Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1213

 

DATE :

30 août 2017

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre

 

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

MICHEL BERNARD (certificat numéro 102705)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

  • Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des pièces P-13, P-14, P-22 à P-26, P-28 et P-29, P-37 et P-38, P-41 à P-43, lesquelles contiennent les noms et prénoms et autres informations concernant des consommateurs susceptibles d’être impliqués dans la présente plainte.

[1]           Les 26 et 27 avril, ainsi que le 2 mai 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimé le 1er novembre 2016.

[2]           En fin d’audience le 2 mai 2017, la procureure de la plaignante a demandé la permission de plaider par écrit. Cette demande a été accueillie et le comité a reçu ses arguments le ou vers le 15 mai 2017 et a pris l’affaire en délibéré.

 

LA PLAINTE

1.         Dans la province de Québec, entre septembre 2015 et avril 2016, l’intimé a soumis ou permis que soient soumises à l’agent général et gestionnaire d’un programme d’assurance collective de créanciers pour E, compagnie d’assurance, environ 105 propositions d’assurance vie, invalidité et/ou maladie grave au nom de 210 assurés pour des créances fictives, ce qui lui a permis de percevoir sans droit, directement ou indirectement, des commissions totalisant environ 8 823 916,35 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3) ;

2.         Dans la province de Québec, entre décembre 2013 et avril 2016, l’intimé a soumis ou permis que soient soumises à l’agent général et gestionnaire d’un programme d’assurance collective de créanciers pour F, compagnie d’assurance, environ 128 propositions d’assurance vie, invalidité et/ou maladie grave au nom de 251 assurés pour des créances fictives, ce qui lui a permis de percevoir sans droit, directement ou indirectement, des commissions totalisant environ 6 796 218,26 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

3.         À Montréal, entre les ou vers les 29 août et 6 septembre 2016, l’intimé a entravé le travail du syndic et nui au travail de son enquêteur en ne se présentant pas aux rencontres auxquelles il a été convoqué par l’enquêteur et en faisant défaut de lui fournir les dossiers demandés, contrevenant ainsi aux articles 342, 343 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 43 et 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

[3]           La plaignante était représentée par Me Sylvie Poirier et Me Jean-François Noiseux.

[4]           Bien qu’ayant été dûment convoqué au moyen d’une signification en mains propres, l’intimé était absent et non-représenté.

[5]           Dans les circonstances, la plaignante a été autorisée à procéder par défaut.

LA PREUVE

[6]           Le comité a entendu monsieur Sébastien Lévesque, enquêteur au bureau de la plaignante[1] ainsi que monsieur Dave Bennett, vice-président sénior de la compagnie d’assurance E, par vidéo conférence, le 2 mai 2017.

[7]           Une volumineuse preuve documentaire incluant les déclarations assermentées de sept employés des institutions bancaires concernées par les transactions, ainsi que celles des deux dirigeants des compagnies d’assurance impliquées dans la plainte, a été produite (P-1 à P-43).

[8]           La procureure de la plaignante a de plus déposé des documents de travail sous DTP-1 et DTP-2.

[9]           Parmi les déclarations assermentées, se trouvent notamment celles de :

a)     D. Bennett, vice-président sénior de la compagnie d’assurance E dont le comité a entendu le témoignage par vidéoconférence, vu son lieu de travail à Toronto;

b)     D.S., responsable des enquêtes de la compagnie E, qui réfère aux nombreux documents joints;

c)      T.C., dirigeant de la compagnie d’assurance F.   

[10]        La preuve documentaire contient toutes les propositions d’assurance collective de créancier visées par les deux premiers chefs d’accusation et plusieurs autres documents pertinents, obtenus des représentants et des procureurs des deux compagnies d’assurance concernées. De nombreux documents, comme les états de comptes bancaires obtenus de diverses institutions financières et les affidavits de sept représentants de celles-ci, ainsi que les documents à leur soutien, ont été déposés pour confirmer, entre autres, l’inexistence des assurés et l’existence de créances fictives
(P-37
).

[11]        Quant au troisième chef d’accusation reprochant à l’intimé d’avoir entravé et nui au travail de l’enquêteur, il ressort des notes au dossier de l’enquêteur précédent qu’il a eu un entretien téléphonique avec l’intimé à la fin août 2016. Le comité a procédé séance tenante à l’écoute de l’enregistrement de cette conversation au cours de laquelle l’intimé reconnaît en quelque sorte les faits.

LES FAITS 

[12]       L’enquête a commencé à la suite d’un signalement par l’Autorité des marchés financiers (AMF) d’une plainte portée par la compagnie d’assurance E, contre l’intimé et son cabinet. Un peu plus tard, le bureau de la plaignante a été informé que F, une deuxième compagnie d’assurance, était également impliquée dans les actes commis par l’intimé et son cabinet.  

[13]       Aux périodes des gestes reprochés, l’intimé exerçait ses activités professionnelles au sein du cabinet BGA Groupe Financier Inc., dont il était seul et unique actionnaire et administrateur (P-2).

[14]        Selon l’attestation de droit de pratique émise par l’AMF, l’intimé détenait un certificat dans plusieurs disciplines dont l’assurance de personnes, l’assurance collective de personnes ainsi que l’assurance de dommages.

[15]        Pour une partie importante de la période visée par la plainte, le droit d’exercer de l’intimé était assujetti à des conditions et restrictions que lui a imposées l’AMF pour une période de cinq ans. Celles-ci ont pris fin le 25 avril 2014 (P-1).

[16]        Le 12 septembre 2016, l’AMF a retiré toutes les disciplines du certificat de l’intimé, ce dernier l’ayant avisée les avoir abandonnées.

Chefs 1 et 2 - Propositions d’assurance collective de créanciers pour des emprunts fictifs

[17]        Dans sa plaidoirie écrite, la procureure de la plaignante a résumé comme suit le stratagème mis en place par l’intimé pour commettre les gestes reprochés à ces chefs. Ce résumé étant fidèle aux constatations et à la compréhension de la preuve qu’a le comité, il est reproduit ci-après dans son intégralité :

1.        L’intimé était le seul et unique dirigeant du cabinet BGA Groupe Financier inc., par l’entremise duquel il exerçait (P-2).

2.        La compagnie d’assurance F (chef 2) offrait des produits d’assurance collective de créanciers.  Elle avait une entente avec le cabinet B suivant laquelle ce dernier agissait comme gestionnaire du programme pour la distribution de ces produits (P-8 à P-10).

3.        Le cabinet B faisait affaire avec différents distributeurs, désignés comme «sub-agents» pour la vente de ces produits, des représentants certifiés en assurance, mais aussi des concessionnaires automobiles ou autres entreprises qui offraient des produits de crédit (P-9 et P-10).

4.        Suivant les termes de l’entente, le cabinet B assumait l’entière responsabilité des «sub-agents» avec lesquels le cabinet concluait des ententes pour la distribution de ces produits au public.

5.        En outre, la totalité des commissions versées par la compagnie d’assurance F pour les assurances souscrites en vertu du programme, étaient versée au cabinet B qui était le seul responsable de remettre aux «sub-agents» leur part des commissions, suivant le pourcentage (%) convenu entre eux.

6.        L’intimé avait depuis 2013, par l’entremise de son cabinet, une entente avec le cabinet B pour la distribution de ces produits de la compagnie d’assurance F (P-11).

7.        Les produits d’assurance offerts en vertu du programme étaient des couvertures d’assurance vie, invalidité et/ou de maladie grave destinées à couvrir la somme d’un emprunt dont l’assuré était débiteur envers un créancier.

8.        Le créancier de la somme assurée était le bénéficiaire de cette assurance.

9.        Le formulaire standard utilisé pour la souscription d’assurance vie, invalidité ou maladie grave en vertu de ce programme comportait notamment une section où le nom, l’adresse et la date de naissance du débiteur assuré étaient inscrits et une section où devaient être indiqués le montant de la créance assurée ainsi que le nom et l’adresse du créancier bénéficiaire.

10.     Le formulaire comportait de plus une section qui devait être remplie et signée par le titulaire du compte bancaire pour autoriser le prélèvement mensuel automatique des primes et un spécimen de chèque ou un formulaire comportant les informations bancaires pour le prélèvement des primes devait être joint.

11.     Un seul formulaire pouvait être utilisé pour deux codébiteurs à assurer. Lorsqu’il y avait plus de deux codébiteurs, plusieurs formulaires étaient joints ensemble.

12.     L’intimé, par l’entremise de son cabinet, a soumis au cabinet B au cours de la période de 2013 à 2016, plus de 128 formulaires de propositions de la compagnie d’assurance F (P-14) pour 251 assurés, pour de prétendues créances qui n’existaient pas.

13.     Le même scénario s’est répété avec la compagnie d’assurance E qui offrait des produits semblables d’assurance collective de créanciers par l’entremise du cabinet B.

14.     L’intimé, par l’entremise de son cabinet, avait une entente avec le cabinet B pour distribuer aussi, à compter de 2015, les produits de la compagnie E.

15.     Au cours de la seule période de 2015 à 2016, l’intimé a, par l’entremise de son cabinet, soumis au cabinet B plus de 105 propositions pour 210 débiteurs assurés, pour des créances fictives.

16.     L’inexistence de toutes (sic) et chacune des créances indiquées par l’intimé sur les 128 propositions de la compagnie d’assurance F et les 105 de la compagnie E, soumises par l’intimé et produites en preuve (P-13 et P-14), fut confirmée après vérification par toutes les institutions financières indiquées comme créancières sur ces propositions (P-37A à P-37G).

17.     En ce qui concerne les commissions versées par la compagnie d’assurance F pour les assurances souscrites pour des créances fictives par les propositions soumises par l’intimé ou son cabinet, la preuve démontre que des sommes totalisant 18 219 957,38 $ furent versées au cabinet B et que, de ce montant, l’intimé a reçu frauduleusement par l’entremise de son cabinet des sommes totalisant 10 313 183,41 $ (dont 6 796 218,26 $ pour les propositions visées par le chef 2) (P-29 et P-41).

18.     Pour la compagnie d’assurance E, ces sommes totalisent 19 949 073,57 $ pour le cabinet B, desquelles une somme totalisant 10 541 172,85 $ (dont
8 823 916,35 $ pour les propositions visées par le chef 1) fut reçue par l’intimé par l’entremise de son cabinet (P-28 et P-42).

Chef 3 - Défaut de collaborer à l’enquête

[18]       Pour ce troisième chef d’accusation, le résumé des faits présenté par la procureure de la plaignante et rapporté ci-après correspond à la preuve documentaire produite, ainsi qu’à ce qui ressort de l’enregistrement d’un échange téléphonique entre l’intimé et l’enquêteur responsable de ce dossier au bureau de la plaignante avant monsieur Lévesque :

1.      Le 29 août 2016, l’enquêteur a communiqué avec l’intimé par téléphone. Il a tenté d’obtenir sa version de certains faits et des réponses à des questions spécifiques. 

2.      Au cours de l’entretien, l’intimé a répondu de façon très évasive et fait preuve de beaucoup de réticence. Il a mis l’enquêteur plusieurs fois en attente, pour des périodes plus ou moins longues.

3.      Après que l’enquêteur lui a rappelé son obligation de collaborer et de ne pas entraver l’enquête, l’intimé a finalement indiqué qu’il n’accepterait de répondre à ses questions qu’en personne et en présence de son avocat. 

4.      Il fut convenu que l’intimé se présenterait devant l’enquêteur avec son avocat, le surlendemain, soit le 31 août 2016, à 9h30 aux bureaux de la CSF.

5.      L’enquêteur a sommé l’intimé d’apporter avec lui une copie des dossiers complets de tous les clients auxquels il avait fait souscrire des produits des compagnies d’assurance E ou F, en précisant que s’il n’avait pas le temps d’en faire une copie, d’apporter les originaux et qu’il ferait faire les copies.

6.      Toujours le 29 août 2016, à la suite de cet entretien, le tout fut confirmé par l’enquêteur à l’intimé à 19h45 par courriel, auquel ce dernier a répondu à 19h53 en confirmant l’adresse indiquée à son certificat de l’AMF (P-34).

7.      Le lendemain, le 30 août 2016 à 16h45, l’intimé a transmis un courriel à l’enquêteur, par lequel il l’informait devoir reporter la rencontre du lendemain en raison de l’indisponibilité de son avocat (P-34).

8.      À 17h19, l’enquêteur accusait réception du courriel de l’intimé et, après lui avoir rappelé son obligation de collaborer et de se présenter à toute rencontre convoquée par la syndique ou son personnel, consentait à reporter la rencontre au 1er septembre à 9h30 et réitérait sa demande d’obtenir les dossiers des clients concernés (P-34).

9.      Le 31 août 2016, à 16h51, l’intimé avisait l’enquêteur par courriel qu’il ne se présenterait pas à la rencontre du lendemain, le 1er septembre, l’informant qu’il avait demandé le retrait de toutes ses « licences personnelles » et celle du cabinet BGA Groupe Financier inc. Il lui demandait d’adresser toute demande directement à ses avocats (P-34).

10.   À 17h06, l’enquêteur avisait l’intimé qu’il était toujours membre de la CSF, lui rappelait de nouveau qu’il était tenu de se présenter à toute rencontre convoquée par la syndique ou un membre de son personnel et confirmait que la rencontre du lendemain était maintenue. Il avisait également l’intimé que son défaut de s’y présenter pourrait constituer une entrave (P-34).

11.   En dépit de ces avis, l’intimé ne s’est pas présenté à la rencontre à laquelle il était dûment convoqué et qui avait été reportée, à sa demande, au
1er septembre 2016.

12.   Le 1er septembre 2016, l’enquêteur convoquait à nouveau l’intimé, cette fois pour le 6 septembre 2016 à 9h30.  L’avis de convocation formel fut signifié par huissier à l’intimé d’urgence le même jour (P-35) et réitérait l’exigence de fournir les dossiers demandés.

13.   Le 6 septembre 2016, l’intimé ne s’est pas non plus présenté de (sic) la rencontre à laquelle il était convoqué et n’a pas communiqué avec l’enquêteur pour l’aviser ou expliquer son absence (P-36). Il n’a pas fourni les dossiers requis par l’enquêteur.

ANALYSE ET MOTIFS

[19]        L’intimé détenait, au cours de la période visée par la plainte, un certificat en assurance de personnes, en assurance collective de personnes et également en assurance de dommages. Durant la période précisée à la plainte, il exerçait ses activités professionnelles au sein du cabinet BGA Groupe Financier Inc., dont il est l’unique propriétaire et administrateur.

[20]        Toutefois, comme démontré, son droit d’exercer était, pour une bonne partie de la période visée par la plainte, soumis à des conditions et restrictions imposées par l’AMF pour une période de cinq ans. Ces conditions ont été levées le 25 avril 2014[2].

[21]        Par la suite, le 12 septembre 2016, l’AMF a retiré toutes les disciplines du certificat de l’intimé, quand celui-ci l’a informée qu’il les avait abandonnées.  

Chefs d’accusation 1 et 2 - Propositions d’assurance collective de créanciers pour des emprunts fictifs sur les propositions des compagnies E et F respectivement.

[22]        Les dispositions alléguées au soutien de ces chefs sont les suivantes :

Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3)

35.   Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente.

[23]        Pour chacun de ces deux chefs d’accusation, la preuve est constituée d’une importante preuve documentaire. Celle-ci est corroborée par les déclarations sous serment rendues et signées par plusieurs témoins, auxquelles s’ajoute le témoignage de monsieur Bennett, le vice-président sénior de la compagnie d’assurance E.  Cette preuve est non contredite.

[24]        Au surplus, il ressort à la suite des vérifications effectuées sur place par les enquêteurs de la compagnie d’assurance E, qu’aux adresses indiquées comme étant celles des débiteurs assurés sur les propositions de cette compagnie, les noms des assurés débiteurs étaient inconnus des occupants des lieux. Ainsi, tant l’identité des assurés indiqués que leurs adresses se sont révélées fictives.  

[25]        Aussi, en ce qui concerne la compagnie d’assurance E, l’intimé a avoué lors d’une réunion monsieur Bennett et un représentant du cabinet B[3], que les noms des débiteurs assurés inscrits sur les propositions, tout comme les adresses indiquées, avaient été pris au hasard dans un bottin de téléphone, de même que le nom des créanciers indiqués comme bénéficiaires, le tout choisi de façon aléatoire[4].  

[26]        L’intimé a donc avoué que les propositions d’assurances soumises à la compagnie d’assurance E, du moins à partir de novembre 2015, étaient fictives.

[27]        Il a été même démontré que le stratagème frauduleux mis en œuvre par l’intimé a été encore plus loin. 

[28]        Même si le libellé des deux premiers chefs d’accusation porte que sur les créances fictives indiquées aux propositions, la preuve a en outre démontré, et ce, pour les propositions des deux compagnies E et F, que les informations concernant les autorisations de prélèvements bancaires, et plus particulièrement le nom du signataire inscrit comme titulaire du compte duquel les prélèvements étaient autorisés, étaient fausses pour la plupart, voire pour la totalité des propositions visées à ces chefs[5].

[29]        Qui plus est, la preuve a démontré, pour chaque certificat, que le réel titulaire des comptes bancaires utilisés pour le prélèvement des primes pour ces certificats[6] n’était pas celui indiqué sur la proposition. Pour un bon nombre des propositions soumises par l’intimé, le véritable titulaire du compte bancaire était BGA Groupe Financier Inc., le cabinet lui appartenant[7]. Pour certaines autres propositions, les réels titulaires de comptes bancaires desquels étaient prélevées les primes se sont avérés être des tiers dont l’identité différait de celle du titulaire indiqué sur la proposition.

[30]        À l’aide des relevés bancaires, l’enquêteur Lévesque a identifié de nombreux transferts effectués du compte bancaire, dans lequel les commissions de BGA Groupe Financier Inc. étaient versées, vers des comptes bancaires dans lesquels les primes mensuelles devaient être prélevées, selon les autorisations de prélèvement bancaire.

[31]        Par conséquent, la plaignante s’étant déchargée de son fardeau de preuve, le comité déclarera l’intimé coupable sous chacun de ces deux premiers chefs d’accusation pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ordonnera la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

Chef 3 - Défaut de collaborer à l’enquête

[32]        Les dispositions alléguées au soutien de ce chef sont les suivantes :

Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)

342.  Nul ne peut entraver le travail d’un enquêteur, notamment en l’induisant en erreur.

343. Les documents, livres, registres, comptes et dossiers qu’un syndic ou l’enquêteur peut requérir doivent lui être fournis quelles que soient la nature de leur support et la forme sous laquelle ils sont accessibles.

 

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3)

43. Le représentant doit notamment se présenter à toute rencontre à laquelle il est convoqué par le syndic, le cosyndic, un adjoint du syndic, un adjoint du cosyndic ou un membre de leur personnel dès qu’il en est requis.

44.  Le représentant ne doit pas nuire au travail de l’Autorité des marchés financiers, de la Chambre ou de l’un de ses comités, du syndic, d’un adjoint du syndic, du cosyndic, d’un adjoint du cosyndic ou d’un membre de leur personnel ou d’un dirigeant de la Chambre.

[33]        Comme mentionné, le comité a pu écouter l’enregistrement de l’échange téléphonique du 29 août 2016, entre l’enquêteur et l’intimé. Au cours de cet échange, l’intimé a répondu à l’enquêteur de façon très évasive faisant preuve de réticence, en plus de mettre plusieurs fois l’enquêteur en attente. À l’issue de cet échange, comme l’intimé a indiqué qu’il ne répondrait qu’en présence de son avocat, ils ont convenu d’une rencontre le surlendemain, en présence de ce dernier. Il a été également convenu que l’intimé y apporterait une copie de ses dossiers.

[34]        Toutefois, dès le lendemain, la rencontre a été reportée au 1er septembre 2016, à la demande de l’intimé alléguant que son avocat n’était pas disponible à cette date. La veille de cette nouvelle date, l’intimé a informé l’enquêteur qu’il ne se présenterait pas à ce rendez-vous, car il avait demandé le retrait de toutes ses « licences personnelles » et celle de son cabinet BGA Groupe Financier Inc.  

[35]        Ensuite, bien que dûment avisé des conséquences de son absence au rendez-vous et de son défaut de collaborer, l’intimé ne s’est pas présenté le 1er septembre 2016. De nouveau convoqué pour le 6 septembre 2016, cette fois par avis écrit signifié en mains propres, l’intimé a fait fi de cette convocation.  

[36]        L’échange téléphonique intervenu le 29 août 2016, entre l’intimé et l’enquêteur, suivi des quelques messages laissés par l’enquêteur sur le répondeur de l’intimé, des courriels échangés par la suite avec l’intimé, ainsi que l’avis de convocation daté du
1er septembre 2016 signifié à l’intimé, et le défaut de ce dernier de se présenter à la date fixée, démontrent le bien-fondé de ce troisième chef d’accusation.

[37]        Nul doute que le comportement de l’intimé, tel que démontré, constitue une entrave au travail de l’enquêteur.

[38]        La plaignante s’étant acquittée de son fardeau de preuve, le comité déclarera l’intimé coupable sous ce troisième chef d’accusation pour avoir contrevenu à l’article 43 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[39]        Le comité ordonnera également la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des autres dispositions alléguées au soutien de ce troisième chef d’accusation.  

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, non-diffusion et non-publication des pièces P-13, P-14, P-22 à P-26, P-28 et P-29, P-37 et P-38, P-41 à P-43, lesquelles contiennent les noms et prénoms et autres informations concernant des consommateurs susceptibles d’être impliqués dans la présente plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des chefs d’accusation 1 et 2, pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’autre disposition alléguée au soutien de ces deux chefs d’accusation;  

DÉCLARE l’intimé coupable sous le chef d’accusation 3, pour avoir contrevenu à l’article 43 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant aux autres dispositions alléguées au soutien de ce troisième chef d’accusation;  

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline, à une audition sur sanction.

 

 

(s) Janine Kean_____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Stéphane Côté___________________

M. Stéphane Côté, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Shirtaz Dhanji___________________

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier et Me Jean-François Noiseux

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent et non représenté.

 

Dates d’audience :

Les 26 et 27 avril, ainsi que le 2 mai 2017.

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Monsieur Lévesque a repris ce dossier d’enquête, à la suite du départ de l’enquêteur qui en avait jusqu’alors la responsabilité au bureau de la plaignante.

[2] P-1.

[3] Voir les faits rapportés pour les chefs d’accusation 1 et 2.

[4] Aveux extrajudiciaires faits par l’intimé mis en preuve notamment par la déclaration assermentée de monsieur Bennett et confirmés par le témoignage de celui-ci, le 2 mai 2017.

[5] P-12, P-13 et P-43.

[6] P-15 à P-22.

[7] P-13 à P-26, P-38, P-39 et P-41 à P-43.

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