Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1064

 

DATE :

9 mars 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

Mme Monique Puech

Membre

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

DAN ARON, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 164682 et numéro BDNI 1596831)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du  nom de la consommatrice concernée et de toutes informations qui permettraient de l’identifier.

[1]           Les 20 et 21 janvier 2015, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo‑Pariseau, bureau 2600, Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 30 mai 2014, ainsi libellée :

LA PLAINTE

 

1.         À Montréal, entre vers juillet 2011 et août 2011, l’intimé a fait défaut de bien connaître sa cliente C.T. en omettant d’effectuer une mise à jour de son profil d’investisseur avant de lui faire souscrire à des fonds communs de placement pour un montant approximatif de 61 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7.1);

 

2.         À Montréal, entre ou vers juillet 2011 et août 2011, l’intimé n’a pas fourni à C.T. de façon complète et objective l’information requise et pertinente à la compréhension et l’appréciation du choix des fonds communs de placement auxquels il lui a fait souscrire, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 7, 10, 14 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7.1).

[2]           Aux termes de l’audition, le comité a réclamé la transcription des notes sténographiques de celle-ci.  Elles lui furent envoyées le 24 mars 2015, date du début de la prise en délibéré.

[3]           La plaignante était représentée par Me Mathieu Cardinal alors que l’intimé se représentait seul.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Au soutien de sa plainte, la plaignante fit entendre la consommatrice C.T. et madame Vanessa Kaboré, enquêtrice du bureau de la plaignante.

[5]           De plus, elle versa, avec le consentement de l’intimé, une preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-4 (A-B-C).

[6]           Quant à l’intimé, il choisit de témoigner et déposa avec le consentement du procureur de la plaignante la pièce I-1 en liasse.

 

LES FAITS

[7]           La consommatrice C.T. avait ouvert le 13 mai 2008 un compte à Investors Group Financial Services (« IG »), par l’intermédiaire de son courtier à l’époque, M. Meir Rabkin.

[8]           Après le départ de ce représentant, le dossier de C.T. fut assigné à l’intimé le ou vers le 17 mai 2011.

[9]           Le 31 mai 2011, C.T. a appelé l’intimé pour lui indiquer qu’elle avait été informée que son emploi avec IBM à titre de consultante se terminerait le 26 juin 2011.

[10]        À cet effet, elle fait parvenir à l’intimé à la même date un courriel concernant la partie admissible et la partie non-admissible à son RÉER relativement à la somme de 61 000 $ qu’elle recevrait à titre de prime de départ.

[11]        Le 20 juin 2011, C.T. téléphone à l’intimé pour lui dire que finalement sa fin d’emploi serait la fin du mois de juillet et non pas la fin du mois de juin 2011.

[12]        En date du 20 juillet 2011, l’intimé fait parvenir à C.T. un courriel lui demandant si la date précise de sa fin d’emploi avait été déterminée.

[13]        Le 21 juillet 2011, C.T. fait parvenir un courriel à l’intimé lui indiquant que la date de fin d’emploi avait été fixée au 29 juillet 2011.

[14]        Par la suite, en date du 22 juillet 2011, l’intimé fait parvenir à C.T. un courriel la remerciant de l’information transmise la veille relativement à sa fin d’emploi.

[15]        C’est la seule information transmise par courriel par l’intimé à C.T. en cette date du 22 juillet 2011.

 

 

[16]        Cependant, aux notes personnelles de l’intimé (pièce P-3, onglet 3), il y est mentionné que l’intimé aurait eu, lors de cette conversation téléphonique, une discussion avec C.T. relativement à son profil d’investisseur et quant à la répartition de la somme que C.T. recevrait à titre de prime de départ.

[17]        Par la suite, le 25 juillet 2011, C.T. fait parvenir à l’intimé un courriel lui demandant à quel endroit le chèque de fin d’emploi devait être envoyé.

[18]        Toujours en date du 25 juillet 2011, l’intimé indique à C.T. que les chèques devront être envoyés à la succursale de Pointe-Claire et non pas au siège social de l’organisation à  Winnipeg.

[19]        En date du 3 août 2011, l’intimé fait parvenir à C.T. un courriel lui demandant quand les chèques devraient arriver.

[20]        Le 22 août 2011, à nouveau, l’intimé demande par courriel à C.T. quand il devrait recevoir les chèques.

[21]        À cette même date du 22 août 2011, l’adjointe de l’intimé fait parvenir à C.T. un courriel lui indiquant que les chèques étaient arrivés et que la somme reçue de 61 000 $ serait déposée sans indiquer comment elle serait investie.

[22]        Vers la fin août 2011, C.T. appelle l’adjointe de l’intimé et celle-ci lui indique que la somme de 61 000 $ transmise par chèque le 22 août 2011 avait été investie dans des fonds mutuels.

[23]        C.T. informe alors l’adjointe de l’intimé qu’elle ne comprenait pas comment ces investissements avaient été faits sans qu’elle en ait discuté préalablement avec l’intimé.

[24]        À la même date, l’intimé rappelle C.T. et lui mentionne que l’autorisation d’investir lui avait été donnée lors de sa conversation téléphonique qu’il avait eue avec elle le 22 juillet 2011.

[25]        C.T. indique alors à l’intimé qu’en ce qui la concerne, elle ne lui avait pas donné d’autorisation de ce faire.

[26]        Le 5 octobre 2011, une première rencontre a eu lieu entre l’intimé et C.T., et ce n’est qu’à ce moment que l’intimé prépare un profil d’investisseur de C.T. (pièce P-3, onglet 4).

[27]        Le 20 octobre 2011, une conversation téléphonique a eu lieu entre l’intimé et C.T. où cette dernière indique à l’intimé qu’elle veut sortir d’IG la somme investie de 61 000 $.

[28]        En date du 26 octobre 2011, un échange de courriels est effectué entre l’intimé et C.T. où il est question de la prétendue autorisation préalable donnée par C.T. à l’intimé pour investir les fonds dans des fonds mutuels (pièce P-4C).

[29]        Par la suite, le 27 octobre 2011, un autre échange de courriels a lieu entre C.T. et l’intimé où notamment C.T. informe l’intimé qu’elle veut retirer ses fonds (pièce P-4C).

[30]        Le 31 octobre 2011, C.T. communique avec monsieur Raymond Massa d’IG pour se plaindre du travail de l’intimé et ce dernier lui mentionne de documenter le tout.

[31]        Le 1er novembre 2011, tel que demandé la journée précédente, C.T. fait parvenir à monsieur Raymond Massa un courriel explicitant la séquence des faits pertinents à la présente affaire (pièce P-3, onglet 8).

[32]        Le 30 janvier 2012, IG informa C.T. du rejet de sa plainte contre l’intimé (pièce P‑3, onglet 8).

[33]        Par la suite, le dossier de C.T. fut référé à l’AMF et une enquête a été faite par le bureau de la plaignante, laquelle enquête a mené à la plainte disciplinaire dans le présent dossier.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[34]        L’intimé est accusé tout d’abord de ne pas avoir effectué une mise à jour du profil d’investisseur de C.T. avant de lui faire souscrire des fonds communs de placement contrairement à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

[35]        De plus, il lui est reproché de ne pas avoir fourni à C.T. de façon complète et objective l’information requise et pertinente à la compréhension et l’appréciation du choix des fonds communs de placement auxquels il lui a fait souscrire, le tout aussi contrairement aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 7, 10, 14 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

[36]        La plaignante avait donc le fardeau de prouver par prépondérance la commission par l’intimé des deux (2) infractions reprochées.

[37]        Tel qu’enseigné par la jurisprudence, le comité doit se remémorer que les faits devant être prouvés doivent dépasser le seuil de la possibilité et s’avérer probables.  Cette preuve doit être claire et convaincante pour satisfaire aux critères de la prépondérance de probabilité[1].

 

QUANT AU CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 1

[38]        Lorsque le dossier de C.T. a été transféré à l’intimé, il existait un profil d’investisseur de C.T. préparé par le conseiller antérieur, M. Meir Rabkin, en date du 22 mai 2008 (pièce P-3, onglet 1).

[39]        L’intimé a été mis en charge du dossier de C.T. le 17 mai 2011 suite au départ de son collègue, M. Rabkin.

[40]        C.T. a communiqué avec l’intimé le 31 mai 2011 pour lui mentionner qu’elle allait perdre son emploi chez IBM.

[41]        Par la suite, les 21 et 22 juillet 2011, des conversations téléphoniques ont lieu entre C.T. et l’intimé et elle indique alors à l’intimé qu’elle terminera son emploi le 29 juillet 2011.

[42]        Le 22 août 2011, l’adjointe de l’intimé reçoit et dépose la somme de 61 000 $ correspondant à l’indemnité de fin d’emploi de C.T. chez IBM.

[43]        Le 25 août 2011, l’intimé investit pour le bénéfice de C.T. ladite somme de 61 000 $ dans le marché monétaire.

[44]        Par la suite, le tout est investi le 29 août 2011 selon la répartition et le profil financier de C.T. effectué à l’époque par le conseiller antérieur (pièce P-3, onglet 1).

[45]        Entre le moment où l’intimé devient responsable du dossier de C.T., soit le 17 mai 2011, et le moment où la somme de 61 000 $ est investie par l’intimé pour le bénéfice de C.T., soit le 29 août 2011, l’intimé n’a  pas préparé un profil d’investisseur de C.T.

[46]        Il prétend plutôt que le profil financier effectué par son prédécesseur en mai 2008 était toujours adéquat et suffisant et cela nonobstant le fait que C.T. allait perdre son emploi.

[47]        Sachant qu’elle allait perdre son emploi, il devient évident pour C.T. qu’elle devait être plus conservatrice au niveau de ses investissements.

[48]        Elle indique que l’intimé n’a jamais discuté de sa tolérance aux risques avant sa rencontre avec lui le 5 octobre 2011.

[49]        L’intimé mentionne à son témoignage que c’est lors de la conférence téléphonique du 22 juillet 2011 qu’il a discuté avec C.T. toute la question de sa tolérance aux risques et de la répartition de ses avoirs avec IG[2].

[50]        C.T. indique qu’il n’a aucunement été discuté de ce point lors de cette conversation téléphonique et qu’au contraire, ce n’est que le 5 octobre qu’elle en a discuté avec l’intimé,  soit après que l’investissement eut été fait par l’intimé et que C.T. lui eut indiqué son mécontentement étant donné que selon elle, elle n’avait pas donné son autorisation pour un tel investissement.[3]

[51]        D’ailleurs, le document intitulé « Personal Financial Review » daté du 5 octobre 2011 (pièce P-3, onglet 4) préparé par l’intimé confirme que ce n’est qu’à ce moment que les perspectives d’investissement et la tolérance aux risques de C.T. ont été établies par écrit par l’intimé.

[52]        C.T. indique aussi que ce n’est qu’à ce moment-là que l’intimé a discuté avec elle d’un aperçu de ses besoins financiers.

[53]        Le comité ne croit pas l’intimé quand il prétend qu’il a verbalement effectué une mise à jour du profil d’investisseur de C.T. lors de la conversation téléphonique du 22 juillet 2011 avec C.T.

[54]        Cette assertion est non seulement niée par C.T., mais en plus, aucune preuve documentaire n’existe pour venir confirmer la prétention de l’intimé.

[55]        Le comité considère inconcevable que sur un point aussi important que l’établissement de l’aperçu des besoins financiers de C.T., l’intimé n’ait pas à tout le moins confirmé par écrit le contenu de sa conversation téléphonique à ce sujet avec C.T.

[56]        Cette situation est d’autant plus difficile à concevoir, compte tenu que le dossier de C.T. reçu par l’intimé de son prédécesseur était plutôt mince et dénudé, et ce de l’aveu même de l’intimé[4].

[57]        Cette constatation avait aussi été mentionnée par l’intimé à son superviseur, tel qu’il appert du courriel du 30 janvier 2011 (pièce P-3, onglet 6).

[58]        Ce superviseur s’exprimait ainsi à ce courriel lorsqu’elle a informé l’intimé du rejet de la plainte présentée par C.T. :

“We understand that you inherited this client from Meir Rabkin and that you noted the client file was “thin” if the client elects to remain an Investors Group client, we would recommend that you repaper the file to include an updated client application, KYC update form etc.

[nos soulignés]

[59]        Le comité considère que l’intimé a fait défaut de bien connaître sa cliente et qu’il aurait dû, dès le début de son implication dans le dossier de C.T., faire une mise à jour du profil d’investisseur de C.T.

[60]        Par conséquent, le comité est d’opinion que la plaignante s’est déchargée de son fardeau et a démontré par prépondérance de preuve que l’intimé a fait défaut entre juillet 2011 et août 2011 de connaître sa cliente en omettant d’effectuer une mise à jour de son profil d’investisseur avant de lui faire souscrire à des fonds communs de placement pour un montant approximatif de 61 000 $.

QUANT AU CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 2

[61]        Pour ce chef d’accusation, le comité doit déterminer si l’intimé a fourni à C.T., de façon complète et objective, l’information requise et pertinente à la compréhension et à l’appréciation des choix des fonds communs de placement auxquels il lui a fait souscrire.

[62]        L’intimé prétend que le tout a été discuté lors de sa conversation téléphonique avec C.T. le 22 juillet 2011.

[63]        C.T. nie qu’une telle conversation a eu lieu avec l’intimé à cette date-là :

« PAR ME MAGEAU

But if I understand well what you’re saying, it is possible that you had that discussion with him?

A       No. If it was possible I had that discussion, I wouldn’t be so shocked.

Q       So what you’re telling us, it is not possible that that conversation happened with Mister Aron with respect to the authorization to invest?

A       I did not give him, I did not agree on any allocation with him.

Q       OK. That’s what you’re saying?

A       Right.

Q       Today.

A       Right. »[5]

[64]        C.T. indique qu’elle se souvient de la conversation téléphonique du 22 juillet 2011 mais nie que l’intimé lui ait alors dit que le tout serait investi selon la répartition établie en 2008 par le prédécesseur de l’intimé.

[65]        Au contraire, elle mentionne qu’il était plutôt prévu que lorsque la somme de 61 000 $ serait reçue par l’intimé, il y aurait par la suite une rencontre ou discussion avec ce dernier afin de déterminer comment le montant serait investi.

[66]        D’ailleurs, le courriel de l’adjointe de l’intimé en date du 22 août 2011, confirmant la réception de la somme de 61 000 $, ne fait qu’indiquer que ladite somme serait déposée à son RÉER la journée même, sans indiquer comment l’investissement serait effectué.  Le courriel se lit comme suit (pièce P-4B) :

“Hi,

I am writing to inform you that your IBM cheque has, indeed, just arrived at our offices, and that you do not need to follow-up with them.  The cheque (for $61,000) will be deposited into your RRSP account today.

Have a good day,”

                                                                                                                     [nos soulignés]

[67]        Par la suite, vers la fin août, lorsque C.T. communique avec l’adjointe de l’intimé, elle apprend que la somme de 61 000 $  a été investie dans des fonds communs de placement et ce, avant même que C.T., selon elle, eut une discussion à cet effet avec lui.

[68]        La même journée, l’intimé a communiqué avec C.T. pour lui dire qu’il avait effectivement investi la somme de 61 000 $ conformément à l’allocation existant déjà au dossier et comme il avait été discuté avec elle, selon lui, le 22 juillet 2011.

[69]        Tel que mentionné plus haut, ce n’est que le 5 octobre 2011 qu’une première rencontre a lieu entre l’intimé et C.T.

[70]        Lors de cette rencontre, C.T. indique à l’intimé qu’elle ne lui avait pas donné l’autorisation d’investir comme il avait fait et ce dernier lui a mentionné à nouveau qu’il l’avait fait conformément à la discussion qu’il avait eue avec elle le 22 juillet 2011.

[71]        Le moins que l’on puisse dire est qu’il existait un manque évident de communication entre l’intimé et sa cliente C.T.

[72]        Tel que mentionné plus haut, lors des échanges courriels des 26 et 27 octobre 2011 (pièce P-4C), suite à la demande de C.T., l’intimé n’a jamais été en mesure de fournir à C.T. une confirmation par courriel de la répartition à être faite des fonds reçus par l’intimé.

[73]        L’intimé insiste beaucoup sur ses notes personnelles (pièce P-3, onglet 3) pour prétendre qu’il avait fourni de façon complète et objective l’information pertinente à C.T. pour bien apprécier le choix d’investir dans les fonds communs de placement.

[74]        Comme on sait, les notes personnelles de l’intimé sont des papiers domestiques au sens des articles 2832 et 2833 du Code civil du Québec et la seule production d’un tel papier domestique par son auteur n’est pas suffisante pour faire la preuve de son contenu comme nous l’enseigne la jurisprudence et les auteurs[6].

[75]        Le comité ne croit pas l’intimé lorsqu’il prétend que c’est lors de la conversation téléphonique du 22 juillet 2011, qu’il a transmis verbalement à C.T. toute l’information nécessaire et pertinente pour qu’elle apprécie bien les choix de placements qu’il lui faisait souscrire.

[76]        Le comité considère qu’il est inconcevable que l’intimé n’ait pas confirmé par courriel cette conversation téléphonique du 22 juillet 2011 avec C.T. sur un point aussi important que celui d’informer adéquatement et pleinement sa cliente avant d’effectuer un investissement qui aurait une conséquence importante sur sa situation financière, d’autant plus qu’elle perdait alors son emploi.

[77]        De plus, il est à tout le moins surprenant qu’en date du 29 août 2011, il répartisse la somme de 61 000 $ reçue de C.T. conformément à des discussions et instructions ayant eu lieu en fait plus d’un (1) mois avant la date de l’investissement.

[78]        Enfin, le fait que l’intimé ne rencontre personnellement C.T. que le 5 octobre 2011, soit près de cinq (5) mois après que son dossier lui eut été confié, laisse le comité perplexe quant à sa rigueur professionnelle.

[79]        En se rappelant que la preuve doit être toujours claire et convaincante pour satisfaire aux critères de la prépondérance de la preuve des probabilités, le comité arrive à la conclusion qu’en l’espèce, la plaignante est parvenue à se décharger de son fardeau.

[80]        Le comité considère donc que l’intimé a commis l’infraction décrite au chef nunéro 2 de la plainte.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARER l’intimé coupable des deux (2) chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire.

 

 

CONVOQUE les parties, avec l’assistance du secrétaire du comité de discipline, à une audition sur sanction.

 

 

 

 

 

(s) Claude Mageau___________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Sylvain Jutras____________________

M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

Me Mathieu Cardinal

CDNP Avocats Inc.

Procureurs de la partie plaignante

 

Dan Aron

Partie intimée et se représente seul

 

Dates d’audience :

20 et 21 janvier 2015

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1064

 

DATE :

24 août 2016

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Claude Mageau

Président

Mme Monique Puech

Membre

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

 

DAN ARON, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 164682 et numéro BDNI 1596831)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

                Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom de la consommatrice concernée et de toutes informations permettant de l’identifier.

[1]           Suite à la décision sur culpabilité rendue le 9 mars 2016 (la « décision sur culpabilité »), le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») s’est réuni le 11 mai 2016 au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo‑Pariseau, 26e étage, Montréal, pour procéder à l'audition sur sanction du présent dossier.

[2]           La plaignante était représentée par Me Mathieu Cardinal alors que l’intimé se représentait seul.

[3]           Le procureur de la plaignante et l’intimé ont indiqué au comité qu’ils n’avaient pas de témoin à faire entendre, mais seulement des représentations à faire.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           Le procureur de la plaignante dépose d’abord comme pièce SP-1 l’attestation de droit de pratique à jour de l’intimé.

[5]           L’intimé est représentant de courtier en épargne collective depuis le 19 avril 2005 et conseiller en assurance de personnes depuis le 17 avril 2007.

[6]           Le procureur de la plaignante suggère au comité qu’une amende de 4 000 $ soit ordonnée sous chacun des deux (2) chefs d’accusation de même que le paiement des débours conformément à l’article 151 du Code des professions.

[7]           Le procureur de la plaignante reprend succinctement l’ensemble des circonstances des infractions pour lesquelles l’intimé a été trouvé coupable et qui sont décrites à la décision sur culpabilité.

[8]           Par la suite, il présente au comité ce qu’il considère être en l’espèce les facteurs atténuants et aggravants.

[9]           À titre de facteurs atténuants, il souligne les éléments suivants :

-       Absence d’antécédent disciplinaire;

-       Il s’agit d’un épisode isolé et une seule victime est impliquée;

-       Le geste n’est pas marqué de malhonnêteté ou de mauvaise foi mais a été plutôt causé par la négligence et le manque de rigueur de la part de l’intimé;

-       La gravité objective des infractions reprochées est moins importante étant donné qu’il y avait déjà au dossier de la consommatrice une évaluation des besoins financiers de la consommatrice faite par le prédécesseur de l’intimé.

[10]        Pour ce qui est des facteurs aggravants, le procureur de la plaignante souligne ce qui suit :

-       Un préjudice pécunier de 9 146,89 $ causé à la consommatrice, à savoir la somme correspondant aux frais de rachat;

-       La consommatrice avait perdu son emploi et était donc vulnérable au niveau financier;

-       L’intimé n’a rencontré personnellement la consommatrice que cinq (5) mois après avoir obtenu le dossier de son collègue;

-       La note de complaisance rédigée par l’intimé (pièce P-1) est une note qui a été rédigée pour se protéger alors qu’au contraire, il devait protéger la consommatrice.

[11]        Par la suite, le procureur de la plaignante dépose les autorités pour appuyer sa position[7].

 

 

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[12]        L’intimé dépose tout d’abord comme pièce SI-1 un document qui constitue son argumentaire :

« CSF Hearing May 11th 2016

1)    I’ve been a fully compliant licensed advisor for 11 years this being the first time I’m in front of the disciplinary committee

 

2)    I have in excess of 200 satisfied clients with approximately $30M in assets under management and I have never had any such complaint from any of my clients in 11 years which speaks to the professionalism in which I run my practice.  In this case this was a complaint from a client that I inherited from an outgoing Investors Group advisor which originally was not my client.

 

3)    I fully cooperated with both the Investors Group compliance which originally denied C. T.’s complaint based on the same evidence that was provided to the disciplinary committee

 

4)    The handwritten file notes which were my primary proof and evidence in this case were deemed as acceptable by IG compliance but not by the CSF

 

5)    I believe these two infractions should be treated as one infraction as the evidence documented in the file notes July 22nd 2011 refers to the same conversation where we discussed both the KYC update as well as the allocation of her severance of $61k which are highly related

 

6)    If the KYC needed to be updated prior to these trades being accepted by Investors Group, I was never advised of this by the IG compliance department in which case I would have immediately sent a KYC to the client to be signed in order to update her file

 

7)    I have now incorporated in my practice that all KYC’s need to be up to date prior to making deposits or trades.  If the client makes a verbal request or a phone discussion takes place either myself or my assistant will always follow up with an email confirmation to avoid any such misunderstandings in the future »

[13]        L’intimé mentionne que la perte économique de 9 146,89 $ de la consommatrice correspondant aux frais de rachat (DSC) ne peut lui être attribuée car ces frais sont liés à la nature du fonds investi, décision qui était celle de son représentant antérieur.

[14]        Par conséquent, quant au chef d’accusation numéro 1, l’intimé suggère que le comité le condamne au paiement de l’amende minimale de 2 000 $ assortie d’un délai de douze (12) mois pour la payer.

[15]        Pour ce qui est du deuxième chef d’accusation, l’intimé considère que la sanction adéquate devrait être une réprimande compte tenu que les deux (2) infractions reprochées concernent une seule et unique transaction.

[16]        En fait, l’intimé, sans le mentionner expressément, demande au comité d’appliquer le principe de la globalité des sanctions et de lui imposer une réprimande quant au chef d’accusation numéro 2.

ANALYSE ET MOTIFS

[17]        L’intimé a été déclaré coupable par le comité d’avoir dans un premier temps omis d’effectuer une mise à jour du profil d’investisseur de C.T. et dans un deuxième temps de ne pas lui avoir fourni, de façon complète et objective, l’information requise et pertinente à la compréhension et à l’appréciation du choix des fonds communs de placement auxquels il lui a fait souscrire.

[18]        À la décision sur culpabilité, le comité n’a pas cru l’intimé lorsqu’il a prétendu avoir eu une conférence téléphonique le 22 juillet 2011 et avoir alors discuté avec C.T. toute la question de sa tolérance aux risques et de la répartition de ses avoirs avec Investors Group.

[19]        Au contraire, le comité a plutôt cru C.T. à l’effet que ce n’était que le 5 octobre 2011 qu’elle a en fait discuté avec l’intimé de ces deux (2) éléments, soit bien après que l’investissement eut été fait par l’intimé le 29 août 2011 et qu’elle lui eut indiqué par après son mécontentement compte tenu qu’elle n’avait pas donné son autorisation pour un tel investissement.

[20]        Tel que mentionné par la jurisprudence, la sanction à être imposée doit prendre en compte tous les facteurs objectifs et subjectifs propres au dossier[8].

[21]        La sanction disciplinaire doit aussi protéger le public, dissuader le professionnel de récidiver, constituer un exemple à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient tenter de poser des gestes semblables et enfin tenir compte du droit par le professionnel visé d’exercer sa profession[9].

[22]        Il est vrai que l’intimé n’est pas entièrement responsable de la perte économique de C.T. reliée aux frais de rachat de l’investissement compte tenu qu’il n’était pas le représentant à l’origine au moment de l’investissement fait par celle-ci.

[23]        Il n’en demeure pas moins que l’intimé est à tout le moins partiellement responsable de cette perte, entre autres, en raison du bris de confiance qu’il a lui-même provoqué en commettant les deux (2) infractions reprochées.

[24]        De plus, le comité n’est pas d’accord avec l’intimé à l’effet qu’il s’agisse d’une seule transaction et qu’en vertu du principe de la globalité des sanctions, une réprimande devrait lui être imposée en ce qui concerne le deuxième chef d’accusation.

[25]        Le comité ne peut accepter une telle proposition étant donné qu’à la décision sur culpabilité, il est arrivé à la conclusion que l’intimé n’avait pas lors d’une conversation téléphonique avec C.T. le 22 juillet 2011 révisé son profil d’investisseur comme il le prétendait.

[26]        Ainsi, l’intimé a commis deux (2) infractions complètement différentes et il a été trouvé coupable par le comité de les avoir commises.

[27]        De plus, le comité considère que l’intimé n’a pas fait montre d’humilité et de compassion lors de ses représentations sur sanction en ne reconnaissant pas vraiment sa faute et en n’exprimant pas de regret à l’égard de C.T.

[28]        Par conséquent, le comité est d’opinion qu’une réprimande quant au chef numéro 2 n’est pas une sanction appropriée.

[29]        Compte tenu des éléments objectifs et subjectifs propres au dossier, de l’ensemble des circonstances et des autorités soumises, le comité n’a aucune hésitation à accepter la suggestion faite par le procureur de la plaignante quant à la sanction à être imposée à l’intimé.

[30]        Le comité condamnera donc l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ sous chacun des deux (2) chefs d’accusation, aux débours conformément à l’article 151 du Code des professions et il lui accordera un délai de douze (12) mois pour payer ceux-ci.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ sous le chef d’accusation numéro 1;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ sous le chef d’accusation numéro 2;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour effectuer le paiement desdites amendes;

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

 

 

(s) Claude Mageau___________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(s) Monique Puech___________________

Mme MONIQUE PUECH

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Sylvain Jutras____________________

M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

Me Mathieu Cardinal

CDNP Avocats Inc.

Procureurs de la partie plaignante

 

Dan Aron

Partie intimée et se représente seul

 

Date d’audience :

11 mai 2016

 

A0742

A1022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1] Luc Vaillancourt c. Guylaine Mallette et Nancy Trudel, [2012] Q.C.T.P. 64.

[2] Témoignage de l’intimé le 20 janvier 2015, p. 190.

[3] Témoignage de C.T. le 20 janvier 2015, pp. 70-71.

[4] Témoignage de l’intimé le 20 janvier 2015, contre-interrogatoire, p. 203.

[5] Témoignage de C.T. du 20 janvier 2015, ré-interrogatoire par Me Cardinal, page 119, ligne 15 à page 120, ligne 4.

[6] Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, no 392, pp. 270‑271; Desmarteau c. Ontario Lottery and Gaming Corporation, [2013] QCCQ 2090.

[7] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (C.A.); Thibault c. Beaudoin, CD00-0765, 18 mars 2011 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Dozois, CD00-1051, 16 avril 2015 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Morin, CD00‑1093, 5 février 2016 (C.D.C.S.F.); Champagne c. Djebbari, CD00-1116, 1er octobre 2015, C.D.C.S.F.); Champagne c. Vendramini, CD00-1026, 6 mars 2015 (C.D.C.S.F.).

[8] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (C.A.), paragr. 39.

[9] Id. paragr. 38.

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