Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1204

 

DATE :

30 août 2017

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LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

 

M. Eric Bolduc

Membre

 

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LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

LISE BOUCHARD, conseillère en sécurité financière, (numéro de BDNI 1818551 et numéro de certificat 104187)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

  • Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des noms et prénoms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier.

[1]          Le 11 mai 2017, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au Tribunal administratif du travail, sis au 900, Place D’Youville, 8e étage, à Québec pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimée le 14 octobre 2016.

[2]          La plaignante était représentée par Me Alain Galarneau alors que l’intimée était présente et représentée par Me Julie Savard.

 

LA PLAINTE

1.    Dans la province de Québec, le ou vers le 6 mai 2009, l’intimée a fourni de faux renseignements à l’assureur sur le formulaire de proposition […] dans la section «Rapport du conseiller» et sur le formulaire «Page-produit InnoVision» dans la section «Déclaration du conseiller en assurance», contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

 

2.    Dans la province de Québec, le ou vers le 6 mai 2009, l’intimée a signé, à titre de témoin, le formulaire de proposition […] hors la présence de E.F. et de M.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]          La procureure de l’intimée a informé le comité que sa cliente voulait enregistrer un plaidoyer de culpabilité sous chacun des deux chefs d’accusation portés contre elle. Elle a confirmé que par ce plaidoyer, l’intimée reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques.

[4]          Ensuite, le comité a déclaré l’intimée coupable sous chacun des deux chefs d’accusation de la plainte portée contre elle, pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[5]          Le comité a aussi ordonné l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées à leur soutien.

[6]          Le procureur de la plaignante a résumé les événements entourant la commission des gestes reprochés et a produit une preuve documentaire (P-1 à P-5).

PREUVE ET REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

        La preuve

[7]          Le procureur de la plaignante a déclaré ne pas avoir de preuve supplémentaire à offrir sur sanction.

[8]          Quant à l’intimée, elle a témoigné et a déposé une preuve documentaire additionnelle (SI-1 et SI-2).

[9]          Il ressort de son témoignage qu’elle a commencé à exercer en 1991 et a agi en tant qu’administratrice au développement des affaires au cabinet Benoit Bouchard Assurances Inc. (BBA)[1].

[10]       Bien qu’elle fût représentante en assurances depuis ce temps, elle a vendu environ 25 polices d’assurance tout au plus au cours de toutes ces années.

[11]       Quant aux gestes reprochés, elle a expliqué que la proposition d’assurance en l’espèce avait été préparée par un représentant qui travaillait au sein de son cabinet depuis environ un ou deux ans (M. Delage). Cette proposition a été faite tant auprès de Manuvie que de Standard Life et la vente d’assurance a été réalisée avec le concours d’un représentant auprès de l’agence générale de Manuvie (M. Bédard). C’est ce dernier qui a suggéré que la proposition soit faite au nom de l’intimée, M. Delage ne possédant pas encore de code de représentant auprès de Manuvie. Il en détenait toutefois un auprès de Standard Life.

[12]       Elle a relaté qu’en 2011, ce représentant a obtenu son code auprès de Manuvie et a procédé à une autre vente pour ce même client (SI-1 et SI-2).

[13]       À l’époque, son cabinet fonctionnait au moyen d’un « pool de business », de sorte que tous les courtiers plaçaient sous son code. Dans ce cas-ci, l’intimée n’a agi que pour rendre service.

[14]       Son cabinet a été acheté par le Centre national de courtage d’assurance inc. (CNCA) où elle exerce actuellement en vertu d’un contrat qui prend fin à l’automne 2017. Elle ne croit pas continuer d’exercer la profession par la suite.

        Représentations

[15]       Le procureur de la plaignante a indiqué que les parties présentaient les recommandations communes suivantes :  

a)     La condamnation de l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le deuxième chef d’accusation;

b)     L’imposition d’une réprimande sous le premier chef d’accusation, les deux chefs étant intimement liés et concernant le même événement.

[16]       De plus, les parties ont recommandé la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[17]       Ensuite, il a mentionné les facteurs atténuants et aggravants suivants :

Aggravants

a)     La gravité objective de l’infraction, vu l’importance de la signature du représentant qui doit être le reflet de la réalité et non banalisée.

Atténuants

a)     La reconnaissance par l’intimée de ses gestes dès la première occasion;

b)     La présence d’un événement isolé et n’impliquant qu’un seul consommateur;

c)      L’excellente collaboration de l’intimée;

d)     L’absence de mauvaise foi;

e)     L’absence d’antécédent disciplinaire;

f)       Le risque de récidive plutôt faible.

[18]        À l’appui des sanctions suggérées, le procureur de la plaignante a passé en revue une série de décisions[2] qui supportent celles proposées en l’espèce.

[19]        Dans certaines de ces affaires, les intimés ont également signé pour rendre service ou ont agi dans des circonstances semblables au cas en l’espèce. Dans l’affaire Demers, par exemple, l’intimée a agi à titre de responsable du cabinet et n’a pas porté attention à quel titre elle signait.

[20]        Dans d’autres cas, il s’agit de signatures de représentants n’ayant jamais rencontré le ou les consommateurs ou ayant signé à la place d’un consommateur qui ne voulait pas se déplacer pour rencontrer le représentant ou d’un représentant voulant aider un collègue qui voulait éviter, à sa mère par exemple, de se déplacer pour signer un formulaire.

[21]        Enfin, il a rappelé que selon la jurisprudence, la recommandation commune des parties sur sanction se devait d’être suivie par le comité, à moins que celle-ci ne déconsidère l’administration de la justice, le tout permettant d’accélérer ainsi le processus disciplinaire.

[22]        Pour sa part, la procureure de l’intimée a ajouté que le comité devait également considérer que si l’intimée a agi tel qu’elle l’a fait, c’est qu’elle se croyait autorisée vu l’implication du représentant de l’assureur auprès de qui la proposition était déposée, soit en l’espèce Manuvie.

ANALYSE ET MOTIFS

[23]        Le comité réitère la déclaration de culpabilité prononcée contre l’intimée séance tenante sous chacun des deux chefs d’accusation contenus dans la plainte.

[24]        Les sanctions suggérées par les parties paraissent conformes aux précédents jurisprudentiels pour des infractions de même nature.

[25]        L’intimée n’a pas d’antécédent disciplinaire et n’a certes pas agi de mauvaise foi. Elle a reconnu ses gestes à la première occasion et a collaboré à l’enquête de la plaignante. Il s’agit d’un événement isolé et le risque de récidive est faible, voire inexistant.

[26]        Néanmoins, la gravité objective des infractions est importante, comme l’indique le procureur de la plaignante, une signature doit refléter la réalité et être celle du représentant ayant agi pour la transaction en cause.

[27]        Le comité déplore qu’encore aujourd’hui, un grand nombre de représentants fasse fi de la réalité et signe par complaisance ou autrement, en lieu et place d’un autre représentant. Ces gestes sont souvent commis pour contourner les règles qui retardent le processus de soumission de propositions ou pour accommoder un collègue.

[28]        Cette façon de procéder ne peut être tolérée, même si ces représentants n’agissent pas, ce faisant, de mauvaise foi.

[29]        Au surplus, cette signature, qui ne reflète pas la réalité, menace la protection du public. Cette façon de procéder porte atteinte à l’image de la profession. Le public doit pouvoir faire confiance à ses représentants. La signature apposée sur les propositions doit être celle de ceux ayant agi pour eux.  

[30]       Malgré l’existence de deux chefs d’accusation, les fautes commises concernent un seul et même événement et les mêmes clients.

[31]       Considérant tant les facteurs aggravants qu’atténuants et les faits propres à la présente affaire, le comité est d’avis que les recommandations communes des parties répondent aux objectifs de la sanction et qu’elles sont compatibles aux sanctions prononcées pour des infractions de même nature. Aussi, le comité y donnera suite estimant qu’il n’y a pas lieu d’y déroger.  

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier;

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sous chacun des deux chefs d’accusation portés contre elle;

RÉITÈRE DÉCLARER l’intimée coupable sous chacun des deux chefs d’accusation mentionnés à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées dans la plainte.

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

IMPOSE à l’intimée, sous le premier chef d’accusation, une réprimande;

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le deuxième chef d’accusation;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

 

 

(s) Janine Kean_____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Robert Chamberland_______________

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Eric Bolduc______________________

M. Eric Bolduc

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT CARON PRÉVOST BÉLISLE GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Julie Savard

BEAUVAIS TRUCHON AVOCATS s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 11 mai 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Cabinet dont elle était propriétaire, et ce, à tout le moins jusqu’en 2009.

[2] CSF c. Ardouin, CD00-0864, décision sur culpabilité et sanction du 14 février 2012; CSF c. Demers,
CD00-0929, décision sur culpabilité et sanction du 16 janvier 2013; CSF c. Thibeault, CD00-0998, décision sur culpabilité et sanction du 8 juillet 2014; CSF c. Mongrain, CD00-1124, décision sur culpabilité et sanction du
9 mai 2016; CSF c. Duchesne, CD00-1140, décision sur culpabilité et sanction du 13 mai 2016;
CSF c. Charbonneau-Desjardins, CD00-1186, décision sur culpabilité et sanction du 26 janvier 2017
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