnels.

[30]    Selon la preuve soumise au comité, les fautes commises par l’intimée n’avaient pas pour objectif l’obtention d’un bénéfice personnel et n’ont pas été commises avec une intention malveillante ou frauduleuse.

[31]    L’intimée a néanmoins montré un manque de professionnalisme évident en signant lesdits documents à titre de témoin hors la présence de ses clients.

[32]    Le comité est d’accord avec le procureur du plaignant à l’effet que les fautes commises par l’intimée vont au cœur même de l’exercice de la profession et en discréditent l’image.

[33]    Le comité est convaincu de l’existence d’une situation financière très difficile pour l’intimée et comprend très bien les considérants qui ont amené les parties à faire ladite recommandation commune de sanction.

[34]    De plus, la recommandation commune faite ne va pas à l’encontre des précédents en semblable matière soumis par le procureur du plaignant.

[35]    Le comité est d’avis que la recommandation commune présentée ne déconsidère aucunement l’administration de la justice et qu’elle respecte le critère de l’intérêt public, tel que récemment consacré par le plus haut tribunal du pays dans l’arrêt Anthony‑Cook[3].

[36]    De plus, compte tenu de ce qui précède et vu l’absence d’objection du procureur du plaignant à ce sujet, le comité accordera à l’intimée un délai de trois (3) ans pour payer l’amende.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sur chacun des cinq (5) chefs d’accusation portés contre elle;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée à l’audience sous chacun des cinq (5) chefs d’accusation mentionnés à la plainte;

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

ORDONNE à l’égard du chef d’accusation numéro 1 de la plainte, la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’un (1) mois;

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 4 000 $ sur le chef d’accusation numéro 2 de la plainte.

IMPOSE à l’intimée une réprimande en regard des chefs d’accusation numéros 3, 4 et 5 de la plainte;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier conformément à ce qui est prévu à l’article 156 (5) du Code des professions (RLRQ, c. C-26), aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où elle a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession;

CONDAMNE l’intimée au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. 26);

 

 

ACCORDE à l’intimée un délai de trente-six (36) mois pour effectuer le paiement de l’amende au moyen de trente-six (36) versements mensuels, égaux et consécutifs, le montant total encore dû devenant exigible à défaut par l’intimée de payer chacune des mensualités à la date prévue.

 

 

 

 

(S) Claude Mageau

                                                                            

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

 

(S) John Ruggieri

                                                                            

M. JOHN RUGGIERI, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(S) Felice Torre

                                                                            

M. FELICE TORRE, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

Me Vincent Grenier-Fontaine

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée se représente elle-même.

 

Date d’audience :

15 août 2017

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Pièces P-5 et P-12.

[2] Chambre de la sécurité financière c. Mongrain, 2016 CanLII 30448 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Dubois, 2013 CanLII 66170 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Hannoush, 2016 CanLII 24456 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Breault, 2015 QCCDCSF 20; Chambre de la sécurité financière c. Thibeault, 2014 CanLII 39919 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Bellerose, 2012 CanLII 97156 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Plamondon, 2010 CanLII 99830 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Di Salvo, 2013 CanLII 77930 (QC CDCSF).

[3] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

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