Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1222

 

DATE :

1er septembre 2017

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre

M. Michel McGee

Membre

______________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

MANUEL MAY (certificat numéro 198371)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                    Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs ou consommatrices dont les initiales sont indiquées à la plainte ainsi que de tout renseignement permettant de les identifier.

[1]           Le 25 mai 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni aux locaux du Tribunal administratif du travail (CLP), sis au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, en la ville de Montréal, province de Québec, H2Z 1W7, et a procédé à l'instruction d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       Dans la région de Montréal, le ou vers le 15 décembre 2015, l’intimé a réactivé la proposition de contrat […], sans l’autorisation de P.C. et de A.B., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

2.          Dans la région de Montréal, le ou vers le 15 décembre 2015, l’intimé a soumis un questionnaire médical pour la proposition de contrat […], sans l’autorisation de P.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

3.          Dans la région de Montréal, vers le mois de décembre 2015, l’intimé n’a pas agi avec honnêteté et intégrité en mettant en place un stratagème afin de conserver des bonis auxquels il n’avait pas droit, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

4.          Dans la région de Montréal, le ou vers le 23 décembre 2015, l’intimé n’a pas agi avec honnêteté et intégrité en offrant de verser une somme d’environ 200 $ à A.B. et/ou à G.B., afin de réactiver des propositions de contrats, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3). »

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé qui se représentait lui-même, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des quatre chefs d’accusation mentionnés à la plainte.

[3]           Quant à la plaignante, elle versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-10. Elle exposa ensuite, au moyen des pièces déposées, les faits à l’origine de la plainte.


 

DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[4]           Après avoir entendu les parties, révisé et analysé les pièces produites et considérant le plaidoyer de culpabilité de l’intimé, le comité, séance tenante, déclara ce dernier coupable sous tous et chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte.

[5]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES SUR SANCTION

[6]           Alors que la plaignante déclara n’avoir aucune preuve additionnelle à offrir, l’intimé débuta en versant au dossier sous la cote SI-1 un jugement de la Cour supérieure du Québec daté du 16 mars 2017 ordonnant le délaissement et la vente sous contrôle de la justice de sa résidence.

[7]           Il raconta ensuite avoir été congédié en avril 2016 et vivre actuellement une période très difficile, tant émotivement que financièrement.

[8]           Il indiqua que comme conséquence de sa perte d’emploi, il se retrouvait maintenant dans une situation financière précaire, tant et si bien que la résidence familiale avait fait l’objet d’une prise de possession et allait être vendue en justice.

[9]           Il ajouta que depuis 2015 il était confronté à des procédures de divorce, et alors qu’il n’avait pas la garde de ses trois jeunes enfants (âgés de 6, 5 et 2 ans), son « ex-épouse » tentait d’obtenir l’autorisation de les amener à l’extérieur de la province. Il affirma se battre devant les tribunaux pour empêcher que celle-ci ne puisse y parvenir.

[10]        Il continua en affirmant « bien comprendre » la gravité des fautes qu’il a commises ainsi que les conséquences de celles-ci.

[11]        Il s’excusa d’avoir agi tel qu’il lui a été reproché et réclama la clémence du comité.

[12]        Il mentionna assumer l’entière responsabilité de ses actes, les regretter amèrement et qu’il allait « devoir en porter l’odieux toute sa vie ».

[13]        Bien que concédant avoir pris de très mauvaises décisions, il affirma « ne pas être une personne déshonorable ».Il affirma « avoir travaillé très fort » depuis les événements à tenter de s’améliorer.

[14]        Il termina en déclarant être parvenu à se dénicher un emploi au mois de novembre dernier à titre de « Business Development Representative ».

[15]        Par la suite, les parties soumirent au comité leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[16]        La plaignante, par l’entremise de sa procureure, débuta en indiquant qu’elle suggérait au comité l’imposition des sanctions suivantes :

        Sous le chef d’accusation no 1 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente;

        Sous le chef d’accusation no 2 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente;

        Sous le chef d’accusation no 3 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux ans, à être purgée de façon concurrente;

        Sous le chef d’accusation no 4 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois ans, à être purgée de façon concurrente;

[17]        Elle ajouta réclamer de plus la publication d’un avis de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[18]        Tout en se gardant d’affirmer qu’il s’agissait de « suggestions communes », elle mentionna que l’intimé avait été informé desdites suggestions et que ce dernier lui avait alors indiqué être en accord avec celles-ci.

[19]        Elle évoqua ensuite les facteurs, à son opinion, aggravants et atténuants suivants :

Facteurs aggravants :

-             La gravité objective des infractions reprochées;

-               Des actes clairement prohibés, de nature à ternir l’image de la profession;

-               La nécessité de sanctions dissuasives à l’endroit de représentants qui pourraient être tentés d’imiter la conduite de l’intimé;

-               Les conséquences potentielles importantes des fautes commises par l’intimé;

-               Des gestes posés de façon préméditée avec une intention reprochable, et alors que l’intimé savait ne pas détenir l’assentiment des clients;

-               L’autorité de supervision que détenait l’intimé sur un stagiaire qu’il aurait engagé ou tenté d’engager dans ses comportements fautifs;

-               Sa tentative de « soudoyer » certains consommateurs, et ce, dans le but de conserver des bonis injustifiés;

-               Des irrégularités graves à l’endroit de la conformité commises antérieurement par l’intimé, tel qu’il appert plus amplement de la pièce P-2, soit d’un rapport du Service de conformité de l’institution financière qui l’employait;

-               L’élaboration d’un système motivé par l’appât du gain et pouvant avoir des conséquences très sérieuses;

-               Des fautes dénotant un manque d’honnêteté et d’intégrité.

Facteurs atténuants :

-            L’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé;

-               Le relatif jeune âge de ce dernier;

-               L’indication très tôt par celui-ci qu’il entendait plaider coupable aux chefs d’accusation qui seraient portés contre lui;

-               L’expression de remords de la part de ce dernier;

-               Les conséquences financières importantes découlant de son congédiement;

-               La volonté exprimée par l’intimé de ne pas retourner dans le domaine de la distribution de produits et services financiers et, dans une telle situation, un risque de récidive peu élevé.

[20]        Elle termina ses représentations en déposant à l’appui de ses recommandations, un cahier d’autorités contenant douze décisions antérieures du comité qu’elle commenta[1].

 


 

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[21]        L’intimé débuta ses représentations en déclarant acquiescer aux sanctions réclamées par la plaignante, mais contester la demande de publication d’un avis de la décision.

[22]        Sans préciser davantage, il indiqua qu’une telle publication pourrait nuire à son emploi, puisqu’il travaillait avec des clients « dans différents domaines » et que cela risquait de lui porter préjudice auprès de sa clientèle.

[23]        Il ajouta enfin réclamer du comité, compte tenu de sa situation financière, qu’un délai de douze mois lui soit accordé pour l’acquittement des déboursés.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[24]        Selon l’attestation de droit de pratique produite au dossier, l’intimé a débuté dans l’exercice de la profession le ou vers le 25 janvier 2013.

[25]        Au moment des événements qui lui ont été reprochés, il occupait un poste de directeur des ventes d’une agence de l’assureur-vie où il œuvrait.

[26]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[27]        Il a manifesté, dès la première occasion, une volonté d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte.

[28]        Tel qu’il l’a lui-même relaté plus amplement devant le comité, il a vécu depuis les événements ayant mené au dépôt de la plainte, des périodes difficiles, et ce, tant personnellement, professionnellement que financièrement.

[29]        L’immeuble qu’il possédait et qu’il habitait avec ses enfants et son « ex-épouse » a fait l’objet d’une prise en paiement et a été vendu ou risque d’être vendu en justice.

[30]        Par ailleurs, il semble reconnaître l’importance de ses fautes et en assumer l’entière responsabilité. Il a exprimé devant le comité des regrets sincères à l’endroit de celles-ci.

[31]        Néanmoins, la gravité objective des infractions qu’il a commises ne fait aucun doute.

[32]        Elles vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à ternir l’image de celle-ci.

[33]        L’intimé a agi avec préméditation, de façon délibérée et à la recherche d’un profit personnel.

[34]        Ses fautes démontrent une absence de respect à l’endroit des règles de la probité.

[35]        Les conséquences néfastes pouvant découler de celles-ci auraient pu être importantes.

[36]        Enfin, bien qu’il ait préalablement fait l’objet en janvier 2015 d’une réprimande formelle de son employeur relativement à une situation où il aurait « priorisé son intérêt personnel au détriment de celui des clients » (voir pièce P-2), il a persisté dans la même voie.

[37]        Aussi, compte tenu tant des facteurs objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été présentés et après étude et révision attentive du dossier et de la jurisprudence qui lui a été présentée, le comité est d’avis de donner suite aux recommandations de la plaignante.

[38]        Les sanctions suggérées par cette dernière lui apparaissent justes et appropriées, conformes aux infractions ainsi que respectueuses des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[39]        Relativement à la demande de l’intimé afin que le comité s’abstienne d’ordonner la publication d’un avis de la décision, le comité n’est pas, en l’espèce, confronté à une situation qui le justifierait d’agir de la sorte.

[40]        Les conséquences possibles d’une telle publication, invoquées par l’intimé à l’appui de sa demande, ne sont que la suite ou le résultat des fautes commises par ce dernier.

[41]        Dans l’affaire Brunet c. Notaires, 2002 QCTP 115 (CanLII), le Tribunal des professions écrivait :

« les inconvénients ou préjudices subis [que peut avoir la publication d’une sanction] sont la conséquence non de la sanction mais du comportement fautif admis par le professionnel. »[2]

[42]        Dans l’affaire Wells c. Notaires, 1993 D.D.C.P. 240 (TP), le Tribunal des professions mentionnait :

« L’objectif poursuivi par le Code des professions étant la protection du public, il est essentiel que toute mesure disciplinaire grave soit connue du public. Ce n’est que pour des raisons exceptionnelles que le Comité et par la suite le Tribunal des professions pourra émettre une dispense de publication. »

[43]        Enfin, relativement à l’acquittement des déboursés, ceux-ci correspondent aux procédures engagées pour obtenir un règlement définitif du dossier de l’intimé. Le comité appliquera donc la règle qui commande que les déboursés nécessaires à la condamnation du représentant fautif lui soient habituellement imputés.

[44]        Toutefois, compte tenu de la situation financière précaire dans laquelle semble se retrouver l’intimé et compte tenu de l’ensemble des circonstances rattachées à sa condition présente, le comité lui accordera un délai de douze mois à compter de la date de la décision pour l’acquittement de ceux-ci.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé sous tous et chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte;

            RÉITÈRE la déclaration de culpabilité qu’il a prononcée séance tenante le 25 mai 2017 à l’endroit de l’intimé, et ce, sous tous et chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte;

            ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous le chef d’accusation no 1 :

            CONDAMNE l’intimé à une radiation temporaire de six mois, à être purgée de façon concurrente;


 

Sous le chef d’accusation no 2 :

            CONDAMNE l’intimé à une radiation temporaire de six mois, à être purgée de façon concurrente;

Sous le chef d’accusation no 3 :

            CONDAMNE l’intimé à une radiation temporaire de deux ans, à être purgée de façon concurrente;

Sous le chef d’accusation no 4 :

            CONDAMNE l’intimé à une radiation temporaire de trois ans, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156, alinéa 5 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimé un délai d’une année à compter de la date des présentes pour l’acquittement desdits déboursés.

 

 

 

(S) François Folot

 

Me François Folot

Président du comité de discipline

 

(S) Suzanne Côté

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Mme Suzanne Côté, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Michel McGee

__________________________________

M. Michel McGee

Membre du comité de discipline

 

 

Me Caroline Chrétien

BÉLANGER LONGTIN s.e.n.c.r.l.

Procureure de la partie plaignante

 

L’intimé se représentant lui-même

 

Date d’audience :

25 mai 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Chambre de la sécurité financière c. Chrétien, 2017 CanLII 17649 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Boucher, 2015 CanLII 80781 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Merlini, 2015 QCCDCSF 40 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Dionne, 2014 CanLII 42100 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Laliberté, 2013 CanLII 43423 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Corbeil (Chambre de la sécurité financière c. Roy), 2015 CanLII 98730 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Chabot, 2011 CanLII 99470 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Boileau, 2011 CanLII 99535 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Giroux, 2005 CanLII 59612 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Simard, 2015 CanLII 21667 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Martineau, 2015 QCCDCSF 28 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Chaoulski, 2011 CanLII 99536 (QC CDCSF).

[2]     Paragraphe 28

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