Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1000

 

DATE :

21 mai 2015

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Monique Puech

Membre

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

DENIS MAINVILLE, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 147685 et numéro de BDNI 1729461);

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 1er avril ainsi que le 28 août 2014, à l’Hôtel St-Christophe, 255, rue Denison Est, salle Porto, Granby, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« R.B.

 

1.      À Brossard, à compter de juillet 2005, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par son client R.B. en omettant de modifier l’adresse de ce dernier auprès de Groupe Investors, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 2 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

D.B.

 

2.      À Brossard, à compter du ou vers le 26 juillet 2005, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par sa cliente D.B. en omettant de déposer à son compte RER numéro [...] la somme d’environ 1 340,37 $ aux fins d’investissement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 2 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

D.D.

 

3.      À Brossard, à compter du ou vers le 12 février 2008, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par sa cliente D.D. en omettant de transférer 15 000 $ du Fonds de Répartition Tactique Investors [...] au Fonds de dividendes Investors [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 2 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

G.J.B.

 

4.      À Brossard, à compter du ou vers le 19 mars 2008, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par sa cliente G.J.B. en omettant de procéder à un rachat net de 2 500 $ à partir de son compte RER numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 2 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

J.G.

 

5.      À Brossard, à compter de juin 2008, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par sa cliente J.G. en n’établissant pas un programme de rachat systématique au montant de 200 $ par mois pour son compte non enregistré numéro [...] et en ne suspendant pas les prélèvements préautorisés de 200 $ par mois pour son compte RER numéro [...], contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 2 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

 

G.N.C.

 

6.      À Magog, entre septembre 2008 et mai 2010, l’intimé a fait signer en partie en blanc à sa cliente G.N.C. le formulaire « Renseignements sur le client », contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 160 de la Loi sur les valeurs mobilières, (RLRQ, c. V-1.1), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1). »

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé qui se représentait lui-même, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard des chefs 2 et 6 contenus à la plainte[1].

[3]           L’audition se poursuivit ensuite relativement aux chefs 1, 3, 4, 5 et, après que l’intimé eut obtenu du comité l’autorisation de retirer son plaidoyer de culpabilité sous celui-ci, relativement au chef 6.

[4]           Au terme de l’audition, le comité réclama la transcription des notes sténographiques des témoignages entendus. Celle-ci lui parvint le 15 octobre 2014, date du début du délibéré.

LA PREUVE

[5]           Au soutien de sa plainte, la plaignante versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-23. De plus, elle fit entendre Mme G.J.B., la consommatrice concernée par le chef d’accusation numéro 4, Mme J.G., la consommatrice concernée par le chef d’accusation numéro 5, M. R.B. le consommateur concerné par le chef d’accusation numéro 1, M. Michel Giguère (M. Giguère), conseiller en sécurité financière au Groupe Investors de Granby et M. Jérôme Lacroix (M. Lacroix), directeur de division au Groupe Investors à Sherbrooke.

[6]           Quant à l’intimé, il choisit de témoigner et versa au dossier une pièce qui fut cotée I-1.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chef numéro 1 (R.B.)

[7]           À ce chef, il est reproché à l’intimé, à compter de juillet 2005, de ne pas s’être acquitté du mandat confié par son client R.B. en omettant de modifier l’adresse de ce dernier auprès de Groupe Investors (Investors).

[8]           La preuve de la plaignante sous ce chef prend appui notamment sur le témoignage du consommateur concerné, R.B.

[9]           Ce dernier a raconté qu’il a rencontré l’intimé en 2001 alors qu’il venait de « se séparer ». Il s’était installé sur la rue A à Granby, où il est demeuré environ huit (8) mois.

[10]        Par la suite, il est déménagé sur la route B dans les limites de la municipalité de Sainte-Cécile-de-Milton. Il aurait tenté de contacter l’intimé mais n’aurait pas reçu de retour d’appel. Il aurait alors cessé de recevoir des relevés de comptes d’Investors.

[11]        Puis, selon ce qu’il a déclaré « à un moment donné, plusieurs années ensuite », il se serait « décidé à appeler l’intimé » pour « faire un changement d’adresse ». N’ayant pu le rejoindre, il aurait laissé un message sur le répondeur de ce dernier.

[12]        Il aurait ensuite « ré-oublié ça ». Le temps se serait écoulé. Quelques années plus tard, il serait entré en communication avec le directeur de l’intimé, M. Giguère.

[13]        Ce dernier l’aurait alors avisé que l’adresse à son nom aux registres de la compagnie était « hors du Québec » mais qu’il allait s’occuper de « son dossier » et « ferait le changement d’adresse sur la route B à Sainte-Cécile-de-Milton ». Par la suite, il se serait « remis » à recevoir ses relevés de comptes.

[14]        Quant à l’intimé, il déclare qu’il n’a jamais rencontré R.B. autrement qu’en 2001 bien qu’à son « registre du service aux clients » (P-23) apparaît une indication pouvant possiblement laisser entendre qu’il aurait rencontré R.B. en juillet 2005[2].

[15]        Il affirme de plus, sans être en mesure de précisément contredire son client, « avoir des doutes » à l’effet que R.B., tel qu’il l’a prétendu, aurait laissé un message sur sa boite vocale auquel il n’aurait pas donné suite.

[16]        Soulignons à ce sujet que lors de sa déposition devant le comité, R.B. n’a donné aucune précision relativement au moment où il aurait téléphoné à l’intimé et lui aurait laissé un message sur son répondeur laissant à ce dernier peu de moyens de contrer son affirmation.

[17]        Il faut aussi se rappeler, que selon son témoignage, après cette infructueuse tentative à rejoindre l’intimé, R.B. aurait fait défaut de poursuivre l’affaire et aurait « supporté » pendant quelques années encore le défaut de recevoir des relevés de comptes de la part d’Investors avant de finalement contacter non pas l’intimé mais M. Giguère. Et l’on peut se demander pourquoi il n’a pas alors tenté d’abord de rejoindre l’intimé. Aucune explication à cet égard n’a été fournie par R.B.

[18]        Les événements remontent à plusieurs années et il n’est pas impossible que R.B. puisse éprouver des difficultés au plan du souvenir. Néanmoins le comité ne croit pas pouvoir tirer de son bref témoignage, comme de l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée sous ce chef, des éléments suffisamment présomptifs et/ou concluants pour lui permettre de conclure à la culpabilité de l’intimé.

[19]        La déposition plutôt laconique de R.B. n’a pas été convaincante. Il a rendu, de l’avis du comité, un témoignage à certains égards fragile, sans fermeté, de peu de conviction et où, au plan de la netteté du contenu et des circonstances, les précisions font défaut.

[20]        Il n’a exposé que peu de renseignements ou détails relativement aux événements décisifs en cause. En résumé, de l’avis du comité, son témoignage s’est révélé de peu de fiabilité.

[21]        Compte tenu de ce qui précède et tel que mentionné précédemment, le comité est d’avis que sous ce chef la plaignante n’est pas parvenue à se décharger de son fardeau de preuve prépondérante. Il sera donc rejeté.

Chef numéro 2 (D.B.)

[22]        L’intimé ayant, relativement à ce chef, enregistré un plaidoyer de culpabilité, il sera déclaré coupable dudit chef pour avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

Chef numéro 3 (D.D.)

[23]        À ce chef, il est reproché à l’intimé, à compter du ou vers le 12 février 2008, de ne pas s’être acquitté du mandat que lui avait confié sa cliente D.D. en omettant de transférer 15 000 $ du Fonds de Répartition Tactique Investors [...] au Fonds de dividendes Investors [...].

[24]        La consommatrice concernée par ce chef n’a pas témoigné.

[25]        La preuve de la plaignante prend appui sur le témoignage de M. Giguère, le directeur de l’intimé, qui aurait reçu un appel de Mme D.D.

[26]        Selon ce dernier, confirmé par la note qu’il a fait tenir à l’intimé résumant les événements (P-12), D.D. lui aurait téléphoné le 7 mars 2008 au matin pour se plaindre qu’elle n’avait pas encore reçu confirmation de la transaction de transfert de 15 000 $ (du Fonds de Répartition Tactique Investors [...] au Fonds de Dividendes Investors [...]) que l’intimé lui avait recommandée, et pour laquelle elle avait signé le 12 février 2008 une « Directive de placement » (CF2478). Le transfert projeté lui apparaissant de nature à sécuriser le portefeuille de D.D. et il a alors vérifié dans le « système » et a réalisé que la transaction n’avait pas été effectuée.

[27]        L’intimé, quant à lui doute des affirmations de la cliente telles que rapportées par M. Giguère et affirme qu’il serait fort étonné « d’avoir fait signer » à celle-ci le document de « Directive de placement » (CF2478) mentionné par ce dernier parce que, compte tenu des autorisations qu’il possédait, il n’avait pas à faire signer à sa cliente un tel document pour exécuter la transaction.

[28]        Au soutien de sa proposition, il souligne que la plaignante a fait défaut de déposer à l’audition le document qu’aurait signé la cliente tandis que lui-même, après l’avoir recherché, n’a pas été en mesure de le retrouver au dossier de cette dernière.

[29]        Voici son témoignage :

« J’aimerais juste aller, juste un petit instant, à l’onglet 12 et à la I-322, la lettre de monsieur Giguère a remplie : « Madame D… nous a téléphoné, ce matin, pour se plaindre qu’elle n’avait pas reçu de confirmation pour la transaction que tu lui as recommandée et qu’elle a signée… signée, le 12 février 2008, sur une directive de placement CF2478. » J’aimerais attirer votre attention, Monsieur le Président, la CF2478, c’est un… bien, ça fait foi de tout. Je veux dire, c’est… c’est ça que tu places d’argent, c’est… Si tu n’as pas ça, bien, tu ne peux pas…

Sauf que je ne la vois pas au dossier, je l’ai cherchée, puis je ne l’ai jamais vue. Mais je peux vous répondre que je serais complètement étonné d’avoir fait signer ça. J’ai l’autorité avec le client, je ne vais pas l’emmerder à faire signer un bout de papier. À partir du moment qu’elle accepte d’être ma cliente, et elle l’avait accepté, j’ai la… l’autorisation limitée que si elle m’appelle ou que si je veux faire un changement, qu’elle me donne son accord, je suis en mesure de le faire. À partir du moment que j’ai son accord, je ne vois pas pourquoi je sortirais une formule de même, pour… pour… juste pour la faire signer pour le plaisir de la chose. Ce n’est pas mon genre, puis… Mais on parle d’un document hyper important, puis il n’est pas… il n’est pas au cahier. »[3]

[30]        Relativement à ce chef, la preuve de la plaignante repose essentiellement sur du ouï-dire puisque, tel que mentionné précédemment, la consommatrice concernée n’a pas témoigné. Par ailleurs, la preuve documentaire qui aurait pu corroborer le mandat confié à l’intimé (soit la « Directive de placement » qu’aurait signée la cliente et évoquée par cette dernière selon M. Giguère), n’a pas été déposée au dossier.

[31]        Dans de telles circonstances, de l’avis du comité, la preuve administrée par la plaignante sous ce chef n’est pas suffisamment probante pour lui permettre d’écarter le témoignage de l’intimé et conclure à la culpabilité de ce dernier.

[32]        Ce chef d’accusation sera rejeté.

Chef numéro 4 (G.J.B.)

[33]        À ce chef d’accusation, il est reproché à l’intimé, à compter du ou vers le 19 mars 2008, de ne pas s’être acquitté du mandat que lui avait confié sa cliente G.J.B. en omettant de procéder à un rachat net de 2 500 $ à partir de son compte REER.

[34]        La preuve de la plaignante sous ce chef prend notamment appui sur le témoignage de la consommatrice concernée G.J.B.

[35]        Cette dernière a indiqué qu’en 2007, alors que sa conseillère s’en va à la retraite, l’intimé lui est présenté, et ce dernier devient alors son représentant.

[36]        Elle a aussi raconté qu’à l’époque elle avait une « entente » avec sa conseillère par laquelle il lui était versée à tous les trois (3) mois, le ou vers le quinze (15) du mois, une somme de 500 $ mais qu’après la modification de conseiller, le premier retrait de 500 $ qui aurait dû lui être versé le 15 janvier 2008 ne l’avait pas été. Elle aurait alors communiqué avec l’intimé à cet effet. Le dépôt prévu pour le 15 n’aurait finalement été effectué que le 26 janvier 2008.

[37]        Par la suite, à une date qu’elle n’a pas été en mesure de préciser mais vraisemblablement vers la mi-mars 2008, alors qu’elle prévoyait effectuer un voyage aux Pays-Bas elle aurait communiqué avec l’intimé et lui aurait demandé, en laissant un message sur son répondeur, de procéder à un retrait de son compte REER.

[38]        La veille du départ escompté, le 31 mars 2008, n’ayant pas reçu les sommes convenues, elle aurait tenté des démarches pour rejoindre l’intimé mais celles-ci se seraient avérées vaines. Elle aurait alors rejoint le directeur de ce dernier, M. Giguère.

[39]        Voici le témoignage de G.J.B. :

« Q.      Comment aviez-vous procédé?

R.          Bien, je lui avais téléphoné.

Q.          Donc, vous avez dit que l’adjointe vous demande de parler au directeur? Qui est le directeur de monsieur Mainville? À qui parliez-vous quand…

R.          Bien, j’ai parlé à Michel Giguère.

Q.          O.K. Et qu’est-ce que vous lui dites à monsieur Giguère?

R.          Bien, je lui explique la situation, que j’attends qu’il dépose un certain montant et que je suis sur mon départ, puis que il n’y a rien de tout ça qui est fait. Alors, monsieur Giguère me dit : « Moi, je peux faire le retrait à sa place », à la place de Denis Mainville. Puis il m’a aussi dit que sihu le lien de confiance n’était plus là, que je pouvais demander un autre courtier.

Q.          Donc, finalement, quand avez-vous eu l’argent?

R.          Bien, le premier (1er) avril, dans l’après-midi, quand on est partis, j’ai revérifié et, là, l’argent avait été déposé. »[4]

[40]        Peu après, en fin d’après-midi, l’intimé l’aurait rejointe. Il lui aurait alors indiqué qu’il « s’apprêtait » à faire le retrait demandé. Une discussion s’en serait suivie et l’intimé aurait convenu de la contacter à son retour de voyage quelque trois (3) semaines plus tard. Elle n’aurait toutefois alors reçu aucune communication de sa part.

[41]        Par ailleurs, près d’une année après, alors que l’intimé devait la rencontrer à sa résidence, il aurait fait défaut de s’y présenter.

[42]        Selon son témoignage, G.J.B. aurait alors expédié au directeur de l’intimé, M. Giguère, la lettre du 30 mars 2009 déposée sous la cote P-20.

[43]        Elle y déclare ne plus avoir confiance en l’intimé. Elle lui reproche « ses réponses qui se font attendre » lorsqu’elle communique avec lui et mentionne que puisqu’il est primordial d’avoir une bonne communication avec son représentant et d’œuvrer avec lui dans un climat de confiance, elle demande qu’on lui trouve « un autre courtier ».

[44]        Le témoignage clair de G.J.B., relativement à ses « difficultés » avec l’intimé, est soutenu par celui de M. Giguère ainsi que par les notes contemporaines aux événements préparées par ce dernier (P-13).

[45]        En référence aux reproches qui lui sont adressés à ce chef, l’intimé déclare notamment qu’il « repoussait le plus loin possible » le retrait dans l’intérêt de sa cliente[5]. Il ne contredit toutefois pas le témoignage de cette dernière puisqu’il mentionne, en référence à son témoignage, qu’« il n’y a pas de menteries, c’est tout à fait vrai »[6].

[46]        La prépondérance de la preuve sous ce chef amène le comité à conclure à la culpabilité de l’intimé pour avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

Chef numéro 5 (J.G.)

[47]        À ce chef, il est reproché à l’intimé, à compter de juin 2008, de ne pas s’être acquitté du mandat que lui avait confié sa cliente J.G. en n’établissant pas un programme de rachat systématique au montant de 200 $ par mois pour son compte non enregistré et en ne suspendant pas les prélèvements préautorisés de 200 $ par mois pour son compte REER.

[48]        La preuve de la plaignante sous ce chef prend notamment appui sur le témoignage de la consommatrice en cause, Mme J.G. dont la relation professionnelle avec l’intimé a débuté en 2005 lorsque sa conseillère de l’époque Mme Sylvie Tremblay a choisi de prendre sa retraite et l’a référée à ce dernier.

[49]        J.G. déclare qu’en juin 2006, elle a donné instructions à l’intimé (par téléphone) de suspendre les prélèvements préautorisés de 200 $ qui étaient déposés à chaque mois comme investissement à son compte REER puisqu’elle entendait utiliser cet argent pour l’achat d’une voiture.

[50]        Elle lui aurait de plus demandé de pouvoir procéder à un retrait dans le but d’effectuer un premier paiement sur l’achat de celle-ci.

[51]        Malgré ses instructions, elle aurait, après un certain temps, constaté que les prélèvements préautorisés persistaient. Au départ, elle se serait dit qu’il pouvait y avoir de légers délais et elle aurait « laissé aller un petit peu ».

[52]        Par la suite, elle aurait tenté de rejoindre l’intimé, aurait laissé plusieurs messages sur sa boite vocale, mais sans succès. Elle aurait alors conclu que « quelque chose n’allait pas » et aurait rejoint le supérieur de l’intimé, M. Giguère. Voici son témoignage :

« Q.       O.K. Et, dans ce cas-ci, en juin deux mille six (2006), vous lui faites cette demande-là. Que se passe-t-il dans les jours ou les semaines qui suivent?

R.          Bien, j’avais pas de nouvelles, dans le sens où les retraits ne se sont pas arrêtés. Bon. Je suis quelqu’un quand même de patient. Je dis : bon, il y a peut-être un délai avec la compagnie. Ça arrivait, bon, le temps des vacances. J’ai laissé aller un petit peu. J’ai rappelé, j’ai laissé plusieurs messages sur la boîte vocale. À un moment donné, je me souviens même que la boîte vocale était pleine, là; il y avait quelque chose qui n’allait pas. J’ai fini par contacter le bureau de Brossard et il y a une dame qui m’a répondu pour… je lui ai demandé de refaire le message à monsieur Mainville que j’étais pas capable de le rejoindre. Et suite à ça, j’ai entendu encore un peu, les retraits ne se sont pas arrêtés encore. Et puis, là, j’ai demandé, moi, de parler à quelqu’un… un supérieur, parce que, là, je me demandais : bon, est-ce qu’il est encore à l’emploi? Est-ce qu’il est malade? Est-ce qu’il est en vacances? Puis, là, ça devenait plus urgent; j’avais besoin de ce montant-là, là, pour l’automne. Donc, moi, je voulais que ça se règle rapidement.

Q.          Et qu’est-ce qui se passe à ce moment-là?

R.          Bien, c’est monsieur Giguère qui m’a contactée et qui s’est occupé… je lui ai expliqué un petit peu, là, la situation. Il s’est occupé, là, dans un délai de quelques jours, de cesser les retraits puis de m’envoyer le montant d’argent que j’aurais dû recevoir depuis le mois de juin.

Q.          Et qu’en est-il advenu… donc, là, quand à peu près… avez-vous souvenir quand la transaction a été faite à peu près par monsieur…

R.          Ça s’est réglé pour le mois de septembre, en tout cas; ça, je suis certaine de ça. »[7]

[53]        Malgré les événements, elle aurait persisté dans sa relation professionnelle avec l’intimé, et ce, jusqu’à ce que ce dernier quitte Investors pour une autre compagnie. Voici son témoignage :

« Q.       Et qu’est-il advenu de votre relation avec monsieur Mainville après septembre deux mille huit (2008)?

R.          Bien, moi, j’ai poursuivi quand même. Je lui ai demandé d’être assurée qu’il puisse répondre rapidement, que, bon, j’avais pas apprécié ce délai-là, parce que, moi, ça m’a mis dans une position un petit peu inconfortable. Et, par la suite, monsieur Mainville m’a donné son numéro de cellulaire personnel, qui fait que je pouvais le rejoindre plus facilement, s’il y avait un problème avec les boîtes vocales, et cætera, là, au niveau de la compagnie, là…

Q.          O.K.

R.          … du bureau, c’est-à-dire, de Brossard.

Q.          O.K. Et jusqu’à quand avez-vous été la cliente de monsieur Mainville?

R.          Jusqu’à ce que monsieur Mainville quitte pour une autre compagnie. Et puis, là, j’ai été transférée à madame Brisson. »[8]

[54]        Le témoignage et les notes manuscrites concomitantes de M. Giguère ainsi que le courriel qu’a adressé ce dernier à l’intimé (P-15) le 3 septembre 2008 soutiennent la version des faits de J.G.

[55]        De plus, l’intimé n’a pas nié son défaut d’exécuter les instructions de sa cliente non plus que c’est M. Giguère qui, au final, a exécuté les consignes ou les directives de cette dernière.

[56]        De l’avis du comité, la prépondérance de la preuve démontre la culpabilité de l’intimé sous ce chef. Il sera déclaré coupable de celui-ci pour avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

Chef numéro 6 (G.N.C.)

[57]        À ce chef, il est reproché à l’intimé, à Magog, entre septembre 2008 et mai 2010, d’avoir fait signer en partie en blanc à sa cliente, G.N.C., le formulaire « Renseignements sur le client ».

[58]        Or la preuve présentée au comité sous ce chef révèle que le formulaire en cause (« Renseignements sur le client »)[9] aurait été signé par G.N.C. ainsi que par l’intimé, sans avoir été parfaitement complété et sans que son contenu en ait été entièrement déterminé. La section « Connaître son client », notamment, n’y avait pas été remplie. Certaines informations relatives à la situation financière de la cliente n’y figuraient pas non plus.

[59]        Bien que l’intimé ait affirmé que ce qu’il a fait n’avait aucune conséquence parce que la signature d’autres documents aurait été nécessaire pour une transaction et bien que la preuve n’indique aucunement que l’intimé puisse avoir été animé d’intentions malveillantes, ce dernier a néanmoins, de l’avis du comité, commis l’infraction qui lui est imputée à ce chef.

[60]        Tel que le comité l’a déjà mentionné à quelques reprises, faire signer à ses clients des documents incomplets et/ou inachevés est une mauvaise et reprochable pratique. Le représentant ne doit pas en effet demander à ses clients de valider à l’avance ce qu’ils n’ont pas vu.

[61]        Comme autre moyen de défense, l’intimé soutient que G.N.C. n’était pas, au moment où il lui a fait signer le document, sa cliente puisqu’il n’aurait par la suite procédé à aucune transaction avec ou pour cette dernière.

[62]        Or, que les échanges aient mené à une transaction ou non n’a que peu d’importance lorsqu’il s’agit en l’espèce de décider de la culpabilité de l’intimé[10]. L’intimé a rencontré G.N.C., a discuté avec elle, l’a renseignée, lui a fait signer un formulaire de « renseignements sur le client » (P-18 pièce 000270) qu’il a lui-même contresigné et l’a conseillée.

[63]        Même si le document en cause n’a nullement servi et a simplement été conservé au dossier (possiblement pour un usage futur), et même si celui-ci ne pouvait, si l’on se fie aux déclarations de l’intimé, ne servir qu’à peu de chose, il n’en demeure pas moins qu’au moment des signatures ce dernier agissait dans le cadre de ses fonctions de représentant. L’argument de l’intimé à l’effet que G.N.C. n’était pas sa cliente ne peut être retenu pour le disculper.

[64]        L’intimé sera donc déclaré coupable sous ce chef pour avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1).

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

REJETTE les chefs 1 et 3 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 2, 4, 5 et 6 contenus à la plainte pour avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r.7.1);

CONVOQUE les parties, avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline, à une audition sur sanction.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

(s) André Chicoine  __________________

M. ANDRÉ CHICOINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même

 

Dates d’audience :

1er avril et 28 août 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1000

 

DATE :

25 janvier 2016

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LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Monique Puech

Membre

M. André Chicoine, A.V.C.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

DENIS MAINVILLE, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 147685 et numéro de BDNI 1729461);

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION

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[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 20 octobre 2015 aux locaux de la Commission des lésions professionnelles, 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.

LA PREUVE

[2]           D’entrée de jeu, tant la plaignante que l’intimé déclarèrent n’avoir aucune preuve additionnelle à offrir.

[3]           Les parties soumirent ensuite au comité leurs représentations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           La plaignante par l’entremise de sa procureure débuta en avisant le comité qu’elle lui proposait l’imposition des sanctions suivantes :

Sous chacun des chefs 2, 4 et 5: la condamnation de l’intimé à une amende de 3 000 $ (total 9 000 $);

Sous le chef 6 : la radiation temporaire de l’intimé pour une période de un mois.

[5]           Elle ajouta réclamer la publication de la décision ainsi que la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés.

[6]           Après un bref rappel des faits, elle évoqua les facteurs à son avis aggravants et atténuants suivants :

Facteurs aggravants

-       la gravité objective des infractions commises;

-       des fautes étalées dans le temps, soit de 2005 à 2008;

-       quatre (4) clients ou consommateurs distincts concernés par les actes fautifs;

-       dans le cas du chef 2, l’obligation pour l’employeur de « réparer les pots cassés » et de compenser la cliente à concurrence de 98,23 $;

-       l’expérience de l’intimé (entre 4 et 7 ans), qui aurait dû le mettre à l’abri de commettre les fautes qui lui sont reprochées;

-       des fautes de nature à ternir l’image de la profession.

Facteurs atténuants

-       l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé;

-       l’absence de préjudice causé aux consommateurs concernés[11];

-       le plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé à l’égard du chef numéro 2.

[7]           À l’appui de ses recommandations, elle produisit un cahier d’autorités contenant sept (7) décisions antérieures du comité qu’elle commenta[12].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[8]           L’intimé qui se représentait lui-même débuta ses représentations en déclarant reconnaître ses fautes.

[9]           Relativement au chef numéro 2, il indiqua avoir effectivement omis de déposer au compte RER de la cliente une somme de 1 340,37 $ qu’elle lui avait confiée aux fins d’investissement, mentionnant qu’il s’agissait cependant strictement d’un oubli de sa part.

[10]        Relativement au chef numéro 4, il déclara qu’à la période concernée, les marchés avaient chuté et que s’il avait retardé la transaction c’était dans l’intérêt de la cliente parce qu’il espérait que les titres dont elle allait devoir se départir auraient entre-temps repris de la valeur.

[11]        Relativement au chef numéro 5, il avoua que travaillant à l’époque concernée à Brossard mais étant rattaché à la succursale de Granby, il avait vécu « des problèmes de boîtes téléphoniques ».

[12]        Il ajouta que, de plus, il éprouvait alors des difficultés personnelles, sa mère (décédée par la suite) étant très malade et nécessitant beaucoup d’attention.

[13]        Il souligna enfin qu’après avoir rencontré et discuté avec la consommatrice en cause, celle-ci avait choisi de demeurer sa cliente. Il mentionna qu’elle lui avait référé sa sœur et que son père était demeuré son client.

[14]        Relativement au chef numéro 6, il signala d’abord que le document avait été signé non pas à Magog tel que mentionné au chef d’accusation mais plutôt à Bromont au moment où il avait rencontré la cliente G.N.C.

[15]        Il raconta que lors de ladite rencontre il avait, avec elle, complété, mais en partie seulement, une demande d’ouverture de compte. Toutefois, comme cette dernière ne possédait aucun compte bancaire, « il ne pouvait alors lui créer un compte ». Il ajouta que le document n’était donc d’aucune utilité, « ne pouvait servir à rien et ne pouvait pas être monnayé ».

[16]        Il affirma ensuite que « puisqu’il n’y avait eu aucune ouverture de compte », il n’avait jamais agi à titre de représentant pour G.N.C.

[17]        Il mentionna enfin qu’après avoir pris connaissance des sanctions réclamées par la plaignante il trouvait « la note salée ». Il indiqua trouver quelque peu exagéré que puisse lui être imposée une radiation temporaire d’un mois, tel que le suggérait la plaignante, pour avoir fait signer à la cliente un document qui de toute façon ne pouvait, dans l’état où il se trouvait, « que servir à rien ».

[18]        Il termina en déclarant n’avoir été animé d’aucune intention malveillante, signalant que les trois (3) chefs d’accusation lui reprochant un défaut d’exécuter des mandats clients s’étaient déroulés, à une période de sa vie qu’il a alors qualifiée de « rock and roll ».

[19]        Il termina en indiquant que bien qu’il s’opposait aux sanctions suggérées par la plaignante, il s’en remettait à la discrétion du comité.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[20]        Au moment des événements qui lui sont reprochés, l’intimé avait quatre (4) à sept (7) ans d’expérience dans l’exercice de la profession puisqu’il a débuté ses activités dans le domaine de la distribution de produits et services d’assurances et/ou financiers en 2001.

[21]        Lors de l’audition il a reconnu avoir commis les fautes pour lesquelles il a été déclaré coupable.

[22]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[23]        Ses manquements n’avaient pas pour objectif l’obtention de bénéfices personnels pour lui-même.

[24]        La malhonnêteté ne caractérise aucunement ses agissements.

[25]        Néanmoins ses fautes vont au cœur de l’exercice de la profession et concernent quatre (4) clients distincts.

[26]        Elles sont objectivement graves et de nature à ternir l’image de la profession.

Chef d’accusation numéro 2

[27]        À ce chef l’intimé a été reconnu coupable du défaut de s’acquitter du mandat que lui avait confié sa cliente D.B. en omettant de déposer au compte RER de cette dernière une somme d’environ 1 340,37 $ qu’elle lui avait remise aux fins d’investissement.

Chef d’accusation numéro 4

[28]        À ce chef l’intimé a été reconnu coupable du défaut de s’acquitter du mandat confié par sa cliente G.J.B. en omettant de procéder à un rachat net de 2 500 $ à partir de son compte RER.

Chef d’accusation numéro 5

[29]        À ce chef l’intimé a été reconnu coupable du défaut de s’acquitter du mandat confié par sa cliente J.G. en n’établissant pas un programme de rachat systématique au montant de 200 $ par mois pour son compte non enregistré et en ne suspendant pas les prélèvements préautorisés de 200 $ par mois pour son compte RER.

[30]        À ces trois (3) chefs, le comité est confronté à trois (3) infractions sensiblement de même nature. Et alors que l’infraction mentionnée au chef numéro 2 a été commise en 2005, celles mentionnées aux chefs d’accusation 4 et 5 ont été commises à une période relativement concomitante, soit en mars et juin 2008.

[31]        La recommandation de la plaignante de condamner l’intimé sous le chef numéro 2 à une amende de 3 000 $ apparait conforme aux précédents jurisprudentiels applicables et après considération des éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d’avis que l’imposition d’une telle amende sous ce chef serait une sanction juste et appropriée.

[32]        Il condamnera donc l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ sous ledit chef.

[33]        Relativement aux chefs d’accusation 4 et 5, le comité est en présence du même type d’infractions, commises dans un contexte généralement semblable, à peu de temps d’intervalle.

[34]        L’infraction reprochée au chef numéro 5 a été commise par l’intimé à une période où il éprouvait a-t-il déclaré : « des problèmes de boîtes téléphoniques ». Essentiellement il travaillait à Brossard alors qu’il « se rapportait » à Granby. Selon ses propos : « les boîtes vocales s’entrecroisaient ». De plus il vivait alors des difficultés personnelles notamment en conséquence de l’état de santé de sa mère.

[35]        Ajoutons que la cliente mentionnée audit chef, J.G., lui est demeurée fidèle et il agit encore comme son représentant. Elle lui a de plus présenté sa sœur comme cliente et son père continue de faire affaire avec lui. Lors de l’audition sur culpabilité, elle a témoigné[13] qu’à la suite de l’événement reproché à l’intimé elle a eu une rencontre et une conversation avec ce dernier au mois de septembre 2008, et qu’après qu’il lui eut transmis un numéro de téléphone cellulaire permettant de le rejoindre facilement, leur relation professionnelle s’est poursuivie à sa satisfaction.

[36]        Compte tenu de ce qui précède ainsi que des circonstances propres à chacun des chefs, considérant de plus le temps écoulé depuis les événements reprochés, après considération des éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été présentés, et tenant compte du principe de la globalité des sanctions, le comité est d’avis que la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $, tel que l’a recommandé la plaignante, sous le chef numéro 4, et l’imposition d’une réprimande sous le chef numéro 5 seraient en l’espèce des sanctions justes et appropriées.

[37]        Il condamnera donc l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ sous le chef numéro 4 et lui imposera une réprimande sous le chef numéro 5.

[38]        Relativement au chef numéro 6 reprochant à l’intimé d’avoir fait signer en partie en blanc à sa cliente G.N.C. le formulaire d’ouverture de compte y mentionné, le comité croit d’abord devoir souligner que lorsque l’on étudie ledit document l’on se rend rapidement compte (P-18, page I-65) que la section « Connaître son client » n’a pas été remplie et qu’il a été signé par la cliente avant qu’aucune information à cet égard n’y apparaisse.

[39]        Il est vrai que dans les faits, il n’a pas été donné suite à la demande d’ouverture de compte, la cliente ne possédant aucun compte bancaire et n’étant pas en mesure, peut-on penser, de fournir à l’intimé le spécimen de chèque qui aurait été nécessaire à l’ouverture de celui-ci.

[40]        Le document dans la forme où il a été retrouvé ne pouvait donc véritablement servir.

[41]        De plus la preuve ne révèle aucunement que l’intimé ait été alors animé d’une quelconque intention malveillante.

[42]        Néanmoins en agissant tel qu’il lui est reproché, en faisant signer à la cliente un document incomplètement rempli, il exposait cette dernière à des risques inutiles.

[43]        Tel que le comité l’a déjà indiqué à quelques reprises : « Même si le degré de faute peut différer d’un cas à l’autre, faire signer en blanc un ou des documents à ses clients est une pratique malsaine et reprochable. »

[44]        Bien que dans le cas qui nous occupe, pour « permettre » une transaction, d’autres pièces auraient dû être signées par la cliente, l’intimé a, de l’avis du comité, en lui faisant signer en partie en blanc un formulaire d’ouverture de compte, commis une faute sérieuse. Les représentants ne peuvent en effet ainsi exiger des clients qu’ils confirment à l’avance des informations dont ils ne prendront peut-être jamais connaissance.

[45]        Aussi, compte tenu des circonstances propres à la présente affaire, après considération des éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants qui lui ont été présentés, le comité croit devoir suivre la recommandation de la plaignante sous ce chef. À son avis, la condamnation de l’intimé à une radiation temporaire de un mois sous celui-ci serait une sanction juste, appropriée, adaptée à l’infraction, ainsi que respectueuse des principes d’exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[46]        Pour terminer le comité tient à souligner que dans l’élaboration de ses sanctions il a tenu compte que les infractions reprochées à l’intimé remontent à une période située entre 2005 à 2008, soit il y a déjà quelques années, et que la preuve qui lui a été soumise n’a révélé aucun élément de malhonnêteté de la part de ce dernier.

[47]        Enfin conformément à la suggestion de la plaignante et en l’absence de motifs ou de particularités suffisamment « exceptionnelles » qui lui permettraient de déroger aux règles habituelles, le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés et ordonnera la publication, aux frais de ce dernier, de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous chacun des chefs numéros 2 et 4 contenus à la plainte :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ (total 6 000 $);

Sous le chef numéro 5 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

Sous le chef numéro 6 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de un mois;

ORDONNE au secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ chapitre C-26.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

(s) André Chicoine___________________

M. ANDRÉ CHICOINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE AVOCATS

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même

 

Date d’audience :

20 octobre 2015

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 

 

 

 

 



[1]     Le 28 août 2014, l’intimé obtint du comité l’autorisation de retirer son plaidoyer de culpabilité relativement au chef 6.

[2]     Il est à noter que R.B. et l’intimé déclarent tous deux ne pas s’être rencontrés en 2005. L’indication traiterait possiblement d’un projet de rencontre.

[3]     Voir notes sténographiques de l’audition du 28 août 2014, pp. 189 et 190.

[4]     Notes sténographiques de l’audition du 1er avril 2014, pp. 52 et 53.

[5]     Notes sténographiques de l’audition du 28 août 2014, p. 258.

[6]     Notes sténographiques de l’audition du 28 août 2014, p. 259.

[7]     Notes sténographiques de l’audition du 1er avril 2014, pp. 72 et 73.

[8]     Notes sténographiques de l’audition du 1er avril 2014, pp. 73 et 74.

[9]     Pièce P-18.

[10]    Bien que ce moyen, comme le moyen précédent, puisse avoir son importance lorsqu’il s’agira de déterminer la sanction.

[11]    Sauf dans le cas du chef numéro 2, la cliente concernée ayant été privée d’« occasions de croissance » sur la somme déboursée et « Groupe Investors » ayant dû dédommager cette dernière au moyen d’un rajustement créditeur de 98,23 $.

[12]    Champagne c. Goura, CD00-0863, décision sur culpabilité et sanction en date du 16 décembre 2011; Champagne c. Mejlaoui, CD00-0898, décision sur culpabilité et sanction en date du 27 septembre 2012; Champagne c. Lepage, CD00-0932, décision sur culpabilité et sanction en date du 5 mars 2013; Champagne c. Couture, CD00-0951, décision sur culpabilité et sanction en date du 4 août 2014; Lelièvre c. Côté, CD00-0841, décision sur culpabilité et sanction en date du 7 avril 2011; Champagne c. Pitre, CD00-0904, décision sur culpabilité et sanction en date du 3 août 2012; Lelièvre c. Belle, CD00-1039, décision sur culpabilité et sanction en date du 17 mars 2014.

[13]    Page 73 des notes sténographiques de l’audition du 1er avril 2014.

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